Réformer le capitalisme ou l’abattre ?

Camarade,

Plus de trois ans après l’élection de François Hollande, tous ceux qui ont cru que "lui président" sortirait le pays de la crise, ferait reculer le chômage, défendrait les systèmes sociaux (retraite, sécu) font l’amer constat qu’ils ont été bernés. Aux prochaines élections peut-être iront-ils rejoindre le premier parti de France, la masse des abstentionnistes, ou se laisseront attirer par les sirènes "antisystème" du parti de Marine Le Pen. Bernés aussi, les électeurs de la gauche de la gauche incarnée par le Front de Gauche qui ont suivi ses consignes de vote pour Hollande afin d’écarter le danger de droite. "La droite en rêvait, la gauche le fait" annoncions-nous dans notre journal de décembre 2013, aujourd’hui le pouvoir socialiste est encore allé encore plus loin dans la soumission au capital et dans l’attaque des conditions de travail et de vie des travailleurs.

Quelle différence entre la droite et la gauche? Le Parisien du 7 septembre répond à la question en titrant "Droite Gauche on ne s’y retrouve plus, le clivage droite gauche n’existe presque plus". Mais il ne fournit bien sûr aucune explication sur les causes de cette situation.

Seule l’analyse marxiste de la nature de la société capitaliste et de son évolution donne la réponse.

Camarade,

si tu poursuis ta lecture, nous allons essayer le plus brièvement et le plus clairement possible d’en donner les grandes lignes et surtout sur ce que tout camarade animé par l’idéal communiste, tout progressiste, partisan d’un monde nouveau sans exploitation, sans guerre, misère, famine et catastrophes écologiques ou militant syndicaliste dévoué à la défense des intérêts des travailleurs peut et doit faire pour sortir de l’impuissance politique dans laquelle nous sommes plongés.

Le Parti socialiste au pouvoir, reconstitué par F. Mitterrand est selon les paroles d’un des dirigeants historique de la SFIO (ancêtre du PS)[1] "le gérant loyal du capitalisme", cela l’a amené à abandonner le discours réformiste pour adopter une politique ouvertement libérale très proche, sinon identique à celle de la droite, laissant à sa minorité de "gauche" et au Front de gauche la défense de la politique réformiste.

Mais ce qui caractérise tous les partis (les Verts, gauche de la gauche ‑ Front de gauche ‑ et droite de la droite ‑ FN compris), c’est qu’ils fondent leur activité sur l’objectif de gouverner la France capitaliste.

Ils ne remettent pas en cause le capitalisme, son mode de production dont le seul but est de produire du profit par l’exploitation des travailleurs, donc la domination politique du capital. L’expérience désastreuse de la gauche radicale Syriza en Grèce est là pour le démontrer sans sortir du capitalisme on ne peut changer la société.

L’activité politique de tous ces partis est conditionnée par les échéances électorales. Et comme on peut s’en apercevoir à l’approche des élections régionales, le temps des magouilles, compromis, accords électoraux est de retour.

Cela veut dire que lors des prochaines élections présidentielles quel que soit le candidat sur lequel tu porteras ton suffrage la politique en faveur du capital et contre les travailleurs sera poursuivie.

Sous le capitalisme, l’État est au service de la classe qui a le pouvoir économique et est le garant, le gérant, des intérêts généraux de cette classe et du capital qu’elle détient. Et il n’en saurait être autrement car certaines lois objectives qui fondent l’économie capitaliste ne peuvent être "dépassées" qu’en changeant de mode de production. Voilà pourquoi quel que soit le parti au pouvoir il sera au service du capital.

À la fin de la deuxième guerre mondiale, la bourgeoise a passé un compromis historique avec le Parti communiste en lui accordant quelques sièges au gouvernement et des réformes favorables aux travailleurs pour éviter des soulèvements révolutionnaires et pour les entrainer à "retrousser les manches" selon la célèbre expression de Maurice Thorez pour relancer la production (des profits) en France.

Pendant la période de relative prospérité[2] des "trente glorieuses", le jeu politique gauche-droite se met en place, bientôt suivi par la période de l’alternance droite-gauche à la tête de l’État. Les illusions des travailleurs sur l’État providence, sur la possibilité d’obtenir certaines réformes portées par la gauche au gouvernement, se renforcent pendant cette période d’autant que le Parti communiste ne les combat pas, pire, il en est le porteur. Le réformisme qui prétend que l’on peut changer par des réformes politiques le capitalisme et aller vers le socialisme domine.

Ces illusions perdurent encore aujourd’hui mais sont battues en brèche car la situation a changé. Le capitalisme devenu mondial est en crise, une crise profonde et durable. Le réformisme n’a plus de grain à moudre et les solutions pour tenter d’en sortir sont partout les mêmes : s’en prendre aux travailleurs, à leur conditions de vie et d’existence, à leur salaire, au temps de travail… et là plus de différence apparente entre les solutions de droite et de gauche!

Certains à la gauche de la gauche et même à l’extrême gauche s’en prennent au capital financier, à la finance en opposition au bon capital industriel qui s’invertirait dans la production au lieu de spéculer en bourse. Depuis longtemps, comme Lénine l’a démontré dans son ouvrage "L’impérialisme stade suprême du capitalisme"[3], il n’y a plus aucune différence entre ces capitaux qui ont fusionné, notamment par l’intermédiaire des banques.

Et si le capitalisme a pu se maintenir jusqu’à nos jours malgré ses crises c’est grâce et par l’existence du capital financier qui lui a permis un temps de continuer à se développer malgré la surproduction. La crise que nous connaissons est celle du système capitaliste tout entier et pas seulement celle de la finance. D’autres rêvent de revenir à l’époque bénie des trente glorieuses et à l’application d’un programme inspiré de celui du CNR[4], rêve utopiste dans les conditions actuelles de la crise du système capitaliste.

Arrivé à ce point de ta lecture tu t’interroges, peut-être fais-tu partie de ceux qui ont compris tout cela mais tu as des doutes, tu ne vois pas dans la situation actuelle de possibilités d’un réel changement. Et tu as raison, toutes les conditions n’existent pas encore, mais les conditions objectives, les contradictions du capitalisme ne peuvent que s’aggraver et conduire les travailleurs à s’engager dans la voie de la transformation radicale de la société.

Il faut avoir confiance en sa classe, les prolétaires, la seule classe révolutionnaire de la société capitaliste à être porteur d’un monde nouveau. Si la classe ne se mobilise pas dans sa lutte quotidienne pour ses revendications, elle ne se mobilisera pas pour un objectif supérieur, abattre le capitalisme et instaurer le socialisme.

Aussi il s’agit pour tout syndicaliste anticapitaliste conséquent, défenseur des intérêts des travailleurs, d’agir pour unir la classe ouvrière dans son combat quotidien contre la classe bourgeoise, d’agir pour développer la solidarité de classe, dépasser le cadre strictement corporatiste, local, fusionner les luttes au niveau national, de défendre des revendications générales qui peuvent unir l’ensemble des travailleurs dans une même lutte ‑ réduction du temps de travail sans perte de salaire, augmentations égales pour tous etc. ‑ et de combattre la conception d’un syndicalisme "apolitique", car cet apolitisme est en fait une politique de soumission à la politique de la bourgeoisie. Voilà pourquoi les travailleurs doivent mener leur propre politique indépendante et pour ce faire il leur faut leur propre parti politique.

Peut-être te considères‑tu communiste, cela te donne donc l’objectif de travailler pour redonner aux travailleurs, aux prolétaires, le Parti Communiste qui leur manque. Ce Parti n’existe pas et il est vain de croire qu’on peut le créer à partir du Parti communiste français, gangréné depuis longtemps par le cancer du réformisme et de la soumission au pouvoir du capital.

Quand ces objectifs seront en bonne voie de réalisation, tu penseras comme nous que réformer le capitalisme c’est utopique et qu’être réaliste c’est lutter pour renverser le capitalisme et instaurer le socialisme.

Un ouvrier, militant CGT



[1]. Tirant le bilan de son action à la tête du gouvernement, Léon Blum déclarera au procès de Riom intenté par le régime de Vichy : "J’ai été le gérant loyal des intérêts de la bourgeoisie."

[2]. Il n’est pas question dans cet article d’analyser cette période marquée par le rôle important de l’État dans le domaine économique (politique "fordiste" et "keynésienne"), par l’extension sans précédent du crédit à la production et à la consommation etc., et la crise des années 1980.

[3]. Disponible sous forme de fichier PDF.

[4]. CNR : Conseil National de la Résistance, formé fin 1943 par les divers mouvements de la Résistance. Le 15 mars 1944 il adopte un programme,  qui prévoit entre autre la mise en place de la sécurité sociale.