Dissolution de l’Assemblée nationale
La situation avant, pendant, après
La dissolution de l’Assemblée nationale est l’aboutissement de divergences entre les forces politiques qui prétendent toutes oeuvrer en faveur du bienêtre des électeurs auxquels elles s’adressent. Mais tous leurs représentants ‑ du Rassemblement national à la France insoumise en passant par l’"axe républicain" ‑ sont conscients du fait que la base de la sphère politique, c’est l’économie ‑ le capitalisme, les détenteurs du capital. Et dans les faits ils assument la défense des intérêts de ceux-là.
En l’état actuel des choses, les travailleurs sont dans leur grande majorité déboussolés. Ils n’ont pas suffisamment conscience du fait que l’Assemblée nationale ne représente pas la "Nation", mais ‑ directement ou indirectement ‑ les intérêts de la classe capitaliste présente sur le territoire français. Des luttes, des mouvements, contre la réalité que subissent les travailleurs et les couches populaires se produisent fatalement, et peuvent obtenir des victoires. Mais ce qui prévaut au bout du compte, c’est l’idée de promouvoir des députés et des maires censés mettre en pratique une politique qui améliore les conditions de vie de cette partie de la population.
Depuis longtemps les mécontentements et les revendications s’expriment dans deux cadres : les organisations syndicales et des mobilisations telles que les "gilets jaunes".
Les mouvements du type "gilets jaunes", "bonnets rouges", "nuit débout", et similaires, ont une portée restreinte, de par leur composition sociale hétérogène et leur durée d’activité fatalement limitée. L’association Attac relève d’une approche similaire en s’efforçant de durer, mais subit aussi l’usure du temps.
Les mouvements syndicaux, par nature, ne sont pas condamnés à rester éphémères : l’exploitation des travailleurs dans les entreprises persistera tant qu’existera le capitalisme. Cependant, les conditions ne sont pas encore réunies pour que leurs activités soient reliées à la lutte de classe qui doit se déployer pleinement sur le terrain politique. La conscience des militants syndicaux et des travailleurs en général reste handicapée parce qu’ils tendent à envisager l’activité revendicative dans l’entreprise comme étant séparée de la politique.
Contrairement à certaines confédérations syndicales qui se déclarent d’office "apolitiques", la CGT ne s’interdit pas par principe d’assumer des positions de nature politique. Ainsi, en vue des élections qui se tiennent suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, le Comité Confédéral National (CCN) appelle à voter pour les candidats du "Nouveau Front populaire". Nous ne lui reprocherons pas l’initiative de formuler une analyse politique ‑ mais nous constatons que la position adoptée reflète les orientations erronées, réformistes, qui prévalent au sein de la CGT à différents niveaux, jusqu’à la base.
Le CCN de la CGT considère que le programme du "nouveau front populaire" constitue une "rupture avec le néolibéralisme et le fascisme". Modifier le fonctionnement pratique du mode de production capitaliste ne peut nullement libérer les travailleurs de l’exploitation qu’ils subissent. Évoquer la rupture avec le fascisme, c’est banaliser la référence à l’expérience historique des dictatures antérieurement instaurées par le grand capital dans différents pays. Le CCN met en garde que "notre République et notre démocratie sont en danger". Le système politique en place actuellement n’est pas le "notre". Rappelons que le premier régime socialiste, instauré sur la base de la Révolution d’Octobre 1917 en Russie, était celui de l’URSS ‑ Union des Républiques socialistes soviétiques ‑, de nature totalement différente par rapport aux régimes de "république démocratique" actuels.
L’évolution du contexte depuis ces dernières années est effectivement préoccupante. Du côté des travailleurs les forces de résistance organisées sont insuffisantes et en recul. À l’exception de quelques rares mouvements d’ampleur tels que les mobilisations contre la modification du régime de retraite, les luttes sont sporadiques et manquent de continuité. Du côté des employeurs et des capitalistes en général, la volonté de soumettre les travailleurs à la discipline de l’exploitation est permanente et la répression se renforce. Cette dégradation de la situation des travailleurs se développe en lien avec l’accentuation des difficultés et des contradictions internes qui affectent le système capitaliste mondial. Les situations de stagnation et de crises économiques se multiplient, la bourgeoisie mondiale se heurte à des obstacles multiples dans le processus qui vise l’accumulation du capital et l’obtention du profit basé sur la plus-value. La cause réside dans le fonctionnement même des rapports de production capitalistes, marqué en particulier par la rivalité entre groupes monopolistiques et la concurrence entre puissances impérialistes. Quant à la sphère politique, le fait est que les orientations dites "réactionnaires" ‑ c’est-à-dire qui ne se soucient pas de respecter une apparence "progressiste" ‑ s’approfondissent. Mais le RN n’est pas seul à oeuvrer en ce sens, et il faut dire que d’autres qui ‑ tels que Gérald Darmanin ‑ adoptent des positions similaires ne sont pas simplement motivés par des considérations électoralistes mais promeuvent ce qu’ils jugent être dans l’intérêt du capital.
Les facteurs décrits ci-dessus étaient déjà en train de se développer avec Emmanuel Macron comme président. La formation d’un gouvernement dirigé par le RN ne serait pas le point initial d’une gouvernance qui bouleverserait les champs politique et économique. Néanmoins, un tel gouvernement renforcera l’application de mesures aggravant les conditions de vie des travailleurs et des couches populaires. Et il emploiera plus "efficacement" les forces de répression, au sein desquelles il est fortement implanté, il élargira sans hésitation leurs compétences d’action et les libèrera des "entraves" juridiques.
La routine de "démocratie" imposée par la bourgeoisie au pouvoir incite les travailleurs à utiliser l’"arme" du bulletin de vote. Or, le facteur essentiel, c’est la prise de conscience de la part des travailleurs au sujet du fait que leur position au centre de la production leur donne précisément les leviers pour bouleverser la situation.
L’unique perspective qui puisse permettre à franchir les obstacles, c’est la construction du parti de l’avant-garde de la classe ouvrière, afin de mettre en oeuvre la lutte classe contre classe ‑ classe ouvrière exploitée contre classe capitaliste exploiteuse ‑ qui seule peut obtenir les victoires, au-delà des illusions et des déceptions liées à l’idée de vouloir changer la société en votant pour les instances de la "République démocratique".
Le ROCML
Rassemblement organisé des communistes marxistes-léninistes
25 juin 2024