Le thème favori de la propagande réformiste :
Le partage des richesses

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 10, avril 2014 – p. 15-19

Aux alentours de 2007 commence à surgir dans les milieux considérés comme étant, du moins partiellement, à gauche du PS (PCF, CGT, Attac etc.) un effort de propagande autour de la question du "partage d la valeur ajoutée".

Pour l’essentiel, ces considérations puisent leurs références dans un catalogue de constats figurant couramment dans les études et commentaires produits par les économistes bourgeois. À titre d’exemple, voici des extraits d’un article représentatif [1]:

"Cout du travail" : vraiment ?

[…] Première conclusion : la perte de parts de marché de la France n’est pas mécaniquement liée à des couts salariaux "excessifs". Tout projet de redressement de la performance, effectivement déclinante du pays, axé sur une "baisse du coût du travail" repose sur une analyse erronée.

Cotisations sociales des employeurs : trop lourdes ?

[…] Depuis 1984, du fait des multiples exonérations de cotisations, la part des employeurs (CSE) a diminué assez nettement, de près de 17 % à un peu plus de 15 % avant la crise; depuis 2009 elle est remontée à presque 16 %. On ne peut donc guère accuser les CSE d’être responsables des pertes de compétitivité de l’économie française…

Par contre, la part de valeur ajoutée basculée vers les dividendes des actionnaires a plus que triplé sur la même période (de 1,5 % à 5 % de la VA).

Parmi les pourfendeurs zélés de la "lourdeur des charges sociales", personne ne mentionne ce fait. Sans doute parce qu’il est une manifestation, entre autres, de la déformation du partage de la richesse produite depuis une trentaine d’années ‑ au profit des grandes entreprises et des privilégiés, au détriment des salariés.

Seconde conclusion: les cotisations sociales des employeurs (CSE) ne sont pas à l’origine des pertes de compétitivité.

Compétitivité : d’autres facteurs

[…] Troisième conclusion: une politique de renforcement de la compétitivité devrait s’adresser prioritairement à ces questions clés. Éducation et formation, informatisation et automatisation, recherche et innovation, politique fiscale et ressource financière bon marché pour les PME-ETI [Petites et moyennes entreprises – Entreprises de taille intermédiaire].

Parmi les réflexions formulées d’un point de vue réformiste, on trouve notamment l’idée que le partage de la valeur ajoutée défavorise injustement les salariés, et que pour sortir de la crise il faut relancer l’économie, ce à quoi servirait une augmentation générale des salaires.

Dans ce qui suit, nous nous consacrons à la façon dont la question des salaires est reliée à celle de la "compétitivité".

Dans un premier temps, cet aspect a été introduit par le biais de l’argument que les employeurs utilisent le "prétexte" de la crise pour baisser le niveau des salaires. Plus récemment, a été lancé le slogan de publicité revendicative "C’est le capital qui coute cher, pas le travail".

La crise comme "prétexte" à un chantage sur les salaires

Il est vrai qu’en situation de crise, l’amplification de la masse de travailleurs sans emploi est utilisée par les employeurs pour imposer une accentuation de la baisse du niveau de salaires. Cependant, les réformistes introduisent une interprétation faussée de la réalité, quand ils s’efforcent de faire croire que la crise ne serait qu’un artifice fabriqué par les capitalistes pour pouvoir exercer leur chantage en brandissant la menace de licenciements. Les crises naissent de l’anarchie caractérisant le capitalisme en tant que système social (à la différence de l’organisation réfléchie et méthodique instaurée dans le cadre des unités de production). Ainsi les capitalistes eux-mêmes ne sont pas en mesure d’éviter leur éclatement.

Les facteurs de compétitivité

De façon générale, la position des réformistes se caractérise entre autre par le fait qu’ils adoptent la perspective que les entreprises doivent être compétitives, et qu’ils formulent des critiques et des recommandations concernant la façon de procéder pour assurer cette compétitivité. Un des principaux arguments reprend l’analyse selon laquelle la baisse du niveau de salaires n’est pas un facteur pertinent à cet égard. Partant de là, les réformistes conseillent aux employeurs de renoncer à baisser le niveau des salaires et de chercher d’autres voies pour assurer la compétitivité des entreprises.

En acceptant l’idée que le critère de la compétitivité doit être pris en compte, autant du point de vue des capitalistes que de celui des travailleurs, les réformistes se font complices de la tromperie idéologique selon laquelle "employeurs et salariés sont dans le même bateau". D’autre part, le raisonnement tentant d’écarter simplement la question, est particulièrement vicié. Il passe sous silence le fait que la baisse des salaires ‑ avec l’augmentation de l’intensité du travail ‑ est un facteur essentiel pour l’accroissement du taux d’exploitation. Les réformistes contribuent ainsi à la mystification fondamentale qui s’efforce à maintenir cachée la nature de l’exploitation capitaliste et l’origine de la plus-value. Certes, que les employeurs poursuivent systématiquement l’objectif de baisser les salaires, ne signifie pas qu’ils tiendraient consciemment compte de l’analyse formulé dans Le Capital. Toujours est-il qu’ainsi ils s’agissent ‑ instinctivement ou par intelligence pragmatique ‑ en conformité avec les mécanismes régissant le système capitaliste.

"C’est le capital qui coute cher, pas le travail"

Dernièrement, une affirmation synthétique a fait apparition, qui fusionne les deux aspects que sont: la complainte concernant la part des salaires dans la valeur ajoutée, et le rejet de la mise en avant des salaires comme frein pour la compétitivité. Elle dit: "C’est le capital qui coute cher, pas le travail". Cette formulation marque un certain changement de perspective. L’accent est mis plus sur le contexte au niveau des entreprises, plutôt que sur l’approche sociale globale. Cependant, on reste dans le cadre de façons connues de poser les problématiques.

La phrase en question provient d’une vidéo réalisée par Jean-Michel Fouque avec la participation de Nasser Mansouri-Guilani [2], diffusé dans le cadre de l’émission "Expression directe" de la CGT sur France 2 et France 3. La vidéo est présentée sous le titre "Et si on parlait cout du capital?" et Mansouri dit notamment: "Ce n’est pas le travail qui coute… c’est le capital". Depuis, les instances de direction de la confédération s’efforcent à diffuser massivement la vidéo comme "outil" de propagande auprès des syndicats de base. Et les mêmes tournures sont reprises dans les discours émanant de représentants de la CGT. Par exemple, Thierry Lepaon, actuel secrétaire général [3]: "Il n’y a pas de problème de cout du travail. En revanche, il y a un problème du cout du capital. La répartition de la richesse dans l’entreprise a évolué. En vingt ans, la rémunération du travail a perdu 10 % de cette richesse au profit de l’actionnaire."

L’exposé en question de N. Mansouri est d’une extrême banalité, mais c’est là précisément que réside la nocivité de ce type de discours. Il constate que l’argent tout seul ne se multiplie pas, que la simple présence à ses côtés de machines n’y change rien, et que seulement en y ajoutant l’intervention du travail humain on obtient en résultat la production de richesses nouvelles. Et voilà… Ensuite il enchaine avec des considérations sur la répartition de ces "richesses". Or avant de parler de "répartition", il faudrait d’abord examiner comment se détermine et se mesure la quantité à répartir. Il n’y a pas la moindre analyse au sujet de la valeur des produits. Ce n’est pas un simple manque qui pourrait se justifier par une volonté de rester terre à terre et d’éviter des développements théoriques indigestes. Il s’agit plutôt de la caractéristique fondamentale d’une entreprise de désinformation idéologique. Le raisonnement en lui‑même ne tient pas debout. En se plaçant au même niveau de simplisme niais, on pourrait aussi bien mener la déduction inverse. En effet, à notre époque moderne un travailleur tout seul ne peut rien produire (au sens de production sociale, c’est‑à‑dire mis à part les bricolages à la maison et autres activités individuelles), même pas s’il récupère quelques machines gracieusement offertes. Pour arriver à mettre en œuvre effectivement le processus de production, il faudra bien du capital sous une certaine forme, que ce soient des actions cotées en bourse ou des fonds réunis pour une coopérative, ou autre. Cependant, la fonction de la nature élémentaire jusqu’au bout, du discours, c’est de recouvrir d’un voile épais l’analyse de Karl Marx au sujet du processus de production capitaliste basé sur l’exploitation de la force du travail par le capital. Nous y reviendrons plus loin.

Mansouri, le personnage

En déployant ses labeurs d’économiste patenté, N. Mansouri se trouve en compagnie, entre autres, de Paul Boccara. Celui‑ci fut longtemps un des principaux responsables avec Philippe Herzog de la section économique du PCF, des années 1970 aux années 1990. Ces deux‑là sont connus pour avoir été à l’origine d’une campagne de promotion prolongée en faveur de l’application de "nouveaux critères de gestion" censés conduire au "dépassement" du capitalisme. Herzog, tout en restant attaché à cette pensée, s’est par la suite placé dans des contextes différents. Il a fondé en 1992 l’association "Confrontations Europe", et participe toujours aux activités de celle‑ci [4]. Il a quitté le PCF en 1996. Depuis avril 2010, dans le cadre de la commission européenne il est Conseiller spécial auprès du Commissaire en charge du marché intérieur et des services, Michel Barnier. Quant à Boccara, lui et Mansouri ont, par exemple, contribué au "Forum pour un autre monde" en 2002 [5].

Effectivement, au‑delà du litige concernant la répartition du PIB en France, N. Mansouri voit plus loin et plus grand, étant donné que nous sommes intégrés dans un cadre économique mondialisé [6]:

On ne peut répondre aux besoins non satisfaits de la population mondiale en nourrissant simplement l’illusion d’un meilleur partage des ressources et des richesses existantes, sans poser la question fondamentale du mode de production de ces richesses. La question de la répartition est fondamentale; c’est un enjeu de luttes politiques et sociales. Mais le défi à relever est beaucoup plus important.

Au sujet de ce défi, il utilise les termes "construction d’un mode de production alternatif". Mais pour définir cette alternative, il ne ressent nullement besoin de faire référence aux rapports de production capitalistes en tant que tels [7]:

Il s’agit surtout de produire autrement, plus efficacement, en faisant des économies de moyens matériels, en réduisant l’intensité d’usage des ressources naturelles, en évitant la dégradation de l’environnement. Cela requiert en outre, une main d’œuvre qualifiée pour mener la recherche-développement, pour élaborer de nouveaux procédés et produits.

Par ailleurs, il réaffirme son adhésion au point de vue formulé en termes, notamment, de "critères" et de "choix" de gestion [8]:

Pour dépasser le capitalisme, il nous faut des innovations sociales et politiques, fonder une nouvelle conception de la démocratie en reposant la question des critères et des mécanismes de définition, d’élaboration et de mise en œuvre des décisions et des choix de politiques publiques, comme des choix de gestion des entreprises.

La problématique étant posé ainsi, on n’est pas surpris par le fait qu’il cite les orientations officielles de la CGT comme exemplaires [9]:

Il s’agit d’abord d’une nouvelle conception du travail, permettant aux êtres humains de s’épanouir dans le travail et non de le subir comme une torture, une obligation imposée. Le concept de "travail décent" élaboré par l’Organisation internationale du travail constitue un point de départ pour atteindre cet objectif. Les concepts de "sécurité sociale professionnelle" et de "nouveau statut du travail salarié", élaborés par la CGT, s’inscrivent dans cette perspective.

À titre de curiosité, il vaut la peine de citer quelques explications que N. Mansouri énonce pour affirmer la pertinence du concept de "Sécurité d’emploi et de formation" [10]:

Je suis un des acteurs auteurs de la Sécurité d’emploi et de formation dont a parlé Paul Boccara, et, dans certains secteurs de gauche, nous étions critiqués car c’était une proposition "très réformiste" comme la taxe Tobin. Nous avons répondu que l’important n’est pas le caractère prétendument réformiste ou révolutionnaire de la proposition parce que même les augmentations des salaires peuvent être considérées comme réformistes. Ce qui importe, c’est le nombre de celles et ceux qui entrent dans l’action pour réclamer, exiger et obtenir des améliorations des conditions de vie pour la majorité de la population. Si nous sommes capables d’engendrer cette action de masse pour transformer le pouvoir, le pouvoir économique, nous arriverons à une action révolutionnaire.

Voilà que Mansouri reprend à son compte la tactique des "revendications de transition" chère aux trotskistes…

Une vision impérialiste du "partage des richesses"

Du point de vue de l’analyse marxiste, les éléments qui constituent la connexion entre d’une part le mécanisme fondamentale de la production de plus‑value, et d’autre part l’accaparement du profit par les capitalistes individuels, sont multiples. Cette remarque à son importance en rapport avec la question de la "répartition" des richesses produites. En effet, avant même d’arriver à l’étape où les conseils d’administration décident le montant des dividendes à verser aux actionnaires, les valeurs produites par la force de travail, incarnées par les marchandises, ont déjà traversé des mécanismes complexes leur faisant subir des transformations qui transcendent la volonté subjective des capitalistes.

Nous mentionnons ici quelques aspects; le fait est que, face à l’approche faussement naïve de N. Mansouri, l’importance des analyses développées dans Le Capital ne se limite pas au Livre Ier, Tome I.

Toute une première partie du Capital développe des considérations ayant comme présupposé que pour chaque marchandise, sa vente réalise exactement la valeur qu’elle représente de par la quantité de la force de travail qui a été dépensé au cours de la production de cette même marchandise. Mais les choses n’en restent pas là. D’abord, Marx élargit le raisonnement pour tenir compte du fait que dans les différentes sphères de production (textile, sidérurgie, etc., où de façon analogue selon des distinctions à un niveau plus détaillé) la proportion selon laquelle le capital total est réparti entre capital constant et capitale variable, n’est pas identique [11]. À ce stade il maintient toujours le présupposé mentionné et se place par ailleurs dans l’hypothèse que partout les conditions de mise en œuvre de la force de travail (la durée totale de son emploi ainsi que la fraction correspondant au travail nécessaire pour remplacer le salaire) sont les mêmes. Il constate qu’une telle situation a pour résultat des taux de profit différents selon les sphères de production.

Arrivé à ce point, Marx relève qu’au contraire, dans la réalité, sous l’effet de la concurrence, règne un taux de profit moyen qui traverse l’ensemble de l’économie d’un pays. Pour intégrer ce fait dans son analyse, il introduit la notion de prix de production, dont le montant est déterminé par le coût de production augmenté de la portion du profit moyen devant être alloué au capital concerné [12].

Ainsi, l’ensemble des capitalistes s’accaparent globalement le produit de l’exploitation de l’ensemble des ouvriers, en le répartissant entre eux [13]:

En ce qui concerne le profit, les différents capitalistes jouent ici le rôle de simples actionnaires d’une société par actions dans laquelle les parts de profit sont également réparties pour chaque fraction de 100; elles ne diffèrent pour les divers capitalistes que par l’importance du capital que chacun a mis dans l’entreprise commune, c’est-à-dire par la participation proportionnelle de chacun à cette entreprise, suivant le nombre de ses actions.

Cette distorsion entre valeur des marchandises et prix de production s’opère d’ailleurs par un double mécanisme. En effet, à ce qui vient d’être dit, s’ajoute une répercussion indirecte: puisqu’il est possible que le prix de production s’écarte de la valeur de la marchandise, son coût de production renfermant le prix de production d’une autre marchandise peut lui aussi se trouver au-dessus ou au‑dessous de cette fraction de sa valeur globale que constitue la valeur des moyens de production consommés.

Au bout du compte, Marx fait ressortir une distinction entre la valeur des marchandises prises isolément et la valeur ‑ désignée comme leur valeur de marché ‑ qu’elles revêtent en tant qu’élément d’une masse de marchandises de la même catégorie. À cet égard il faut souligner qu’il ne s’agit pas d’une valeur moyenne qu’on obtiendrait mathématiquement en divisant la somme des valeurs individuelles par le volume totale. En considérant une sphère de production particulière, à un moment donné, il prévaut un certain procédé de production selon lequel est fabriquée la grande masse des marchandises; à cela s’ajoutent des quantités de marchandises dont la production nécessite un temps de travail plus court ou plus long que ne l’exprime la valeur de marché [14]. Ceci implique en particulier que les capitaux qui produisent dans les meilleures conditions s’approprient un surprofit.

Les discours habituels au sujet du "partage" évacuent totalement tous ces phénomènes. Ils partent de la "valeur ajoutée" recensée au moyen des statistiques produits fabriquées par les économistes bourgeois. Or ce qui est quantifié ainsi n’est que l’aboutissement d’un processus qui fait que le résultat ne peut être considéré comme "le produit des Français", à répartir "entre les Français".

Tout en insistant sur les analyses développées dans Le Capital, il faut bien sûr intégrer le fait que le système capitaliste mondial est passé au stade de l’impérialisme. Les mécanismes de la concurrence ne sont pas caducs, mais ils sont recouverts par les caractéristiques propres aux grands groupes réunissant chacun à échelle internationale des masses considérables de capitaux dans un cadre monopolistique. Ainsi, au niveau planétaire, la concurrence ne tend pas à une répartition des profits selon un taux de profit moyen. Bien au contraire, les groupes monopolistiques visent par tous les moyens à s’adjuger une masse de profit la plus grande possible.

Voilà ce qui nous ramène à la question de la "compétitivité". Les directions syndicales ont tendance à se faire complices des grandes entreprises à base capitalistique française ("notre industrie"): en affirmant cela, on ne fait que répéter un constat pour ainsi dire communément admis. En se référant à N. Mansouri, on peut observer comment ce soutien, bien qu’en général camouflé par des formulations ornementées, saisit les caractéristiques de la "compétition" entre capitaux dans le cadre du capitalisme impérialiste. Ainsi, par exemple, Mansouri expose les arguments suivants [15]:

Il faut distinguer deux aspects de la compétitivité. Il y a la compétitivité coût, qui concerne l’ensemble des coûts nécessaires à la production d’une marchandise, et la compétitivité hors coût. Or, ce qui handicape les produits français à l’exportation, c’est plutôt la compétitivité hors coût. C’est‑à‑dire la qualité des produits qui nous renvoie à l’insuffisance de la recherche-développement, de l’innovation, de la formation des salariés. Mais aussi à la politique d’implantation de nos entreprises à l’étranger. Il est clair, pour prendre un exemple parmi d’autres, que l’Allemagne a été beaucoup plus efficace que nous sur le marché chinois.

La partie et le tout

Ceux qui mettent en avant la question de la compétitivité, visent ainsi à introduire un aspect spécifique dans le cadre des considérations globales sur la répartition des richesses. En effet, puisqu’ils réclament l’attribution aux salariés d’une part plus élevée de la valeur ajoutée, il est aussi dans la logique des choses de veiller à ce que cette valeur ajoutée dans sa totalité soit aussi grande que possible. Venons‑en donc au fond de la thématique.

Les formulations employées sont diverses. Elles peuvent osciller entre, d’une part la version faisant preuve d’une politesse exemplaire: "La hausse des salaires est nécessaire pour rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée en faveur des travailleurs [16]", et d’autre part le refrain d’inspiration anarchiste: "Tout est à nous, rien n’est à eux, tout ce qu’ils ont ils l’ont volé". Or, l’analyse marxiste établit au contraire que dans le cadre des rapports de production capitalistes, les détenteurs des capitaux constituent tout à fait naturellement le pivot où, sous leur contrôle aboutit et repart la totalité des richesses.

Voici deux citations extraites du Capital.

– [17]:

L’usage de la marchandise appartient à l’acheteur et en donnant son travail, le possesseur de la force de travail ne donne en réalité que la valeur d’usage qu’il a vendue. […] À son point de vue [du capitaliste], le procès de travail n’est que la consommation de la force de travail, de la marchandise qu’il a achetée, mais qu’il ne saurait consommer sans lui ajouter moyens de production. Le procès de travail est une opération entre choses qu’il a achetées, qui lui appartiennent. Le produit de cette opération lui appartient donc au même titre que le produit de la fermentation dans son cellier.

– [18]:

Que l’entretien journalier de cette force ne coûte qu’une demi-journée de travail, bien qu’elle puisse opérer ou travailler pendant la journée entière, c’est-à-dire que la valeur créée par son usage pendant un jour soit le double de sa propre valeur journalière, c’est là une chance particulièrement heureuse pour l’acheteur, mais qui ne lèse en rien le droit du vendeur.

 



[1]. "Après les pigeons, voici les vautours" (3 novembre 2012).
http://www.apex.fr/actualites/l-actualite-eco-sociale/172-apres-les-pigeons-voici-les-vautours

[2]. Directeur du Centre confédéral d’études économiques et sociales de la CGT; Membre, pour la CGT, du Conseil économique, social et environnemental.

[3]. Thierry Lepaon, Entretien publié par L’Usine nouvelle, 21 mars 2013.
http://www.usinenouvelle.com/article/ce-n-est-pas-le-cout-du-travail-qui-est-un-probleme-mais-celui-du-capital-selon-thierry-lepaon.N193696

[4]http://www.confrontations.org

[5]. Atelier sur le thème "Que peut la politique, en liaison avec le mouvement social, face aux marchés financiers et aux multinationales", tenu dans le cadre du "Forum pour un autre monde", 16 février 2002.
http://www.economie-politique.org/sites/default/files/ecopo_2002_03-04_nouvelle_alliance_europe-pays_en_developpement_et_emergents_p._boccara_0.pdf

[6]. Crise de civilisation?, Espaces Marx, mai 2011. Contribution de Nasser Mansouri-Guilani: "Une nouvelle civilisation pour un développement humain durable".
http://www.espaces-marx.net/IMG/pdf/col_Civ_Mansouri_Guilani.pdf

[7]. N. Mansouri-Guilani: "Une nouvelle civilisation…".

[8]Ibidem.

[9]Ibidem.

[10]. "Forum pour un autre monde", N. Mansouri-Guilani: "L’ouverture à la concurrence et le droit au développement", 16 février 2002.
http://www.economie-politique.org/sites/default/files/ecopo_2002_03-04_nouvelle_alliance_europe-pays_en_developpement_et_emergents_p._boccara_0.pdf

[11]. Le Capital, Livre 3e, Tome I, 2e section: La transformation du profit en profit moyen – Chapitre 8: Composition différente des capitaux dans des branches de production différentes, d’où diversité des taux de profit.

[12]. Le Capital, Livre 3e, Tome I, 2e section: La transformation du profit en profit moyen – Chapitre 9: Établissement d’un taux général de profit (taux de profit moyen) et transformation des valeurs des marchandises en prix de production.

[13]Ibidem.

[14]. Le Capital, Livre 3e, Tome I, 2e section: La transformation du profit en profit moyen – Chapitre 10: Égalisation du taux général du profit par la concurrence. Prix de marché et valeurs de marché. Surprofit.

[15]. N. Mansouri-Guilani: entretien publié par la Nouvelle Vie Ouvrière (CGT), 12 septembre 2013.
http://nvo.fr/m.article.php?nbr=0&IDssrubrique=81&IDchapitre=2001

[16]. N. Mansouri-Guilani: "Il faut augmenter les salaires pour sortir de la crise". Publié par la CGT – Centre confédéral d’études économiques et sociales, aout 2010.
http://www.cgt.fr/IMG/pdf/note_salaires.pdf

[17]. Le Capital, Livre 1er, Tome I, 3e section: La production de la plus-value absolue – Chapitre 7: La production de valeurs d’usage et la production de la plus-value. I. La production de valeurs d’usage.

[18]. Le Capital, Livre 1er, Tome I, 3e section: La production de la plus-value absolue – Chapitre 7: La production de valeurs d’usage et la production de la plus-value. II. Production de la plus-value.