Il faut creuser jusqu’à leurs racines les causes
de la dégénérescence social-démocrate du PCF

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 24, septembre 2018 – p. 9-11

À l’approche du 38e Congrès du Parti Communiste Français, un nombre croissant d’adhérents, individuellement ou collectivement, s’interrogent sur le déclin de leur parti, sur les causes de ses échecs et sur les possibilités de sortir de cette décrépitude.

Bien que tardives historiquement, ces interrogations sur la ligne du Parti, sa stratégie, ses tactiques, ses pratiques marquent une prise de conscience et une critique ouverte et plus approfondie du caractère erroné et contraire au marxisme révolutionnaire de cette ligne.

Il s’agit là d’une situation qui peut être porteuse d’alternatives idéologiques et politiques, à condition qu’elles aillent au bout de leur logique, à condition qu’elles aillent des symptômes au diagnostic, puis du diagnostic aux causes, et à condition qu’elles ne s’arrêtent pas à mi‑chemin.

En général les textes publiés à cette date et qui critiquent la direction du parti restent, selon le ROCML, malheureusement superficiels, limités, et sur des points centraux erronés.

On s’explique :

Les deux textes critiques de référence sont celui intitulé Pour un manifeste du Parti Communiste du XXIème siècle, et le second Reconstruisons le parti de la classe.

Ces deux textes partent de la même évidence : le déclin et l’effacement, voire la disparition de leur parti. Ils expriment la volonté de le défendre ou de le reconstruire.

Ce point de départ est réaliste et compréhensible de la part de militants qui sont convaincus qu’ils sont dans un parti qu’ils considèrent comme étant encore ou pouvant redevenir un parti communiste digne de ce nom.

Le problème, c’est qu’ils n’ont pas encore compris que leur parti n’est plus communiste depuis longtemps. Le texte le plus audacieux "Reconstruisons le Parti de classe" annonce : "Notre texte constitue un appel à un vrai congrès extraordinaire, celui qui mettra à l’ordre du jour la rupture avec 25 ans de mutation". L’autre texte "Pour un manifeste du Parti Communiste du XXIème siècle" est plus prudent (il est vrai qu’il vise à "unir") : "Ce travail conduira à interroger les choix stratégiques suivis depuis plusieurs années".

"25 ans", "plusieurs années"… Quelles conceptions de la stratégie et de la mutation sont‑elles contenues dans ces limites temporelles? Le PCF n’avait‑il pas muté avant 1993? N’avait‑il pas depuis longtemps fait les choix stratégiques qui l’ont conduit à la ruine en tant que parti communiste?

Pour en juger, le ROCML propose à la réflexion des militants communistes honnêtes de comparer deux textes du dirigeant historique du PCF, Maurice Thorez :

Par la grève politique de masse nous franchirons victorieusement l’étape actuelle et nous préparerons politiquement et organiquement le prolétariat à l’étape ultérieure qui ne pourra être que la lutte directe pour le pouvoir et qui nécessitera l’insurrection armée.

Germinal (pseudonyme de Maurice Thorez),
Les Cahiers du Bolchévisme, n° 1, janvier 1930.

16 ans plus tard, le 18 novembre 1946, Maurice Thorez déclara au journal britannique Times :

Les progrès de la démocratie à travers le monde, en dépit de rares exceptions qui confirment la règle, permettent d’envisager pour la marche au socialisme d’autres chemins que celui suivi par les communistes russes […]

N’y a‑t‑il pas là l’expression d’une mutation ou d’un nouveau choix stratégique? "Ces chemins", le PCF les a empruntés sans discontinuer depuis, jusqu’à s’y perdre corps et âme, de congrès en congrès, d’élection en élection. Après la mort de Staline, le 20e congrès du glorieux Parti Communiste d’Union Soviétique manipulé par Nikita Khrouchtchev imposa au mouvement communiste international la théorie révisionniste social-démocrate du passage pacifique au socialisme. Le PCF se vit légitimé dans cette voie et s’y engouffra sans réserve.

Quelques Partis Communistes dans le monde n’acceptèrent pas cette "mutation", en particulier le Parti du Travail d’Albanie et le Parti Communiste Chinois. Leurs textes furent interdits de publication au sein du PCF. Pourtant, dans les années 1960, une minorité de communistes marxistes léninistes éclairés et courageux tentèrent de s’y opposer. On leur interdit d’exposer leur désaccord et ils furent exclus du parti.

 La théorie du passage pacifique au socialisme devenue la norme pratique établie, chaque congrès procéda alors au nettoyage progressif de toute référence gênante au marxisme léninisme. Au 22e congrès du parti, le concept théorique de dictature du prolétariat est jeté aux orties. Au 23e congrès, en 1979, c’est le marxisme-léninisme comme base doctrinale qui passe à la trappe. C’est l’eurocommunisme qui prend la relève. En 1994, au 28e congrès, le centralisme démocratique est abandonné comme principe organisationnel. En 1996, le 29e congrès gomme la lutte pour le socialisme de ses objectifs. Au 33e congrès, le concept de lutte des classes n’est plus décliné qu’au passé… Arrêtons ici ces rappels historiques et posons la question: La mutation et le choix d’une stratégie réformiste social-démocrate ne datent‑ils que d’un quart de siècle (ou de quelques années)? Nous engageons les camarades qui s’interrogent sur le déclin de leur parti d’étudier son évolution historique et les luttes qui s’y sont déroulées entre les courants de droite révisionniste et les communistes armés du marxisme-léninisme. Ils trouveront les éléments qui leur manquent pour répondre en profondeur à leurs questions.

La tâche actuelle :
construire un nouveau parti communiste, marxiste-léniniste

Le ROCML ne nie pas l’honnêteté et les convictions communistes des militants qui s’opposent au naufrage de leur parti. Il apprécie leur volonté de développer et de durcir les luttes jusqu’au renversement de l’État bourgeois et l’instauration du socialisme. Mais il est prévisible que leurs efforts pour ramener leur parti dans la voie révolutionnaire n’aboutiront pas et qu’ils se retrouveront devant une grosse désillusion.

Le PCF poursuivra son déclin idéologique et politique et n’aura d’autre perspective que de s’accrocher encore plus aux basques de la social-démocratie, quelle que soit la forme que cela prendra.

Les militants communistes membres du PCF doivent avec courage regarder les choses en face. Leur parti ne redeviendra pas un véritable parti communiste. La tâche à laquelle ils doivent s’atteler est de construire un nouveau parti communiste, avec une stratégie et une pratique politique révolutionnaire fondées sur la théorie marxiste-léniniste.

Car c’est l’abandon de cette théorie qui a mené inexorablement son action politique dans le sillon de la social-démocratie.

Comment avancer concrètement dans cette perspective? Il n’y a pas de recette magique. Il y a une voie à ouvrir et du travail à mener. Le nouveau Parti Communiste sera le produit de la rencontre et de la fusion du mouvement ouvrier (en commençant par son avant-garde), avec le socialisme, c’est‑à‑dire l’organisation communiste et son programme politique. Cette fusion se construira dans un échange dialectique entre les éléments avancés du prolétariat, eux-mêmes portés par les luttes de classe, et les communistes organisés. Dans cet échange, la conscience politique des éléments avancés du prolétariat progressera, en même temps que l’organisation communiste se liera à la classe et accumulera des forces révolutionnaires ouvrières nouvelles, construisant ainsi progressivement le nouveau parti communiste.

C’est le seul processus possible. Pour le ROCML, il passe prioritairement par le travail politique quotidien des communistes dans la classe ouvrière.