Quelques cas de positions erronées
présentes parmi les groupes se considérant marxistes-léninistes

URCF

PCRF

Communistes/PRC

Quelques remarques générales

*

URCF

L’URCF, dès le départ, met explicitement en avant le contrôle ouvrier comme enjeu programmatique de la lutte pour la révolution [1] :

L’URCF combat stratégiquement pour renverser le capitalisme source des maux dont souffre l’immense majorité de la population au moyen de la révolution socialiste. […] Le programme de l’URCF part des préoccupations et souffrances du peuple-travailleur, de la nécessité de réponses immédiates sans attendre la révolution. Deux lignes forces sont présentes dans notre programme. L’une d’elle est la bataille contre les privatisations et pour la nationalisation sans indemnisation et avec contrôle ouvrier des monopoles casseurs d’emploi ou qui « couvrent » les besoins vitaux de la population. Cette bataille exacerbera toutes les contradictions du système capitaliste, si les communistes jouent pleinement leur rôle, des millions de travailleurs se poseront la question du bris de l’État capitaliste, obstacle ultime à leur émancipation sociale. Cette lutte quotidienne contre le néo-libéralisme constituera toute une époque historique, le processus de luttes nationales et internationales qui prépareront la révolution anticapitaliste et la seule alternative au capitalisme : le socialisme!

Il est expliqué en long et en large qu’il ne s’agit pas d’un mot d’ordre propagandiste, mais d’une revendication qu’il faut transformer en réalités dès maintenant, au moyen de luttes [2] :

La nationalisation sans indemnisation et avec contrôle ouvrier des monopoles casseurs d’emplois est l’un de ces axes transitoires à l’expropriation finale des expropriateurs. Dans cette exigence tous les termes sont importants et indissociables. « Sans indemnisations » car il s’agit bien de sanctionner des propriétaires capitalistes qui n’hésitent pas, forts de leur propriété, à sacrifier des emplois, des vies humaines, des villes et des régions pour satisfaire leur soif de profit maximum. […] Cette exigence a pour but de montrer que le système capitaliste n’est pas la fin de l’histoire, que la classe ouvrière et les autres catégories de travailleurs sont aptes à diriger le pays contre la bourgeoisie monopoliste et sans elle! « Avec Contrôle ouvrier ». L’expropriation est une mesure de justice sociale, mais indissociable de l’exigence de contrôle ouvrier; ce qui a fait défaut dans la vague de nationalisations de 1945‑47 (avec de plus, indemnisations et rentes à vie des capitalistes) ce fut l’absence de contrôle ouvrier pour vérifier la gestion de l’entreprise, mobiliser les travailleurs afin de dénoncer publiquement les salaires scandaleux des cadres dirigeants, l’affairisme, les investissements impérialistes à l’étranger, la recherche de la rentabilité financière. […] Cette exigence revêt un caractère anticapitaliste puisqu’elle s’attaque (sans encore la supprimer) à la propriété capitaliste, aux diktats totalitaires de l’Union européenne qui interdisent de fait les nationalisations démocratiques, sans indemnisations. Cette exigence anticapitaliste se vérifie aussi dans le fait qu’elle ne pourra que résulter des luttes de classes d’ampleur exerçant une pression maximale sur les gouvernements bourgeois de droite ou de « gauche ». […]

Il y a des précautions de langage :

La question de la transition (des voies transitoires) à la Révolution est donc décisive. La transition n’est pas une étape préalable où les communistes dilueraient momentanément leur but final […].[…] la nature de classe des nouvelles entreprises nationalisées. Elles ne constitueront pas des « îlots de socialisme » et relèveront du capitalisme d’État puisque l’État et les autres entreprises restent aux mains de la classe capitaliste.

Pourtant, ce seront bel et bien des ilots, mais où les travailleurs s’exerceront comme dans un laboratoire à une activité censée préfigurer l’édification socialiste :

Avec le contrôle ouvrier, la classe ouvrière et les travailleurs seront à bonne école pour forger leur rôle dirigeant ultérieur dans la société socialiste de demain. […] Toutefois ces entreprises nationalisées où les emplois seront sauvés, l’activité productive relancée, les besoins en partie satisfaits pourront servir d’exemple pour conscientiser l’ensemble du monde du travail sur la compréhension que l’avenir et le salut ne se situent pas dans un « bon repreneur » ou dans de « bonnes indemnités » mais dans le combat permanent contre la propriété capitaliste des moyens de production, par le processus qui en posant en dernière instance et en solutionnant la question de l’État conduira des nationalisations de certaines entreprises à l’exigence de socialisation de l’ensemble de l’économie, liquidant ainsi le capitalisme.[…]

On se demande quel rêve a pu illuminer les auteurs voyant « ces entreprises nationalisées où les emplois seront sauvés, l’activité productive relancée, les besoins en partie satisfaits ». En tout cas, dans ce rêve, les ilots émergent de plus en plus de l’eau, agrandissant la surface de la terre ferme jusqu’à ce que les travailleurs passent à l’assaut pour faire disparaitre définitivement l’océan capitaliste :

Puis qualitativement par effet de « contagion », cette exigence de nationalisation sans indemnisation s’élargira toujours plus dans la classe ouvrière jusqu’à poser dans tout le pays la question de la liquidation de la propriété monopoliste, la question du remplacement de l’État capitaliste à briser par le pouvoir ouvrier et populaire, la question du passage de la nationalisation à la socialisation.

PCRF

Le PCRF, après l’intermède de ralliement à l’organisation Communistes transformée à cette occasion en PRC, a reconstitué une « URCF nouvelle » renouant en bonne partie avec la continuité avec l’URCF de première génération.

Un texte intitulé « La question des nationalisations aujourd’hui » revient sur ce sujet [3]. Certaines formulations sont reprises à l’identique des documents antérieures :

La découverte des moyens et voies qui font prendre conscience à la majorité des travailleurs (concept politique et non arithmétique) que le renversement du capitalisme est la solution pour se débarrasser des maux dont ils souffrent.

[…]

Toutefois ces entreprises nationalisées, où les emplois auront été sauvés par la lutte, l’activité productive relancée, les besoins en partie satisfaits par une lutte qui devra continuer, pourront servir d’exemple pour conscientiser l’ensemble du monde du travail sur la compréhension que l’avenir et le salut ne se situent pas dans un « bon repreneur » ou dans de « bonnes indemnités », mais dans le combat permanent contre la propriété capitaliste des moyens de production, par le processus qui, en posant en dernière instance et en solutionnant la question de l’État, conduira des nationalisations de certaines entreprises à l’exigence de socialisation de l’ensemble de l’économie.

[…]

Cette exigence de nationalisation sans indemnisation revêt bien un caractère anticapitaliste puisqu’elle s’attaque (sans encore la supprimer) à la propriété capitaliste, aux diktats totalitaires de l’Union européenne qui interdisent de fait les nationalisations démocratiques, sans indemnisations.

Mais l’exposé est devenu plus nuancé.

La découverte des moyens et voies qui font prendre conscience à la majorité des travailleurs […] est la question la plus difficile pour les communistes. Les dogmatiques ne savent pas répondre à cette question, ils disent seulement qu’il faut faire la Révolution… ; certes, mais comment, on ne saura jamais. […] Les opportunistes de droite, eux, déconnectent les objectifs intermédiaires (tactiques) du but final révolutionnaire (stratégique). Mais tous les mots d’ordre portent en eux ces déviations. Celui de nationalisation a ceci de particulier qu’il a été utilisé par de nombreux PC et qu’il convient d’en tirer des leçons en même temps que de tenir compte de la situation actuelle. Remettre en cause la propriété privée capitaliste et appréhender la question de l’État comme dictature des monopoles, voilà deux fondements de la politique communiste révolutionnaire. La nationalisation peut permettre d’être sur ces deux terrains en même temps, mais il faut, nous semble-t-il, parvenir à déjouer plusieurs écueils et tenir compte de la situation concrète.

D’une part, l’écueil d’une nationalisation par en haut. […] Ce mot d’ordre [la nationalisation] ne peut nous intéresser que si les salariés d’une entreprise l’obtiennent par la lutte. […] Nous voulons que ce soient des luttes de travailleurs pour sauver leurs emplois, qui gagnent une nationalisation. Nous voulons que ce soit le travail politique communiste auprès de travailleurs dont l’usine est menacée de fermeture partielle ou totale, qui les pousse à reprendre le mot d’ordre et à lutter pour sa réalisation. C’est cette lutte en soi, l’expérience des ouvriers pour gagner la nationalisation en touchant du doigt les questions de propriété et de l’État bourgeois qui donne au mot d’ordre un caractère progressiste et révolutionnaire. Ce sera le bien le plus précieux de la lutte (si le PC fait son travail) et qui va continuer, perdurer directement contre l’État capitaliste qui dirige la nouvelle entreprise. […]

D’autre part, l’écueil d’un mot d’ordre « hors-sol »

L’autre écueil, lié au premier, est celui d’un mot d’ordre de nationalisation calqué à toutes les entreprises et sans travail concret avec les travailleurs sur le modèle d’un soutien passif de la classe ouvrière à une échéance électorale. Il ne s’agit pas de plaquer un schéma tout fait, préétabli, consistant à revendiquer partout ce mot d’ordre ; nous pouvons partir de la base, le poser et agir dans les entreprises où les travailleurs luttent pour leur droit à l’emploi, droit fondamental, violé par le Capital, dans les entreprises où les travailleurs reprennent, même partiellement, un mot d’ordre s’attaquant à la propriété capitaliste. […]

Le mot d’ordre de nationalisation ne doit donc pas être surestimé et à notre sens, il ne peut être qu’un moment de la lutte contre le capitalisme, combiné aux autres campagnes et axes de lutte du Parti, formant toute une période du processus révolutionnaire historique jusqu’au bond qualitatif de la Révolution, du bris de l’État et de la construction de l’État prolétarien. Pour mieux orienter cet axe de lutte vers son caractère progressiste, il est sans doute important de gagner une nationalisation sans indemnisation et avec contrôle ouvrier. […] De même, cette exigence contrarie la politique mondiale des monopoles, principalement néo-libérale depuis des décennies, même si un retour à néo-keynésianisme fût-il « vert », n’est pas à écarter. Sans oublier que cette lutte […] pose la question de l’existence, sous le socialisme, des activités de production comme l’industrie par exemple.

Ce mot d’ordre de nationalisation est donc compliqué à mettre en œuvre, c’est un élément à prendre en compte si le Parti l’utilise dans les masses. Il peut également réactiver des positions opportunistes dans le mouvement ouvrier, d’autant plus si le facteur subjectif (le Parti et les masses conscientes) est faible, comme c’est le cas dans beaucoup de pays dont la France.

Mais toute pratique présente un danger d’opportunisme, qui a sa source dans le système impérialiste lui-même. Si la revendication de nationalisations sans indemnisations n’est pas reliée à une stratégie anticapitaliste jusqu’au bout (la conquête du pouvoir d’État), les nationalisations échoueront dans l’objectif d’organiser la classe ouvrière contre le capitalisme et ses ennemis de classe. Les marxistes ne peuvent s’effrayer des dangers opportunistes inhérents à tout mot d’ordre. Celui de nationalisation permet de diriger ses coups à la fois contre la propriété et contre l’État. Son degré de progressisme dépend du rapport de force et de la qualité du travail du Parti Communiste, en s’initiant sous le capitalisme, cet axe de lutte ne prendra tout son sens qualitatif qu’après la Révolution jusqu’à l’expropriation finale des expropriateurs.

Communistes/PRC

Le cas de Communistes/PRC est instructif, dans la mesure où il met en évidence la vanité de certaines tentatives d’unification, entreprises à partir d’une aspiration à l’unité érigée en objectif à priori, en dehors d’une évaluation préalable circonstanciée des tenants et des aboutissants d’une telle décision.

La création en 2000 de l’organisation « Communistes » est essentiellement motivée par le dépit que ressentent de nombreux militants au sein du PCF [4] :

Le 30ème congrès du PCF a confirmé que ce parti a renoncé à la lutte des classes et qu’il s’est enfoncé dans la gestion du capitalisme. Il n’existe plus en France de parti révolutionnaire. Un coup sévère a été porté au peuple français. […] Il faut une organisation politique révolutionnaire moderne, ancrée dans la réalité d’aujourd’hui. C’est pourquoi nous créons une structure répondant à cette nécessité.

Certes, Communistes affirme quelques vérités, telles que :

Le capitalisme est incapable de résoudre les problèmes posés à l’humanité.

Mais le flou règne quand il s’agit des positions de principe.

[…] nous avons créé une nouvelle organisation politique. Nous l’avons appelée « Communistes » car c’est au nom de ces valeurs, de cet idéal que nous agissons. […]

Le but de « Communistes » : […] Nous sommes le nombre, unis nous représentons une force considérable. Si nous nous unissons, nous avons les moyens de gagner. Ce qui fera bouger les choses c’est l’action. L’action pour repousser les attaques du capital et du gouvernement, l’action pour imposer de nouvelles revendications, obtenir de nouveaux droits, l’action pour vivre dignement de son travail. […] Nous affirmons qu’en France les moyens existent pour engager une grande politique sociale. […] Pour faire une politique dans l’intérêt de la classe ouvrière et du peuple, il faut en avoir la volonté, il faut s’attaquer aux capitalistes, il faut « faire payer les riches » comme on disait en 1936. […]

Pourtant, on note des signes de bonnes intentions : « Une analyse scientifique ne doit rien négliger. » Mais les phrases qui suivent immédiatement cette annonce tranchent dans le mauvais sens :

Nous ne voulons rien passer sous silence, ni les défauts ni les tares de l’Union Soviétique ni les crimes du stalinisme. Nous savons que les atteintes à la démocratie s’étaient développées de plus en plus et que la contrainte devenait la règle. Nous savons que la plupart des dirigeants formaient une caste éloignée du peuple. Nous savons que le PCUS était devenu le refuge d’une nomenklatura qui ne pensait qu’à ses intérêts.

Il s’avère que le passage à la société future telle que la conçoit Communistes saute allègrement au-delà de phase de la dictature du prolétariat :

L’Union Soviétique a disparu mais les idées d’émancipation sociale demeurent. Elles se heurtent de plus en plus fortement au capitalisme. Il faut le supprimer et le remplacer par une société socialiste qui assurera cette émancipation par le pouvoir politique du peuple, la propriété sociale des principaux moyens de production et d’échange et leur gestion démocratique par le peuple.

Et en attendant :

Aujourd’hui nous luttons pour un changement de politique […] que nous pouvons formuler ainsi : imposer au capitalisme des conquêtes démocratiques.

En faisant abstraction du fait que les positions de l’URCF étaient erronées du point de vue du marxisme-léninisme, on peut plaindre ces militants pour s’être laissés ainsi illusionner. En mai 2016 les membres du Comité national de Communistes venant de l’ex-URCF publient un communiqué qui annonce l’échec de cette opération, et exposent quelques aspects intéressants de leur mésaventure. Voici un extrait particulièrement significatif [5] :

À propos d’Intervention Communiste, une fois le Congrès passé, le journal était jugé par les dirigeants de Communistes comme entièrement « mauvais », ne reflétant pas la ligne du Parti […]. En réalité, ce qui était reproché au journal […], c’est le fait qu’il cherche à être un journal léniniste avec ces trois objectifs : éduquer, informer et organiser. Et en particulier, il lui est reproché d’utiliser les concepts marxistes, « car il faut écrire en langue française » (sic!). […] IC ne refléterait pas la ligne du parti, contrairement au « quatre pages » dont l’orientation économiste réduit l’intervention du Parti au seul niveau de la lutte syndicale et à appeler à voter pour le Parti lors des élections!

À la lecture des textes produits par le PRC, on ressent effectivement comme une frustration. Prenons comme exemple un article sur le thème des nationalisations [6]. En introduction il est écrit : « Ainsi, les mots et expressions de “nationalisation”, “socialisation”, “pole public”, “communs”, “réquisitions”, “relocalisations”, “partage des richesses”… fleurissent dans le langage politique et social. Que signifient-ils au juste ? ». Puis, suit un exposé historique mentionnant quelques étapes : « […] Pour l’essentiel, les nationalisations modernes commencent avec la crise de 1930, qui voit se constituer un service public et quelques nationalisations d’entreprises. En France par exemple les industries d’armement sont nationalisées en 1936 ainsi que la Banque de France. La SNCF est créée en 1937. […] en 1982 avec un gouvernement d’Union de la Gauche (PS, PCF, Radicaux de Gauche) des nationalisations ont eu lieu, en particulier dans les secteurs de la chimie, du verre, de la métallurgie…et du secteur bancaire. […] Aujourd’hui, le mot “nationalisation” est aussi utilisé pour désigner une opération de reprise (souvent partielle) avec une augmentation du capital par l’État afin de permettre une recapitalisation de monopoles en difficultés. […] Dans un registre voisin, vient en force dans le discours public l’idée de “relocalisations”. […] On trouve parfois utilisées des notions comme “socialisation”. […] Une autre tendance se dessine dans les discours et tout particulièrement ceux de la gauche socialiste (PS), communiste (PCF) et chez les écologistes (EELV) celle de mettre en avant ce qu’ils appellent : le “partage des richesses”. […] Les partis de gauche parlent aussi souvent de “communs”. […] »

Jusque-là, il ne s’agit que de l’énumération de visions que le PRC rejette. Le dernier paragraphe finalement est censé apporter la clarté :

Pour sa part , notre Parti Révolutionnaire Communistes s’emploie à démontrer que la racine des problèmes se trouve dans le capitaliste [sic [7]] lui-même à un stade impérialiste ou les affrontements au sein de ce système pour la conquête des ressources, l’exploitation et la surexploitation de la force de travail, le contrôle des voies et des moyens de communications sont l’objet d’un affrontement d’une violence jamais atteinte. Nous résumons notre démarche par : « abattre le capitalisme et construire le socialisme » car nous signifions que sans la lutte des classes pour la conquête du pouvoir, sans l’expropriation du capital, il ne peut y avoir d’avancées significatives pour un nouvel ordre social, national et international. Aujourd’hui dans la réalité ce sont de puissantes multinationales qui dirigent le pays. Les nationalisations, c’est à dire l’expropriation du capital exige un changement de société par et pour la classe ouvrière et les travailleurs salariés. Cette lutte exige la force d’un parti révolutionnaire d’avant-garde !

Si on s’en tient à une lecture rapide et superficielle de ces phrases, on peut avoir l’impression qu’elles expriment une position radicale. Mais si on prend la peine d’une lecture attentive et plus exhaustive de la littérature produite par le PRC, on se rend compte qu’elle se caractérise par une tendance à « tourner autour du pot ». Il est question de « la lutte des classes pour la conquête du pouvoir » – très bien. Mais on aura du mal à trouver des explications plus concrètes sur ce qu’est « le pouvoir » et que signifie « le conquérir » : l’appareil d’État, la dictature de la bourgeoisie, la révolution pour l’instauration de la dictature du prolétariat.

En absence de telles explications, on ne peut que prendre acte du fait que le PRC prend à son compte la vision selon laquelle nous sommes dominés par une « gouvernement mondial occulte » [8] :

Les multinationales sont aux commandes du monde capitaliste. Elles possèdent les grands moyens de production et d’échange. Elles détiennent le pouvoir économique et financier, donc le pouvoir politique. Le groupe mondial Bilderberg comprend 130 membres – patrons de multinationales industrielles, banques, des magnats de la finance, des Rois, des Ministres, des dirigeants de grands médias, de l’armée, des renseignements. Henri de Castries d’AXA est président du groupe de direction. Ce groupe se réunit une fois par an à huis clos. Il examine la situation du monde, les orientations stratégiques, économiques, la gouvernance des pays. C’est un véritable gouvernement mondial occulte. Il invite chaque année des politiques qui sont ensuite propulsés chefs de gouvernement de leur pays : Angéla Merkel a été reçue un an avant d’être chancelière – Henri Kissinger, Bill Clinton, Manuel Barroso (pour l’Europe), ont été invités – les français Lionel Jospin, Dominique de Villepin, D. Strauss-Kahn, N. Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon, Fabius, E. Macron en 2014, E. Philippe en 2016.

Quelques remarques générales

La création et l’édification ultérieure du Parti communiste marxiste-léniniste ne sont possibles que sur des bases idéologiques claires, permettant de tracer des lignes de démarcation du point de vue des principes. La situation actuelle en France est marquée en premier lieu par les séquelles de la déchéance du PCF : l’influence du révisionnisme/réformisme attachée à l’évolution historique du PCF reste forte chez les organisations et militants qui prétendent s’en être détachés.

En ce qui concerne les organisations qui perpétuent le trotskisme, elles constituent au stade actuel une perturbation de second ordre. Mais le combat de l’Internationale communiste contre l’opposition trotskiste fournit des éléments qui peuvent toujours alimenter utilement nos réflexions. Il en est ainsi en ce qui concerne la question du « contrôle ouvrier » comme méthode de préparation de la révolution. Dans les débats qui se mènent parmi les groupes se considérant marxistes-léninistes, parfois certains sont taxés de trotskisme. L’accusation peut être justifiée, mais en rester à un simple constat de similitude entre les positions des uns et des autres ne suffit pas pour faire avancer les idées. Il faut aussi rendre explicite l’analyse de ce qui est juste et de ce qui est erroné.

Pour mettre en lumière l’intérêt qu’il y a d’étudier l’expérience historique de l’IC, voici un exemple. Les thèses sur la tactique adoptées par le 3e congrès de l’IC, en 1921, déclarent [9] :

Les Partis communistes ne mettent en avant pour ce combat aucun programme minimum tendant à fortifier et à améliorer l’édifice vacillant du capitalisme. La ruine de cet édifice reste leur but directeur, leur tâche actuelle. Mais pour remplir cette tâche, les Partis communistes doivent émettre des revendications dont la réalisation constitue une nécessité immédiate et urgente pour la classe ouvrière et ils doivent défendre ces revendications dans la lutte des masses, sans s’inquiéter de savoir si elles sont compatibles ou non avec l’exploitation usuraire de la classe capitaliste.

Les Partis communistes doivent prendre en considération non pas les capacités d’existence et de concurrence de l’industrie capitaliste, non pas la force de résistance des finances capitalistes, mais l’étendue de la misère que le prolétariat ne peut pas et ne doit pas supporter. Si ces revendications répondent aux besoins vitaux des larges masses prolétariennes, si ces masses sont pénétrées du sentiment que sans la réalisation de ces revendications leur existence est impossible, alors la lutte pour ces revendications deviendra le point de départ de la lutte pour le pouvoir. A la place du programme minimum des réformistes et des centristes, l’Internationale communiste met la lutte pour les besoins concrets du prolétariat, pour un système de revendications qui dans leur ensemble démolissent la puissance de la bourgeoisie, organisent le prolétariat et constituent les étapes de la lutte pour la dictature prolétarienne et dont chacune en particulier donne son expression à un besoin des larges masses, même si ces masses ne se placent pas encore consciemment sur le terrain de la dictature du prolétariat.

« La ruine de cet édifice [l’édifice vacillant du capitalisme] reste leur but directeur [des Partis communistes], leur tâche actuelle. Mais pour remplir cette tâche, les Partis communistes doivent émettre des revendications […] sans s’inquiéter de savoir si elles sont compatibles ou non avec l’exploitation usuraire de la classe capitaliste. » Lue de manière superficielle, cette phrase peut ressembler au principe des « revendications de transition » appliqué par les trotskistes. Or, bien au contraire, les explications développées par l’IC vont dans le sens contraire et fournissent des considérations fortement utiles pour aider à comprendre les enjeux d’aujourd’hui.

Un autre exemple concerne la distinction entre différents aspects en matière de programme. Le recueil documentaire associé au présent texte aborde notamment une controverse qui a opposé en 1927 la direction du Parti communiste d’Allemagne (KPD) à une opposition interne dont deux des protagonistes étaient Heinrich Brandler et August Thalheimer. La réponse de la direction à un document soumis par Brandler contient des indications intéressantes sur la question du programme. Certes, il ne faut pas mettre la charrue (le programme) devant le boeuf (le parti, non existant)… Mais dans la mesure où il s’agit de la nature des objectifs et des revendications, les problématiques évoquées sont d’ores et déjà présentes.

Voici donc quelques extraits du document présenté par la direction du KPD [10] :

[…] la domination du capital des trusts caractérise toute l’époque de domination de l’impérialisme, c’est-à-dire toute la dernière phase du développement capitaliste à la veille de la révolution sociale. Mais l’élaboration d’un plan de lutte contre l’impérialisme est la tâche du programme général communiste, qui doit caractériser la phase impérialiste du capitalisme et le remplacement de l’impérialisme par le communisme. Un programme d’action doit éclairer la lutte émancipatrice du prolétariat à l’heure actuelle. Il doit servir à l’organisation et au développement des actions; or les actions, on le sait, ne sont possibles que sur la base de revendications et de mots d’ordre spéciaux correspondant à une situation parfaitement déterminée. […] On peut créer la liaison […] entre les revendications immédiates et le but final, c’est-à-dire orienter la lutte journalière vers le but final, non pas en atténuant les différences entre le programme général et le programme d’action, mais uniquement en tirant des mots d’ordre d’action contenus dans ce dernier nos mots d’ordre de propagande, qui ne se transforment en mots d’ordre d’action que dans une situation révolutionnaire aiguë.

[..] la définition, nette, précise du 5e congrès mondial, qui a indiqué que, par gouvernement ouvrier et paysan, il faut entendre la dictature du prolétariat, […] la condamnation catégorique des conceptions opportunistes sur la possibilité d’une étape entre la dictature de la bourgeoisie et celle du prolétariat sous la forme d’un gouvernement ouvrier « démocratique », […].

 



[1]https://archives.pcrf-ic.fr/IMG/pdf/Livret_accueil.pdf

[2]. URCF, 30 novembre 2012.
https://archives.pcrf-ic.fr/IMG/pdf/La_question_de_la_nationalisation.pdf

[3]. PCRF, 22 aout 2020.
https://www.pcrf-ic.fr/La-question-des-nationalisations

[4]https://www.sitecommunistes.org/archives/broch.html

[5]http://ekladata.com/vQXDLSMIfdMLEEmJOYSJKtY9kcg/URCF-PRC-Separation.pdf

[6]. PRC, janvier 2021.
https://www.sitecommunistes.org/index.php/france/entreprises/909-nationalisations-ce-que-parler-veut-dire

[7]. Il s’agit sans doute d’une coquille, « capitaliste » à la place de « capitalisme ».

[8]. PRC, avril 2018.
https://www.sitecommunistes.org/images/documents/tract/09-avril-2018.pdf

[9]. 3e congrès de l’IC, juillet 1921, Thèses sur la tactique. Cf. le texte .

[10]. Bureau politique du Comité central du KPD : Le « Programme d’action » de Brandler (Réponse), janvier 1928. Cf. le texte .