La lutte des travailleurs sans papiers
doit devenir la lutte du prolétariat de France

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 1, septembre 2009 – p. 14-15

Communiqué
de L’Association Culturelle des Travailleurs Immigrés de Turquie

Non à la surexploitation d’une partie de la classe ouvrière
privée du droit de séjour!

Le mouvement des sans-papiers connu comme le mouvement "des sans-papiers de Saint Bernard", suite à l’occupation le 28 juin de l’église St. Bernard, a certaines caractéristiques qui lui sont propres.

Premièrement, ce mouvement est né en tant que fruit et résultat du mouvement ouvrier des années 1995-1996. Ce mouvement a souligné le fait que les sans-papiers faisaient partie de la classe ouvrière de France et à partir de cela a initié pour la première fois une campagne unitaire des syndicats (CGT, CFDT, FSU, UNSA) et d’autres associations contre les lois Pasqua, le 4 avril 1996.

Malgré le soutien des syndicats, à commencer par la CGT, et d’autres associations, l’initiative des sans-papiers qui ont commencé une grève de la faim le 5 juillet s’arrête après l’intervention musclée de la police. Le 12 aout Louis Viannet, alors secrétaire général de la CGT, en soutenant les sans-papiers souligne que les ouvriers immigrés et autochtones ont les mêmes intérêts de classe.

Le mouvement des sans-papiers est allé pour la première fois au-delà de la simple revendication pour obtenir des papiers, en mettant en même temps dans son programme la revendication de la libre circulation de la classe ouvrière face à la libre circulation des capitaux.

Une manifestation de 20.000 participants est organisée le 21 aout. Une telle participation pendant l’été était particulièrement exceptionnelle en France.

Le mouvement des sans-papiers est ainsi passé du domaine des droits de l’homme au domaine du conflit entre le travail et le capital. Le 23 aout, la bourgeoisie qui ne supportait pas cette évolution du mouvement intervient pour tenter de le faire cesser en prenant comme prétexte la santé des grévistes de la faim. Une force de police et de CRS de près de 1500 hommes intervient à l’église St. Bernard, abattant la porte à coups de hache et expulsant 300 personnes.

Deuxièmement, l’autre particularité de ce mouvement a été la fondation du Comité National des Sans-Papiers, le 20 juillet. Les autres comités étaient subordonnés à celui-ci.

Ainsi le mouvement des sans-papiers ne s’est pas arrêté après l’expulsion de l’église St. Bernard. L’agence BNP qui se trouvait au 32 rue Fbg. Poissonnière est occupée le 16 septembre 1996. Les sans-papiers continuèrent leur lutte dans ce lieu pendant presque un an.

L’ACTIT a soutenu le mouvement des sans-papiers depuis 1991 et en est membre actif durant toute cette période. Les réunions hebdomadaires du comité de solidarité avec les sans-papiers de St. Bernard se tenaient au local de l’ACTIT situé à Paris 10e (Rue Gabriel Laumain).

Le premier juin 1997 le gouvernement Jospin soutenu par le PS, le PC et les Verts est constitué. Le vote des lois dites de Chevènement ne change rien à la situation, la majorité des travailleurs sans-papiers restèrent sans papiers. Pendant cette période les débats portent sur le droit de libre circulation des ouvriers entre ceux qui revendiquaient des papiers pour tous et ceux qui soutiennent la position gouvernementale de régularisation cas par cas.

Pendant ces débats, des comités par ethnies ou par pays d’origine se sont formés malgré l’existence du comité national. L’ACTIT s’est opposée dès le début à cette tendance qui divisait les immigrés, affaiblissait le mouvement des sans-papiers, et donc la revendication générale "des papiers pour tous".

Malgré ces divergences l’ACTIT a toujours soutenu toutes les luttes légitimes des sans-papiers même quand elles avançaient les revendications partielles des sans-papiers et continuera à l’avenir à les soutenir. Aujourd’hui, face à l’état de division de la lutte des sans-papiers nous appelons à une lutte pour la régularisation globale et sans conditions de tous les sans-papiers autour d’un seul comité unitaire à l’échelle de la France. Il faut mettre en avant l’égalité des droits des ouvriers sans-papiers avec ceux de nationalité française ou ouvriers immigrés ayant leurs papiers, sans faire distinction d’origine ethnique ou de nationalité.

Il faut chercher avec les syndicats et les autres associations de la classe ouvrière et sans rejeter aucun moyen de lutte, le chemin pour mettre fin à la souffrance que subissent les centaines de milliers de sans-papiers depuis des décennies, sous la surexploitation de ceux qui profitent de leur situation irrégulière, de la discrimination entre ouvriers étrangers/autochtones, de la division de la classe ouvrière entre ceux qui ont leurs papiers et ceux qui n’en ont pas, entre ceux qui sont syndiqués et ceux qui ne le sont pas.

Sans doute les principaux acteurs de cette lutte doivent être les sans-papiers eux-mêmes. Néanmoins cette lutte doit être poursuivie avec les ouvriers qui ne veulent pas perdre leurs boulots, et en solidarité avec leurs luttes ‑ et contre ceux qui exploitent au noir les sans-papiers et ceux qui veulent délocaliser les entreprises parce que la main d’oeuvre coute cher, et qui constituent une seule et même puissance.

Le but sera atteint si on cible les intérêts de la bourgeoisie et les intérêts des entreprises multinationales en élaborant une ligne de classe et en préservant l’unité de la lutte. Le fait que les grandes confédérations syndicales ne jouent pas correctement leur rôle, ne saurait être un prétexte pour les prendre comme les cibles de la lutte. Il faut cibler les politiques réactionnaires dont le champion est Sarkozy et non pas la CGT. Nous devons élaborer de nouveaux moyens de lutte contre les lois et les applications qui menacent les intérêts communs de tous les travailleurs y compris ceux qui sont immigrés.

La plupart des ouvriers sans papiers sont surtout dans les secteurs comme le bâtiment, le nettoiement, l’agriculture et la garde des enfants ou des personnes âgées. Nous devons chercher les moyens d’organisation dans ces secteurs surtout pour organiser les intérimaires et les femmes assistant les vieux ou les enfants. D’autre part il faut développer des revendications communes pour les sans-papiers, pour les chômeurs, pour les SDF, ainsi que pour les étudiants immigrés malgré le mode de vie instable de ces derniers. Les ouvriers sans papiers ne doivent pas se contenter des déclarations de solidarité avec les ouvriers licenciés, mais doivent soutenir effectivement leurs luttes.

13 ans après l’expulsion des sans-papiers de l’église St. Bernard, il faut éviter la division et s’appliquer pour que cet anniversaire devienne un tournant de la lutte et pour que l’union soit à nouveau retrouvée.

Il faut que les syndicats organisent aussi les grèves des ouvriers sans papiers et que les sans-papiers à leur tour, créent des comités au niveau départemental comme au niveau régional, pour unir leurs forces dispersées; il est aussi indispensable de créer les moyens pour que les syndicats et les comités puissent agir ensemble et d’une manière centralisée.

À partir du mois de septembre nous devons quitter les domaines des luttes sectaires/ethniques pour passer aux domaines de luttes centralisées où pourront s’unir tous les sans-papiers à l’échelle national, pour que la lutte soit victorieuse.

Pour la régularisation globale de tous les sans-papiers!

ACTIT