La construction du Parti d’avant-garde de la classe ouvrière
Objectif à mettre en oeuvre à partir de la situation actuelle
de la lutte de classe

(Texte disponible sous forme de fichier PDF)

Les 7-8/12/2019 s’est tenu à Bruxelles à l’initiative de l’organisation "Matin Rouge Maroc" un Séminaire ayant pour thème l’étude de l’ouvrage "Que faire" de Lénine. L’objectif était de mettre les réflexions de Lénine en perspective selon le contexte respectivement de l’époque de la révolution russe et de notre époque actuelle.

Le texte ci-dessous a été soumis par le ROCML afin d’alimenter la discussion.

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La nécessité du Parti d’avant-garde de la classe ouvrière constitue un élément fondamental pour l’activité des communistes marxistes-léninistes. La révolution d’octobre 1917 en Russie l’a mis en évidence. Une des principales caractéristiques de la situation actuelle, en France et ailleurs, consiste en ce que non seulement ce parti n’existe pas, mais que l’ensemble des militants se considérant comme communistes est numériquement faible et dispersé. Le chemin est encore long vers la clarification qui permettra d’affirmer le marxisme-léninisme comme base essentielle pour le Parti d’avant-garde du prolétariat, et de mettre en œuvre le rassemblement des militants communistes marxistes-léninistes en une seule et unique organisation.

Le présent texte formule quelques réflexions autour de ces problématiques.

ROCML, décembre 2019

La nécessité de l’Organisation communiste

L’expérience de la Révolution d’Octobre 1917 constitue la base pour tous ceux qui militent dans leurs pays respectifs, en faveur du renversement du pouvoir de la bourgeoisie et de l’instauration du pouvoir de la classe ouvrière, dans l’objectif de mettre fin au système social capitaliste et d’édifier la société socialiste et communiste.

La révolution d’Octobre a été l’aboutissement d’un processus alliant certains facteurs d’importance fondamentale:

– accentuation des contradictions de classe inhérentes aux rapports de production caractérisant le capitalisme, accompagnées par celles propres aux rapports de production féodaux préexistants;

– approfondissement de la conscience de classe, de la part des masses travailleuses exploitées, en premier lieu du prolétariat subissant l’exploitation capitaliste;

– fondation et édification du POSDR comme Parti d’avant-garde de la classe ouvrière.

L’enjeu primordial: l’instauration du pouvoir du prolétariat

Le système capitaliste impérialiste mondial est composé de sociétés ayant atteint des niveaux variés de développement économique et social. Dans la majorité des cas, la perspective de progrès social exige comme étape immédiate le renversement du pouvoir de la bourgeoisie par une lutte révolutionnaire sous la direction du prolétariat. Celui-ci, en instaurant son propre pouvoir, pourra créer les conditions nécessaires pour éliminer les rapports de production capitalistes et mettre fin ainsi aux rapports sociaux d’exploitation et d’oppression. Ce constat s’applique aux puissances impérialistes grandes et moins grandes, mais aussi à des pays qui, tout en étant caractérisés par l’existence de forces productives similaires à celles présentes dans les pays capitalistes dominants, subissent la dépendance vis-à-vis du grand capital monopoliste international.

L’expérience de la révolution d’Octobre en Russie montre que l’existence du POSDR comme Parti d’avant-garde du prolétariat et le rôle qu’il a assumé sur le plan de l’organisation étaient essentiels pour que le prolétariat puisse prendre le pouvoir, et ceci sous un double aspect. Sans organisation du prolétariat comme classe pour soi, la lutte se serait fatalement écartée de l’unique voie possible vers la victoire, celle de l’opposition frontale entre classe ouvrière et classe capitaliste. Et sans l’organisation de l’ensemble des masses travailleuses autour de la classe ouvrière, celle-ci risquait de manquer des forces nécessaires pour faire tomber le pouvoir des classes exploiteuses.

C’est grâce à l’œuvre de Lénine qu’un tel parti a pu naitre, un parti de type différent comparé aux partis qui s’étaient développés antérieurement, y compris ceux liés au mouvement ouvrier. C’est un parti de ce type que les militants communistes devront constituer à nouveau, dans les pays respectifs. Poser la question concernant les tâches des communistes aujourd’hui, c’est poser la question de savoir comment réaliser cet objectif de constituer le Parti d’avant-garde de la classe ouvrière.

Les réponses à cette question devront s’inscrire dans le contexte actuel, fort éloigné de celui de la révolution d’Octobre, autant dans le temps que de par les caractéristiques concrètes de la situation. Cependant, les expériences qui ont marqué toute l’époque de la fin du 19e siècle jusqu’à la destruction de l’Union soviétique par la contrerévolution khrouchtchévienne, doivent nous servir de référence pour éclairer nos réflexions et les conclusions que nous en tirons pour notre action. Mais en cela on ne doit pas se baser sur des transpositions schématiques, mécaniques, d’un contexte d’autrefois vers un contexte d’aujourd’hui en faisant abstraction de tout ce qui distingue les deux moments de l’histoire. Et on ne doit pas non plus prétendre, à l’opposé, que nous nous trouvons dans une situation totalement inédite qui nous autoriserait à agir selon nos intuitions du moment.

Ainsi conçue, l’étude de l’expérience historique du Parti bolchevik et plus généralement de toute la période d’existence de l’Internationale communiste, peut nous apporter des éléments précieux pour orienter nos analyses et nos actions, dans l’actualité. Les indications qui suivent, au sujet du POSDR d’une part et le Parti communiste d’Allemagne d’autre part, visent plus particulièrement les problèmes liés au processus d’élargissement de l’organisation des communistes, en matière de force numérique de membres et d’ampleur de l’influence parmi les travailleurs. Plus loin, cette problématique sera abordée en rapport avec notre propre expérience dans le présent.

Quelques éléments historiques au sujet du POSDR

En Russie, en 1898, un congrès est organisé pour tenter d’unifier en un parti diverses organisations marxistes ou ouvrières. Dans ses décisions et dans son Manifeste, le congrès proclame la création du Parti ouvrier social-démocrate de Russie. Mais il n’y a ni programme, ni statuts du Parti. Par la suite, les membres du Comité central élu au congrès sont arrêtés, et cet organe n’est pas reconstitué.

Lénine passe à l’étranger. Il s’entend avec le groupe "Libération du Travail", auquel appartient Plékhanov, sur la publication en commun du journal Iskra, dont le premier numéro parait à l’étranger en décembre 1900. Martov fait partie également du comité de rédaction. Le but est de défendre la nécessité de construire le Parti pour donner une expression indépendante au prolétariat, et de développer l’activité pratique en ce sens.

En 1903 se tient à Londres le 2e congrès du Parti. Un clivage autour de la condition d’adhésion des membres au Parti cristallise une séparation en deux camps, à partir des positions défendues respectivement par Martov et Lénine. Les partisans de Lénine se retrouvent en majorité, le Parti se scinde ensuite en deux fractions. À cette époque le Parti compte quelques milliers de membres, dont plus de la moitié de travailleurs dans de grandes entreprises. Les comités les plus larges, notamment à Petersburg, Moscou, Riga, Baku, Odessa, étaient formés par une à deux douzaines de membres ayant l’expérience du travail clandestin. Formellement, les bolcheviks étaient sortis majoritaires du congrès de 1903, mais dans la période qui suit, les mencheviks parviennent à regrouper plus de membres.

À la suite du 2e congrès, la lutte s’aggrave au sein du Parti. Les mencheviks cherchent par tous les moyens à saboter les décisions du congrès et à s’emparer des centres du Parti. Plékhanov devient bientôt lui-même un menchevik. Il insiste pour que soient compris dans la rédaction de l’Iskra tous les anciens rédacteurs mencheviks repoussés par le congrès. Lénine se retire de la rédaction de l’Iskra, afin de fortifier ses positions au sein du Comité central du Parti. Plékhanov coopte de son propre chef à la rédaction de l’Iskra les anciens rédacteurs mencheviks. En été 1904 les mencheviks s’emparent de la majorité dans le Comité central. Il était évident qu’ils s’orientent vers la scission.

En 1904 se tient en Suisse, sous la direction de Lénine, une conférence de 22 bolcheviks. Elle adopte un message "Au Parti", qui devient pour les bolcheviks un programme de lutte pour la convocation du 3e congrès. Un Bureau des comités de la majorité est élu, en janvier 1905 parait le premier numéro du journal bolchevik Vperiod.

Lénine en février 1905:

Maintenant, […] la scission est un fait. Et dès qu’elle est devenue un fait, il est apparu que nous étions matériellement beaucoup plus faibles. Nous devons encore transformer notre force morale en force matérielle. Les mencheviks ont plus d’argent, plus de publications, plus de moyens de transport, plus d’agents, plus de "noms", plus de collaborateurs. […] nous devons comprendre que nous avons besoin de la guerre et d’une organisation de guerre. Ce n’est qu’après une longue guerre, si nous avons une organisation excellente, que notre force morale se transformera en force matérielle.

Le 3e congrès se tient à Londres en avril-mai 1905. Sa préparation déclenche un conflit de légitimité. Seule une poignée de mencheviks se rend au congrès, les autres organisant une conférence alternative à Genève. Le congrès condamne les mencheviks comme "portion dissidente du Parti". Le congrès charge le Bureau russe du Comité central de réunifier les deux fractions. Le 4e congrès se tient à Stockholm en avril 1906. Les organisations bolcheviques ayant été durement éprouvées pendant et après l’insurrection de décembre, tous n’ont pas pu envoyer des délégués. D’autre part, durant 1905, les mencheviks avaient accepté dans leurs rangs une masse d’intellectuels petits-bourgeois, qui n’avaient rien de commun avec le marxisme révolutionnaire. Aussi une majorité du congrès se trouve-t-elle du côté des mencheviks. Cette composition du congrès détermine le caractère menchevik des décisions dans tout un ensemble de questions. L’unité réalisée à ce congrès est purement formelle. En réalité, bolcheviks et mencheviks maintiennent leurs conceptions respectives et leurs organisations propres. Le Comité central élu au congrès comprend 3 bolcheviks et 6 mencheviks. Les mencheviks entrent seuls à la rédaction de l’organe central. Il est évident que la lutte va continuer à l’intérieur du Parti.

Le 5e congrès se tient à Londres en mai-juin 1907. Il réunit 338 délégués, dont 105 bolcheviks et 97 mencheviks. Les bolcheviks sont désormais plus nombreux que les mencheviks, mais le Comité central issu de ce congrès est profondément divisé et ne parvient pas à fonctionner. Les bolcheviks élisent à l’issue du congrès leur propre direction, menée par Lénine. À partir de la 4e Douma (1912-1917), les sociaux-démocrates sont définitivement divisés. Les mencheviks ont 5 membres et les bolcheviks 7.

Les bolcheviks exigent que soit convoqué un nouveau congrès. En mai 1907 se réunit à Londres le 5e congrès du Parti. Au total, 336 délégués assistent au congrès. Les bolcheviks sont au nombre de 105; les mencheviks, de 97. Les autres délégués représentent les organisations social-démocrates nationales, celles des social-démocrates polonais et lettons et le Bund, qui avaient été admis dans le POSDR au congrès précédent.

Quelques chiffres estimatifs, ayant valeur uniquement à titre d’ordre de grandeur, peuvent donner une indication sur le rapport des forces numérique.

Sur la foi de rapports présentés au 2e Congrès (1903), le nombre des adhérents du Parti ne dépassait pas quelques milliers – sans compter le Bund [1]. Au sujet de la situation au début de 1905, Lénine dit [2]:

Avant le 22 janvier (le 9 janvier ancien style) 1905, le parti révolutionnaire de Russie groupait une poignée de gens; les réformistes de l’époque (tout comme ceux d’aujourd’hui) nous appelaient par dérision une "secte". Quelques centaines d’organisateurs révolutionnaires, quelques milliers de membres d’organisations locales, une demi-douzaine de feuilles révolutionnaires paraissant tout au plus une fois par mois, publiées pour la plupart à l’étranger et introduites clandestinement en Russie au prix d’incroyables difficultés et de grands sacrifices, voilà ce qu’étaient à la veille du 22 janvier 1905 les partis révolutionnaires de Russie, et avant tout la social-démocratie révolutionnaire. Cela donnait en apparence aux réformistes bornés et prétentieux le droit d’affirmer qu’il n’y avait pas encore de peuple révolutionnaire en Russie. Mais, en quelques mois, les choses changèrent du tout au tout. Les centaines de social-démocrates révolutionnaires furent "subitement" des milliers, […]

Mais à l’époque du 4e Congrès (1906), on estimait que les chiffres atteignaient 13.000 pour les bolcheviks et 18.000 pour les mencheviks [3]. Au 5e Congrès (1907), le POSDR compte jusqu’à 150.000 membres (avec les organisations nationales), dont 46.143 pour les bolcheviks, 38.174 pour les mencheviks [4].

Suite à la défaite de la révolution de 1905, la répression s’était fortement durcie. Parmi les mencheviks, tout un courant s’adapte de façon opportuniste, limitant leurs revendications à ce qui est toléré par le régime. Les bolcheviks les appellent à partir de 1908 les "liquidationnistes". Ceux-ci étaient notamment regroupés autour de la revue Nacha Zaria. Une conférence du POSDR est organisée par les bolcheviks en janvier 1912 avec l’essentiel des forces social-démocrates en Russie, et elle déclare l’exclusion des liquidateurs. Les mencheviks ne reconnaissent pas cette décision, ils forment un "Comité d’organisation", qui s’opposera au Comité central issu de la conférence de 1912. À partir de là les deux organisations sont en conflit ouvert. D’un côté la Pravda, de l’autre, le Loutch ("le rayon", quotidien menchevik qui parait légalement à Petersburg de septembre 1912 à juillet 1913). De même à la Douma: d’un côté la "Fraction ouvrière social-démocrate de Russie" (bolcheviks), de l’autre la "Fraction social-démocrate" dirigée par Tchkhéidzé.

Ayant en vue la thématique concernant les tâches des communistes, on peut souligner que la scission entre bolcheviks et mencheviks était l’aboutissement de divergences dont l’expression tournait initialement autour d’aspects organisationnels. Or d’une part, l’opposition entre deux conceptions en matière d’organisation s’est avérée fondamentale en elle-même, en ce que Lénine formulait précisément les principes d’un parti de type nouveau, tel que l’exigeait la tâche à accomplir, celle de la révolution prolétarienne. Et d’autre part il s’est avéré aussi que cette opposition charriait indirectement tous les autres aspects sur lesquels bolcheviks et mencheviks allaient s’opposer par la suite, au cours du développement du processus révolutionnaire.

Quelques éléments historiques au sujet du KPD

Il faut d’abord rappeler la préhistoire de la création du Parti communiste d’Allemagne (KPD). Dès avant la Première guerre mondiale, nombreux étaient les membres du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) refusant les positions réformistes sur lesquelles se plaçait alors la direction de celui-ci. À partir de 1915 s’organise le Groupe "Internationale", réunissant la fraction la plus révolutionnaire au sein du SPD, avec notamment Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. En septembre 1916 il entreprend la publication d’un organe illégal intitulé Spartakus, et c’est ainsi que par la suite il sera désigné couramment comme "Groupe Spartakus". En janvier 1917 les majoritaires du SPD excluent l’ensemble des opposants, il en résulte la fondation du "Parti social-démocrate indépendant d’Allemagne" (USPD), en avril. Y adhèrent entre autre Eduard Bernstein et Karl Kautsky.

Rappelons en quelques mots ce que représentent ces deux personnages.

Bernstein fut désigné membre du comité directeur du Parti ouvrier socialiste d’Allemagne (SAPD), au congrès de celui-ci tenu à Gotha en 1875. Lorsqu’en 1878 l’activité du Parti devint illégale, il s’exila en Suisse. Il entra en contact avec Kautsky, ainsi qu’avec Marx et Engels à Londres, où il s’installa après avoir été expulsé de Suisse en 1888. En 1896, il entreprit la publication d’une série d’articles sur les "Problèmes du socialisme", ouvertement révisionnistes. En 1899 au congrès d’Hanovre du SPD Wilhelm Liebknecht constata que le révisionnisme de Bernstein "transformerait la social-démocratie en parti réformiste bourgeois". En 1901 Bernstein retourna en Allemagne. Après avoir adhéré à l’USPD suite à sa création, il rejoignit de nouveau le SPD en décembre 1918, sans quitter l’USPD. Il justifia son attitude par le danger qui émanait selon lui de la Ligue Spartakus et préconisait une attitude commune du SPD et de l’USPD contre la politique des Spartakistes. Or une décision du SPD lui rendit impossible la double adhésion, et il se décida finalement pour l’appartenance à ce Parti. Quant à la révolution d’Octobre en Russie, Bernstein affirme: "Sans doute la doctrine bolchévique n’est-elle marxiste que dans la phraséologie, mais blanquiste dans son essence."

Kautsky, après s’être installé à Londres, était en contact avec Marx et Engels. Il participa à la rédaction du programme du SPD adopté au congrès d’Erfurt en 1891. Pendant un certain temps il défendait des positions marxistes, mais s’en écarta progressivement et assuma un rôle important à la tête du courant centriste, au plan national aussi bien qu’international. Il finit comme ennemi juré des bolcheviks et du mouvement communiste. En novembre 1918, il affirme [5]: "Nationaliser actuellement, c’est créer une situation où la production capitaliste n’est plus possible, et où la production socialiste ne l’est pas encore […] Autant dire qu’on arrête purement et simplement la production." Et aussi [6]: "Ne nous faisons aucune illusion. Il nous faut laisser aux capitalistes la gestion de leurs entreprises."

Les Spartakistes décident d’entrer à l’USPD, puis le 7 octobre 1918, ils tiennent une conférence nationale. Celle-ci lance le mot d’ordre de constituer partout des conseils d’ouvriers et de soldats. Elle fixe comme objectif au mouvement révolutionnaire la constitution d’une République socialiste allemande. Le 11 novembre a lieu une réunion des Spartakistes au cours de laquelle le Groupe "Internationale" change sa dénomination en "Ligue Spartakus" ("Spartakusbund"), mais maintient encore la position de rester au sein de l’USPD. Cependant la réunion décide la convocation d’une conférence nationale, laquelle se tiendra du 30 décembre 1918 au 1er janvier 1919. Cette conférence procède à la fondation du KPD.

En octobre 1920 s’ouvre un congrès extraordinaire de l’USPD qui, par un vote majoritaire, décide l’adhésion à l’Internationale communiste et l’unification avec le KPD. En novembre se tient le 5e Congrès du KPD qui adopte une résolution préconisant l’union du Parti avec l’aile gauche de l’USPD puis, en décembre se tient le 6e Congrès du KPD, congrès d’unification mettant en œuvre cette décision. Y participent 136 délégués du KPD et 349 de l’USPD. Est constitué le "Parti communiste unifié d’Allemagne" ("Vereinigte kommunistische Partei Deutschlands", VKPD; en 1922 sera reprise la désignation comme KPD). En tant que présidents conjoints sont élus Paul Levi (KPD) et Ernst Däumig (USPD). Une direction centrale conjointe est élue qui comprend Levi et Däumig comme présidents conjoints, ainsi que 5 membres du KPD et 7 membres de l’USPD.

En avril 1921, Levi est exclu du KPD. Cet évènement est un des principaux facteurs qui génèrent des turbulences au sein du Parti. Fin septembre a lieu la constitution de la "Communauté de travail communiste" ("Kommunistische Arbeitsgemeinschaft", KAG), à l’initiative notamment de Levi et six autres membres du KPD, eux tous députés à l’Assemblée nationale. D’autres députés s’y joignent durant les mois qui suivent, de sorte que leur nombre atteint 15, tandis que le KPD, réduit à 11 députés, perd le statut de groupe à l’Assemblée. Dans les mois qui suivent le 7e congrès, tenu en aout, d’autres membres du Parti rejoignent la KAG. Suite à une conférence nationale du KAG tenue en janvier 1922 cette organisation entame des négociations avec l’USPD en vue d’une unification. En février une conférence nationale de l’USPD décide à l’unanimité d’accueillir les membres de la KAG, sous la forme d’admissions individuelles. Parmi les députés de la KAG, 11 adhèrent à l’USPD, tandis que les 4 autres rejoignent en tant qu’associés les députés du KPD. Pratiquement toutes les personnes mentionnées en relation avec la KAG sont venues au KPD par le biais de l’unification avec l’USPD opérée en décembre 1920, à l’exception de deux qui avaient été membres du KPD depuis le début.

L’épilogue de ce parcours se produit lorsque l’USPD, au cours d’un congrès tenu en septembre 1922, décide de rejoindre à nouveau le SPD. Seul un petit groupe refuse la fusion. Le SPD tient en parallèle un congrès de son côté, puis se tient le congrès qui officialise la réunion des deux partis social-démocrates. Kautsky est nommé à la tête d’une commission chargée d’élaborer un nouveau programme. Ainsi les péripéties de recomposition du KPD durant cette période constituent en gros un aller-retour d’un ensemble de militants du SPD vers le SPD, par l’intermédiaire d’une adhésion tardive et passagère au KPD, puis l’existence éphémère de la KAG.

Les perspectives et les tâches des communistes aujourd’hui

Les facteurs fondamentaux qui ont accompagné la victoire de la révolution d’Octobre sont également primordiaux pour l’activité des militants marxistes-léninistes dans le contexte actuel: état des contradictions de classe inhérentes aux rapports de production caractérisant le capitalisme, niveau de la conscience de classe du prolétariat subissant l’exploitation capitaliste, nécessité du Parti d’avant-garde de la classe ouvrière.

La situation actuelle, du fait de la dispersion et de l’insignifiance numérique des groupes et organisations existants, peut provoquer de la part des militants des orientations erronées. Deux aspects principaux sont concernés.

La double tâche de construction de l’organisation et du développement des liens avec la classe ouvrière

En ce qui concerne le lien entre construction du parti et activité d’agitation-propagande, une façon erronée de procéder consiste à s’accrocher aux mobilisations qui se développent tant bien que mal, que ce soit de manière spontanée ou sous l’impulsion des réformistes. L’intention d’une telle approche serait de recruter ainsi des militants, et d’amener par la suite leur conscience politique à un niveau supérieur. Cette attitude a trouvé un terrain de prédilection avec les "collectifs antilibéraux" durant les luttes contre le démantèlement du "secteur public", puis le "Front de gauche" autour de Jean-Luc Mélenchon. Certains pensent même pouvoir ainsi exercer une influence sur les mobilisations en question, comme celles des "gilets jaunes". D’une façon ou d’une autre ces orientations erronées se basent sur une vision imaginaire incapable de mettre correctement en perspective les périodes historiques, de la naissance du POSDR en passant par le PCF en 1936 jusqu’ à la France d’aujourd’hui.

La tâche de construction de l’organisation unique rassemblant tous les marxistes-léninistes

Une autre problématique est celle de l’unification des marxistes-léninistes. Le dilemme auquel nous sommes confrontés sur la base des conditions objectives est particulièrement prononcé. S’il est vrai qu’en matière de relation entre construction du parti et activité d’agitation-propagande de la part des militants existent de multiples interactions qu’il faut traiter avec souplesse, les contraintes et obligations sont plus strictes en ce qui concerne l’objectif même de la constitution d’un parti marxiste-léniniste unique comme authentique Parti d’avant-garde de la classe ouvrière. Pourtant, la plupart des multiples groupes et organisations communistes existants tentent périodiquement d’animer des processus d’unification conçues selon une progression graduelle.

L’archétype de cette vision se trouve chez les maoïstes [7]. En résumé, la méthode consiste en ce que les différentes organisations mènent un processus qui au moyen de débats théoriques identifie les accords et les désaccords, puis aplanit les divergences au moyen de la lutte idéologique, et que parallèlement l’unité d’action soit mise en pratique à chaque fois que les parties prenantes arrivent à un accord politique sur un point. Cette conception du processus d’unification préalable à la constitution du parti unique coïncide directement avec ce qu’est censé être ensuite le fonctionnement interne de ce parti lui-même, selon la formule de "la lutte entre deux lignes" permanente qui guide les maoïstes.

La conception léniniste du centralisme démocratique se distingue fondamentalement de telles déformations de la dialectique matérialiste. Quant aux organisations qui s’attachent actuellement à œuvrer pour la création du parti marxiste-léniniste unique, ce centralisme démocratique doit être appliqué en leur sein. Par contre, le processus conduisant de l’état actuel des choses marqué par la multiplicité d’organisations vers l’unification ne peut passer par des artifices organisationnels intermédiaires. Si des fusions entre certaines organisations interviennent, cela aurait l’effet mathématique de réduire le nombre d’organisations existantes, mais ne modifierait nullement les caractéristiques générales de la situation.

Notre propre expérience

Nous pouvons faire état de certains aspects concrets au sujet desquels nous avons été exposés à des difficultés qui peuvent être considérées comme symptomatique en ce qui concerne des problématiques générales.

La question d’une délimitation nette et précise s’est invitée au cours du processus conduisant de la constitution, en 2006, du Comité National pour l’Unification du Mouvement Communiste en France (CNU) à la fondation du ROCML, qui a tenu son 1er congrès en 2010. En l’occurrence il s’agissait de l’incompatibilité entre marxisme-léninisme et révisionnisme. Au départ, le CNU comprenait des groupes qui rassemblaient des militants à la fois en dehors du PCF et dans le PCF, donc des militants qui pensaient faire abstraction de cette incompatibilité ou qui n’en avaient pas clairement conscience (de fait, c’est surtout ce dernier constat qui s’applique). Puis, au sein du ROCML une ambigüité du même type s’est instaurée vis-à-vis d’adhérents tendant vers des orientations maoïstes. La discussion nécessaire a été négligée et le dénouement, c’est-à-dire le départ de ces personnes, s’est imposé par lui-même.

Plus récemment, se sont manifestées au sein du ROCML des errances liées à une vision subjectiviste, non matérialiste, de la façon dont nous pouvons tenter de nouer des liens parmi les travailleurs et plus largement ceux qui subissent directement ou indirectement les effets de l’exploitation capitaliste. Nous avons dû contrer une déviation vers un activisme focalisé sur le développement d’une propagande s’adressant aux participants des diverses mobilisations qui se déroulent avec l’appui des forces réformistes – CGT, PCF, LFI, NPA, etc. -, activisme au moyen duquel ses partisans pensaient pouvoir obtenir des progrès en matière d’influence du ROCML, notamment par le recrutement de nouveaux membres. Or, nous considérons que dans le contexte donné, une telle orientation entrainerait au mieux l’épuisement de nos forces sans résultat tangible, au pire un glissement vers l’opportunisme caractérisé. Le Parti communiste des ouvriers de France (PCOF) fournit un exemple pour cette dernière alternative. Après être passé par une période d’engagement dans le sillage du Front de gauche (FdG, une coalition créée en 2009 qui rassemblait notamment le PCF et le Parti de gauche de Mélenchon) il a fini par s’en désolidariser. Il a motivé cette décision en alléguant une tournure prise vers l’électoralisme. C’est manifestement une argumentation artificielle hypocrite. La déclaration publiée par le PCOF à ce sujet en février 2016 fait valoir qu’au sein du Front de Gauche, dans la perspective des élections présidentielles, les débats au sujet des "primaires" pour désigner un candidat prenaient le dessus au détriment des débats politiques. C’est un subterfuge – futile – tentant de maintenir la fiction selon laquelle le FdG aurait auparavant été autre chose qu’une combinaison à des fins électorales. La déclaration, loin de rectifier les orientations du PCOF, ne fait que mettre en lumière leur caractère erroné: elle affirme que la base de sa participation au FdG était le programme "L’humain d’abord". Et sur ce fond, le PCOF maintient le cap. Le 26 mai 2018 s’est déroulée en France une journée de manifestations qui s’affichaient comme "marée populaire". La France insoumise (LFI) de Mélenchon était partie prenante, mais celui-ci prenait soin d’affirmer quʼ"il faut que les syndicats y jouent le premier rôle". Ce qui apparemment suffisait pour tranquilliser le PCOF au sujet d’éventuelles manœuvres électoralistes, puisqu’il s’est joint aux signataires de l’appel, lequel, en conformité avec "L’humain d’abord", voudrait voir instaurée "une société plus juste, plus solidaire, plus démocratique, plus égalitaire avec un meilleur partage des richesses".

Il faut souligner qu’entre les deux problématiques mentionnées – la délimitation et le subjectivisme – peuvent se produire des interactions. Le manque de clarté théorique relative à la formulation des orientations propres d’une organisation favorise la mise en pratique d’une propagande se laissant aller à l’idée qu’il faut "tout essayer". Inversement, se laisser guider par un sentiment d’urgence à l’égard des liens avec les "couches populaires", les "masses", le "peuple", peut conduire à une négligence, voire un rejet, de la théorie. Nous avons effectivement été exposés à cette problématique au sein du ROCML.

Lien entre les facteurs objectifs et ceux subjectifs

Sur le terrain de la construction d’un parti marxiste-léniniste à travers l’unification des marxistes-léninistes, les uns et les autres devront déployer au mieux leurs efforts afin de faire murir les conditions qui permettront la constitution effective du parti marxiste-léniniste unique [8]. Mais il faut toujours rester conscient des rapports entre base matérielle et superstructure [9]. La classe ouvrière n’a pas conscience actuellement de sa place de force motrice au sein de la société capitaliste. Le processus de construction du parti est dialectiquement lié à la prise de conscience nécessaire de la part des travailleurs. Le développement de celle-ci nourrit le progrès vers la construction du parti, ce qui renforce la capacité des militants marxistes-léninistes de guider les travailleurs dans les luttes qui les opposent à la classe capitaliste. D’un autre côté, il est vrai que l’absence du parti pèse lourdement sur ce processus d’élévation de conscience. Or la vision du monde matérialiste permet de constater que nous ne sommes pas pour autant condamnés à rester confinés dans les limites actuelles. Les contradictions inhérentes au système capitaliste et la lutte de classe qu’elles suscitent sont des phénomènes objectifs qui surgissent fatalement du fonctionnement même de ces rapports de production; elles ne sont pas créées artificiellement par une action humaine intentionnelle. Cependant les communistes avec persévérance et patience doivent intervenir politiquement et utiliser toutes les situations conflictuelles qui montrent le vrai visage de l’exploitation capitaliste. L’intensification de la lutte de classe dans tous ses éléments contribuera à contrecarrer toujours plus la capacité du capitalisme comme système à reproduire son fonctionnement, et cela ouvrira des perspectives nouvelles pour que, de manière concomitante, le mouvement ouvrier puisse passer à un niveau supérieur de l’affrontement et que les efforts en vue de la constitution du Parti d’avant-garde de la classe ouvrière puissent dépasser l’exigüité du rayonnement actuel.

Aujourd’hui comme demain, quel que soit le stade atteint sur la voie vers l’édification du parti et la révolution prolétarienne, les éléments fondamentaux que sont la théorie, l’idéologie et l’organisation doivent être prises en compte et traités avec l’attention la plus soutenue.

À ce constat général, s’ajoute le fait qu’il faut tenir compte du processus, jalonné d’évènements concrets, qui a conduit à la situation actuelle. À partir de la contrerévolution khrouchtchévienne a été mise en œuvre la liquidation du socialisme en URSS et, au niveau international, la propagation du révisionnisme avec pour objectif le sabotage du mouvement communiste marxiste-léniniste partout. Celui-ci a été progressivement affaibli, divisé, jusqu’à être quasiment annihilé. Les partis dits communistes sont passés par une transformation en partis social-démocrates réformistes, prenant la place des partis traditionnels de ce type qui, eux, sont devenus des partis bourgeois ordinaires. Puis la plupart de ces ex-partis communistes se sont sabordés, ou tentent de survivre péniblement, comme le PCF.

Il en résulte une situation où les travailleurs sont fortement influencés par l’idéologie bourgeoise en général et le réformisme traditionnel en particulier. Et, en ce qui concerne les individus, groupes et organisations qui s’affirment communistes et se réfèrent au marxisme-léninisme, l’influence du révisionnisme est largement présente. Les progrès dans l’unification des communistes passent par la prise de conscience de la part de ceux-ci de cette situation, la volonté de la surmonter en se réappropriant le marxisme-léninisme pour rejeter toutes les déformations de celui-ci. Cela ne peut se faire qu’en acceptant la confrontation moyennant de débats impliquant les militants, en passant par-dessus les séparations organisationnelles.

Il est vrai qu’à cet égard la réalité décrite ici comporte un dilemme. Un militant qui se conçoit comme communiste ne peut se contenter de déployer une activité restant individuelle. Pourtant, en l’état actuel des choses, mettre en pratique ce constat de manière satisfaisante n’est pas facile. En effet, telle qu’elle se présente, la multiplicité d’organisations ne signifie pas qu’on "n’aurait que l’embarras du choix", cela d’autant plus qu’on peut observer parmi elles divers symptômes de non-respect des principes d’organisation conformes au léninisme. Les critiques, courantes, au sujet de "l’esprit de chapelle" traduisent un aspect négatif réel des relations entre organisations actuelles. Tels que fonctionnent les rapports entre organisations, ils sont une barrière entre militants communistes et empêchent la confrontation et le débat. Or le remède ne peut consister à se mettre d’office "tous ensemble", ni en un procédé faussement "pratique" qui prétendrait pouvoir faire progresser l’unité en accumulant "pas à pas" et parallèlement, des accords sur des "points" théoriques et des convergences dans le domaine d’actions "ponctuelles".

Il y a un lien dialectique entre d’une part l’approfondissement de la lutte de classe, en tant que phénomène objectif dû à l’aggravation des contradictions inhérentes au système capitaliste impérialiste, et d’autre part l’élévation de la conscience de classe du prolétariat en tant que facteur subjectif, nécessaire pour faire aboutir la révolution prolétarienne. De façon similaire, il y a un lien dialectique entre d’une part, la situation objectif de la division de la société en classes et des rapports de forces entre celles-ci, et d’autre part l’affermissement du niveau de conscience des individus engagés dans la lutte pour la révolution – ce que l’on peut appeler l’esprit de Parti des militants communistes.

En termes généraux, on peut se référer à l’idéologie pour distinguer les marxistes-léninistes des autres variétés de "communistes", ainsi qu’évidemment des socialistes. Cependant la résolution sur l’unité des communistes, adoptée lors du 1er congrès du ROCML, constate à juste titre:

L’application de la théorie marxiste-léniniste à l’analyse concrète de la situation concrète est la base de leur unité présente et de l’unité qu’il faut construire pour affronter les tâches de la révolution qui nous attendent.

Cette affirmation souligne deux points importants: le marxisme-léninisme en tant que tel n’est pas une idéologie, mais une théorie scientifiquement fondée, et l’application de cette théorie doit nous guider en toute matière, notamment en ce qui concerne la question de l’unité. S’il est vrai que le travail théorique ne doit pas être conçu comme étape préalable à l’action, laquelle resterait en suspens en attendant d’avoir "tout compris", il serait également erroné de se limiter à des réflexions au sujet des évènements d’actualité au jour le jour.

Lénine, en donnant rétrospectivement une description synthétique des principales étapes de l’histoire du bolchevisme, insiste sur l’importance qu’avait la première étape, celle des "années de préparation de la révolution (1903-1905)" [10]:

Les représentants des trois classes fondamentales, des trois principaux courants politiques, libéral-bourgeois, démocrate petit-bourgeois (se camouflant du pavillon "social-démocrate" ou "socialiste-révolutionnaire") et prolétarien révolutionnaire, dans une lutte des plus acharnées où s’affrontent programmes et tactiques, – anticipent et préparent la future lutte de classes déclarée. Toutes les questions pour lesquelles les masses ont combattu les armes à la main en 1905-1907 et en 1917-1920, on peut (et l’on doit) les retrouver, sous une forme embryonnaire, dans la presse de l’époque. […] les classes se forgent l’arme idéologique et politique dont elles ont besoin pour les combats à venir.

Certes, nous bénéficions aujourd’hui justement de l’expérience de ce processus durant lequel le prolétariat en Russie, sous la direction de Lénine et du Parti bolchevik s’est "forgé l’arme idéologique et politique". Mais pour nous il ne peut pas agir de reprendre simplement ces résultats, ne serait-ce que parce qu’entretemps le processus historique a fortement embrouillé la situation et semé la confusion à tous les niveaux, à l’égard de l’idéologie, de la politique, des programmes, des tactiques. Nous devrons par nos propres efforts reconstruire la clarté qui permettra la constitution du parti dont a besoin la classe ouvrière pour se libérer de l’exploitation capitaliste.

Notes



[1]. 2e congrès du POSDR (juillet-août 1903) – Protocoles; Moscou, Maison d’édition politique, 1959; p. 514-685.

[2]. V. Lénine, Rapport sur la Révolution de 1905; Œuvres, tome 23, Paris, Éditions Sociales, 1974; p. 259‑277.

[3]. V. Lénine, Œuvres, tome 11; p. 271.

[4]. M. Liadov, Le Congrès de Londres du POSDR en chiffres; Saint-Pétersbourg, 1907; p. 84.

[5]Karl Kautsky: Der Sieger im Weltkrieg, In: Die Freiheit, 17 novembre 1918, cité d’après: Sozialistische Monatshefte, 1918, p. 1123.

[6]. Cité d’après: Gilbert Badia, Histoire de l’Allemagne contemporaine, tome 1er (1917‑1933), Paris, Éditions Sociales, 1964, p. 115‑116. Citation originale en allemand non disponible.

[7]. Le résumé est inspiré par un texte qui annonce la création, en décembre 1975, d’un collectif rassemblant plusieurs organisations se réclamant du marxisme léninisme et de la pensée mao.

http://archivescommunistes.chez-alice.fr/ncdp/NCDP2.pdf

[8]. Cf. à ce sujet le document "Redonner à la classe ouvrière son Parti communiste véritable – Tâche fondamentale du ROCML", adopté par la Conférence nationale du ROCML qui s’est tenue les 8 et 9 septembre 2018.

https://rocml.org/redonner-a-la-classe-ouvriere-son-parti-communiste-veritable-tache-fondamentale-du-rocml/

[9]. Cf. Friedrich Engels, Lettre à Josef Bloch, 22 septembre 1890 (extrait):

D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx ni moi, n’avons jamais affirmé davantage. Si quelqu’un dénature cette position en ce sens que le facteur économique est le seul déterminant, il le transforme ainsi en une phrase vide, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure: les formes politiques de la lutte de classe et ses résultats – les Constitutions établies une fois la bataille gagnée par la classe victorieuse, etc., – les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme. Il y a interaction de tous ces facteurs au sein de laquelle le mouvement économique finit par se frayer un chemin comme une nécessité, au travers d’une infinie multitude de contingences (c’est-à-dire de choses et d’événements dont la liaison interne entre eux est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons la considérer comme inexistante et la négliger). Sinon, l’application de la théorie à n’importe quelle période historique serait, ma foi, plus facile que la résolution d’une simple équation du premier degré.

Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d’abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire même la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif. […]

Mais deuxièmement, l’histoire se fait de telle façon que le résultat final se dégage toujours des conflits d’un grand nombre de volontés individuelles, dont chacune à son tour est faite telle qu’elle est par une foule de conditions particulières d’existence ; il y a donc là d’innombrables forces qui se contrecarrent mutuellement, un groupe infini de parallélogrammes de forces, d’où ressort une résultante – l’événement historique – qui peut être regardée elle-même, à son tour, comme le produit d’une force agissant comme un tout, de façon inconsciente et aveugle. Car, ce que veut chaque individu est empêché par chaque autre et ce qui s’en dégage est quelque chose que personne n’a voulu. C’est ainsi que l’histoire jusqu’à nos jours se déroule à la façon d’un processus de la nature et est soumise aussi, en substance, aux mêmes lois de mouvement. Mais de ce que les diverses volontés – dont chacune désire ce à quoi la poussent sa constitution physique et les circonstances extérieures, économiques en dernière instance (ou ses propres circonstances personnelles ou les circonstances sociales générales), – ces volontés n’arrivent pas à ce qu’elles veulent, mais se fondent en une moyenne générale, en une résultante commune, on n’a pas le droit de conclure qu’elles sont égales à zéro. Au contraire, chacune contribue à la résultante, et à ce titre, est incluse en elle.

[Marx et Engels, Œuvres choisies, tome 3; Moscou, Éditions du Progrès, 1970; p. 518.]

[10]. V. Lénine, "La maladie infantile du communisme (le “gauchisme”)"; Œuvres, tome 31; Paris, Éditions sociales, 1961; p. 20‑21.