38e Congrès du PCF
Il n’y a rien d’honorable à ne pas abandonner le navire qui coule

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 24, septembre 2018 – p. 12-21

La dégénérescence idéologique, théorique, politique et organisationnelle du PCF a des antécédents qui datent, au moins, de la période après la 2e Guerre mondiale, quand Maurice Thorez suggéra d’emprunter la voie pacifique et parlementaire pour arriver au socialisme. Elle s’est accélérée et approfondie ensuite, notamment en lien avec la propagation du révisionnisme khrouchtchévien. Il est vain depuis longtemps d’attendre que, des débats internes au parti, ressortent des éléments susceptibles de modifier les caractéristiques du PCF dans un sens positif.

Néanmoins, les idées exprimées épisodiquement, dans le contexte de préparation des congrès, reflètent des problématiques qui ne sont pas dépourvues de signification. En ce qui concerne les contributions élaborées en vue du 38e congrès du parti, on peut noter un certain penchant à utiliser plus que d’habitude le nom de Marx ainsi que le qualificatif "révolutionnaire".

Dans l’ensemble des contributions au débat, un des points qui dominent, c’est le déclin de plus en plus accentué du PCF sur le plan électoral. Principalement, cette situation est imputée au renoncement, de la part de la direction, à une existence propre du parti, c’est-à-dire au fait qu’il s’est accroché au wagon d’autres forces politiques, avant tout Jean-Luc Mélenchon. On comprend que les adhérents focalisés sur le sauvetage du parti soient saisis de panique face à la perspective de sa disparition. Mais du point de vue de la classe ouvrière, la question se pose différemment : quel est le jugement à porter sur les orientations et le programme du PCF, du point de vue marxiste-léniniste.

En restant dans un cadre limité, examinant quelques argumentations extraites des contributions, on peut en tout cas constater que les critiques concernant la "stratégie électorale" restent découplées des considérations d’orientation. Tandis que le positionnement du parti vis-à-vis de la personne de Mélenchon est vivement mis en question, les réflexions en matière de programme reproduisent celles qui prédominent depuis longtemps dans le cadre du Front de gauche.

Les principaux passages de textes auxquels se réfèrent les observations qui suivent, sont cités en annexe.

La "6e république"

L’image de marque de Mélenchon, c’est la "sixième république". Dans son discours à l’occasion de la "marche pour la 6e république" organisée à Paris, le 18 mars 2017, il dit[1] :

La nouvelle constitution devrait rendre intouchable la trame fondamentale de l’ordre public social républicain. […] La nouvelle constitution doit être sociale d’abord! Elle doit permettre de répliquer aux ravages des politiques de délocalisation […]. Et contre le pillage, le saccage des entreprises, il nous faut encadrer la liberté aujourd’hui absolue qui est celle des actionnaires, qu’il s’agisse de personnes ou de fonds financiers, qui sont autant de parasites et de sangsues posés sur le corps productif.

Le document "La France en commun – Un pacte de majorité pour l’humain d’abord" présenté en 2017, qui constitue « la contribution du PCF à la campagne présidentielle dans laquelle nous appelons à voter Jean-Luc Mélenchon », énumère les thèmes suivants[2] :

Prendre le pouvoir sur la finance et partager les richesses […] De la nouvelle République au renouveau de la politique […] Investir pour l’emploi et le développement de chacun(e) […] L’égalité femmes-hommes maintenant […] Une France protectrice, solidaire et ouverte sur le monde […] Produire autrement pour l’humain et la planète […] À l’offensive pour changer l’Europe […].

Les revendications concrètes énumérées ensuite coïncident autant avec celles présentées par le document "L’humain d’abord – le programme du Front de gauche et de son candidat commun Jean-Luc Mélenchon" présenté pour les élections en 2012 [3], qu’avec celles figurant dans les principales contributions à la préparation du 38e Congrès du PCF.

Les "privilèges"

Mélenchon, dans son discours déjà cité, dit[4] : « […] les travailleurs doivent recevoir des droits constitutionnels qui les rendent citoyens dans l’entreprise puisque la République qui a vaincu les monarques dans la cité les y a laissés serfs! » Dans le même sens, Alexis Corbière, porte-parole de Mélenchon durant la campagne présidentielle[5]: « En République, nos ancêtres sont les révolutionnaires de1789! »

La Révolution française de 1789-1793 fait aussi partie des références traditionnelles évoquées par le PCF. Voici quelques échantillons.

Article dans l’Humanité[6] :

1793 pose les fondements de la République démocratique et sociale. Les idées de droit au travail, de bienfaisance nationale, d’assistance sociale, d’égalité aux droits, de proportionnalité de l’impôt se construisent et sont inscrites dans la loi. […] La République aujourd’hui ne devrait pas faire semblant de faire comme si 1793 n’avait pas été.

Article dans l’Humanité[7] (La date mentionnée fait référence à l’abolition des privilèges dans la nuit du 4 au 5 août 1789) :

Les possédants font ce qu’ils veulent, dans une forme moderne de féodalité. Le symbole du 4 août doit servir aujourd’hui.

Communiqué du Comité exécutif national du PCF[8] :

Nous invitons les communistes, aux côtés des syndicalistes, à riposter pied à pied en portant des propositions alternatives pour […] et pour en finir avec les privilèges accordés à la finance, aux actionnaires, aux grandes fortunes.

Le fait de prétendre que la révolution de 1789‑1793 constitue une référence qui reste d’actualité, et de fixer comme objectif de remplacer le régime actuel de la 5e République par un autre, celui d’une 6e République, ces deux éléments sont étroitement liés. Une telle approche évacue la nécessité, fondamentale du point de vue du marxisme-léninisme, de déterminer précisément la nature et le rôle des classes impliquées dans les évènements en question. Et de ce fait, elle revient à maintenir comme perspective celle de perpétuer le caractère de classe propre à la société en place en France aujourd’hui.

La révolution de 1789‑1793 marque l’avènement de la classe capitaliste comme force prépondérante en ce qui concerne le devenir de la structure économique de la société française. À travers les péripéties napoléoniennes version I et III en passant par la 2e République, et sur la base du développement rapide des forces productives industrielles durant la deuxième moitié du 19e siècle, la bourgeoisie a fini par établir son pouvoir comme classe dominante exclusive. Dès lors, les républiques dites démocratiques ainsi que le régime d’occupation de 1940 à 1944 se sont succédé pour exercer la dictature de la bourgeoisie à l’encontre, en premier lieu, de la classe ouvrière ainsi que de toutes les masses travailleuses.

Dans ces conditions, l’abolition de quelconques "privilèges" ne peut en rien atteindre les fondements de cette domination de la classe capitaliste. Et envisager une "6e république" implique clairement de rester dans la continuité avec les républiques issues du remplacement de la classe féodale par la classe capitaliste au pouvoir.

Le faux-semblant d’une orientation "révolutionnaire"

Certains des textes, plus que d’autres, prennent soin d’inclure dans leur vocabulaire les mots "révolution", "révolutionnaire", ainsi que des références explicites ou implicites à Marx et Engels, voire à Lénine. Par exemple, le texte "Les conditions de l’unité des communistes" émet la considération suivante :

C’est pourquoi nous proposons que le prochain congrès décide de faire de la théorie marxiste la référence philosophique du PCF. Nous considérons par ailleurs que le débat doit s’engager sur l’apport toujours actuel du léninisme à la théorie et l’action révolutionnaires.

L’absence totale d’argumentations qui chercheraient dans leur développement à se fonder effectivement sur la théorie de Marx et Engels, montre qu’il s’agit au mieux d’expressions purement déclamatoires. Parfois ces références sont fondamentalement frauduleuses. C’est le cas quand est formulé l’objectif de la 6e République en tant que moyen pour réaliser le dépérissement de l’État[9] :

Le "dépérissement de l’État" – comme instrument de domination du capital – doit être au cœur d’un projet d’émancipation. […] Il faut pour cela fixer l’objectif concret d’une 6ème République qui dépasse radicalement la démocratie parlementaire […].

L’évocation du "dépérissement" renvoie aux exposés de Marx et Engels. Ce dernier écrit par exemple[10] : « Quand il [l’État] finit par devenir effectivement le représentant de toute la société, il se rend lui-même superflu. » Mais ramener cette perspective à l’avènement d’une "6e République" est en contradiction totale avec la théorie marxiste et léniniste concernant le passage de la société capitaliste où la bourgeoisie détient le pouvoir d’État, à la société communiste où l’État s’éteindra.

Lénine expose dans son ouvrage "L’état et la révolution" les analyses de Marx et Engels sur cette question[11] :

[…] "Entre la société capitaliste et la société communiste, poursuit Marx, se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci. À quoi correspond une période de transition politique où l’État ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat." […]

Mais la marche en avant, à partir de cette démocratie capitaliste, – inévitablement étriquée, refoulant sournoisement les pauvres, et par suite foncièrement hypocrite et mensongère, – ne mène pas simplement, directement et sans heurts "à une démocratie de plus en plus parfaite", comme le prétendent les professeurs libéraux et les opportunistes petits-bourgeois. Non. La marche en avant, c’est-à-dire vers le communisme, se fait en passant par la dictature du prolétariat; et elle ne peut se faire autrement, car il n’est point d’autres classes ni d’autres moyens qui puissent briser la résistance des capitalistes exploiteurs.

Or, la dictature du prolétariat, c’est-à-dire l’organisation de l’avant-garde des opprimés en classe dominante pour mater les oppresseurs, ne peut se borner à un simple élargissement de la démocratie. En même temps qu’un élargissement considérable de la démocratie, devenue pour la première fois démocratie pour les pauvres, démocratie pour le peuple et non pour les riches, la dictature du prolétariat apporte une série de restrictions à la liberté pour les oppresseurs, les exploiteurs, les capitalistes. Ceux-là, nous devons les mater afin de libérer l’humanité de l’esclavage salarié; il faut briser leur résistance par la force; et il est évident que, là où il y a répression, il y a violence, il n’y a pas de liberté, il n’y a pas de démocratie.

Cela, Engels l’a admirablement exprimé dans sa lettre à Bebel, où il disait, […] : "…tant que le prolétariat a encore besoin de l’État, ce n’est point pour la liberté, mais pour réprimer ses adversaires. Et le jour où il devient possible de parler de liberté, l’État cesse d’exister comme tel." […]

C’est seulement dans la société communiste, lorsque la résistance des capitalistes est définitivement brisée, que les capitalistes ont disparu et qu’il n’y a plus de classes (c’est-à-dire plus de distinctions entre les membres de la société quant à leurs rapports avec les moyens sociaux de production), c’est alors seulement que "l’État cesse d’exister et qu’il devient possible de parler de liberté".

La "démocratie sociale"

D’une façon ou d’une autre, les principales positions qu’on rencontre au sein du PCF s’appuient sur l’idée de la dite "démocratie sociale". Dans le contexte actuel de la présidence d’Emmanuel Macron, l’emploi de ce concept est passé quelque peu en arrière-plan, mais il reste une référence, bien qu’à usage relativement discret. D’ailleurs, il est arrivé à Macron lui-même de l’inclure dans sa rhétorique[12] :

L’action politique nécessite ensuite l’animation permanente du débat. […] L’action politique est continue et le débat participe de l’action. C’est la double vertu du parlementarisme et de la démocratie sociale que notre République a encore trop souvent tendance à négliger.

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, inclut la référence à la démocratie sociale dans les exigences face à l’action du gouvernement[13] :

Les déclarations d’Édouard Philippe confirment que la méthode du gouvernement n’est pas en accord avec la démocratie sociale. […] Quand on gouverne, il ne faut pas être dans une position de monarque. Il fait tenir compte de l’opinion publique.

Et il détaille ce qu’il entend par démocratie sociale[14] :

Nous devrions travailler sur une démocratie sociale fondée sur le progrès, la justice sociale, la redistribution des richesses, l’emploi de qualité pour toutes et tous, avec notamment la réduction du temps de travail, des salaires décents, la possibilité d’exercer pleinement ses droits et libertés syndicales et aller vers une "démocratisation" réelle des lieux de travail. Cela doit s’accompagner d’un renforcement des prérogatives des institutions représentatives des salariés, chacune dans leur mission respective.

Comme beaucoup de slogans, l’évocation de la démocratie sociale semble à première vue désigner quelque chose qui "incontestablement" devrait être réalisée. Mais quand on tente de définir ce qu’on entend par "démocratie sociale", les certitudes s’évaporent. En se contentant de vagues associations d’idées, on pourrait dire que c’est une vie digne, la santé, la justice, bref le bonheur, et cela assuré à tous. Mais entre les désirs et les réalités il y a en général un abime, et pour arriver à le franchir, il faut avant tout atteindre une vision plus claire et détaillée, autant des aspirations que des voies à suivre pour les réaliser.

Si l’on aborde la question par l’autre bout, celui de la "démocratie sociale" telle qu’elle peut être mise en œuvre concrètement et pratiquement de la part de ses promoteurs, on constate que la conception de la démocratie "sociale" est calquée sur celle de la démocratie "politique". La démocratie politique est – selon la vision officielle – incarnée par la représentation du "peuple" à travers les institutions parlementaires et gouvernementales, et les élections législatives et présidentielles associées. De manière analogue, la démocratie sociale serait assurée par des structures organisationnelles composées de représentants élus ou désignés, par les "salariés" d’une part, par les "employeurs" d’autre part.

De François Mitterrand à François Hollande, en passant par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, chacun s’est efforcé à faire miroiter la venue de temps meilleurs sous les auspices de la démocratie sociale.

« Il faut donner un contenu à la démocratie sociale », disait F. Mitterrand[15], mais selon ses propres explications, ce merveilleux mot ne sert qu’à enjoliver la consigne banale de « contribuer à réveiller une politique contractuelle trop longtemps tombée en sommeil ». « Je crois que la politique contractuelle doit continuer d’être le soubassement de toute action sociale en France: ce sont les intéressés eux-mêmes qui discutent », disait-il encore, mais en enchainant aussitôt « et l’État, représenté par le gouvernement, est également intéressé. À lui d’intervenir quand il le juge bon, autant que possible avec l’accord des partenaires sociaux. »

« En élargissant la place de la démocratie sociale, on fait progresser toute la démocratie », disait J.Chirac[16]. « Il y a le champ politique. Mais il y a aussi celui de la liberté contractuelle et de la négociation collective. » Mais attention, « il ne peut évidemment être question pour les acteurs de la démocratie sociale de disputer aux assemblées parlementaires le monopole de l’expression de la volonté générale. »

« Il faut revivifier la démocratie sociale », disait N. Sarkozy[17] en reprenant la rengaine. Cela dit, plus franchement que ses prédécesseurs, il se limitait en général à un vocabulaire plus modeste[18] : « Je m’appuierai fortement sur le dialogue social, qui est un des grands manques de notre pays. » Et il va droit au but quand il indique[19] : « Je pense que le lieu pour la négociation, c’est l’entreprise. »

« Il faut avoir confiance en la démocratie sociale », disait François Hollande[20]. Restant fidèle à la ribambelle de ses prédécesseurs, il radote la même litanie : « L’État doit rester le garant de la cohésion nationale et de l’ordre public social mais il n’a rien à redouter de laisser une plus grande place aux partenaires dans la définition et l’élaboration des normes sociales. » De fait, il s’alignait sur la même vision que celle mise en pratique par N. Sarkozy, consistant à saper le plus possible les éléments pouvant donner un appui favorable aux travailleurs dans le rapport de force face aux employeurs. C’est le sens du principe de déplacer le terrain de négociation de plus en plus vers les entreprises, ce qui signifie le morcèlement de la lutte collective du côté des travailleurs. Ainsi Hollande laissait aux "partenaires sociaux" le soin de s’arranger entre eux[21] : « Ce nouvel âge de la démocratie sociale reste à écrire. Il revient aux acteurs sociaux de prendre leurs responsabilités, aux responsables politiques d’en comprendre l’enjeu. »

L’obsession de tous ces responsables politiques, de brandir le mot magique de la "démocratie sociale", nous ramène à ce qu’on appelle "les sources". Parmi les fondateurs, Charles de Gaulle[22] : « Mais la Démocratie Française devra être une démocratie sociale, c’est-à-dire assurant organiquement a chacun le droit de la liberté de son travail, garantissant la dignité et la sécurité de tous, dans un système économique tracé en vue de la mise en valeur des ressources nationales et non point au profit d’intérêts particuliers, où les grandes sources de la richesse communes appartiendront à la nation, ou la direction et le contrôle de l’État s’exerceront avec le concours régulier de ceux qui travaillent et de ceux qui entreprennent. »

De fait, la réalité concrète, pratique, en la matière se résume à quelques dispositifs institutionnels que sont d’une part les dites "instances représentatives du personnel" (comité d’entreprise, délégués du personnel etc.), et d’autre part les divers canaux de discussion/négociation faisant intervenir les pouvoirs publics (Conseil économique d’état, conférences sociales etc.). Force est de constater que ces mécanismes censés conduire vers la démocratie sociale sont enferrés dans le contexte global qui fait que la bourgeoisie, c’est-à-dire les capitalistes secondés de leur armée de commandants et exécutants (présidents, directeurs généraux, membres des conseils d’administration/surveillance, experts en tous genres…), mènent la danse.

Jean Jaurès

Pour ce qui est des "sources", si on remonte dans le temps au-delà de De Gaulle, on trouve Jean Jaurès, qui pour le PCF est en quelque sorte une figure de patriarche.

Voici un passage du texte "Pour un printemps du communisme" présenté pour la préparation du congrès du PCF[23] :

[…] nous avançons une nouvelle conception du processus révolutionnaire, remettant la question de la prise et de la transformation des pouvoirs institutionnels et du pouvoir d’État à leur place dans une "évolution révolutionnaire" visant prioritairement en tous domaines l’hégémonie des classes salariales et de l’ensemble des dominés.

La formule "évolution révolutionnaire" est empruntée à Jean Jaurès qui écrit: « J’étais donc toujours dirigé par ce que Marx a nommé magnifiquement l’évolution révolutionnaire. » ("République et socialisme", article de La Petite République, 17 octobre 1901). Jaurès a en vue un document émanant de Marx, l’"Adresse du Comité Central à la Ligue des communistes" diffusée par voie de tract en 1850, où on lit, selon la traduction en français : « Si les ouvriers allemands ne peuvent s’emparer du pouvoir et faire triompher leurs intérêts de classe sans accomplir en entier une évolution révolutionnaire assez longue, […] »[24]. Comme le note un auteur connaisseur de Jaurès, « le texte allemand d’origine[25] dit revolutionäre Entwicklung, ce qui signifie “développement révolutionnaire”. La traduction française est donc erronée, ou du moins inexacte »[26].

Cette façon de concevoir « la prise et la transformation des pouvoirs institutionnels et du pouvoir d’État » comme une « évolution révolutionnaire » est donc un élément supplémentaire de référence frauduleuse à Marx, du même type que ce qui a été exposé plus haut au sujet du "dépérissement de l’État".

Le concept de démocratie sociale remonte également à Jaurès[27] : « La démocratie sociale, le socialisme, a pour formule la souveraineté économique du peuple, la souveraineté du travail. » La confusion originelle à la base de toutes les contorsions langagières ultérieures en la matière apparait clairement : "démocratie sociale" égale "socialisme". Avec l’usure du temps on aboutit à la variante "démocratie sociale" substitut de "socialisme".

C’est précisément sur ce point que Mélenchon cite Jaurès[28] :

« […] notre volonté de construire une nouvelle France en construisant sa 6e République, est en continuité avec cette pensée fondamentale exprimée par le grand Jaurès : "La démocratie politique se résume en une idée centrale, ou encore une idée unique : la souveraineté politique du peuple." »

Annexe
Extraits de trois textes représentatifs

Le communisme est la question du 21e siècle -Base commune du Conseil national[29]

p. 10 :

[…] cinq grandes transformations révolutionnaires constitutives de notre projet communiste. Ouvrir la porte au communisme dans la production et le travail. […] Engager la révolution écologique. […] Faire reculer les dominations patriarcales, combattre le racisme et faire échec aux nationalismes. […] Protéger et développer les services publics. […] Prendre le pouvoir sur l’argent.

"Texte alternatif" intitulé "Se réinventer ou disparaître! Pour un printemps du communisme"[30]

p. 41 :

La proposition du Conseil national […] appelle à une "orientation révolutionnaire […]". […] Cependant, au-delà de ces affirmations générales, le texte ne propose aucun renouvellement de ce que cela signifie d’être révolutionnaire aujourd’hui. […] De fait, en donnant la priorité à la conquête du pouvoir d’État […] et au fait d’avoir des élu-e-s dans les institutions […], la "stratégie révolutionnaire" proposée par la direction reste prisonnière de l’illusion électoraliste-et ce sans même poser la question de l’effet de nos alliances électorales avec le PS sur notre crédibilité révolutionnaire. […] nous avançons une nouvelle conception du processus révolutionnaire, remettant la question de la prise et de la transformation des pouvoirs institutionnels et du pouvoir d’État à leur place dans une "évolution révolutionnaire" visant prioritairement en tous domaines l’hégémonie des classes salariales et de l’ensemble des dominés.

p. 44 :

[…] Un nouveau statut juridique des entreprises qui met fin à la mainmise du capital sur la production et l’appropriation des richesses est essentiel dans ce combat. […] Le "dépérissement de l’État" – comme instrument de domination du capital – doit être au cœur d’un projet d’émancipation. Il suppose une conception révolutionnaire de la démocratie, fondée sur la multiplication des formes d’auto-organisation et visant à l’égal exercice de tous les pouvoirs par tous les citoyens et toutes les citoyennes. Il faut pour cela fixer l’objectif concret d’une 6èmeRépublique qui dépasse radicalement la démocratie parlementaire par le développement permanent de toutes les formes possibles d’intervention citoyenne, l’institution de nouveaux rapports entre élu-e-s et citoyen-ne-s, la prééminence des assemblées élues sur les exécutifs, la parfaite transparence de l’action publique et une stricte séparation des pouvoirs.

p. 48 :

Encore faut-il que l’idée de révolution redevienne une perspective réaliste. Car cette grande idée, qui a mobilisé des millions de femmes et d’hommes sur tous les continents, a été dénaturée par les expériences révolutionnaires du 20ème siècle qui, tout en se réclamant du progrès social, de la liberté et même du communisme, ont produit des systèmes brutaux et antidémocratiques. […] nous avons davantage mené campagne pour des propositions immédiates que des ruptures post-capitalistes; […] et nous avons préféré utiliser des périphrases pour éviter le mot révolution. […] un dépassement du capitalisme qui suppose évidemment des transformations révolutionnaires de l’ordre existant.

p. 49 :

"L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes". Cette idée fameuse, que Marx a introduite en 1864 dans le préambule des statuts de la Première Internationale, fait partie de l’héritage théorique du mouvement révolutionnaire. Le fait est pourtant que les expériences soviétiques et maoïstes ont fait tout le contraire. Dans les conditions spécifiques à chacune, elles ont toutes les deux débouché sur des systèmes politiques et sociaux oppressifs. […] Notre expérience est par ailleurs que, même sans prise du pouvoir, des transformations circonscrites mais profondes de l’ordre capitaliste peuvent s’imposer et perdurer dès lors qu’elles sont majoritairement soutenues.

"Contribution collective" intitulée "Les conditions de l’unité des communistes"[31]

[Note : Une démarche en plusieurs étapes a été entreprise par le réseau "Faire vivre et renforcer le PCF". D’abord a été publié la "contribution collective" intitulée "Les conditions de l’unité des communistes", puis un appel "La base commune pour un congrès extraordinaire reste à écrire, relevons ensemble ce défi!"[32]. Comme résultat a été déposé le texte "Pour un Manifeste du Parti communiste du 21ème siècle" (cf. plus loin).]

p . 4 :

C’est pourquoi nous proposons que le prochain congrès décide de faire de la théorie marxiste la référence philosophique du PCF. Nous considérons par ailleurs que le débat doit s’engager sur l’apport toujours actuel du léninisme à la théorie et l’action révolutionnaires.

p. 7-8 :

Avec la mutation, le PCF s’est complètement engagé dans l’idée qu’on pouvait marquer des points en pesant pour une politique plus progressiste, même dans un rapport de force défavorable, même dirigé par le parti socialiste dans un pays capitaliste mondialisé. […] Avec la recomposition politique macroniste construite sur l’échec historique de la gauche, cette stratégie ne peut être poursuivie.

p. 8 :

Nous proposons un programme de revendications économiques immédiates pour faire reculer la misère et la souffrance populaire et instaurer plus de justice, créer les conditions d’une transformation révolutionnaire de la société. […] Nationalisation/socialisation […] Renationalisation […] réindustrialisation […] développement des services publics […] Interdiction des licenciements et des délocalisations […] Réduction massive du temps de travail sans perte de salaires […] Rétablissement d’une indexation des salaires sur l’inflation […] Augmentation significatives des salaires, des pensions et minima sociaux. […] retraite à 60 ans à taux plein et départ dès 55 ans pour la pénibilité. […] Sécurité Sociale financée par la plus-value générée par le travail, la taxation du capital […] Blocage des prix des produits de première nécessité. […] logements sociaux […] blocage des loyers.

"Texte alternatif" intitulé "Pour un Manifeste du Parti communiste du 21ème siècle"[33]

[Cf. plus haut, la note concernant le texte "Les conditions de l’unité des communistes".]

p. 63, 77 :

[…] une organisation révolutionnaire de notre temps […] il n’y a jamais eu autant besoin de révolution, d’idées et de luttes révolutionnaires […]

[…] un corps d’idées et de propositions […] avec l’apport du marxisme vivant […].

p. 70 :

Cela signifie une révolution des rapports sociaux de production: une appropriation sociale des moyens de production, d’échange et de financement, de la gestion des entreprises; l’avancée d’une sécurité d’emploi ou de formation, avec des activités de développement des capacités de chacune et chacun, dépassant le salariat capitaliste, vers une société sans classe. Cela suppose une révolution politique qui, à chaque étape, arrache toujours plus au capital la maîtrise des leviers de pouvoir, notamment ceux de l’État. Cela signifie une transformation ininterrompue des institutions, avec des pouvoirs d’intervention directe, décentralisés, de tous les acteurs sociaux, des citoyennes et des citoyens. Cela permettrait de pousser la démocratie jusqu’au développement de l’autogestion économique et politique.

p.81 :

Partant du rôle fondamental de la lutte de classes dans l’histoire, et du rôle du capital, l’analyse critique de Marx, dépassant le socialisme dit utopique, a posé les bases d’une vision beaucoup plus rigoureuse du socialisme et du communisme. […] il faut encourager le travail de création théorique en liaison avec les luttes et expériences, avec l’ambition d’une nouvelle hégémonie culturelle sur la gauche et dans la société.

 



[1]https://vivelasixiemerepublique.wordpress.com/2017/03/19/discours-de-jean-luc-melenchon-a-loccasion-de-la-marche-pour-la-6e-republique-place-de-la-republique-a-paris-le-18-mars-2017/

[2]http://oise.pcf.fr/sites/default/files/2017-pcf-programme-la_france_en_commun.pdf

[3]https://melenchon.fr/wp-content/uploads/2015/10/humain_dabord.pdf

[4]https://vivelasixiemerepublique.wordpress.com/2017/03/19/discours-de-jean-luc-melenchon-a-loccasion-de-la-marche-pour-la-6e-republique-place-de-la-republique-a-paris-le-18-mars-2017/

[5]http://www.alexis-corbiere.com/index.php/post/2016/09/27/En-République,-nos-ancêtres-sont-les-révolutionnaires-de-1789-!

[6]. "1793, l’année de la guerre révolutionnaire et la maladie d’amnésie de la 5e République", L’Humanité, 8novembre 2013.

https://www.humanite.fr/politique/1793-l-annee-de-la-guerre-revolutionnaire-et-la-ma-552779

[7]. "À Vitry, la nuit du 4 août fait toujours parler d’elle", L’Humanité, 6aout 2012.

https://www.humanite.fr/politique/vitry-la-nuit-du-4-aout-fait-toujours-parler-d’elle-501909

[8]. "Face à Macron, nous sommes de toutes les mobilisations", 23 avril 2018.

https://2017.pcf.fr/face_macron_nous_sommes_de_toutes_les_mobilisations

[9]. Brochure "23.25/11.2018 Congrès d’Ivry", p. 40‑59.

http://www.pcfbassin.fr/images/2018 Congrs brochure-congrs-2018.pdf

[10]. Friedrich Engels, Anti-Dühring (1877), Éditions Sociales, 1977, p. 317.

[11]. V. I. Lénine, L’État et la révolution, Éditions sociales, 1976.

[12]. Emmanuel Macron, "Les labyrinthes du politique. Que peut-on attendre pour 2012 et après?", Revue Esprit, mars/avril 2011.

https://esprit.presse.fr/article/macron-emmanuel/les-labyrinthes-du-politique-que-peut-on-attendre-pour-2012-et-apres-35981

[13]. Franceinfo/France Télévisions, 5 avril 2018.

https://www.francetvinfo.fr/economie/greve/greve-des-transports/video-philippe-martinez-secretaire-general-de-la-cgt-sur-la-reforme-de-la-sncf-le-gouvernement-sentete-et-recherche-lepreuve-de-force_2690994.html

[14]. Table ronde -Comment raviver la démocratie sociale?, 26 mai 2017.

https://www.humanite.fr/table-ronde-comment-raviver-la-democratie-sociale-636559

[15]. Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République lors des vœux aux "Forces vives" de la Nation, 5 janvier 1994.

http://discours.vie-publique.fr/notices/947000700.html

[16]. Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, à l’Élysée, 6 janvier 2000.

http://discours.vie-publique.fr/notices/007000051.html

[17]. 3 novembre 2015.

https://twitter.com/nicolassarkozy/status/661798933526618116

[18]. En mars 2007, pendant la campagne pour les élections présidentielles.

http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/05/29/en-2007-aussi-nicolas-sarkozy-mettait-en-avant-le-dialogue-social_1708793_1471069.html

[19]. 3 novembre 2015.

https://twitter.com/nicolassarkozy/status/661798933526618116

[20]. "François Hollande: “Il faut avoir confiance en la démocratie sociale”", Le Monde, 14 juin 2011.

http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/06/14/il-faut-avoir-confiance-en-la-democratie-sociale_1535809_3232.html

[21]. "François Hollande préface un ouvrage en faveur du dialogue social", Libération, 22 septembre 2015.

http://www.liberation.fr/france/2015/09/22/francois-hollande-preface-un-ouvrage-en-faveur-du-dialogue-social_1388180

[22]. Discours prononcé devant l’Assemblée Constituante provisoire à Alger, 18 mars 1944. Charles de Gaulle, Discours et messages, tome 1 -1940-1946, Paris, Plon, 1970, p. 395.

[23]https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/congrespcf/pages/1383/attachments/original/1539262723/texte.pdf?1539262723

[24]https://www.marxists.org/francais/marx/works/1850/03/18500300.htm

[25]https://www.marxists.org/deutsch/archiv/marx-engels/1850/03/zen-bund.htm

[26]. Bruno Antonini, "Esquisse d’une théorie du dépérissement du capitalisme", Revue Nouvelles FondationS, 2006/1 (no 1).

https://www.cairn.info/revue-nouvelles-fondations-2006-1-page-33.htm

[27]. "Civilisation et socialisme", conférence donnée au théâtre Colisée de Buenos Aires, 5 octobre 1911. Jean Jaurès, Œuvres, tome 17 – Le pluralisme culturel; Paris, Fayard, 2014, p. 380.

[28]. Discours, 18 mars 2017.

https://vivelasixiemerepublique.wordpress.com/2017/03/19/discours-de-jean-luc-melenchon-a-loccasion-de-la-marche-pour-la-6e-republique-place-de-la-republique-a-paris-le-18-mars-2017/

[29]. Brochure "23.25/11.2018 Congrès d’Ivry", p. 11‑34.

http://www.pcfbassin.fr/images/2018 Congrs brochure-congrs-2018.pdf

[30]. Brochure…, p. 40‑59.

[31]http://lepcf.fr/spip.php?ac-tion=acceder_document&arg=4003&cle=d00ebcfcdffa89d728a06e3de71df17463b899aa&file=pdf/les-conditions-de-l-unite-des-communistes_a3876-2.pdf

[32]http://lepcf.fr/La-base-commune-pour-un-congres-extraordinaire-reste-a-ecrire-Relevons-ensemble

[33]. Brochure…, p. 63‑85.