Le Front national dans le jeu politique bourgeois

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 11, sept.-oct. 2014 – p. 8

Depuis la fin des années 60 l’épouvantail du danger fasciste dont le Front National serait le représentant est systématiquement utilisé pour maintenir la contestation anticapitaliste dans les limites de la démocratie bourgeoise et pour mobiliser le peuple pour sa défense.

Cette tactique est largement utilisée par la gauche social-démocrate mais aussi par la gauche radicale (PCF, FdG) et des groupes de l’extrême gauche, pour qu’à chaque élection les « contestataires » rentrent dans le rang et y participent. Cela permet au jeu électoral bourgeois de l’alternance politique droite-gauche de continuer à fonctionner et à renforcer la domination de la bourgeoisie sur la société et l’exploitation des prolétaires.

La montée de l’extrême droite et du populisme dont le FN est le représentant est un signe de l’approfondissement de la crise et de la putréfaction du système capitaliste mais pas le seul. La droitisation de la vie publique, les lois coercitives, l’emploi de la violence contre les militants ouvriers sont des signes évidents que le système n’a plus les moyens de manier alternativement la carotte et le bâton.

Il n’a d’autre alternative que la répression et l’accentuation de l’exploitation des travailleurs. Mais on est loin du danger fasciste. Les intérêts des monopoles ne peuvent se limiter au cadre étroit du marché national, les monopoles veulent avoir les mains libres pour agir sur le marché international, exporter et investir le capital partout dans le monde. En l’absence de résistance populaire révolutionnaire la bourgeoisie est « en état de maintenir sa dictature sur les masses par les vieilles méthodes de démocratie bourgeoise et de parlementarisme »[1].

Ceux parmi les groupes d’extrême gauche et même autoproclamés communistes qui dénoncent la fascisation de la société participent ainsi à créer des illusions sur la démocratie bourgeoise.

Le FN a envoyé de nombreux messages et preuves de respect du jeu politique électoral, de la démocratie bourgeoisie, et son langage populiste antisystème ne l’empêche pas de fournir des gages de bonne volonté au capital. Comme les autres partis il est un parti de la bourgeoisie défendant ses intérêts face aux prolétaires. Il demande par exemple un contrôle plus strict et plus régulier des chômeurs avec priorité aux français de « souche » pour l’emploi ou prône la transformation des syndicats pour « qu’ils soient moins tentés de recourir à un rapport de force (grèves, manifestations) pour palier leur manque de légitimité »[2], et en 2010 pendant les luttes sur la réforme des retraites il s’en prend aux manifestants : « La tolérance zéro doit s’appliquer à tous les émeutiers »[3]

Aujourd’hui, avec les difficultés de la droite classique, la donne change. Le Front National est présenté par les médias de plus en plus comme une alternative crédible à l’alternance gauche droite classique discréditée comme l’ont montré les dernières élections et qui ont affolé nombre de militants politiques de gauche.

Le FN doit être combattu et dénoncé comme un parti bourgeois au service du capital et sa dénonciation ne doit pas être le miroir aux alouettes qui détourne les communistes et les travailleurs de la lutte anticapitaliste et les amène à être dupes du jeu politique bourgeois.



[1]. G. Dimitrov, au 7e congrès de l’IC (juillet-aout 1935) :

Les milieux impérialistes tentent de faire retomber tout le poids de la crise sur les épaules des travailleurs. C’est pour cela qu’ils ont besoin du fascisme. […] Dans une série de pays, notamment en Allemagne, ces milieux impérialistes ont réussi, avant le tournant décisif des masses vers la révolution, à infliger une défaite au prolétariat et à instaurer la dictature fasciste. Mais ce qui est caractéristique pour la victoire du fascisme, c’est précisément la circonstance que cette victoire, d’une part, atteste la faiblesse du prolétariat, désorganisé et paralysé par la politique social-démocrate scissionniste de collaboration de classe avec la bourgeoisie, et, d’autre part, exprime la faiblesse de la bourgeoisie elle-même, qui est prise de peur devant la réalisation de l’unité de lutte de la classe ouvrière, prise de peur devant la révolution et n’est plus en état de maintenir sa dictature sur les masses par les vieilles méthodes de démocratie bourgeoise et de parlementarisme.

[2]. Programme du Front national, "144 engagements présidentiels" (2017).

https://rassemblementnational.fr/pdf/144-engagements.pdf

[3]. "Argumentaire CGT pour lutter contre la démagogie de l’exclusion"

https://ftm-cgt.fr/display-document?document=Document-780