Menaces impérialistes en Corée du Nord

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 22, janvier 2018 – p. 14-15

La crise actuelle est le fruit des tensions interimpérialistes en Asie

Depuis plusieurs mois les médias nous présentent à grands renforts de messages alarmistes le "match" entre les deux "fous" que seraient Kim Jong-Un, dirigeant de la Corée du Nord, et Donald Trump, président des USA. Faut-il prendre au sérieux ces menaces d’attaques nucléaires? Quels sont les causes réelles de ces tensions et de ces attaques verbales?

Présence américaine et tensions croissantes en mer de Chine et dans le Pacifique

Les USA disposent de pas moins de 350.000 hommes dispersés dans toute la zone concernée. Elles s’appuient essentiellement sur les bases de Guam et d’Okinawa (50.000 hommes). Quelque 30.000 soldats restent déployés sur la ligne de démarcation entre la Corée du Sud et la Corée du Nord[1]. Nombre de navires américains patrouillent en mer de Chine. Naguère seule grande puissance navale dans la région, les USA sont remis en cause depuis une vingtaine d’années par le développement rapide de la flotte chinoise et surtout par le réseau des bases navales de la Chine qui cherche à sécuriser les routes de l’approvisionnement en pétrole mais aussi à affirmer son contrôle sur les mers. Les conflits se multiplient depuis plusieurs années avec ses pays voisins à propos de la délimitation des ZEE (zone économique exclusive) parfois riches en ressources de pêche et énergétiques.

Pour contrer cet expansionnisme chinois, les USA se sont réinvestis massivement dans la région depuis l’arrivée au pouvoir d’Obama en 2008 [2]. Si ce dernier a réduit l’effort militaire de son pays au Moyen-Orient et notamment en Irak, c’est pour redéployer les forces de "l’Empire US" dans des théâtres d’opérations jugés plus vitaux comme l’Asie-Pacifique. En effet la menace chinoise est celle jugée la plus sérieuse par les stratèges du Pentagone. La Chine concurrence de plus en plus les USA sur le plan commercial mais aussi sur le plan militaire et diplomatique (ce qui est nouveau). De plus la zone est désormais le poumon économique du monde, traversée par des flux de navires de commerce en constante augmentation, tandis que les fonds marins recèlent des ressources non exploitées mais prometteuses.

Ce regain des tensions a entrainé une véritable course aux armements, les alliés des USA n’étant pas en reste : le Japon a considérablement accru son budget militaire et ses capacités navales tandis que l’Australie a acheté en 2016 des sous-marins français[3] pour répliquer au développement des forces chinoises dans la région. Les incidents frontaliers, souvent à propos de la possession de minuscules ilots perdus dans l’immensité marine, se multiplient et témoignent d’une exacerbation des tensions. La mer de Chine et plus largement l’ensemble de la zone Asie-Pacifique dispose donc d’un potentiel de conflits élevé.

La Corée du Nord  à l’ombre de la Chine

Les menaces des USA à propos de la Corée du Nord et les promesses de destructions mutuelles sont à replacer dans ce contexte de compétition entre différents impérialismes, ici entre l’impérialisme américain (et celui de ses alliés) et chinois (avec derrière la Russie). La Corée du Nord n’échappe pas à cette guerre d’influence et constitue un des points de frictions entre les différents concurrents pour la domination de la zone. La Corée du Nord, n’en déplaise à certains esprits chagrins, ne fait pas partie d’un camp "socialiste" (qui est mort depuis bien longtemps) et n’est pas une force antiimpérialiste. Elle est fondamentalement arrimée à la sphère chinoise et son économie est intégrée au capitalisme mondialisé. En effet le régime nord-coréen est dépendant de l’aide chinoise pour survivre. En témoignent ces quelques données économiques : la Chine fournit 90 % des besoins énergétiques, 80 % des produits manufacturés et 45 % de sa nourriture. Elle est le principal partenaire commercial de la Corée du Nord (90 % du commerce extérieur du pays) et permet au pays de faire rentrer des devises en vendant ses matières premières. La Corée du Nord est riche en ressources minérales (charbon) qui intéressent au plus haut point les Chinois.

Croire que cela est sans influence sur le pouvoir politique de Pyongyang est une baliverne. La Corée du Nord ne peut survivre sans la perfusion chinoise. La Chine a donc la capacité de réduire au silence le dictateur Kim Jong-Un mais elle n’abandonnera pas son allié face aux ambitions américaines dans la région. La Chine a tout intérêt au gel du conflit et au statu quo. Le maintien des deux Corées empêche la réunification et la constitution d’un État coréen unique qui pourrait devenir un rival sur le plan économique et allié des USA. De plus la réunification en faveur du Sud "capitaliste" entrainerait automatiquement la présence de soldats américains à la frontière terrestre chinoise, ce qui n’est pas acceptable pour les capitalistes chinois.

La Corée du Nord représente donc pour la Chine l’avantage d’un État tampon faisant obstacle aux visées de la Corée du Sud, du Japon et des USA. Sa militarisation à outrance est une épée de Damoclès qui pèse sur les Occidentaux et sur le régime anticommuniste et ultralibéral de Séoul. Elle permet à la Chine de souffler le chaud et le froid dans les relations internationales.

Dans l’hypothèse d’un conflit régional dans la péninsule coréenne la Chine interviendrait pour sauver le régime de Corée du Nord car sa disparition constituerait une défaite majeure pour les intérêts chinois et une revanche incontestable pour les USA qui n’ont jamais digéré leur échec de la guerre de Corée (1950-1953) où l’intervention chinoise avait renversé la situation.

En France, les communistes doivent combattre les menées de leur propre impérialisme. Ils doivent dénoncer et démystifier la propagande guerrière à l’égard de la Corée du Nord qui vise à justifier une intervention armée des forces occidentales. La Corée du Nord n’est certes pas le "paradis des travailleurs", et son régime n’est pas moins fréquentable que les dictatures égyptienne et saoudienne pour qui la France déroule le tapis rouge pour vendre des armes! Notre solidarité et notre soutien va uniquement aux peuples et aux classes ouvrières qui luttent contre toute forme d’oppression extérieure et intérieure, contre l’impérialisme et l’exploitation.



[1]http://www.lefigaro.fr/international/2011/11/14/01003-20111114ARTFIG00694-l-australie-va-accueillir-une-base-americaine.php

[2]. Yann Roche : "La Mer de Chine méridionale – un enjeu frontalier majeur en Asie du Sud-Est", revue L’Espace politique, 2013.

https://journals.openedition.org/espacepolitique/2780

[3]. 12 sous-marins pour un montant de 34,5 milliards d’euros, soit le plus gros contrat du monde en la matière.