Guerre et terrorisme d’État sur le territoire de l’Ukraine
comme manifestation de la confrontation
entre les puissances impérialistes, principalement les USA et la Russie,
pour la redistribution des sphères d’influence

Proletarskaya Gazeta, n° 38, juillet 2015 [1].

Traduction du russe

 

L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est affirmée la domination des monopoles et du capital financier, où l’exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s’est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes. […]

[…] quand […] le monde entier se trouva partagé, alors commença forcément l’ère […] d’une lutte particulièrement acharnée pour […] le repartage du globe.

V. I. Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme [2]

 

Après la défaite du social-impérialisme soviétique et une série de chocs et d’épreuves sérieuses, le capital russe a pu élever la Russie au niveau d’une puissance impérialiste classique prenant sa place comme l’une des principales puissances mondiales avec tous les problèmes et ambitions inhérents à ce statut, jusque et y compris une participation active à la lutte pour le repartage du monde.

La conclusion sur l’avènement d’une ère de "lutte particulièrement acharnée pour […] le repartage du globe" tirée par V. I. Lénine, dans son ouvrage "L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme" en 1916 et confirmée dans la pratique par deux guerres mondiales, est tout aussi pertinent à l’heure actuelle.

L’impérialisme, dans le contexte de la lutte pour le repartage du monde, ne peut exister sans guerres, au point même de créer un réel danger de déclencher une guerre mondiale.

À l’heure actuelle, en particulier, le territoire ukrainien est devenu le théâtre d’une lutte acharnée entre l’impérialisme US et la Russie impérialiste.

[…] ce qui est l’essence même de l’impérialisme[3], c’est la rivalité de plusieurs grandes puissances tendant à l’hégémonie, c’est-à-dire à la conquête de territoires – non pas tant pour elles-mêmes que pour affaiblir l’adversaire […]

V. I. Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme

Le capital russe joue un rôle important dans l’économie de l’Ukraine, il existait et existe toujours des relations mutuelles proches en matière de production, de commerce et autres, et il s’efforcera donc tout naturellement de maintenir et d’étendre son influence afin de subordonner davantage l’économie ukrainienne à ses intérêts. Par conséquent, le capital russe utilisera inévitablement toutes ses forces et tous ses moyens pour protéger ses intérêts contre les empiètements de ses concurrents. Sur le territoire de l’Ukraine, le capital russe est en concurrence avec les capitaux des pays de l’Union européenne, mais avant tout avec les USA, qui prétendent être la seule superpuissance mondiale, qui voient dans l’impérialisme russe un concurrent sérieux et dangereux et ennemi pour eux-mêmes et s’efforceront donc de le déplacer et d’affaiblir sa position.

Selon le Service fiscal de l’Ukraine (voir la déclaration du chef du Service fiscal de l’Ukraine, I. Bilous, du 1er aout 2014), une entreprise sur dix parmi les deux cents plus grandes entreprises d’Ukraine est détenue par des capitaux russes. En particulier, les plus grands actifs du capital russe en Ukraine comprennent des sociétés telles que Prominvestbank qui gère des flux pour plusieurs parmi les plus grandes entreprises d’Ukraine, la Sberbank de Russie, Rosatom, Gazprom, le holding métallurgique ISD, Lukoil-Ukraine et d’autres.

Citons quelques grands capitalistes représentant les entreprises russes et indiquons leur sphère d’influence dans l’économie ukrainienne au 13 janvier 2013 : Vagit Alekperov, Viktor Vekselberg, Alexander Babakov et le Groupe Evraz[4]

Dirigée par Vagit Alekperov, la plus grande société russe Lukoil possède la raffinerie de pétrole d’Odessa et le complexe de Karpatneftekhim. En 2012, elle s’est déclarée candidate au développement d’un certain nombre de gisements de pétrole et de gaz sur le plateau ukrainien de la mer Noire.

Viktor Vekselberg possédait autrefois cinq sociétés gazières régionales en Ukraine, mais les a ensuite vendues à Gazprom. Aujourd’hui, avec le milliardaire russe Oleg Deripaska, il contrôle l’usine d’aluminium de Zaporozhye.

La "spécialisation" initiale d’Alexandre Babakov et de Konstantin Grigorishin en Ukraine était l’énergie électrique. Selon des experts ukrainiens, VS Energy International, société contrôlée par Babakov, détient des actions dans Khersonoblenergo, Zhytomyroblenergo, Kirovograd­oblenergo, Chernivtsyoblenergo, Odessaoblenergo, Khmelnytskoblenergo et Zakarpattya­oblenergo[5].

L’entreprise métallurgique Industrial’nyy Soyuz Donbassa (Union industrielle du Donbass) opère sur le territoire du Donbass. 49,9 % des actions de cette société appartiennent à des entrepreneurs ukrainiens, mais la participation majoritaire appartient à des investisseurs à capitaux russes, dont le représentant est le Groupe Evraz.

Au 1er octobre 2014, la Russie se classait au deuxième rang en termes de volume d’investissements directs dans l’économie ukrainienne, après les pays de l’Union européenne.

Outre ses intérêts économiques, l’impérialisme russe a ses propres intérêts militaro-politiques sur le territoire ukrainien. Ces intérêts sont notamment clairement confirmés par l’annexion de la Crimée à la Russie. Bien que la Crimée soit devenue partie intégrante de la Russie à la suite d’un référendum national, après avoir été déclarée État indépendant et, apparemment, conformément au droit de la nation à l’autodétermination, cela s’est néanmoins produit sous le couvert des forces armées russes et sans le consentement de l’Ukraine. La tête de pont de Crimée a non seulement renforcé de manière significative les positions militaires de la Russie dans la mer Noire, mais a également affaibli les positions militaro-politiques des USA dans cette région. En outre, si la victoire des milices est reconnue, même si le Donbass devient une partie de l’Ukraine avec les droits d’une large autonomie, des conditions préalables pourraient se poser pour l’émergence d’une enclave prorusse ici, ce qui affaiblirait par conséquent l’influence des USA et les concurrents occidentaux dans un certain nombre d’autres territoires de l’Ukraine.

Par conséquent, l’impérialisme russe n’a actuellement aucun intérêt à inciter à des conflits militaires sur le territoire de l’Ukraine et il est vital pour lui que soit au moins gelé le conflit militaire sur le territoire du Donbass. Nous sommes arrivés à cette conclusion à la suite d’une analyse des intérêts actuels du grand capital russe. Ce sont ces intérêts de classe qui expliquent la rhétorique de maintien de la paix du gouvernement bourgeois russe envers l’Ukraine dans son ensemble et sa charité envers les masses opprimées du Donbass : envoi de convois humanitaires, accueil de réfugiés sur le territoire russe, fourniture de soins médicaux gratuits aux enfants blessés etc. Cependant, le sort futur des masses opprimées du Donbass est absolument indifférent aux autorités russes : en effet, jusqu’à présent les autorités bourgeoises russes n’ont pas reconnu légalement le fait de l’émergence de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Lougansk; suite à une série d’offensives réussies des milices[6], ces actions ont été stoppées sous la pression du pouvoir bourgeois de Russie, puisque les masses armées opprimées du Donbass inspirent la peur non seulement à la bourgeoisie ukrainienne, mais aussi à l’ensemble de la réaction impérialiste, y compris la réaction russe; la bourgeoisie russe n’a pas apporté une aide efficace à l’organisation du système financier des républiques indépendantes du Donbass, ni à la restauration des usines, des mines et de l’économie nationale dans son ensemble, etc.

Selon les données du 1er octobre 2014, les investissements directs des principaux pays de l’Union européenne occupent de loin la première place du tableau des investisseurs en Ukraine, (hors zones offshore), la Russie est en deuxième position, les USA sont en troisième position (les investissements directs US sont comparables à ceux effectués en Pologne). Nous pouvons en conclure que les capitales des pays de l’Union européenne s’intéressent avant tout à la préservation et à la stabilité de leurs positions économiques en Ukraine et au renforcement de leur influence politique. L’Union européenne n’a donc pas intérêt à inciter à des conflits militaires à grande échelle sur le territoire ukrainien.

L’impérialisme US, à son tour, souhaite affaiblir au maximum ses concurrents, principalement russes, non seulement en Ukraine, mais dans tout l’espace européen. L’impérialisme US cherche donc à attiser l’hostilité et à forcer l’Union européenne et la Russie à se combattre, principalement sur le territoire ukrainien et dans ses zones frontalières. Ainsi, à l’heure actuelle, l’impérialisme US est intéressé par l’incitation à la psychose de guerre en Ukraine et par la reprise des affrontements militaires actifs dans le Donbass.

Le Maïdan ukrainien, sous la bannière de la lutte contre ce qu’on appelle l’oligarchie et s’appuyant sur le mécontentement massif de la population à l’égard du régime en place, a renversé le régime prorusse de Ianoukovitch. Au moment du coup d’État en Ukraine en février 2014, les États de l’UE et leurs émissaires en Ukraine ont été les plus ouvertement actifs dans son soutien. Cela répondait pleinement aux intérêts du capital européen, qui cherchait à établir un régime proeuropéen en Ukraine et à renforcer ainsi ses positions politiques. Au moment du coup d’État en Ukraine, l’impérialisme US a agi non moins activement, mais dans le dos de ses alliés européens, comme toujours, en essayant de récolter les fruits de l’action des autres[7]. Les intérêts de l’impérialisme US sur le territoire ukrainien étaient, d’une part, de nuire au maximum au concurrent russe, en l’écartant voire l’évinçant de cette tête de pont avec un maximum de pertes pour lui, et d’autre part, de conquérir le marché ukrainien avec le maximum d’avantages pour lui-même, fut-ce aux dépens des intérêts de ses alliés européens.

Cependant, l’impérialisme russe a riposté, annexant la Crimée immédiatement et soutenant ouvertement les manifestations anti-Maïdan sur le territoire ukrainien. L’annexion de la Crimée a, avant tout, porté un coup sérieux aux plans et aux intérêts de l’impérialisme US dans la lutte contre son concurrent russe et a exacerbé la confrontation entre ces deux puissances impérialistes.

Le Maïdan de Kiev a proclamé que ses principes politiques étaient fidèles à la démocratie bourgeoise européenne et aux valeurs libérales-bourgeoises occidentales. Ces slogans étaient pleinement conformes aux rêves et aux aspirations des masses petites-bourgeoises d’Ukraine, en particulier de l’intelligentsia bourgeoise. Ce sont donc les masses petites-bourgeoises qui ont volontairement constitué la base du Maïdan de Kiev.

Le petit bourgeois, “pris de rage” devant les horreurs du capitalisme, est un phénomène social propre, comme l’anarchisme, à tous les pays capitalistes."

V. I. Lénine, La Maladie infantile du communisme (le "gauchisme")[8]

Cependant, le noyau pratique du Maïdan était constitué de groupes militants bien préparés, rémunérés et armés. Pourquoi et par qui ces groupes militants ont‑ils été formés? Ces groupes militants ont été préparés à l’avance par les organisateurs occidentaux du Maïdan sur le territoire de certains pays de l’UE, notamment sur le territoire des pays baltes et de la Pologne. La nécessité de telles unités provenait principalement de la crainte que les forces spéciales ukrainiennes puissent empêcher un coup d’État.

Ces escouades militantes n’étaient pas idéologiquement homogènes. Parmi eux se distinguaient les groupes profascistes, qui imposaient obstinément à la population l’idéologie du nationalisme ukrainien enragé. Pourquoi les organisateurs bourgeois du Maïdan ukrainien ont‑ils préféré l’idéologie d’un nationalisme enragé? Sur le territoire ukrainien, la lutte acharnée entre deux prédateurs impérialistes, la Russie et les USA, qui s’appuyaient sur certains groupes de la grande bourgeoisie ukrainienne, s’est intensifiée. Le nationalisme ukrainien a permis aux cercles politiques des USA, de l’Union européenne et à la propagande ukrainienne de créer dans l’esprit de l’Ukrainien moyen l’image de l’ennemi sanguinaire du peuple ukrainien incarné par la Russie. Certes, les initiateurs et les propagandistes de l’idéologie profasciste n’ont pas pris en compte les conséquences de cette propagande à l’intérieur même de l’Ukraine, donnant naissance à un mouvement antifasciste et à une véritable résistance pratique sous le slogan internationaliste "Le fascisme ne passera pas!" Pourquoi une partie importante des masses petites-bourgeoises ukrainiennes a-t‑elle rapidement accepté cette idéologie profasciste, jusqu’à élever les sanglants bourreaux fascistes Bandera, Choukhevytch et autres au rang de héros nationaux de l’Ukraine? L’idéologie nationaliste s’est révélée attractive pour les masses petites-bourgeoises de nationalité ukrainienne parce qu’elle leur permettait prétendument d’augmenter leur niveau matériel et de satisfaire leurs ambitions philistines, non pas en raison de leur propre travail et de leur véritable signification sociale, mais à travers l’oppression des représentants d’autres nationalités. La frénésie nationaliste n’a pas permis à l’Ukrainien moyen de se rendre compte qu’une partie importante de la population du Donbass et de plusieurs autres régions sont des citoyens ukrainiens, en particulier de nationalité russe, et que le chemin vers le bienêtre nationaliste sera inévitablement arrosé de sang et jonché de cadavres des partisans de Bandera et de Choukhevytch. Dans quelle mesure est‑il réaliste d’établir une dictature purement fasciste en Ukraine en tant que structure étatique? Les puissances impérialistes occidentales, y compris les USA, ne sont pas intéressées par l’établissement d’une dictature fasciste pure et simple en Ukraine en tant que structure étatique, car le patronage d’une dictature fasciste de leur part discréditerait les soi-disant valeurs démocratiques de ces puissances. Les impérialistes russes ne sont pas non plus intéressés par l’établissement d’un pouvoir fasciste ouvert en Ukraine, car cela pourrait compliquer la présence du capital russe sur le territoire de l’Ukraine et du capital ukrainien sur le territoire de la Russie. À son tour, la bourgeoisie ukrainienne ‑ autant celle prooccidentale que celle prorusse ‑ ne peut pas aller à l’encontre des intérêts de ses "partenaires" impérialistes. Cependant, le danger d’un coup d’État fasciste en Ukraine ne peut être totalement écarté. Sur le territoire du Donbass, les armes se sont retrouvées entre les mains des masses opprimées, qui résistent avec succès à l’agression des groupes militants nationalistes et de l’armée régulière ukrainienne. Les masses armées opprimées et leurs succès dans la lutte contre l’armée régulière sèment la peur non seulement dans la bourgeoisie ukrainienne, mais aussi dans la bourgeoisie de Russie, d’Europe occidentale et des USA. Par conséquent, s’il existe une menace que la lutte de libération nationale se transforme en lutte de classes, la bourgeoisie pourrait bien profiter de l’instauration d’une dictature fasciste en Ukraine, en s’appuyant sur des groupes militants nationalistes, car pour la bourgeoisie son ennemi de classe en la personne des masses armées opprimées est bien plus terrible et dangereux que n’importe quel concurrent bourgeois et n’importe quel conflit et problème au sein de la classe bourgeoise. Il ne faut pas oublier la leçon de l’instauration de la dictature fasciste au Chili.

La destruction massive des monuments de Lénine sur le territoire ukrainien ne s’explique pas du tout par la haine des Russes et de la Russie. Dans les années 1990, la bourgeoisie russe en Russie s’est également moquée des monuments dédiés à Lénine, à Dzerjinski et à d’autres héros légendaires de la révolution prolétarienne de 1917. Cette barbarie de classe s’explique par la haine féroce de la bourgeoisie dirigeante pour la révolution prolétarienne et par la peur de l’inévitable dictature du prolétariat ‑ tant sur le territoire de l’Ukraine que sur le territoire de la Russie. Pendant la Grande Guerre Patriotique, les peuples russe et ukrainien ont défendu les acquis de la révolution prolétarienne et de la patrie socialiste contre l’invasion des forces les plus réactionnaires du capital ‑ les envahisseurs fascistes. La dérision suscité par l’histoire légendaire de la Grande Guerre Patriotique et des monuments de ses héros s’explique, là encore, par la haine féroce de la bourgeoisie au pouvoir actuellement en Ukraine et de la petite bourgeoisie enragée envers la révolution prolétarienne.

Aujourd’hui, le mouvement antifasciste en Ukraine, né dans le Donbass ainsi qu’à Odessa et à Kharkov, est une réalité et, bien que lentement, il se répande dans tout le pays. Ainsi, un contrepoids à la propagation du fascisme apparait de la part des masses opprimées. Si dans les premiers jours du Maïdan, les groupes militants nationalistes, par leur détermination, leur organisation et leur persévérance, ont insufflé confiance aux citoyens ukrainiens et leur ont donné l’espoir d’une victoire rapide, aujourd’hui la victoire du Maïdan semble s’être produite et devenir une réalité, mais les idées et les attentes du Maïdan se sont transformées en fiction ‑ au lieu d’une augmentation du bienêtre, il y a eu un effondrement de la monnaie ukrainienne, une forte augmentation du cout de la vie, un banditisme endémique et l’anarchie, les organes dirigeants ont commencé à être dominés par des étrangers jusqu’aux niveaux inférieurs ‑ ce qui contredit les idées nationalistes, tous les "oligarques" ukrainiens sont bien vivants et "règnent" avec succès pour le bénéfice de leur gain personnel, etc. Comme le montre la pratique, les armes aux mains des masses opprimées du Donbass ne constituent pas encore une menace pour la bourgeoisie d’Ukraine, de Russie, des USA et de tout autre pays. Pourquoi? Aujourd’hui, la bourgeoisie russe neutralise avec compétence et succès toute initiative de classe des travailleurs armés du Donbass. La propagande russe, à laquelle font exclusivement confiance les masses opprimées du Donbass, attire l’attention de la population du Donbass sur la nécessité d’une réconciliation avec l’agresseur bourgeois de Kiev, prétendument comme la seule issue pour l’ensemble de la population du Donbass dans la situation actuelle ‑ c’est-à‑dire qu’en agissant comme un artisan de la paix, il détourne l’attention des masses opprimées du Donbass des problèmes de classe.

Les unités armées de combat des nationalistes ukrainiens, considérés comme les héros et l’espoir du Maïdan, se sont désormais complètement discréditées, dégénérant en une bande de tueurs à gages, de violeurs, de voleurs et de bourreaux, répétant le sort imposé par les partisans de Bandera pendant la Grande Guerre patriotique. Quelles autres raisons poussent actuellement la bourgeoisie ukrainienne à tolérer les groupes militants nationalistes et à utiliser leurs services? Premièrement, les efforts de l’impérialisme russe visant à neutraliser toute initiative de classe des travailleurs du Donbass pourraient s’avérer peu fiables et de courte durée, et la paix asservissante imposée avec la participation de la Russie accélèrera la formation de la conscience de classe des masses opprimées. Dans ce cas, les masses opprimées du Donbass, armées et expérimentées au combat, constitueront un danger pour la classe oppressive. Pour les neutraliser, il pourrait être nécessaire de perturber les accords de paix, pour lesquels des unités nationalistes armées prétendument incontrôlées par les autorités de Kiev pourraient être utilisées. Deuxièmement, la détérioration de la situation socioéconomique du pays pourrait à nouveau provoquer un autre Maïdan de masse. Dans ce cas, des détachements de militants nationalistes pourront à nouveau diriger le Maïdan et détourner le mécontentement des masses opprimées de la lutte des classes sociales vers la lutte pour les intérêts de la bourgeoisie lors de la prochaine redistribution des sphères d’influence. Troisièmement, le mouvement antifasciste, né d’en bas et en croissance, peut se transformer en lutte de classes, car le fascisme est la création et le serviteur du capital financier. C’est pourquoi la bourgeoisie s’efforcera de désorienter et de neutraliser le mouvement antifasciste, en l’orientant vers la voie d’une lutte pratique contre les partis nationalistes et leurs groupes militants, et non contre les maitres de classe de ces nationalistes. Quatrièmement, en raison de la détérioration de la situation socioéconomique du pays et de la hausse du chômage, la lutte des travailleurs pour leurs droits vitaux va s’intensifier. Pour réprimer brutalement les travailleurs, on peut avoir recours à des militants bien entrainés, censés n’avoir rien à voir avec le pouvoir bourgeois existant et censés exécuter la volonté et défendre les intérêts d’un capitaliste spécifique uniquement. Les groupes militants nationalistes tels que les détachements punitifs "Aidar", "Dnepr", "Vostok" des "oligarques" ukrainiens sont les plus appropriés pour ce rôle. Et ainsi de suite.

Le fascisme au pouvoir est […] la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier […] Le fascisme, ce n’est pas un pouvoir au-dessus des classes, ni le pouvoir de la petite bourgeoisie ou des éléments déclassés du prolétariat sur le capital financier. Le fascisme, c’est le pouvoir du capital financier lui-même. C’est l’organisation de la répression terroriste contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels. Le fascisme en politique extérieure, c’est le chauvinisme sous sa forme la plus grossière, cultivant une haine bestiale contre les autres peuples […]

Le développement du fascisme et la dictature fasciste elle-même, revêtent dans les différents pays des formes diverses, selon les conditions historiques sociales et économiques, selon les particularités nationales et la situation internationale du pays donné. Dans certains pays, principalement là où le fascisme n’a pas de large base dans les masses et où la lutte des différents groupements dans le camp de la bourgeoisie fasciste elle-même est assez forte, le fascisme ne se résout pas du premier coup à liquider le Parlement et laisse aux autres partis bourgeois, de même qu’à la social-démocratie, une certaine légalité […] avant l’instauration de la dictature fasciste, les gouvernements bourgeois passent ordinairement par une série d’étapes préparatoires et prennent une série de mesures réactionnaires contribuant à l’avènement direct du fascisme. Quiconque ne lutte pas, au cours de ces étapes préparatoires, contre les mesures réactionnaires de la bourgeoisie et le fascisme grandissant, n’est pas en état d’entraver la victoire du fascisme, mais au contraire la facilite.

Georgi Dimitrov, Rapport au 7e congrès mondial de l’Internationale communiste, 2 aout 1935 [9]

Après le coup d’État en Ukraine en 2014, le pays a formellement conservé un parlement bourgeois. Cependant, le Parti communiste d’Ukraine n’a pas été autorisé à participer aux élections de ce parlement et a ensuite été interdit en douceur. Quelle est la principale raison de l’interdiction du Parti communiste ukrainien en Ukraine? À la base, le Parti communiste d’Ukraine est un parti révisionniste et n’a rien de commun avec le communisme, si ce n’est son nom. Comme le Parti communiste de la Fédération de Russie en Russie, il exprime des intérêts bourgeois et adopte des positions bourgeoises. Contrairement au Parti communiste de la Fédération de Russie à l’heure actuelle, le Parti communiste d’Ukraine s’est retrouvé entre deux grands groupes du capital en train de se battre, ce qui a créé des désagréments pour les deux parties. Dans la situation actuelle, il s’est avéré inadapté, même en tant qu’opposition bourgeoise édentée. C’était la principale raison de son interdiction en douceur.

Arrêtons-nous surtout sur la confrontation armée sur le territoire du Donbass. La principale raison fondamentale de la guerre dans cette région est le conflit d’intérêts entre les impérialistes russes et US pour la redistribution des sphères d’influence avec la participation de divers groupes de la bourgeoisie ukrainienne et les mains des citoyens ukrainiens des deux côtés. Toutes les autres raisons sont soit une conséquence de la raison principale, soit sont imposées à l’homme moyen par la propagande bourgeoise afin de le détourner de la raison principale. Pourquoi l’écrasante majorité de la population du Donbass, y compris les travailleurs, a-t‑elle pris les armes ou soutenu la lutte armée contre les agresseurs de Kiev? Premièrement, le territoire du Donbass est principalement dominé par le capital russe et les groupes associés du capital ukrainien, et le gouvernement de Kiev se concentre principalement sur les impérialistes d’Europe occidentale et des USA. Par conséquent, l’employeur des masses opprimées du Donbass est la bourgeoisie russe ou prorusse. Deuxièmement, le nationalisme ukrainien, attisé par les autorités de Kiev, a involontairement uni la population russophone du Donbass et, à cet égard, l’a orientée vers la Russie. Troisièmement, la frontière commune avec la Russie crée des conditions favorables à une aide pratique concrète de la Russie aux rebelles du Donbass, dans le présent et dans le futur. Après avoir parlé de l’assistance pratique concrète apportée par la Russie aux rebelles du Donbass, il ne faut pas oublier que la guerre dans le Donbass est avant tout une conséquence de la dure lutte entre les impérialistes russes et US pour la redistribution des sphères d’influence, et le Donbass est victime de cette lutte. Il est donc nécessaire de parler de l’aide apportée au Donbass en guerre par les forces progressistes internationales. En même temps, nous pouvons et devons parler spécifiquement de l’assistance humanitaire, financière, diplomatique, informationnelle, de l’accueil des réfugiés, du traitement des blessés et des malades, de la restauration des entreprises détruites, des mines, des équipements sociaux, des immeubles d’habitation, etc. On peut même justifier l’envoi de volontaires dans le Donbass, etc., mais on ne doit en aucun cas pousser la Russie à envoyer ses troupes sur le territoire du Donbass ‑ ce que risquent de provoquer constamment des individus irresponsables en Russie et dans le Donbass. L’introduction actuelle de troupes régulières de n’importe quel État étranger sur le territoire de l’Ukraine ou du Donbass pourrait devenir une provocation dangereuse, susceptible de pousser l’humanité vers le déclenchement d’une guerre mondiale. Quatrièmement, les autorités de Kiev, pour réprimer le mécontentement de la population du Donbass, ont utilisé une armée régulière dotée de tous types d’armes, y compris des avions de combat et des armes terrestres lourdes modernes (qui n’étaient pas disponibles dans d’autres régions du pays), et des voyous de détachements nationalistes. Cinquièmement, l’armée régulière de Kiev et les bataillons nationalistes portent les principaux coups aux bâtiments résidentiels et aux équipements sociaux, aux entreprises industrielles, privant les travailleurs de la possibilité de travailler paisiblement et leurs familles des moyens de subsistance; des milliers de civils, dont des enfants, ont été victimes de leur agression; dans les territoires occupés, les agresseurs de Kiev se livrent à des vols, à des violences contre des civils, à des meurtres, à des actes de torture, etc. Par conséquent, les habitants du Donbass sont contraints de répondre à l’agression armée de Kiev par une résistance armée, défendant leurs familles, leurs maisons et leur existence. Ils n’avaient pas d’autre choix et n’en ont toujours pas.

Quelle forme de structure administrative d’État est la plus acceptable ‑ en tant que partie de l’Ukraine, en tant que partie de la Russie ou en tant qu’État indépendant ‑ pour la RP de Donetsk et la RP de Lougansk?

La réponse à cette question ne peut définitivement être laissée à l’appréciation ou à la décision finale de la Russie, de l’Europe occidentale, des USA ou de l’Ukraine. Les habitants des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, au prix de grands sacrifices et les armes à la main, ont conquis leur indépendance. Ils doivent donc décider eux-mêmes de leur propre sort. Cependant, essayons d’évaluer les trois options ci-dessus pour la structure administrative et étatique ultérieure de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk ‑ il n’y a pas d’autres options dans cette situation.

La RP de Donetsk et la RP de Lougansk ne peuvent faire partie de l’Ukraine que si elles disposent d’un statut spécial ‑ une fédération ou une confédération. Cependant, le président de l’Ukraine actuelle a déclaré publiquement à plusieurs reprises que l’Ukraine n’autoriserait aucune forme de fédération sur son territoire. Cette option est donc clairement rejetée par l’Ukraine. L’entrée de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk en Ukraine dans d’autres conditions ne garantit pas que la terreur d’État ne sera pas utilisée contre la population de ces républiques sous l’accusation de séparatisme, pouvant aller jusqu’à la destruction physique, l’emprisonnement ou l’expulsion. Il convient de noter en particulier qu’il existe des gisements de gaz de schiste sur le territoire de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk. La technologie de son extraction est dangereuse pour l’environnement[10]. Il ne devrait donc y avoir aucune population sur le territoire de ce champ. Les USA et les cercles bourgeois ukrainiens qui leur sont associés revendiquent le développement de gisements de gaz de schiste sur ce territoire.

Dans la situation actuelle, une raison faite que la RP de Donetsk et la RP de Lougansk ne pourront rejoindre la Russie en jouissant de leurs droits : la Russie n’a pas accepté et n’acceptera pas d’inclure ces territoires dans son État. La Russie ne risquera pas d’aggraver davantage ses relations avec les impérialistes US en raison d’un quelconque conflit particulier. Par conséquent, la RP de Donetsk et la RP de Lougansk n’ont aucune chance de compter sur l’option de Crimée pour leur sort.

La RP de Donetsk et la RP de Lougansk ont déjà conquis et déclaré leur indépendance. On ne peut donc parler que de la reconnaissance juridique (comme l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie) des États indépendants de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk ou de leur fédération. Dans ce cas, ces républiques seront en mesure de déterminer leur propre sort. Cette option est la seule acceptable pour les peuples de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk et a déjà été choisie et légitimée par leur référendum populaire.

Les accords de Minsk du 12 février 2015 constituent-ils une véritable trahison de la Russie à l’égard de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk et une reconnaissance diplomatique par la Russie de sa défaite dans la lutte contre l’impérialisme US dans le Donbass?

Défendant leurs intérêts égoïstes sur le territoire du Donbass contre les empiètements des concurrents occidentaux, les impérialistes russes ont activement soutenu le mécontentement de la population du Donbass face aux résultats du coup d’État à Kiev et ont approuvé la création d’une milice populaire pour repousser les bandes nationalistes armées. En réponse, le nouveau gouvernement de Kiev a utilisé l’armée régulière contre la population du Donbass, menant des frappes aériennes et d’artillerie sur des zones résidentielles et des équipements sociaux. C’est ainsi qu’ont commencé des opérations militaires à grande échelle sur le territoire du Donbass. Organisé pour repousser les agresseurs, un référendum national a eu lieu sur le territoire du Donbass, au cours duquel, par la volonté de l’écrasante majorité de la population, la RP de Donetsk et la RP de Lougansk ont été proclamées et les autorités ont été élues. Inspirées par leurs succès et par l’espoir de l’aide de la Russie, les milices repoussèrent l’armée ukrainienne et se lancèrent finalement dans une offensive active. Il y avait une menace réelle que le soulèvement s’étende à d’autres territoires de l’Ukraine. Bien sûr, cela a alarmé les impérialistes d’Europe occidentale et des USA et ils ont déclenché une campagne d’intimidation internationale contre les impérialistes de Russie. Cependant, tous ces impérialistes, y compris les impérialistes russes, ont été particulièrement préoccupés et effrayés par la présence d’armes dans les mains d’une masse considérable de travailleurs du Donbass et par leurs succès dans la lutte contre l’armée régulière de l’Ukraine. C’est ce qui a forcé les impérialistes de ces pays et la bourgeoisie ukrainienne à chercher ensemble un antidote à la menace de classe. Les impérialistes russes, en qui les habitants du Donbass avaient le plus confiance, ont pris l’initiative. En guise d’antidote, la Russie a proposé d’élaborer un document qui restreindrait réellement l’initiative des milices de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk. Les accords dits de Minsk sont apparus, approuvés par les dirigeants de la Russie, de l’Allemagne, de la France et de l’Ukraine. Les dirigeants de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk n’étaient autorisés à participer qu’à des groupes de travail, prétendument en raison de leur manque de reconnaissance au niveau international.

Pour répondre à la question posée, revenons sur quelques points fondamentaux de l’accord de Minsk du 12 février 2015.

Les accords de Minsk ne remettent pas en question l’inclusion obligatoire du Donbass dans l’Ukraine, et il n’y a aucune mention de la structure fédérale de l’Ukraine. Cela légitime la non-reconnaissance et la liquidation de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk (voir points 1, 2, 4, 5, 9, 11, 12). Dans ce document, il n’y a pas d’opinion particulière de la part de la Russie concernant le sort de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk, c’est-à‑dire que la Russie a soutenu inconditionnellement cette décision. De plus, les dirigeants russes ont en fait répondu par un refus à l’appel officiel lancé par les dirigeants de la RP de Donetsk au printemps 2014 concernant l’intégration de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk dans la Russie.

La réforme constitutionnelle, comme en témoigne le paragraphe 11, devra être menée à bien à l’initiative des autorités de Kiev et uniquement sous son contrôle. La participation des représentants du Donbass à cette réforme a été réduite au niveau d’une voix consultative.

Le désarmement de tous les groupes illégaux, tel que spécifié au paragraphe 10, ne s’applique en réalité qu’aux milices du Donbass, puisque les groupes armés illégaux de nationalistes ont déjà été officiellement légalisés et ne seront donc pas désarmés.

Le point 5 sur la grâce et l’amnistie des milices et de l’ensemble de la population civile du Donbass, puisque les autorités de Kiev les qualifient de séparatistes, suggère que les auteurs des accords de Minsk, dont la Russie, considèrent les milices et les civils du Donbass comme des criminels, bien qu’au prix de leur vie et de leurs épreuves, ils aient défendu leur maison contre l’agresseur de Kiev et les gangs nationalistes.

Il ne fait aucun doute que la guerre dans le Donbass n’est pas essentiellement une conséquence de la situation révolutionnaire dans cette région et que les milices n’ont pas pris les armes en raison de la lutte contre les oppresseurs de classe. La guerre dans le Donbass est une conséquence de la lutte des différents groupes du capital à tous ses niveaux pour la redistribution des sphères d’influence, et la lutte des milices est une lutte défensive contre les agresseurs bourgeois de Kiev, qui tentent d’établir la domination du capital US et du pouvoir bourgeois de Kiev sur ce territoire par la force des armes. Quelle que soit la variante de la structure administrative-étatique de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk, les masses opprimées du Donbass se retrouveront définitivement sous le joug de l’un ou l’autre groupe de la bourgeoisie, y compris le leur. La lutte de la classe opprimée du Donbass contre la classe des oppresseurs à l’avenir est inévitable, comme dans toute autre société de classes, et il est donc logique que les travailleurs du Donbass conservent en toute sécurité les armes entre leurs mains aujourd’hui.

Les points ci-dessus de l’accord de Minsk indiquent que la Russie bourgeoise non seulement n’a pas accepté l’entrée de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk dans son pays, mais qu’elle n’a même pas reconnu leur existence. La Russie bourgeoise, à travers les accords de Minsk, a livré sans condition le peuple héroïque du Donbass à l’agresseur de Kiev et à ses bandes nationalistes.

Les accords de Minsk indiquent que les impérialistes russes sont en train de perdre la bataille pour le Donbass face aux impérialistes US. Dans cette situation, le capital russe poursuivra ses intérêts dans le Donbass en accord avec les autorités de Kiev, tandis que les autorités de Kiev sont orientées vers l’Occident et se soucient davantage des intérêts des USA.

Nous ne recommandons pas de faire confiance naïvement aux serments et aux bonnes promesses d’une bourgeoisie ou d’un gouvernement bourgeois!

La lutte entre les impérialistes US et russes sur le territoire ukrainien pour la redistribution des sphères d’influence, comme dans d’autres cas similaires, affaiblit les deux camps opposés et constitue une confirmation pratique du déclin général du capitalisme. Et cela, à son tour, indique que le monde entre dans une ère de guerres de libération nationale et de révolutions prolétariennes. Le prolétariat d’un pays quel qu’il soit ne doit pas prendre le parti de tel ou tel oppresseur. Par conséquent, le prolétariat ne devrait soutenir ni les impérialistes russes ni les impérialistes US dans cette confrontation. L’affaiblissement du monde du capital est objectivement bénéfique au prolétariat révolutionnaire. Le prolétariat doit donc évaluer tout évènement du point de vue des bénéfices pour la cause révolutionnaire prolétarienne.

L’une des caractéristiques du Maïdan de Kiev est la participation massive des masses urbaines petites-bourgeoises. Beaucoup d’entre eux étaient politiquement organisés par leurs propres partis et considéraient le Maïdan comme un moyen de lutter pour la démocratie bourgeoise et contre la dictature des "oligarques" bourgeois. Cependant, les ouvriers n’ont pas participé au Maïdan et ne lui ont apporté aucun soutien. Pourquoi? Les travailleurs ukrainiens ne disposent pas de leur propre avant-garde politique de classe et leurs syndicats se concentrent uniquement sur la lutte sociale intraprofessionnelle. De plus, les revendications du Maïdan ne répondaient pas aux intérêts de classe des travailleurs, et les travailleurs décident généralement de leurs intérêts sociaux au niveau de leur entreprise ou de leur profession. Cependant, nous appelons à utiliser un pareil Maïdan pour l’agitation révolutionnaire de classe, mais sans soutenir l’un ou l’autre groupe bourgeois.

Une autre caractéristique du Maïdan de Kiev est que son noyau était constitué de détachements militants préparés à l’avance par la bourgeoisie. L’écrasante majorité de ces militants propageaient l’idéologie de Bandera, c’est-à‑dire fasciste. Sa propagande a donné une impulsion à l’émergence d’un mouvement antifasciste dans toute l’Ukraine sous le slogan "Le fascisme ne passera pas!" Les travailleurs ukrainiens organisés ne participent pas au mouvement antifasciste car la lutte de leurs syndicats se concentre uniquement sur la résolution de leurs problèmes égoïstes locaux et ils ne disposent pas encore de leur propre avant-garde politique de classe. Nous saluons le mouvement antifasciste d’Ukraine et le slogan "Le fascisme ne passera pas!" Cependant, nous attirons l’attention des participants au mouvement antifasciste sur le fait que la bourgeoisie tentera d’orienter la lutte des antifascistes vers la voie d’une lutte pratique contre les partis nationalistes et leurs détachements militants, et non contre les maitres de classe de ces nationalistes, les "oligarques" financiers ‑ c’est-à‑dire dans une impasse. Nous vous exhortons à accorder une attention particulière à ce fait et à orienter vos efforts vers l’agitation de classe, y compris antifasciste, dans les entreprises, en renforçant vos rangs et en dénonçant la démagogie et les ruses de la bourgeoisie.

La guerre dans le Donbass est sans aucun doute une conséquence de la lutte entre les impérialistes russes et US pour la redistribution des sphères d’influence et pour leurs intérêts de classe égoïstes. Toutefois, l’écrasante majorité de la population du Donbass a été entrainée dans cette guerre, d’une part, et dans l’armée régulière ukrainienne et les détachements nationalistes, d’autre part. La population du Donbass défend involontairement les intérêts des impérialistes russes et des cercles bourgeois ukrainiens qui leur sont associés. L’armée régulière et les unités nationalistes se battent ouvertement pour les intérêts des impérialistes US et occidentaux et des cercles bourgeois ukrainiens qui leur sont associés. En termes sociaux et de classe, la population du Donbass n’est pas homogène. Les cercles bourgeois de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk se battent pour leurs intérêts égoïstes et pour les intérêts des impérialistes russes, et les milices ont volontairement pris les armes pour se protéger, protéger leurs familles, leurs maisons et leur travail des agresseurs de Kiev. La lutte de la milice est donc défensive et juste. Mais ses partisans ne doivent pas oublier que toute bourgeoisie est corrompue et capable de trahison.

Nous appelons les forces progressistes et les travailleurs organisés de tous les pays du monde à soutenir pleinement la lutte armée de la population des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk contre les agresseurs de Kiev et les bandes nationalistes profascistes.

Nous appelons les forces progressistes et le prolétariat de tous les pays du monde à démasquer l’essence perfide des dits accords de Minsk du 12 février 2015 par rapport aux intérêts des masses opprimées de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk et de stigmatiser les impérialistes de la Russie pour avoir trahi les masses opprimées de la RP de Donetsk et de la RP de Lougansk, ainsi que les impérialistes des USA, de l’Allemagne, de la France et le pouvoir bourgeois réactionnaire d’Ukraine pour l’agression contre le Donbass, pour le massacre de civils, la destruction de villes et de villages, la torture et les mauvais traitements infligés aux prisonniers et aux civils, etc.

Dans ce document, nous nous sommes fixé pour tâche d’évaluer fondamentalement la situation politique actuelle en Ukraine et de mettre en lumière, d’un point de vue de classe, certaines questions spécifiques, notamment l’annexion de la Crimée par la Russie et l’agression de Kiev contre le Donbass. Nous ne nous sommes pas fixé pour tâche d’examiner en détail l’état du mouvement ouvrier en Ukraine, mais nous avons noté fondamentalement que la classe ouvrière ukrainienne n’a pas encore sa propre avant-garde politique et qu’elle est organisée au niveau du syndicalisme, c’est-à‑dire qu’elle est confinée dans le cadre de la lutte pour des intérêts sociaux étroits, ce qui est avantageux pour la bourgeoisie, sans se lancer dans la lutte de classe révolutionnaire. Le mouvement ouvrier russe d’aujourd’hui diffère peu, en termes de classe, du mouvement ouvrier ukrainien. Par conséquent, la classe ouvrière russe n’a pas pu remplir son devoir international de classe envers les masses opprimées d’Ukraine.

 



[1]. Source : https://red-kommuna.narod.ru/pgazeta/ru/pdf/PG_038.pdf

[2]. V. I. Lénine, Oeuvres, tome 22, Paris, Éditions sociales, 1960; pp. 287 et 323.

https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/vlimperi/vlimp7.htm

et

https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/vlimperi/vlimp10.htm

[3]. V. I. Lénine, Oeuvres, tome 22, Paris, Éditions sociales, 1960; p. 290.

https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/vlimperi/vlimp7.htm

Remarque [ROCML] : Dans l’édition citée, la traduction en français est défectueuse en ce qui concerne la formulation "ce qui est l’essence même de l’impérialisme". Dans l’original en russe, il est écrit : "для империализма существенно соревнование нескольких крупных держав", c’est-à‑dire "Pour l’impérialisme, la concurrence entre plusieurs grandes puissances est essentielle" ("существенно" est adjectif et non pas substantif). La formulation "est l’essence même" désigne la concurrence comme seul et unique élément essentiel de l’impérialisme, tandis que la formulation "la concurrence est essentielle" signifie qu’il s’agit d’un élément essentiel parmi d’autres.

Source en russe : V. I. Lénine, Oeuvres complètes en 55 volumes; Institut du marxisme-léninisme du Comité central du PCUS, 5e éd., tome 27, Maison d’édition nationale de littérature politique, 1969, p. 385-396.

Cf.
https://ru.wikisource.org/wiki/Империализм,_как_высшая_стадия_капитализма_(Ленин)/VII

[4]. Pour plus de détails, cf. le site www.epravda.com.ua.

[5]. Ce sont des fournisseurs régionaux d’énergie en Ukraine.

[6]. Il s’agit de milices formées par la population de Donetsk et Lougansk.

[7]. En russe : "chuzhimi rukami zhar zgrebat’" [une expression figée, littéralement "rafler la chaleur par les mains de quelqu’un d’autre"].

[8]. V. I. Lénine, Oeuvres, tome 31, Paris, Éditions sociales, 1961; p. 26.

https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/04/g4.htm

[9]. Georgi Dimitrov, Oeuvres choisies, Paris, Éditions Sociales, 1952.

[10]http://svpressa.ru/politic/article/87568/