Les 32 heures par semaine
Une revendication à lier à la lutte anticapitaliste

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 17, juin 2016 – p. 7

"Seule la réduction du temps de travail a créé des emplois" a annoncé Philippe Martinez au journal l’Humanité[1]. Les 32 heures par semaine, voilà donc le nouveau cheval de bataille de la direction confédérale CGT. Les communistes sont favorables à la lutte pour la diminution du temps de travail car elle diminue le temps durant lequel le travailleur est exploité[2] et surtout augmente les temps de loisirs et de libertés pour les travailleurs. Cependant, la direction de la CGT met en avant des arguments différents. Par cette mesure, les économistes de la CGT estiment en partie résorber le chômage dans le cadre du capitalisme. Cet argument est en fait issu de forces politiques réformistes (gauche du PS, PCF, NPA…) qui influencent idéologiquement les dirigeants de la CGT.

Qu’en est-il réellement? Est‑ce possible de supprimer le chômage dans le système capitaliste? Qu’est‑ce que les travailleurs doivent revendiquer?

Sans rompre avec les idées réformistes de la Gauche plurielle
on reproduira les mêmes erreurs

L’argument mis en avant pour le passage aux 32 heures est que cette mesure sauverait et créerait 4 millions d’emplois. Cette diminution du temps de travail permettrait ainsi de faire face à la "révolution numérique", qui par l’automatisation, la robotisation des machines… menacerait de détruire d’ici les années 2025 des milliers voire des millions d’emplois. Dans leur analyse, les économistes n’ont pas pris en compte la loi fondamentale du capitalisme: la recherche du profit maximum. Tant que ce système existera, les emplois ne seront créés que parce qu’ils sont utiles pour valoriser les profits des capitalistes. Si le cas contraire se présente, les capitalistes licencient et suppriment des emplois pour rester profitables. Voilà le B‑A‑BA de l’économie politique. Le chômage est permanent sous le capitalisme car le développement technologique de la production, "le développement accéléré du capital social lui permet de se passer d’une partie plus ou moins considérable de ses manoeuvriers" et amène donc à une "surpopulation relative"[3]. Cette surpopulation est relative car elle n’existe que par rapport aux besoins de profits des capitalistes. Réfléchissons un petit peu: depuis le 19e siècle, le temps de travail a diminué: en 1936, la semaine des 40 h, en 2000, les 35 heures, le chômage a‑t‑il pour autant disparu grâce à la diminution du temps de travail?

À cette question, l’argumentaire de la CGT répond que la gauche plurielle (1997-2002) qui a mis en place les 35 heures, a permis la création de 350.000 emplois et la mise en place d’un "dialogue social inégalé". Non seulement, cette analyse falsifie le bilan de la gauche plurielle (gouvernement ayant le plus privatisé dans l’histoire!) mais en plus ne prend pas en compte l’ensemble du contexte. Les 35 heures, sans un rapport de force anticapitaliste de la classe ouvrière, ont été retournées contre les travailleurs par le patronat et les différents gouvernements qui se sont succédés. Le gouvernement PS-PC a diminué les charges sur les bas salaires à hauteur de 22 milliards d’euros pour permettre l’embauche[4]. Depuis 2002, de nombreux assouplissements ont été appliqués (augmentation des heures sup, défiscalisation des heures sup, diminution de la majoration des heures sup notamment avec la loi El Khomri).

Au final, les patrons ont repris bien plus qu’ils ne cédaient grâce à l’augmentation de la productivité (augmentation de l’intensité de l’exploitation des travailleurs). Ce que le patronat a donné d’une main, il l’a repris d’une autre. Voilà le bilan des 35 heures. D’autant plus qu’au même moment, la gauche plurielle a créé ces "emplois jeunes" sous-payés et précaires pour 300.000 jeunes, que l’intérim a doublé durant la durée de ce gouvernement augmentant de 350.000. D’ailleurs, c’est le nombre d’emplois "créés" par les 35 heures.

Le passage aux 35 heures a surtout été un moyen de flexibiliser l’organisation du temps de travail, d’avoir recours à des contrats précaires.

La revendication de la diminution du temps de travail à 32 heures sans diminution de salaire et aggravation des conditions de travail est une mesure d’urgence pour le mouvement ouvrier. Il faut être clair, sous le capitalisme, sans rapport de force du mouvement ouvrier, toute mesure progressiste sera récupérée par la bourgeoisie au pouvoir et détournée au détriment des travailleurs. C’est la leçon essentielle du passage aux 35 heures. La diminution du temps de travail a entrainé une aliénation supplémentaire des travailleurs aux nouvelles formes des rapports de production capitalistes (flexibilité, précarité…).

Il ne faut pas non plus rêver de changer le système capitaliste par la réforme. Ce système porte le chômage en lui. Des dirigeants de la CGT croient guérir ce système mieux que les capitalistes eux-mêmes affirmant régler ce problème du chômage par les 32 heures. Rappelons l’aveu de faiblesse de Mitterrand qui disait que "dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé". Oui, le chômage ne peut être supprimé sous le capitalisme.

Pour diminuer réellement le temps de travail et supprimer le chômage, il n’y a qu’une solution possible, détruire la source du chômage, c’est‑à‑dire le capitalisme. Il est donc nécessaire de lier la diminution du temps de travail avec la rupture de ce système d’exploitation qu’est le capitalisme. Il faut donc rejeter toutes ces idées réformistes qui font croire que l’intérêt des travailleurs pourrait être en harmonie avec le bon fonctionnement du capitalisme et l’intérêt des patrons!

32 heures OUI!

Dans l’intérêt des travailleurs, sans diminution de salaire et aggravation des conditions de travail!

 



[1]L’Humanité, 23/09/2015.

[2]. L’exploitation passe par l’extorsion de la plus‑value, c’est‑à‑dire que le temps durant lequel le capital s’approprie la valeur créé supplémentaire au salaire (le salaire correspond au temps nécessaire à la reproduction de la force de travail du prolétaire). Cette plus‑value peut être absolue (en allongeant le temps de travail) ou relative (en intensifiant la productivité durant un temps de travail donné).

[3]. Karl Marx, Le Capital, in Marx K., Oeuvres – Économie, tome 1; Paris, Éditions Gallimard, 1965; p. 1146.

[4]. Eric Hayer, "Le (bon) bilan des 35 heures", Alternatives économiques, Hors-série, n° 92, février 2012.