Confusion idéologique parmi des organisations
se revendiquant du marxisme-léninisme

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 7, juin 2012 – p. 8-10

La lutte idéologique est une nécessité pour les communistes. Sans celle-ci, il ne serait pas possible de contrer l’influence des idées de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie sur les éléments avancés du prolétariat et sur les communistes eux-mêmes et leurs organisations. Dans la lutte politique, la classe ouvrière n’est pas hermétique aux idées du camp adverse. Aussi, pour affermir la conscience de classe, pour armer les éléments avancés du prolétariat et, avec leur action, l’ensemble du prolétariat dans son combat contre la bourgeoisie, les communistes doivent inlassablement faire la critique la plus ferme – dans un esprit constructif – des idées et tendances bourgeoises à l’intérieur de notre camp.

La dernière période électorale a été un pic dans l’expression d’idées hostiles ou déviantes par rapport au marxisme-léninisme par des organisations qui pourtant se revendiquent de cette idéologie, idéologie qui correspond aux intérêts historiques du prolétariat. Ces organisations dont nous parlons sont petites, comme toutes les organisations marxistes-léninistes en France. Aussi, il est possible que des éléments combattifs du prolétariat n’aient même jamais entendu parler de ces organisations. Mais les idées qu’elles portent se retrouvent dans le prolétariat et c’est pourquoi il nous faut en faire la critique.

Confusion idéologique, glissement réformiste :
sur la voie du démocratisme bourgeois

Il existe au sein d’organisations se revendiquant du marxisme-léninisme une tendance dangereuse à réintégrer dans leurs positionnements politiques des déviations qui ont, jadis, conduit le PCF au révisionnisme, jusqu’à son adhésion finale à la vision et aux buts bourgeois.

L’exemple de l’URCF est éloquent.

L’URCF est issue de la Coordination Communiste[1]. Au premier tour des présidentielles, cette organisation a appelé au boycott! Et au deuxième à virer Sarkozy, c’est-à-dire à voter pour Hollande.

S’agissant des législatives, le tract du 18 mai de l’URCF expose un positionnement révolutionnaire en parole et démocrate-bourgeois dans la pratique.

Le titre est pur et dur « contre le capitalisme, l’UE, les partis bourgeois et le pouvoir, résistance ouvrière et populaire! ». Mais la suite se rabaisse au niveau du démocratisme républicain et du radical-réformisme petit-bourgeois adaptable au programme du Front de Gauche de Mélenchon.

Le tract de l’URCF s’en prend d’abord à la Constitution et au système électoral de la 5e République. « Lors de la présidentielle, l’URCF a dénoncé la monarchie présidentielle et demandé l’abrogation de la 5ème République par la formation d’une assemblée constituante. Pourquoi? Parce que la Constitution gaulliste, derrière le recours à un homme “providentiel”, “fort”, “normal”, on occulte la réalité du pouvoir dans notre pays… C’est la raison pour laquelle la campagne électorale a trouvé le moyen d’occulter la crise réelle, celle du système capitaliste. »

Traduction : avec un autre système électoral que celui de la 5e république, il aurait été possible à l’URCF de dénoncer et de combattre la crise réelle! On rêve! Sous la 4e République, les élections auraient-elles donné moins de moyens à la bourgeoisie « d’occulter la crise réelle »? L’URCF confond le rapport de forces entre les classes avec les « vertus » de la démocratie bourgeoise.

Ensuite, après une critique de Hollande et de Mélenchon, le tract de l ’URCF en vient à ses « exigences » politiques électorales pour les législatives. « Nous appellerons à voter localement pour les candidats communistes révolutionnaires et pour certains candidats progressistes à deux conditions : 1- Soutenir et lutter pour l’abrogation de la 5e république en abolissant le monarcho-présidentialisme, en transférant le pouvoir (sic!) à l’Assemblée Nationale. »

Vous avez bien lu : « en transférant le pouvoir à l’Assemblée nationale. » On ne peut plus s’illusionner sur la nature et les formes de la dictature de la bourgeoisie. Mais l’URCF précise : « en instituant la proportionnelle intégrale à toute les élections… ». La belle affaire! N’était-ce pas le cas sous la 4e république bourgeoise? La dictature du capital ne s’exerçait-elle pas alors?

Certes, l’URCF ajoute ici : « en reconnaissant le droit de révocation pour les élus qui violent leurs mandats, en appelant à former des comités de base pour la constituante dans les entreprises et les quartiers populaires ». Des voeux pieux irréalisables en dehors d’une situation révolutionnaire, mais acceptables en parole par des candidats populistes de la gauche radicale trotskiste ou mélenchonniste.

La (ou les) deuxième(s) condition(s) consiste(nt) « à soutenir et à appeler aux luttes extraparlementaires, quel que soit le gouvernement et la politique de l’UE. Ces luttes politiques et les grèves – y compris générales – sont la seule voie pour satisfaire les revendications sociales urgentes… » On est là au niveau du discours ordinaire de n’importe quelle organisation à la gauche de la gauche. Cela ne trace aucune perspective révolutionnaire aux prolétaires qui cherchent une alternative de société au capitalisme pourrissant, et la référence au pouvoir ouvrier et au socialisme qui termine le tract est purement formelle quand on mesure la platitude réformiste des deux pages qui précèdent.

À la recherche d’un impossible programme de transition censé favoriser les conditions du passage du capitalisme au socialisme, l’URCF en est réduite à proposer des modèles passés et dépassés de la démocratie bourgeoise et à lancer des appels qui ne dépassent guère le niveau de l’économisme radical.

Le reniement du marxisme-léninisme et le soutien à un candidat
de la bourgeoisie et à son organisation (le Front de Gauche)

Le samedi 7 avril 2012 le ROCML tenait une réunion publique traitant des élections. À cette occasion, toutes les organisations marxistes-léninistes avaient été invitées pour débattre de leurs positions respectives à propos du scrutin présidentiel. Plus d’une trentaine de personnes sont venues (dont plusieurs camarades de L’OCML VP et du PCmF) et ont mené un débat très constructif montrant une large unité de vue et d’analyse sur la question des élections, à savoir qu’aucun des candidats de cette élection ne méritait les voix des communistes. Cependant plusieurs organisations, pourtant invitées, ont brillé par leur absence. Il s’agit principalement du PCOF (Parti communiste des ouvriers de France), du RCC (Rassemblement des cercles communistes), etc.

Ce refus de débattre est sans doute lié à une divergence d’opinion sur l’attitude à adopter par les communistes durant cette campagne électorale, divergence qui se cristallise autour du soutien ou non au candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, à moins qu’ils n’étaient tout simplement occupés à faire campagne pour ce dernier. On ne reviendra pas sur le caractère opportuniste du leader du Front de gauche et la nature réformiste de son programme (voir l’article sur Mélenchon). En revanche il est important de souligner à quel point plusieurs organisations, se revendiquant pourtant du marxisme-léninisme, se sont engouffrées aveuglément dans le sillage du tribun autoproclamé du "bruit et de la fureur".

Dans son journal de mars 2012 le RCC (Rassemblement des Cercles Communistes) affirme clairement son soutien au Front de gauche, mouvement « qui en se développant interroge de plus en plus ce système (= le capitalisme) et se rapproche de l’anticapitalisme ». De l’aveu même de l’éditorial : « Certes, ce n’est pas forcément de l’anticapitalisme, c’est au moins de l’antilibéralisme ».

Ce groupe « marxiste-léniniste » apporte donc sa caution à un programme vaguement antilibéral qui ne propose en rien une rupture fondamentale avec le capitalisme! On appuie un mouvement qui ne veut en rien abolir le système capitaliste mais au contraire mieux le gérer pour le rendre plus supportable aux yeux des travailleurs et qui, derrière un verbiage pseudo-révolutionnaire, propose en réalité l’accompagnement social du mode de production capitaliste. On s’attaque aux maux inhérents au système sans s’attaquer au système en lui-même : c’est du réformisme tout ce qu’il y a de plus classique et plat!

Le naufrage idéologique est encore plus flagrant avec le PCOF (Parti Communiste des Ouvriers de France), qui a choisi d’adhérer au Front de gauche. Faisant fi de la perspective révolutionnaire, il se contente de « travailler à renforcer le Front de gauche pour qu’il devienne une grande force de transformation politique et sociale » (voir éditorial du numéro de mars 2012 de La Forge).

Ce tour d’horizon rapide n’a pas pour but de polémiquer à outrance contre ces diverses organisations mais de souligner une divergence qui à l’heure actuelle constitue une ligne de démarcation entre les différentes organisations se réclamant du marxisme léninisme. En effet, il faut combattre idéologiquement le programme du Front de gauche qui est un obstacle à une prise de conscience anticapitaliste des travailleurs en les aiguillant vers un réformisme « radical ».

Le soutien apporté au candidat du Front de gauche – qu’il soit assumé ou indirect, discret ou implicite -, de même que les fables développées sur l’intérêt d’une 6e République dans le cadre du capitalisme, peuvent être qualifiées avec gants d’une erreur de parcours, sans gants d’une grave déviation en direction du réformisme, c’est à dire de la capitulation idéologique devant la bourgeoisie.

Cela constitue un obstacle dans la perspective de la renaissance d’un parti communiste en France, d’une organisation de combat composée de révolutionnaires dont le but final n’est pas la cogestion du système capitaliste mais le renversement violent de la bourgeoisie par les masses ouvrières, sous la direction de l’avant-garde prolétarienne

 



[1]. La CC regroupait après les années 90 différentes tendances du PCF opposées à la liquidation idéologique totale et ouverte opérée par Robert Hue. Son socle idéologique reposait au plan intérieur sur l’opposition à la social-démocratisation du PCF et au plan extérieur sur la critique de Gorbatchev comme l’auteur de la contrerévolution en URSS.

Elle éclata ensuite après des épisodes mélodramatiques en trois groupes : La Coordination Communiste du Nord-Pas de Calais, devenue ensuite Rassemblement des Cercles Communistes, le PRCF (Pôle de Renaissance Communiste en France), et l’URCF, l’Union des Révolutionnaires Communistes de France.

Ces trois groupes prétendent bien entendu reconstruire un parti communiste. Mais ils portent dans leurs bagages l’héritage révisionniste avec toutes les tares anti-léninistes que cela comporte : social-chauvinisme pour les uns, confusion sur la stratégie et la tactique de la révolution pour tous. Rien d’étonnant puisque les dirigeants de ces groupes ont accompagné la dégénérescence du Mouvement Communiste International et du PCF quand il aurait fallu la combattre de front. Ils ont préféré à cette époque combattre les marxistes-léninistes qui avaient eu la lucidité et le courage d’engager ce combat.

Les dernières élections présidentielles et les élections législatives ont donné à ces groupes l’occasion d’illustrer leur inconséquence, allant du gauchisme proclamatoire à l’opportunisme le plus plat sous la forme du ralliement au mirage électoral.