L’IMPERIALISME AUJOURD’HUI

 

INTRODUCTION

Mondialisation, globalisation… Les économistes et les idéologues de la bourgeoisie inventent des nouveaux mots pour tenter de désigner les phénomènes macro-économiques internationaux dont ils sont incapables de trouver les causes et dont ils sont incapables, forcément, d’apporter les réponses aux phénomènes de crise qui les accompagnent. Pour les marxistes, ces néologismes ne sont qu’une tentative pour masquer que l’économie mondiale et les réalités politiques et militaires qui lui sont liées ne sont autre chose que l’impérialisme dans les conditions de notre époque. Pourtant, cet impérialisme moderne n’est guère différent, dans sa nature, de l’impérialisme tel que Lénine l’a décrit et analysé au début du XX ème siècle. Seuls son niveau de développement et sa structure ont changé, avec les changements politiques survenus après la liquidation du socialisme en URSS, la chute du camp socialiste qui s’en est suivi, l’apparition de nouvelles puissances dominées par le capital monopoliste et financier, et les techniques modernes de circulation internationale du capital.

 

LA THEORIE LENINISTE DE L’IMPERIALISME

 

La théorie léniniste de l’impérialisme est le produit de l’analyse du capitalisme par Marx et Engels appliquée aux conditions du développement de ce système à la fin du XIX ème et au début du XXème siècles. Lénine a défini scientifiquement l’impérialisme comme le stade supérieur, ultime du capitalisme. Aucun autre stade ne peut lui succéder dans ce mode de production.

Qu’est-ce qui définit, selon Lénine, cette étape ultime du capitalisme ?

Si l’on devait définir l’impérialisme aussi brièvement que possible, il faudrait dire qu’il est le stade monopoliste du capitalisme. Cette définition embrasserait l’essentiel, car d’une part le capital financier est le résultat de la fusion du capital de quelques grandes banques monopolistes avec le capital de groupements monopolistes d’industriels, et d’autre part le partage du monde est la transition de la politique coloniale s’étendant sans obstacle aux régions que ne s’est encore appropriée aucune puissance capitaliste, à la politique coloniale de la possession monopoliste de territoire d’un globe non encore entièrement partagé.

Mais les définitions trop courtes, bien que commodes parce que résumant l’essentiel, sont cependant insuffisantes, si on veut en dégager des traits fort importants de ce phénomène que nous voulons définir. Aussi, sans oublier ce qu’il y a de conventionnel et de relatif dans toutes les définitions en général qui ne peuvent jamais embrasser les liens multiples d’un phénomène dans l’intégralité de son développement, devons nous donner de l’impérialisme une définition englobant les cinq caractères fondamentaux suivants :

  • Concentration de la production et du capital parvenue à un degré de développement si élevé qu’elle a créé les monopoles, dont le rôle est décisif dans la vie économique.
  • Fusion du capital bancaire et du capital industriel et création sur la base de ce « capital financier » d’une oligarchie financière.
  • L’exportation des capitaux, à la différence de l’exportation des marchandises, prend une importance toute particulière.
  • Formations d’union internationales monopolistes de capitalistes se partageant le monde, et…
  • Fin du partage territorial du globe entre les plus grandes puissances capitalistes.

( Lénine, l’impérialisme stade suprême du capitalisme, 1916-1917 )

Comme l’exprime cette définition, l’impérialisme est d’abord un mode de domination économique qui conduit au partage du monde entre les puissances qui ont atteint ce stade.

LES CARACTERISTIQUES DE L’IMPERIALISME DEFINIES PAR LENINE SONT ELLES CADUQUES ?

Nous ne le pensons pas. Ce qui a changé, ce sont les moyens modernes mis en œuvre pour les appliquer. Les nouvelles technologies de production, de gestion, d’information, de circulation du capital et des marchandises ne contredisent pas ces caractéristiques. Au contraire, elles ne font que les amplifier, les approfondir et porter au paroxysme leurs effets.

La crise mondiale actuelle est d’une autre dimension que les crises cycliques internes au système impérialiste capitaliste qui ont précédé. Elle est irréversible et marque la limite historique du système lui-même.

 

QUEL EST LA SITUATION ACTUELLE DU SYSTEME IMPERIALISTE MONDIAL ?

Le partage du monde entre les puissances impérialistes n’est jamais définitif et statique. Les intérêts du capital financier dont ils ont la charge opposent en effet ces pays les uns aux autres. Toute l’histoire moderne et contemporaine, économique et politique, diplomatique et militaire exprime cette nécessité, pour les Etats impérialistes, de défendre ou d’agrandir leur part dans le dépeçage de la planète. Le développement inégal des économies capitalistes entraîne la nécessité de modifier ce partage, selon les possibilités du rapport des forces entre eux.

Au XXème siècle, les guerres inter-impérialistes furent la conséquence de cette nécessité. Le passage au XXI ème siècle n’a pas changé cette loi économique, politique et militaire.

Ironie de l’Histoire, et effet imprévisible de leurs guerres, l’espace à se partager entre elles se trouva rétréci avec la constitution de l’URSS à l’issue de la première guerre mondiale, du camp socialiste à l’issue de la deuxième, de la victoire de la révolution populaire en Chine et des victoires des luttes de libération anti coloniales dans les années qui suivirent.

Un quart de siècle de développement après la seconde guerre mondiale, le système impérialiste se vit une nouvelle fois atteint par une crise de surproduction globale. Seule la contre-révolution victorieuse en URSS après la mort de Staline et le XX ème congrès du PCUS, et l’effondrement du camp socialiste qui a suivi a permis à l’impérialisme d’étendre son champ d’action et d’échapper momentanément à l’asphyxie et à l’ implosion .

Aujourd’hui, l’impérialisme étend ses racines sur l’ensemble de la planète et pourtant la crise de surproduction mondiale sévit toujours et accentue ses contradictions insurmontables.

Pourquoi ces contradictions sont-elles insurmontables ?

Parce que 1) le monde capitaliste globalisé est dans une crise de surproduction généralisée due au développement gigantesque et mondial des forces productives en même temps qu’au déclin du marché solvable des marchandises produites. 2) La planète n’est pas extensible. Et 3) Le nombre des prétendants à son partage sont de plus en plus nombreux. Le nombre de pays impérialistes (pays où domine le capital financier) est de plus en plus grand. On en compte une quarantaine. Certes, tous n’ont pas la puissance pour s’imposer dans le partage. Seuls quelques uns ont cette capacité économique industrielle, financière et militaire. Mais tous ont besoin d’exporter leurs capitaux et collaborent pour cela avec les plus puissants. Cette crise de surproduction mondiale (surgie dans les années 70 du XXème siècle) aiguise la concurrence entre puissances impérialistes dans leur course aux marchés et dans leur accès aux matières premières. Les luttes de domination, diplomatiques et militaires, sont la conséquence des politiques néocoloniales et des rivalités entre puissances impérialistes pour rebattre les cartes pour un nouveau repartage du monde.

 

QUELLES SONT LES PUISSANCES IMPERIALISTES ACTUELLEMENT EN CONFRONTATION OU EN ALLIANCE POUR LE REPARTAGE DU MONDE ?

Parmi les puissances impérialistes figurent bien sûr les plus anciennes issues du colonialisme et du développement industriel du XIX ème et XX ème siècle : Les USA, l’Angleterre, la France, l’Allemagne… et tous les autres pays européens et américains (Canada) où domine le capital financier, même s’ils ne sont pas militairement capables d’influer seuls sur le partage du monde. Aux vieux impérialismes occidentaux, il faut ajouter le vieil impérialisme asiatique, le Japon.

A ces vieux impérialismes, il faut ajouter les nouveaux.

L’ex URSS, d’abord, rétrécie à la Russie+ quelques anciennes républiques soviétiques (CEI ).

Après la contre révolution Kroutvhévienne, l’URSS socialiste s’est d’abord transformée en puissance social-impérialiste (socialiste en parole, impérialiste dans les faits), après que la propriété socialiste d’Etat se fut transformée en propriété capitaliste monopoliste d’Etat. La Russie d’aujourd’hui est un Etat où domine le capitalisme monopoliste d’Etat. Elle a abandonné tous vestiges formels du socialisme. Elle est devenue un pays impérialiste comme les autres, selon les critères léninistes. Contrairement à ce que pensent quelques courants autoproclamés ML mais qui n’ont jamais compris le révisionnisme et le processus du passage du socialisme au capitalisme en URSS, la Russie n’est pas un pays anti-impérialiste parce qu’il s’oppose aux impérialismes occidentaux. Cette opposition relève des contradictions inter-impérialistes qui les opposent dans la lutte pour le repartage du monde.

La Chine ( RPC )

La Chine n’a jamais été socialiste au sens où les bases économiques du capitalisme n’ont jamais été éradiquées des rapports de production. La « démocratie nouvelle » était une alliance de plusieurs classes dont la classe des capitalistes nationaux. La GRCP, autrement dit «  Grande Révolution Culturelle Prolétarienne » fut peut-être une tentative de transformer cette « démocratie nouvelle » en dictature du prolétariat et d’avancer vers le socialisme. Le fait est que ce fut un échec et que les courants droitiers du PCC finirent par l’emporter. Ce sont leurs successeurs qui dirigent aujourd’hui la Chine.

Même si le PIB par habitant est très inférieur à celui des impérialismes occidentaux, l’économie chinoise est aujourd’hui indiscutablement dominée par le capital financier d’Etat ou privé, au service des monopoles d’Etat et privés. Toute la politique extérieure chinoise actuelle vise à étendre l’action de ce capital financier et des monopoles chinois, en Chine et à travers le monde. La Chine vient d’accéder au rang de première puissance économique de la planète. Même si elle a conservé quelques apparences extérieures de « socialisme », elle est aussi devenue un pays impérialiste comme les autres.

Les autres nouveaux impérialismes.

Le développement des forces productives, la concentration, la formation de monopoles, la domination et l’exportation de capital financier ont porté d’autres pays au stade de l’impérialisme. C’est le cas notamment de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du Sud…

Les pays non impérialistes. Les conditions économiques objectives conduisent les économies nationales moins développées, souvent des ex-colonies non parvenues au stade des monopoles, à s’intégrer au système impérialiste mondial (dans le réseau d’un impérialisme puissant ou d’un autre) sans perspective de développer une économie indépendante.

 

STRUCTURE, ALLIANCES ET RIVALITES AU SEIN DU SYSTEME IMPERIALISTE CONTENPORAIN

L’impérialisme n’est pas un système monolithique. Chaque Etat impérialiste agit pour protéger et agrandir le capital financier de sa propre bourgeoisie. Ce système est donc traversé par des rivalités qui peuvent se régler pacifiquement, quand c’est possible mais aussi, quand ce n’est pas possible autrement, par la guerre.

Au XXème siècle, deux guerres mondiales ont opposé les impérialismes occidentaux.

Ironie de l’Histoire, la première conduisit à l’existence du premier Etat socialiste, l’L’URSS.

Après la deuxième guerre mondiale, pour combattre l’URSS socialiste, le camp socialiste, et les luttes anticoloniales de libération nationales, les impérialismes occidentaux constituèrent des alliances comme l’OTAN, le Traité de l’Atlantique Nord, dirigé par les USA.

La construction de l’UE, même si elle ne rompt pas l’alliance stratégique avec les Etats-Unis exprime une volonté de se libérer de sa tutelle.

Au sein de l’UE elle-même, des divergences politiques, économiques et militaires montrent que les Etats nationaux impérialistes qui la dirigent ont des intérêts nationaux différents voire parfois opposés.

Le point d’accord entre les puissances impérialistes occidentales c’est, avec des nuances, leur intérêt commun de s’opposer ensemble aux nouveaux impérialismes ( BRICS ) dans les grandes manœuvres pour se repartager la planète. L’enjeu de cette bataille est la domination des régions du monde où se trouvent les richesses naturelles minérales, énergétiques et humaines nécessaires au fonctionnement de leur économie, le contrôle de la circulation de ces richesses et l’accès aux marchés.

Tous les évènements internationaux, économiques, diplomatiques et militaires actuels s’expliquent par les rivalités qui opposent les blocs entre eux, et au sein de ces blocs, les différents impérialismes entre eux.

Les méthodes de la conquête impérialiste. Réponse à une idée fausse.

Des communistes considèrent que seuls sont impérialistes les puissances qui ont recours à la guerre, à l’agression militaire, pour gagner des positions sur d’autres puissances, apparemment pacifiques ou agressées dans leurs chasses gardées. En gros, seuls sont impérialistes les impérialismes occidentaux. La Russie, la Chine seraient, elles, anti-impérialistes. Cette lecture des contradictions est erronée. Elle ignore la nature impérialiste de ces dernières en raison qu’elles seraient victimes d’agression, d’encerclement etc… C’est confondre leur apparence et leur essence.

Lénine a répondu à ceux qui faisaient de l’agressivité militaire le critère distinctif de l’impérialisme : Si les capitalistes se partagent le monde, ce n’est pas en raison de leur scélératesse particulière, mais parce que le degré de concentration déjà atteint les oblige à s’engager dans cette voie afin de réaliser des bénéfices ; et ils le partagent « proportionnellement aux capitaux», « selon les forces de chacun », car il saurait y avoir d’autre mode de partage en régime de production marchande et de capitalisme. Or, les forces changent avec le développement économique et politique ; il faut savoir quels problèmes sont résolus par le changement du rapport des forces ; Quant à savoir si ces changements sont « purement » économiques ou extra-économiques (par exemple militaires), c’est là une question secondaire qui ne peut modifier en rien le point de vue fondamental sur l’époque moderne du capitalisme. Substituer à la question du contenu des luttes et des transactions entre groupements capitalistes la question de la forme de ces luttes et de ces transactions (aujourd’hui pacifique, demain non pacifique, après demain de nouveau non pacifique), c’est s’abaisser au rôle du sophiste. Lénine, L’IMPERIALISME STADE SUPREME DU CAPITALISME.