Le peuple grec à la croisée des chemins
Impasse réformiste ou voie révolutionnaire

À l’initiative du « mouvement social grec »[1], des manifestations se sont déroulées en France et dans toute l’Europe afin de « soutenir le peuple grec » au moment où Syriza négocie une nouvelle fois le paiement de sa dette avec l’Union Européenne.

Dans ces manifestations et les dernières positions publiques deux lignes se sont manifestées : celle qui tend à soutenir l’initiative de Syriza visant à négocier le prix de la dette et son échéance; ainsi que celle qui soutient l’action des communistes grecs et qui dénonce l’action du gouvernement, réclamant le non-paiement de la dette par le peuple.

Les organisateurs veulent s’en tenir à la question de la « solidarité avec le peuple grec ». Pourtant, au sein de ces rassemblements, la discussion est engagée autour de la lutte des classes aigue qui traverse la Grèce. Soutenir le peuple ne veut rien dire en soi. Derrière ce simple soutien au peuple, le mouvement de solidarité soutient en réalité la politique de Syriza. Il faut clarifier, quelle classe sociale, quel parti politique soutenons-nous en Grèce? Il est clair que nous ne soutenons pas les capitalistes grecs et les différents partis politiques qui les représentent. Mais cela ne suffit pas. Les communistes sont internationalistes. Ils soutiennent les travailleurs grecs qui refusent l’austérité, mettent en avant la perspective du socialisme. De même, la crise qui secoue la Grèce n’est pas un phénomène isolé, mais généralisé. L’ensemble du monde capitaliste est touché par la crise, à divers degrés. La situation politique grecque a donc une portée internationale. Comme les Grecs, nous nous posons la question en France de savoir ce qu’il faut faire pour contrer l’austérité imposée par les gouvernements de droite comme de gauche. Ainsi, pour développer des solutions à nos situations, nous ne devons pas hésiter à tirer des enseignements politiques de ce qu’il se passe en Grèce. Nous devons nous « nourrir » de l’expérience du mouvement ouvrier international pour lutte contre la classe bourgeoise. C’est en cela que vit l’internationalisme prolétarien : solidarité avec les travailleurs du monde entier, et enseignements/bilan des luttes du mouvement ouvrier international.

Disons‑le clairement, la situation en Grèce avec l’arrivée au pouvoir de Syriza est un moment important pour le développement de la conscience politique du mouvement ouvrier des pays impérialistes. Il y a actuellement deux façons de répondre à la crise internationale du système capitaliste :

●  La façon des réformistes : le système changera par réformes graduelles en arrivant au pouvoir par les élections. Les réformistes axent tout leur programme sur la redistribution des richesses sans toucher à la propriété capitaliste des moyens de production. En Europe, cette façon de voir est exprimée, dans les contextes nationaux respectifs, par Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, le Front de Gauche en France.

●  La façon des révolutionnaire, des communistes : il faut changer de système. La réforme est possible avec un rapport de force de classe mais n’est pas un but en soi, elle peut toujours être remise en cause sous le capitalisme. Il faut donc abattre le capitalisme, transformer la propriété privée en propriété du peuple travailleur (propriété sociale). Les communistes veulent construire une société socialiste.

Jusqu’à présent, la lutte dans le mouvement ouvrier entre réformistes et communistes se faisait sur la base d’arguments idéologiques, théoriques ou historiques. Maintenant, nous sommes à un tournant. Les faits concrets, pratiques, sont en train de montrer en Grèce l’échec du réformisme. Syriza ne tient pas parole, reste enfermé dans la dictature du capital et plie face aux exigences des bourgeoisies européennes. Les propositions de Tsipras aux créanciers le prouvent. Surtout, Syriza n’a pas touché à la cause des inégalités en Grèce. En conséquence, le peuple et plus particulièrement la classe ouvrière continuent de subir la crise du capitalisme et payent la dette de la Grèce. Mais quelle est l’origine de la dette ? Qui a endetté la Grèce? Qui en profite ? L’UE, ce cartel d’impérialistes; le gouvernement grec et Syriza font payer la dette au prolétariat grec. Les communistes ne doivent pas se tromper : les travailleurs ne sont pas responsables de la dette. Ils produisent de la richesse, ce ne sont pas des feignants. D’après l’OCDE, les Grecs travaillaient en moyenne 42 heures par semaine alors que la moyenne de l’Union Européenne est de 37 heures par semaines. Et les impérialistes en complicité avec Syriza veulent dégrader toujours plus les conditions de vie du peuple.

Les communistes en France peuvent soutenir uniquement les forces qui défendent le non-remboursement de la dette par le peuple. L’ancien président du Burkina Faso, Thomas Sankara, assassiné par l’impérialisme, mettait en garde ainsi son peuple[2] : « La dette ne peut pas être remboursée parce que d’abord si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons-en surs. Par contre si nous payons, c’est nous qui allons mourir. Soyons-en surs également. »

Soyons-en sûr en effet , sans le rejet de la dette et la rupture avec le capitalisme, les travailleurs sont condamnés à verser leurs forces et leur sang pour créer des richesses dont ils ne profiteront pas, dont ils seront dépouillés par l’impérialisme et la bourgeoisie grecque.

Nous voyons bien tous que la volonté de réforme ne suffit pas concrètement à changer la situation. Il est impossible d’aménager le système capitaliste, le système capitaliste ne se change pas. Il reste toujours inégalitaire car la cause de l’inégalité entre une minorité d’exploiteurs qui possède et une majorité d’exploités qui produit est préservée par le réformisme. Il faut tirer les enseignements de cette expérience grecque.

Pour changer sa situation, pour mettre fin à l’austérité ‑ ce qui est la tâche immédiate de la classe ouvrière européenne ‑, il est nécessaire de renverser le capitalisme et d’instaurer le socialisme. Il n’y a pas d’autre voie. Il ne suffit pas de contester le capital, d’être contestataire, il faut aussi proposer des perspectives anticapitalistes.

L’échec de Syriza et la capitulation de Tsipras devant les diktats du capital financier international sont la démonstration concrète de l’utopie des théories et des politiques réformistes, y compris celles du réformisme dit « radical ». De ce point de vue, l’opposition d’une partie de Syriza au plan d’austérité signé par Tsipras et voté par le parlement sera vaine si ses membres ne rejoignent pas les forces anticapitalistes engagées dans la rue. Même si les conditions n’en sont pas toutes réunies aujourd’hui, la révolution est la question posée et à résoudre.

Aujourd’hui les communistes qui partagent cette analyse doivent agir pour expliquer et défendre la voie révolutionnaire en Grèce contre les utopies réformistes et opportunistes. Et ce combat en France ne peut que favoriser l’émergence d’un véritable parti communiste dont le prolétariat a besoin pour, lui aussi, s’engager dans la voie révolutionnaire.

Le Rassemblement Organisé des Communistes Marxistes-Léninistes.
Juillet 2015



[1]. En mai 2015 a été lancé un « Appel à une mobilisation européenne d’en bas, à partir des mouvements en Grèce : Unis, nous nous dressons contre l’austérité et l’injustice sociale » émanant de syndicalistes, organisations et personnalités, grecs. Il a été suivi par d’autres initiatives du même type.

[2]. Dans le cadre de la 25e Conférence au sommet des pays membres de l’OUA, Thomas Sankara, alors Président du Conseil national révolutionnaire du Burkina Faso, prononce un discours sur la dette imposée aux États africains (le 29 juillet 1987).