S’opposer à l’offensive sur la santé
Gratuité des soins pour les classes populaires

"30 % des dépenses de santé ne sont pas pertinentes". Voilà la petite phrase prononcée par la ministre de la Santé Agnès Buzyn en octobre dernier. D’après elle, la santé doit entrer dans le bal de l’austérité et des économies. Ce n’est pas quelque chose de nouveau puisque depuis des années, la santé, les hôpitaux subissent des restructurations allant à l’encontre des intérêts de la majorité du peuple mais aussi des personnels salariés de la santé.

Quelle logique pousse la ministre de la Santé à tenir de tels propos? Cette logique est la même que celle qui pousse les patrons à augmenter l’exploitation des salariés du secteur privé. Dans la société capitaliste, la santé de la majorité de la population se heurte à la nécessité de faire du profit. Seule la perspective de dégager des profits pousse à préserver et développer l’activité économique. Il se trouve que soigner les salariés, développer des services de santé pour tous à long terme n’obéit pas à cette logique de profit. Bien soigner le peuple est en contradiction avec la logique du capital même si pourtant la bourgeoisie a besoin de salariés en bonne santé. Il faut donc "rationaliser", "responsabiliser", détruire finalement les services publics de santé pour les rendre rentables, "efficients". La protection sociale n’est pas tombée du ciel. Imposée par le mouvement ouvrier qui occupait une position importante dans la Résistance face à l’occupant national-socialiste, la protection sociale est justement le fruit d’une lutte aigue de la classe ouvrière face à la bourgeoisie. Depuis, le capital n’a eu de cesse de revenir sur cette grande conquête sociale au détriment des salariés[1]. Il devient de plus en plus clair que ce ne sont pas des gouvernements bourgeois qui amélioreront la santé pour la majorité du peuple mais seulement la prise en main par les travailleurs des affaires publiques.

Capitalisme et accès à la santé : une contradiction de plus en plus aigüe

Entre les idéaux libéraux de "bien commun" et la cynique réalité de la société capitaliste, la santé des travailleurs est régulièrement mise de côté, passée par pertes et profits. Aujourd’hui, le capitalisme subit une crise chronique et donc la santé attaquée par les différents gouvernements. En effet, le chômage est très élevé, l’État dépense des milliards pour faire repartir l’investissement des entreprises en faisant des cadeaux aux patrons (CICE, exonérations massives de cotisation sociales…). Il cherche donc à réduire les dépenses qui sont pour lui "improductives" et ne permettront pas de faire repartir la machine économique. La santé appartient à ces domaines "improductifs" car il n’y a de productifs pour le capital que les secteurs économiques qui produisent de la plus-value. Comme le remarque Karl Marx : "Le capital industriel est le seul mode d’existence du capital où sa fonction ne consiste pas seulement en appropriation, mais également en création de plus‑value, autrement dit de surproduit"[2]. Le capitalisme en contrepartie se heurte à la nécessité de reproduire une force de travail élargie, qui puisse être apte à venir travailler le plus longtemps possible, en bonne santé, avec un minimum de formation intellectuelle et culturelle[3].

Les gouvernants du capital ont fait un choix de classe. Pour résoudre leur crise, ils recourent à une augmentation de la plus-value, de l’exploitation des salariés. Ils augmentent la durée de travail des salariés, l’intensité du travail, font appel à la flexibilité des horaires et à la sous-traitance. L’ensemble des salariés est mis sous la coupe d’une exploitation plus importante, ce qui entraine des risques plus importants sur la santé : stress, épuisement au travail ("burn-out"), fatigue générale, non‑recours aux arrêts de travail pour cause de pression,… Plus d’un salarié sur deux estime subir du stress au travail. 28 % des salariés et 26 % des managers déclarent que leur travail leur a déjà causé des "problèmes psychologiques graves"[4]. Cette situation est largement imputable aux nouvelles méthodes de management mises en place par les directions d’entreprises, basées sur l’individualisation, l’isolement, les objectifs, mais aussi au risque de chômage.

L’état de santé est différent "selon la classe sociale". Un ouvrier masculin sur 4 meurt avant 65 ans. La mort due au cancer est plus élevée chez les ouvriers que chez les cadres[5]. Mais ce qui n’est pas dit, c’est que ce sont les conditions de vie de ce système qui sont la cause principale des problèmes de santé de la classe ouvrière[6].

Prenons deux exemples.

En mai 2012, la CGT s’est mobilisée pour demander la restauration du droit au départ à la retraite à 50 ans pour les salariés des égouts et des assainissements. Les salariés de ce secteur sont soumis à des conditions de travail déplorables et indignes. Ils touchent des salaires de misère et leur espérance de vie est de 13 ans inférieure par rapport aux cadres supérieurs. Ils meurent en général d’infections et de cancers dus à leur travail dans les égouts[7].

En 2012 toujours, les salariés sous-traitants du nucléaire étaient en grève pour dénoncer leur situation[8]. Ces salariés du nucléaire sont utilisés dans les centrales pour faire les opérations les plus dangereuses et les plus exposées aux rejets radioactifs. Ils "ont en charge la logistique dans la centrale, ce qui recouvre de très nombreuses activités de maintenance : décontamination, tri, évacuation des déchets". Ces salariés "encaissent la quasi-totalité de la dose annuelle de radiations reçue dans les 19 centrales nucléaires françaises. C’est le prix à payer pour les près de 30.000 sous-traitants d’EDF. Eux-mêmes se qualifient de “viande à rems”, ancienne unité de mesure de la radioactivité"[9]. Ils reçoivent 80 % des doses radioactives, ce qui montre bien que le capitalisme transforme certaines couches de salariés en travailleurs sacrifiables.

Est‑ce que les différents gouvernements qui se sont succédé depuis ont prêté attention aux conditions de vie de ces salariés? Non, bien au contraire. L’offensive de la bourgeoisie à l’encontre des travailleurs a amplifié les risques sur la santé au travail, elle est une cause de la détérioration de la santé des salariés. En effet, la loi El Khomri a supprimé la visite médicale d’embauche sauf pour les "métiers à risque". Surtout, la visite d’information et de prévention est passée de 2 à 5 ans pour les salariés en général et à 4 ans pour les "métiers à risque". Il devient difficile de déceler le stress et l’épuisement au travail avec de tels délais. Quant aux ordonnances Macron, en démantelant les CHSCT, elles vont permettre de freiner la lutte des salariés pour améliorer leur santé et leurs conditions de travail[10]. En effet, dans le cadre de la délégation unique, les salariés auront moins d’heures de délégation et de moyens[11] pour lancer des alertes sur leurs conditions de travail. Il s’agissait là d’une instance importante pour les salariés car en général, les entreprises réduisent leurs couts de production au détriment de la santé et de la sécurité de leur personnel. C’est pourquoi les marxistes-léninistes réclament l’abrogation des lois antiouvrières qui participent à dégrader la santé des travailleurs et réclament un suivi médical sérieux pour les salariés.

Le capitalisme nuit à la santé des salariés et ne peut réduire les inégalités de santé. "L’écart entre l’espérance de vie d’un cadre et d’un ouvrier est le même depuis… 1976"[12]. De plus, il y a 6 ans d’écart d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre. Et les statistiques n’indiquent pas la différence d’espérance de vie en bonne santé entre un cadre et un ouvrier. Ces différences sociales sont dues aux conditions de travail, au mode de vie mais aussi à l’inégalité d’accès aux soins et notamment à leur cout. En effet, dans l’ensemble des soins, l’Observatoire des Inégalités relève "le poids de l’origine sociale" et ce, dès le plus jeune âge[13]. C’est pourquoi ce problème ne peut se résoudre que par le développement d’une médecine préventive et d’une éducation à la santé, gratuite et publique, au sein des établissements scolaires. Cela nécessite de rompre entièrement avec les politiques d’austérité mises en place depuis 30 ans. Pour l’accès à la santé en général, les inégalités se creusent au détriment des classes populaires car l’État diminue ses dépenses. Exit les maternités et services hospitaliers de proximités, adieu le repos nécessaire et le suivi à l’hôpital après une hospitalisation. Bonjour dépassements d’honoraires et partie non remboursée. Ce désengagement de l’État a développé un "marché de la santé" avec une offre de soin à deux vitesses qui accroit les inégalités sociales.

Protection sociale pour tous les salariés – gratuité des soins

Le droit à la santé a toujours été une conquête de la classe ouvrière sur le capital. Il est donc nécessaire de combattre par le rapport de force les menaces que porte Macron sur la protection sociale. La bourgeoisie s’organise toujours mieux pour faire payer les travailleurs, à nous de résister à cette offensive. En effet, la part du patronat dans le financement de la sécurité sociale se réduit. En 2016, les exonérations de cotisations sociales ont représenté 27,8 milliards d’euros, soit plus de la moitié du budget de l’éducation pour 2018[14]. De plus avec le CICE, les charges patronales vont encore baisser de 24,8 milliards d’euros en 2019[15]. Encore un cadeau de plus aux riches. Quant à la baisse des cotisations maladies et chômage, elle est compensée par l’augmentation de la CSG qui repose sur l’ensemble des salariés et de la population et n’ouvre aucun droit. Ainsi, on passe de plus en plus d’un système d’assurance où tout le monde participait, à un système d’assistance qui risque de devenir un plafond minimum de soins gratuits avec, en complément pour ceux qui le peuvent, le recours à des assurances privées toujours plus chères.

Pour les communistes, une société aussi industrialisée et riche que la nôtre devrait développer l’accès gratuit aux soins, la prise en charge gratuite de tout individu. Cependant, la réalité montre que le capitalisme n’a jamais été capable d’assurer à tous de quoi vivre et se soigner dignement, il l’est encore moins actuellement, en pleine phase de décomposition. Ainsi, pour "Mettre définitivement l’homme à l’abri du besoin, en finir avec la souffrance et les angoisses du lendemain" comme le disait Ambroise Croizat, ministre communiste qui a créé la sécurité sociale (avec de nombreux militants cégétistes), il est plus que nécessaire de combattre tout un système et sa logique qui ne peut satisfaire, à long terme, un besoin social aussi essentiel pour des millions (des milliards à l’échelle de la planète) d’êtres humains. C’est pourquoi l’accès à une santé gratuite, pour tous peut être un des points de rupture avec le capitalisme, un des points sur lequel les communistes peuvent faire grandir l’alternative pour un système où l’accès à la santé serait, au même titre que d’autres aspects fondamentaux, au centre de la société : le socialisme.



[1]. Voir : CGT, "Bref historique d’une conquête ouvrière", 30/07/2012.

[2]. K. Marx, Le Capital, Livre II (1869-79) – Le procès de circulation du capital; Paris, Éditions sociales, 1976; p. 51.

[3]. Ce minimum qu’accorde la bourgeoisie pour rémunérer sa force de travail se différencie selon le développement économique du pays, sa lutte des classes…

[4]. Le Télégramme, "Stress au travail, un mal persistant", 7/12/2017.

https://www.letelegramme.fr/economie/stress-au-travail-un-mal-persistant-07-12-2017-11769774.php

[5]. Maud Gelly, Laure Pitti : "Une médecine de classe? Inégalités sociales, système de santé et pratiques de soins"; Revue Agone, 2016/1 (n° 58), p. 7‑18.

[6]. Il y a des causes secondaires qui sont reliées par mille fils aux conséquences du capitalisme : mauvaise éducation à la santé, alimentation de moindre qualité…

[7]Les Échos, 22/6/2016 : "Égoutier, un métier dangereux à long terme".

https://www.lesechos.fr/2016/06/egoutier-un-metier-dangereux-a-long-terme-210074

[8]Le Républicain Lorrain, 18/4/2012 : "Le ras-le-bol de “la viande à rem”".

https://www.republicain-lorrain.fr/actualite/2012/04/18/le-ras-le-bol-de-la-viande-a-rem

[9]. Médiacités, 22/11/2017 : "Grâce à la sous-traitance, EDF perpétue le mythe du nucléaire sans risque".

https://www.mediacites.fr/interview/national/2017/11/22/grace-a-la-sous-traitance-edf-perpetue-le-mythe-du-nucleaire-sans-risque/

[10]https://cgt.fr/IMG/pdf/fiche_no13_suppression_du_chsct.pdf

[11]http://www.ugict.cgt.fr/articles/actus/decret-reculer-prevention-risques-travail

[12]La Tribune, 18/2/2016 : "L’écart entre l’espérance de vie d’un cadre et d’un ouvrier est le même depuis… 1976".

https://www.latribune.fr/economie/france/l-ecart-entre-l-esperance-de-vie-d-un-cadre-et-d-un-ouvrier-est-le-meme-depuis-1976-551827.html

[13]. Observatoire des inégalités, 4/7/2017 : " L’obésité chez les jeunes, le poids du milieu social";

Observatoire des inégalités, 13/7/2017 : "Santé bucco-dentaire des jeunes : le poids de l’origine sociale".

[14]. BFM Business, 29/12/2017 : "Sécurité sociale: les exonérations de cotisations ont progressé en 2016".

http://bfmbusiness.bfmtv.com/france/securite-sociale-les-exonerations-de-cotisations-ont-progresse-en-2016-1337637.html

[15]Ouest-France, 1/11/2017 : "Ce qui change dans le nouveau budget de la Sécurité sociale".

https://www.ouest-france.fr/sante/securite-sociale/ce-qui-change-dans-le-nouveau-budget-de-la-securite-sociale-5351858