Migrants et prolétaires : les responsabilités de l’impérialisme

"La grande industrie a créé le marché mondial"[1], ont écrit Karl Marx et Friedrich Engels dans le Manifeste du Parti communiste. Depuis, le capitalisme n’a fait que renforcer son emprise sur le monde entier. Tous les phénomènes contemporains : les délocalisations, les migrations, les guerres… découlent du système capitaliste mondialisé. Ces lois ne dépendent pas de la volonté de tels ou tels capitalistes ou politiciens. Ces derniers ne sont que les profiteurs ou les gérants de ce système.

Les phénomènes migratoires découlent du développement du capitalisme. Depuis le 20e siècle, les vagues migratoires partent des pays dominés économiquement, politiquement, militairement par l’impérialisme vers les métropoles impérialistes. Aujourd’hui, avec les guerres se produisant au Moyen-Orient, ces flux migratoires semblent s’accélérer vers l’Union Européenne bien qu’en réalité, ce ne sont pas ces pays qui absorbent la grande partie des mouvements de réfugiés[2].

Est‑ce que les migrants sont responsables des problèmes de la France comme se plaisent à le dire les démagogues de tout poil? Comment les travailleurs déjà localisés en France doivent‑ils réagir sur la question des nouveaux migrants[3]?

La surexploitation des peuples dominés et des travailleurs immigrés par l’impérialisme

Le capital va là où la main d’œuvre est "bon marché", là où il peut obtenir une marge de plus‑value (de profit) élevée. En ce sens, le capital n’a pas de patrie, il jette par‑dessus bord tout drapeau national lorsque ses profits le demandent. Le système impérialiste a engendré de grandes inégalités entre les prolétaires des métropoles impérialistes et ceux des ex‑colonies ou pays dominés par cet impérialisme. Les métropoles impérialistes utilisent ces pays où la main d’œuvre n’est pas chère pour dégager des surprofits. Ainsi, les peuples soumis à l’impérialisme sont surexploités.

Dans beaucoup de ces pays, la couche de diplômés est déclassée par rapport à son niveau d’étude, le prolétariat souffre de nombreuses privations, la jeunesse n’a que peu d’avenir et de perspectives. Ces motifs économiques expliquent en partie les flux migratoires. De l’autre côté, la bourgeoisie impérialiste organise ces migrations par des réseaux légaux ou illégaux liés aux États, ou aux organismes de recrutement patronaux. Une immigration légale dite "choisie" est organisée, pour répondre aux besoins en main-d’œuvre des pays impérialistes.

Une fois parvenue dans les pays dominants de l’Union Européenne (Grande-Bretagne, Allemagne, France…), la bourgeoisie utilise cette main-d’œuvre immigrée par la voie légale[4] ou illégale (le travail clandestin, dit au "noir"). Les bourgeoisies des métropoles utilisent cette nouvelle main d’œuvre disponible pour la mettre en concurrence avec les travailleurs déjà présents. Les travailleurs immigrés ne sont pas eux‑mêmes responsables de cette division, c’est le patronat qui l’orchestre. Bien entendu, les démagogues préfèrent s’en prendre aux victimes de ce système plutôt qu’au responsable : le capitalisme.

La question migratoire est une question de classe. Les migrants sont pris dans le mouvement de la lutte de classe qui est le moteur de la société. On voit bien l’hypocrisie de la libre-circulation appliquée par la bourgeoisie. Le capital peut être investi partout. Le migrant bourgeois n’est pas parqué dans des centres de rétention. Au contraire, les princes saoudiens sont accueillis avec tous les honneurs. On peut bien privatiser les plages pour eux. Par contre, les travailleurs qui migrent doivent défier les barbelés, et sont finalement parqués dans des centres, avant de devoir accepter tout travail (souvent au "noir") afin de pouvoir survivre.

La déstabilisation du Moyen-Orient par l’impérialisme

Le système impérialiste mondial connait actuellement une phase de repartage du monde entre les puissances impérialistes. Ce repartage passe par la guerre comme moyen politique pour parvenir à ses fins. Les peuples, les travailleurs du monde entier en subissent les conséquences. Le Moyen-Orient (Irak, Syrie, Turquie…) mais aussi l’Ukraine sont les centres de gravité de ces tensions interimpérialistes.

Les puissances impérialistes, avec au premier plan la France, sont responsables de ces migrations massives : ce sont elles qui ont transformées le Moyen-Orient en un immense champ de ruine, afin de contrôler les ressources de ces pays, ou encore les axes de communication géostratégiques et pour cela, elles ont créé (entre autres) le monstre Daesh qu’elles prétendent combattre aujourd’hui.

Peut‑on croire une seconde que c’est en bombardant, en faisant la guerre en Syrie que la France mettra fin au départ de milliers de personnes qui fuient justement la guerre pour se protéger? Cela fait plus de 25 ans que l’Irak est sous le feu des bombardements[5]. L’impérialisme détruit en fait pour assurer et développer ses intérêts. Pas pour rétablir la paix qu’il a lui-même détruite. Seuls les peuples révoltés, organisés sur des bases antiimpérialistes, progressistes et révolutionnaires peuvent faire reculer les forces de guerre et reconstruire des espaces de paix et de progrès. C’est le cas du Rojava, le Kurdistan syrien, dont Kobanê est le symbole. En réalité, les interventions armées prétendument "antiterroristes" des puissances impérialistes (la France récemment en Syrie) ne sont que des prétextes pour affaiblir les véritables ennemis de l’impérialisme (le mouvement kurde) et continuer à déstabiliser les États dont les alliances contredisent les plans stratégiques des impérialismes occidentaux. Voir les bombardements par "erreur" sur les Kurdes ou sur l’armée syrienne.

La politique de l’Union Européenne :
une politique de classe discriminatoire et réactionnaire

Les pays européens se différencient dans leurs politiques d’accueil. Dans tous les cas, tous profitent de ces migrants pour répondre à leurs intérêts économiques. Beaucoup flattent la politique "humaniste" d’Angela Merkel. En réalité, l’État allemand accueille ces migrants pour les faire travailler dans certains secteurs économiques[6], à 4-5 euros de l’heure. Il n’y a rien d’humaniste là‑dedans. C’est une politique répondant aux intérêts de la bourgeoisie allemande dans le but de mettre en concurrence les travailleurs et d’augmenter la plus‑value.

Pour comprendre cela, il suffit de lire les analystes bourgeois de l’OCDE qui incitent à "mobiliser les compétences des migrants au service de la réussite économique"[7] (du capital). Le migrant y est vu comme une ressource qu’il faut utiliser pour le développement économique du capitalisme.

Si ces migrations sont utiles pour certaines métropoles impérialistes, les migrants qui sont appelés à venir, par l’Allemagne notamment, doivent traverser des États qui eux sont en crise, comme la Hongrie, la Grèce. Ces traversées suscitent des réactions xénophobes. En France, certains agitent le thème de la "guerre des civilisations"[8], cette théorie réactionnaire et xénophobe, pour attiser les divisions dans la classe ouvrière et appeler au soutien des guerres impérialistes. Dans tous les cas, le capitalisme utilise cette question des migrations pour ses propres intérêts et pour piétiner encore plus les intérêts des prolétaires.

Cette crise politique des migrants montre aussi les limites de l’Union Européenne. Alors que Le Pen veut soit disant faire reprendre la souveraineté nationale à la France, on voit qu’en réalité, l’UE n’a pas retiré la souveraineté aux États. Lorsque les besoins des bourgeoisies nationales le demandent, les États reviennent concrètement sur leurs principes : les pays ferment leurs frontières. Le FN pousse à l’absurde et à l’irrationnel la démagogie chauvine : il nie l’interrelation économique et territoriale avec les États voisins de la France. Cet état d’esprit nombriliste est celui du petit-bourgeois propriétaire : "Cette Terre‑ci est à moi, rien qu’à moi". Il n’a rien à voir avec l’intérêt du prolétariat de France qui doit réaliser son unité avec l’ensemble de la classe des travailleurs.

Une solidarité nécessaire : la solidarité de classe

Partout en Europe se développe chez les peuples et les travailleurs une solidarité envers les migrants. Certes, beaucoup sont animés par un élan humaniste ou sentimental. Mais d’un autre côté, ce sont des réactions positives. Cependant elles sont insuffisantes car souvent non durables du fait de l’absence de perspectives politiques, et en conséquence de but qui entraine l’énergie pour lutter. Ces motivations humanistes sont détournées dans l’intérêt des décideurs économiques et politiques de ce pays qui utilisent cette main d’œuvre dans l’intérêt du capital comme nous l’avons déjà souligné. Seule une prise de conscience de cette situation par les travailleurs peut créer l’unité de lutte entre travailleurs français et immigrés contre leur ennemi commun. À la division de classe qui sert le patronat, opposons l’unité de tous les prolétaires et des organisations qui mènent la lutte de classes. Il n’y a pas d’autre voie.

Le mot d’ordre d’égalité des droits économiques et politiques doit être mis en avant. C’est sur ce mot d’ordre que l’unité de la classe se réalisera. À travail égal, salaire égal, quels que soit l’origine nationale et le temps de résidence en France. Il faut mettre fin aux différences de traitement des travailleurs créées par le capitalisme pour les diviser.

Dans cette perspective, les communistes doivent participer à toutes les formes de manifestation et de solidarité avec les migrants, à structurer ces migrants dans les organisations ouvrières, à diffuser ce mot d’ordre communiste dans les organisations ouvrières.

Égalité de droit entre tous les travailleurs !

Unité de la classe ouvrière contre le capital qui nous divise !

Renforçons nos organisations de classe !

Rassemblement Organisé des Communistes Marxistes-Léninistes
28 septembre 2015



[1]. Marx K., Engels F., Manifeste du Parti communiste; Paris, Le Livre de Poche, 2004; p. 53.

[2]. Les pays dits industrialisés reçoivent 14 % de l’ensemble des migrants. Cela montre bien que ces pays n’accueillent pas "toute la misère du monde", ne font pas face à une "invasion".

[3]. Pour nous, les migrants ne sont pas un "problème" comme se plaisent à dire les médias et politiques bourgeois. Ils appartiennent au prolétariat international. La question est comment les intégrer à l’unité de classe des travailleurs, sur quelles revendications.

[4]. Voir la circulaire européenne sur les travailleurs détachés.

[5]. Depuis la première guerre du Golfe au début des années 1990.

[6]. En fait l’Allemagne avec une population vieillissante est en manque de "main-d’œuvre" qu’elle va rechercher dans l’immigration.

[7]. OCDE, Perspectives des migrations internationales, 2014.

[8]. Cette théorie se rattache à l’idéologie impérialiste, et notamment aux prétentions d’universalité de la bourgeoisie française. Elle sert de prétexte à multiplier les interventions impérialistes et les crimes contre l’Humanité dans le monde entier.

Voir notre article "À propos de la “valeur des civilisations”".

https://rocml.org/a-propos-valeur-civilisations/