I. V. Staline
Discours prononcé à l’ouverture
de la conférence des communistes des peuples turks de la RSFSR [1]

(1er janvier 1921)

Pravda [La Vérité] n° 6,
12 janvier 1921

(Procès-verbal)

 

En ouvrant la conférence, le camarade Staline note que l’activité du Bureau central, soumis à renouvèlement, n’a pas été satisfaisante; puis il analyse brièvement les conditions dans lesquelles le communisme se développe chez les peuples turks de la RSFSR.

En Russie, le développement du communisme repose sur un long passé, ‑ plusieurs dizaines d’années ‑ , d’activité et de lutte théoriques au sein du socialisme russe. Cette lutte a eu pour résultat la formation d’un groupe cohérent d’éléments dirigeants, assez forts en théorie et assez fermes sur les principes pour entrainer à leur suite les masses du Parti.

Il en va autrement dans l’est de notre pays : là, le communisme vient de naitre dans le cours même de la lutte révolutionnaire pratique pour le socialisme, sans phase théorique préalable. D’où la faiblesse théorique du communisme turk, faiblesse que l’on ne pourra faire disparaitre qu’en créant une littérature théorique communiste dans les langues turkes de notre pays.

Dans l’histoire du communisme russe, la lutte contre la déviation nationaliste n’a jamais eu beaucoup d’importance. Appartenant dans le passé à la nation dirigeante, les Russes en général, et les communistes russes en particulier, n’ont pas connu l’oppression nationale; ils n’ont pas, somme toute, eu affaire à des tendances nationalistes dans leur milieu, exception faite de quelques penchants au "chauvinisme impérialiste". C’est pourquoi ils n’ont pas eu, ‑ ou peu s’en faut, ‑ à surmonter ces tendances.

Il en va autrement pour les communistes turks : fils de peuples qui ont été opprimés, qui ont passé par le stade de l’oppression nationale, ils ont toujours eu, et ont encore affaire dans leur milieu à une déviation nationaliste, aux survivances nationalistes, dont l’élimination constitue leur tâche actuelle. Il n’est pas douteux que cette circonstance ralentit la cristallisation du communisme dans l’est de notre pays.

Mais dans l’Est, le communisme jouit aussi d’un avantage. Pour la mise en œuvre pratique du socialisme, les communistes russes ne pouvaient profiter, ‑ ou presque pas, ‑ de l’expérience des pays avancés d’Europe (l’Europe a été surtout une école de lutte parlementaire), si bien qu’ils ont dû frayer la voie au socialisme, pour ainsi dire, par leurs propres moyens, et au prix d’erreurs inévitables.

Il en va autrement pour le communisme turk : il s’est constitué dans le cours de la lutte pratique pour le socialisme, au coude à coude avec les camarades russes, et il a pu ainsi profiter de l’expérience pratique de ces derniers, en évitant des erreurs. Cette circonstance nous garantit que, dans l’Est, le communisme a toutes les chances de se développer et de se renforcer à un rythme rapide.

Toutes ces circonstances ont déterminé la politique relativement indulgente du Comité central du Parti à l’égard du communisme turk, encore jeune, politique qui vise à aider les éléments communistes fermes de l’Est dans leur lutte contre les faiblesses et les insuffisances que je viens d’évoquer.

Le Bureau central constitue l’appareil par l’intermédiaire duquel il faut appliquer les mesures de lutte contre les survivances nationalistes et les mesures de renforcement du communisme sur le plan théorique dans l’est de notre pays.

 

Notes



[1]. Source : I. V. Staline, Oeuvres, tome 5 (1921‑1923); Paris, Nouveau Bureau d’Édition, 1980; p. 15‑16.