Les travailleurs face à l’État et face à la société

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 33, 2e semestre 2025 – p. 12‑21

La société en France est basée sur les rapports sociaux de production capitalistes. La théorie marxiste-léniniste analyse la situation des travailleurs dans ce cadre en tant que classe exploitée par la classe capitaliste, laquelle est la classe dominante dans cette société. Cependant, la vision subjective largement répandue parmi les travailleurs fait que chacun se situe ‑ plus ou moins ‑ dans la vision idéologique que s’efforce d’imposer et de maintenir la bourgeoisie selon sa propre conception.

Les considérations qui suivent tentent de mettre en lumière quelques problèmes qui se posent à ce sujet.

Impérialisme – Interdépendance

Dans le cadre d’une société capitaliste, le gouvernement représente fondamentalement les intérêts du capital. À première vue, cela signifie que le gouvernement veille aux intérêts de l’ensemble des entreprises capitalistes existantes sur le territoire concerné.

Mais il s’agit avant tout du capital impérialiste, c’est-à-dire des groupes transnationaux à caractère monopolistique. Les intérêts de ce capital impérialiste sont déterminés non seulement par le cadre national de ce qui est considéré comme leur pays d’origine, mais aussi au même titre par le contexte international en fonction de leurs implantations dans divers pays du monde. Par conséquent le gouvernement d’un pays impérialiste est amené à défendre les intérêts de tout un réseau de capitaux d’extension mondiale. À cet égard ce gouvernement joue le rôle d’un ambassadeur à l’étranger des capitalistes concernés. Parallèlement, un pays impérialiste accueille aussi des implantations de capitaux provenant d’autres puissances impérialistes. Ce qui vient d’être exposé s’applique donc également, de façon réciproque, du point de vue de ces autres pays et de leurs gouvernements. Évidemment, les "intérêts", selon les périodes et les contextes, peuvent revêtir un caractère d’avantages mutuels ou d’hostilité entre rivaux.

Pour illustrer la situation, on peut évoquer l’exemple de Sanofi, dans le secteur pharmaceutique. Créée en 1973, la société Sanofi est issue d’une scission de la société pétrolière Elf Aquitaine. Au fil des années, Sanofi a réalisé de nombreuses acquisitions, notamment aux USA celle de l’entreprise Sterling Winthrop en 1994. En 2004 est effectuée la fusion entre Sanofi et Synthelabo donnant naissance à Sanofi-Aventis, qui devient le premier groupe pharmaceutique français et le troisième au niveau mondial.

Il se trouve qu’avec Donald Trump comme président, le gouvernement US vise à rendre l’accès à la santé plus accessible en réduisant les couts des soins, ce qui implique une pression accrue sur les prix et les pratiques commerciales des laboratoires aux USA. Or, le marché US est le plus grand au monde, représentant plus de la moitié du chiffre d’affaires global de l’industrie pharmaceutique. À terme, des mécanismes de négociation pourraient être mis en place pour fixer les prix des médicaments. Les grands groupes pharmaceutiques devront développer de nouvelles approches, dans lesquelles les USA ne porteraient plus nécessairement leur croissance. Néanmoins, sous l’effet des mesures déclarées par Trump en matière de tarifs douaniers, les groupes pharmaceutiques implantés aux USA peuvent envisager de renforcer leurs activités sur place. En avril dernier, le suisse Roche, numéro deux mondial du secteur, avec près de 65 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, a annoncé un investissement de 50 milliards de dollars (43,9 milliards d’euros) aux USA au cours des cinq prochaines années. Le groupe compte actuellement près de 26 % de ses effectifs aux USA, où il réalise 48 % de ses ventes annuelles.

L’interconnexion des structures impérialistes opère aussi ‑ vue de la France ‑ dans l’autre sens. Le président Emmanuel Macron se plait à "promouvoir la ré-industrialisation" de la France. Cela peut se résumer dans le slogan "vive le Made in France", mais il faut noter la signification du "en France". Ainsi par exemple, en 2023, on peut lire dans la presse à propos du groupe chinois BYD, constructeur d’automobiles : "BYD souhaite implanter une usine en Europe. Le gouvernement [français] tente de séduire la marque chinoise pour une installation en France." Cet espoir sera finalement "déçu", en mai 2025 BYD choisit la Hongrie pour implanter son centre européen et promet 2.000 emplois. Cependant, en juin 2021 Macron avait annoncé l’implantation d’une future usine de batteries à Douai sur le pôle nordiste de voitures électriques Renault d’ElectriCity. Les commentaires de la presse à l’époque étaient marqués de sarcasme : "Le Chef de l’État donne ainsi lieu à un concert quasi-unanime d’auto-congratulations politico-médiatiques… Accompagné de tout un aréopage de ministres ‑ Gérald Darmanin, Intérieur, Agnès Pannier-Runacher, Industrie et Franck Riester, Commerce extérieur ‑, le président de la République a vanté deux milliards d’euros d’investissement pour créer 1.000 emplois sur place d’ici à 2025 et 2.500 d’ici à 2028. Avec à la clé plus de 200 millions d’euros d’argent public aux côtés des industriels." En effet cette opération était globalement mal accueillie par les représentants de l’industrie automobile ; "Il ne faut pas être naïf, c’est une… défaite de l’industrie auto européenne! Car, le fabricant de batteries est le conglomérat énergétique chinois Envision, qui avait repris les activités de batteries à Nissan en aout 2018."

Ces exemples montrent que, pour un gouvernement d’un pays donné, se préoccuper "des intérêts du capital" nécessite une approche complexe pour détermine de quels intérêts il s’agit concrètement et comment agir à l’égard des autres pays partie prenant du réseau d’investissements transnationales croisés.

(Avertissement : Les considérations ci-dessus peuvent paraitre sans rapport avec le titre du présent texte. Mais elles sont destinées à éclairer certains commentaires figurant plus loin. Par exemple à propos de Sophie Binet ‑ élue secrétaire générale de la CGT au dernier congrès confédéral, en mars 2023 ‑, qui est outrée parce que "l’industrie est victime de la démission de l’État" et que "les grands patrons, aujourd’hui, coulent le pays […] Les rats [les grands patrons] quittent le navire".)

Reste à savoir quelle place, dans cette constellation, revient aux populations. La théorie marxiste-léniniste montre qu’essentiellement, la population présente dans un pays est soumise au pouvoir formé par l’union entre la classe capitaliste et l’appareil d’État. Ce dernier se compose notamment du gouvernement, des organes administratifs, des forces armées et des forces de l’ordre. Au-delà de l’appareil d’État proprement dit, ce pouvoir s’appuie sur diverses couches de la bourgeoisie telles que des avocats, des cabinets d’étude et de conseil. Quant aux institutions législatives, leur rôle est diversement analysé selon les points de vue; il en sera question plus loin.

Toutefois, puisque du côté du pouvoir dominant se trouve la classe capitaliste, l’affrontement avec ce pouvoir repose essentiellement sur la classe ouvrière. Le sort des personnes appartenant aux autres couches sociales est lié ‑ implicitement ou selon un choix effectué consciemment ‑ à l’une ou à l’autre de ces deux classes antagoniques.

Il faut affronter la domination de la classe capitaliste ‑ comment ?

Le militantisme antifasciste

Historiquement le terme fascisme est apparu avec les régimes dictatoriaux instaurés en Italie (1926) et Allemagne (1933). Littéralement il est dérivé du nom des groupes paramilitaires créés en mars 1919 par Benito Mussolini (Fasci italiani di combattimento), qui allaient former l’embryon du futur Parti national fasciste. Depuis il sert en premier lieu pour désigner des régimes considérés comme similaires à ces deux cas historiques. Mais il a pris aussi une signification plus large, en incluant non seulement des régimes, en fonction de leurs caractéristiques, mais aussi des forces politiques qui prônent des objectifs pouvant aller dans un sens comparable.

Ainsi, en France il existe un grand nombre de groupes se disant "antifascistes", disséminés sur le territoire, mais se concevant comme membres d’une même mouvance. C’est ce qui se reflète dans le slogan répandu "Siamo tutti antifascisti!" ("Nous sommes tous antifascistes", en italien), accompagné du geste rituel de taper dans les mains de façon rythmée. L’intention est de créer une ambiance de "tous ensemble" autour de l’antifascisme, mais cela relève de la même exaltation sentimentale que le "ACAB" (All cops are bastards, c’est-à-dire Tous les flics sont des salauds) coutumière chez les "autonomes".

Les mots d’ordre exhibés dans les manifestations peuvent être sérieux à divers degré. Les exemples qui suivent proviennent de sources syndicales[1]. Certains évoquent la question du capitalisme : "Derrière le fascisme se cache le capital, la lutte antifasciste est internationale!", "Contre le fascisme, et la misère, C’est la lutte sociale, qui est nécessaire!". Mais dans l’ensemble, en matière d’"antifascisme" il s’agit souvent simplement de dénoncer "l’extrême droite et ses idées" (avec ou sans mention du capitalisme) : "Contre les agressions xénophobes et racistes – riposte sociale, antifasciste", "Y en a assez, assez, assez de cette société!, Qui fiche les militant-e-s, expulse les sans-papiers!", "À bas le patriarcat, le capitalisme et le racisme d’État!". Par ailleurs, la référence au fascisme peut être dénaturé par des formulations peu rigoureuses : "Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartier pour les fachos!".

Certains parmi les groupes antifascistes prennent soin de se démarquer explicitement de la catégorie stéréotypée d’"autonome" accolée à tort ou à raison à d’autres. C’est le cas de "La Jeune Garde antifasciste". Voici des extraits d’un texte de présentation provenant de l’organisation elle-même, au moment de sa création en janvier 2018 [2] :

[…]. Nous ne nous reconnaissons pas dans la stratégie de lutte antifasciste autonome qui, de notre point de vue, a permis la création d’une subculture antifasciste dite "antifa". […] Se revendiquer d’un antifascisme de lutte des classes qui se différencie de la stratégie "antifasciste autonomes", c’est comprendre que la victoire sur le fascisme n’est pas possible à l’intérieur de la société capitaliste. Seul le renversement de la société capitaliste pourra permettre de le vaincre définitivement. […]  Le capitalisme perdure, sous le fascisme, dans sa forme la plus radicale. […] Nous devons donc lutter sur chacun de ces fronts pour faire reculer ces idées réactionnaires. Pour autant, il est nécessaire de ne pas tomber dans une lutte de « valeurs », qui tiendrait d’un antifascisme "humaniste" déconnecté des réalités économiques, sociales et matérielles. Le but [est …] d’appréhender […] les groupes fascistes comme les ennemis des classes populaires et les alliés des classes dominantes. […] Nous devons chercher l’union de toutes les organisations révolutionnaires ou démocrates, communistes et anarchistes, mais aussi des organisations de masse défendant les intérêts des travailleurs et des travailleuses comme dans les syndicats, les organisations communautaires, antiracistes, féministes et LGBTQI+…

Les limites de cette orientation prétendument "anticapitaliste" apparaissent clairement avec le personnage de Raphaël Arnault, qui était à l’origine de la création du groupe et qui joue toujours un rôle de premier plan dans l’activité de celui-ci.

Aux élections législatives de juin 2022, il s’était présenté dans la 2e circonscription du Rhône sous l’étiquette du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), avec comme suppléante une adhérente de cette organisation. Pour les élections de juillet 2024, en étant investi par La France insoumise (LFI), il a été élu dans la 1re circonscription du Vaucluse avec 55 % des voix, tandis que la députée sortante du Rassemblement national (RN) a obtenu 45 %. Parmi ses prises de position, on peut mentionner un message sur les réseaux sociaux, le 7 octobre 2024 : "La résistance palestinienne a lancé une offensive sans précédent sur l’État colonial d’Israël." Il a été convoqué par la police judiciaire pour "apologie du terrorisme" ‑ suite à quoi il a supprimé le message, en expliquant : "Au vu des horreurs qui se sont manifestées le 7 octobre, on comprend qu’il puisse y avoir de l’incompréhension autour de ce communiqué."

La Jeune Garde met en avant l’emblème composé de trois flèches partant d’en haut, à droite pour aller vers le bas, à gauche. Ce graphisme est repris d’une propagande impulsée au début des années 1930 en Allemagne par le Parti social-démocrate (SPD). À l’époque les trois flèches visaient respectivement une couronne, une croix gammée, ainsi que le symbole marteau/faucille sur fond d’une étoile rouge. Le titre était "Contre Papen, Hitler, Thälmann". Franz von Papen a été nommé Chancelier (Reichskanzler) en juin 1932, de février 1933 à juin 1934 il était Vice-chancelier avec Hitler comme Chancelier. Paul von Hindenburg était Président de 1925 jusqu’à son décès en aout 1934; il incarnait la continuité de l’esprit impérial. Ernst Thälmann était Président du Parti communiste d’Allemagne (KPD). Il faut noter que les commentaires actuels sur l’utilisation du symbolisme déforment la signification d’origine de la troisième flèche : prétendument elle visait le "stalinisme" ‑ c’est que ceux qui reprennent le graphisme se sentent honteux à l’idée qu’on pourrait les identifier comme anticommunistes déclarés, comme c’était le cas du SPD.

On constate qu’en matière d’"antifascisme", l’éventail des variantes peut être large, entre militantisme "thématique" plus ou moins radical et réformisme jusqu’au bout. Ainsi, sous le titre "Nous, antifascistes de toute la France, appelons à construire un front uni de résistance", on lit[3] :

[…] nous ne prétendons à aucune hégémonie sur ce que pourrait être la lutte antifasciste. Elle est l’affaire de tous et toutes, et nos différents groupes ne constituent que des choix de réponses, d’outils et de structuration dans une "boîte à outils de lutte" qui en comporte beaucoup d’autres. Cela dépasse de loin le seul monde militant : c’est l’intégralité du prolétariat et du peuple qui est menacé, en particulier les minorités qui sont les premières cibles, qu’il s’agisse des personnes racisées, appartenant à la communauté LGBTQIA+, habitant•e•s des territoires coloniaux français ou alors ouvrier•e•s.

Une formulation qui apparait dans cet appel (et ici et là ailleurs) fait ressortir la confusion principale inhérente à ces conceptions :

Les groupes antifascistes dont nous faisons partie sont engagés contre l’extrême droite et se battent pour une société différente dont la solidarité, l’anticapitalisme, la lutte contre toute forme de ségrégation et la justice sociale sont les piliers. [C’est nous qui soulignons – ROCML.]

Une société quelconque peut se caractériser selon différents critères. Si on utilise les qualificatifs "socialiste" et "capitaliste", c’est l’un ou l’autre. Parler d’une "société anticapitaliste" est une absurdité. Cette formulation est un symptôme de l’esprit d’indécision et de flottement propre aux couches sociales qui l’emploient.

Toutefois, il y a des partisans d’une conception stricte de l’anarchisme, qui mettent des points sur les i. Voici des extraits d’une brochure intitulée "L’Anarchisme contre l’antifascisme"[4] :

Depuis 1945 règne dans les pays anciennement fascistes un mythe structurant. Ce mythe est le mythe de la libération de 45, c’est le mythe antifasciste, […].

[…] Il suffit que le principe d’autorité surgisse pour qu’un contrat plus ou moins forcé, qu’il soit "laxiste" ou entièrement coercitif, soit scellé par ceux qui détiennent le moindre pouvoir et ceux que la faiblesse matérielle et sociale encage aux confins de la domination.

1. Attaquer dans le but de causer des dégâts au pouvoir et jeter le désordre en son sein pour l’affaiblir tant idéologiquement que matériellement; 2. Accentuer les conflictualités pour tracer des lignes de démarcation nettes et belliqueuses entre les partisans de la liberté sans concession et les partisans de la domination et du pouvoir. – Ces deux moyens ont toujours été de façon complémentaire et pour beaucoup d’anarchistes, des cartes à jouer pour assouvir notre faim effrénée de liberté.

Seulement, ils sont moins nombreux, ceux qui identifièrent leur ennemi irréconciliable avec justesse, ceux pour qui la bête immonde à abattre était le pouvoir, et non le mode de gestion du pouvoir, aussi fasciste soit-il. […]

Voilà pourquoi nous ne sommes pas antifascistes. Notre anarchisme est de fait antifasciste puisque le fascisme n’est qu’un énième mode de gestion, certes plus violent, plus spectaculaire et plus identifiable de la domination. Mais l’anarchisme est un courant qui a toujours su identifier ses ennemis : l’État et la domination, qu’ils soient fascistes, antifascistes, démocrates ou communistes, ou prétendument anarchistes. [C’est nous qui soulignons – ROCML.]

Cet exposé est clair et net. La conclusion à en tirer aussi (sauf, paradoxalement, pour les auteurs). Il faudrait pouvoir prohiber que "le principe d’autorité surgisse", c’est-à-dire, soit vivre solitaire, reclus du moindre contact humain, soit convaincre instantanément et simultanément l’humanité toute entière à se convertir aux préceptes de l’anarchisme.

Laissant donc de côté les adeptes conséquents de l’anarchisme doctrinaire, il est certain que le champ du "danger fasciste" et des "idées de l’extrême droite" doit être intégré dans le combat dit "anticapitaliste". Mais puisque fondamentalement il s’agit du combat pour l’abolition des rapports sociaux de production capitalistes et l’instauration de rapports sociaux de production socialistes, les positions et orientations adoptées par les groupes "antifascistes" dont il est question ici manquent à la fois de clarté dans les idées et d’impact effectif sur la réalité.

L’écologie

La question de l’écologie est abordée ici parce qu’elle fait partie des préoccupations des organisations syndicales, notamment de la CGT ‑ ce dernier aspect sera traité plus loin.

À la différence du thème de l’"antifascisme", celui de l’écologie est intégré directement, comme élément central, dans le programme de certains partis politiques. C’est le cas en premier lieu en France pour "Les Écologistes" (fondé en 1984 comme "Les Verts", devenu "Europe-Écologie-Les Verts" en 2010, la dénomination actuelle date de 2023).

Par ailleurs existent des mouvements spécifiquement consacrés à la question de l’écologie. Historiquement la mise en avant de cette thématique est associée en bonne partie à des conceptions anarchistes ou libertaires. Globalement, au-delà des groupes organisés, les (pseudo‑)réflexions à ce sujet fleurissent jusqu’à l’absurde, maniant allègrement des (pseudo‑)concepts : "civilisation industrielle", "individu écologique",… Michael Löwy (décrit comme "sociologue et philosophe marxiste franco-brésilien, directeur de recherche au CNRS") invente l’"écosocialisme", qu’il conçoit comme "rupture avec les fondements de la civilisation capitaliste industrielle occidentale moderne". En général les réflexions "critiques" tournent autour du pot, par exemple[5] :

On devine que ce qui est en jeu dépasse un cadre exclusivement économique, car il touche au devenir de la société, dans laquelle les interrogations sur la propriété, le pouvoir, les choix publics, les rapports sociaux dans leur ensemble s’entremêlent. C’est dire que la logique du capitalisme est en question car elle semble peu compatible avec l’écologie.

Le mouvement ouvrier est confronté en permanence aux agissements de ce qu’on appelle le "réformisme", qui oeuvre en faveur d’un changement profond réalisé sans violence dans le cadre institutionnel existant. Au fond, la vision écologiste constitue un réformisme à prétention universelle : elle pense pouvoir "dépasser" l’idée de réformer ‑ sans l’abolir ‑ le capitalisme, et propose de transformer la civilisation à l’échelle planétaire en agissant directement sur la société humaine.

Certains promoteurs de l’écologie se permettent des combinaisons incongrues, pour ne pas dire honteuses, dans leur activisme. Greta Thunberg est connue pour avoir participé au lancement du mouvement écologiste "Fridays for Future". Le 11 octobre 2024 à Milan, dans le cadre d’une "grève nationale en faveur du climat" organisée par Fridays for Future à travers l’Italie, elle était en tête du cortège d’une manifestation, arborant un keffieh, l’écharpe traditionnelle palestinienne.

"Défendre les libertés" – une consigne floue

Défendre des libertés signifie s’opposer à une menace visant des cas concrets du domaine général des libertés.

Pour le travailleurs il s’agit en premier lieu des libertés syndicales (liberté d’organisation, de revendication, de grève, de manifestation etc.) Au-delà, ils peuvent être concernés par des enjeux qui dépassent ce cadre spécifique. C’est le cas notamment au sujet du Rassemblement National pour autant que par la perspective de son éventuelle arrivée au gouvernement, le RN constitue un danger pour les libertés.

Cependant le cas de la liberté d’expression montre que certains aspects de la question peuvent être complexes.

La revendication de la "liberté d’expression" formulée telle quelle convient aux "libertaires". En dehors de cette défense prétendument inconditionnelle de la liberté d’expression, les enjeux sont plus précis : les travailleurs défendent la liberté d’exprimer leur opinion concernant la société capitaliste, les révolutionnaires défendent la liberté d’exprimer leurs objectifs politiques.

L’ample champ des réseaux sociaux comme moyen de communication publique met en évidence la question fondamentale : liberté pour qui ? en excluant qui ? Demander aux gestionnaires d’un réseau social de n’effectuer aucune censure revient entre autre à se faire complice de la propagande réactionnaire. Il faut au contraire demander à ce que la propagande réactionnaire soit censurée sachant que cela signifie demander une restriction de la liberté d’expression. Par ailleurs il faut exiger du gouvernement de renoncer, par exemple, aux restrictions de la liberté d’expression qu’il impose à ceux qui défendent la lutte de libération nationale du peuple palestinien ‑ acte classé comme "apologie du terrorisme".

La CGT

Dans la société basée sur les rapports sociaux de production capitalistes, les travailleurs sont fatalement en conflit avec le pouvoir établi, tel qu’identifié plus haut. Ils sont poussés à s’y opposer d’une façon ou d’une autre, individuellement et collectivement. Au stade actuel de la lutte de classe en France, l’instrument principal dont les travailleurs disposent à cet égard est la CGT. Les partis politiques représentés au parlement, ainsi que les autres organisations syndicales, sont tous associés, directement ou indirectement, au maintien de ce pouvoir et de la société capitaliste.

Quant à la CGT, cette caractérisation comme "instrument" pour les travailleurs dans leurs luttes doit impérativement être accompagnée d’explications concernant les limites et les défauts des orientations et des actions associées à la CGT.

Les niveaux de conscience concernant la lutte à mener par les travailleurs ‑ comme membres de la classe ouvrière exploitée contre la classe capitaliste exploiteuse ‑ sont variés, autant parmi les syndicats de base que parmi les responsables intermédiaires et les dirigeants confédéraux. Pour formuler quelques indications en ce sens, on peut se référer aux prises de position de Sophie Binet. (Les remarques qui suivent s’appliquent en bonne partie également aux secrétaires généraux précédents.)

D’emblée, certaines formulations relèvent d’une vision globalement erronée face à la réalité.

"L’industrie est victime de la démission de l’État"[6]. C’est nier la nature de l’État tel qu’il est dans le cadre de la société capitaliste : l’existence même de l’appareil d’État ainsi que toute son action se déploient en synergie avec la domination du capital et les intérêts de celui-ci. Ainsi la façon dont Sophie Binet se représente la situation est totalement hors des réalités[7] :

(à 1:34) […] des grands patrons, aujourd’hui, qui coulent le pays, ils n’en ont plus rien à faire de la France, ils n’en ont plus rien à faire de l’intérêt général, leur seul objectif c’est l’appât du gain. […] Les rats quittent le navire.

Certes, des grands capitalistes peuvent exprimer des mécontentements à l’égard du gouvernement et peuvent proférer des menaces qu’ils mettent éventuellement à exécutions. Mais "loin des yeux" ne signifie pas forcément "loin du coeur", des bons offices peuvent s’échanger à distance, surtout dans le cadre du capitalisme impérialiste mondial. Toutefois la synergie en question implique d’assurer que les rapports sociaux propres au pays concerné ‑ la France dans notre cas ‑ restent capitalistes. Quant aux responsabilités qui en dérivent pour le gouvernement français, les aspects sont multiples. Les qualités de vie pour les travailleurs en France n’en font évidemment pas partie.

La tonalité de ce "constat" de la part de Sophie Binet est lourdement chargée de désarroi, et n’est certainement pas propice à stimuler la lutte de classe autrement que comme une posture théâtrale.

Par ailleurs l’appel au patriotisme qu’il implique s’inscrit ouvertement dans la perspective de la concurrence interimpérialiste (et cela en rapport avec les perspectives de guerres éventuelles)[8] :

(à 1:47) Ce qu’il faut c’est avoir une stratégie solide et sérieuse face à l’internationale d’extrême droite qui aujourd’hui menace nos démocraties. Le premier enjeu c’est ce construire une vraie stratégie commune au plan européen, et prendre acte du fait que l’OTAN est mort, avoir une vraie stratégie commune au plan européen ça commence par défendre notre industrie européenne. C’est pas possible, comme le propose la commission européenne aujourd’hui d’augmenter les crédits militaires pour aller financer l’industrie américaine.

Au-delà de l’aspect économique, est aussi invoquée sous l’angle politique l’"exemplarité" en matière de "démocratie"[9] :

(à 0:0) Nous sommes très inquiets par l’élection de Donald Trump aux États‑Unis, par la menace qui fragilise aujourd’hui nos démocraties avec cette internationale d’extrême droite qui est en train de se mettre en place. Si la France et l’Europe veulent se faire respecter au niveau international, veulent pouvoir faire respecter leurs valeurs démocratiques, il faut que nous ayons les moyens de nos ambitions et que nous soyons une puissance industrielle.

Certains slogans coutumiers depuis longtemps sont rappelés, parfois avec des glissements de vocabulaire : le "partage des richesses" est aussi mentionné comme "partage capital-travail", ce qui reprend la terminologie utilisée par les employeurs ("partage de la valeur entre capital et travail").

‑ [10] (à 27:45) Ce qu’il faut c’est modifier ce partage des richesses, qui est catastrophique, et il faut absolument modifier le partage capital/travail.

En toute généralité il s’agirait de

‑ [11] (à 1:43) rompre avec le logiciel néolibéral et une partie [ainsi dans le texte!] du logiciel capitaliste.

Au vu des vicissitudes qui affectent le système électoral, telles qu’elles se sont manifestées notamment depuis l’année dernière, deux thèmes sont mis en avant conjointement : l’opposition à l’extrême droite, et les vertus de l’écologie. L’argumentation les aborde en lien avec le thème de la lutte syndicale proprement dite; il en résulte un discours où les trois aspects sont liés entre eux sur un même plan.

‑ [12] (à 1:56) Il faut que nous mettions toutes nos forces pour empêcher l’extrême droite au pouvoir […] (à 2:52) Nous avons déjà réussi à soulever des montagnes grâce à notre appel au front populaire […] (à 4:08) Il nous faut proposer en grand à l’ensemble des salariés de se syndiquer pour combattre le fascisme.

‑ [13] L’extrême droite, le fascisme n’est jamais arrivé au pouvoir par hasard et tout seul. Et, contrairement à ce qu’on raconte, ce n’est pas les ouvriers qui amènent au pouvoir l’extrême droite C’est le capital et le patronat. […] Ils ont besoin de faire cette alliance avec l’extrême droite pour pouvoir continuer à s’accaparer nos richesses.

‑ [14] (à 2:0) La question environnementale c’est un des facteurs qui contribue à la montée de l’extrême droite. […] (à 49:40) La crise environnemental c’est le capital et le capitalisme qui l’a créé.

‑ [15] Il n’est plus possible à l’image des grandes puissances qui en 1938 à Munich feignaient d’ignorer le danger de l’Allemagne Nazi de faire l’autruche face à la catastrophe environnementale.

Au cours d’un entretien pour le site Internet "Reporterre", le présentateur interroge Sophie Binet sur la perspective de "sortir du capitalisme". Voici comment elle explique[16] :

(à 53:0) Ça évidemment que ça serait bien c’est l’objectif mais sauf que on croit assez peu au grand soir en fait ça c’est le risque de petit matin puis surtout si on attend le grand soir la catastrophe elle a le temps d’arriver tranquillement donc ça s’organise ici et maintenant avec des projets des luttes immédiates et c’est comme ça que on organise le changement et donc c’est pour ça que la CGT elle multiplie les projets concret de ce type j’ai parlé de l’imagerie médicale [voir citation suivante], j’ai parlé de Cordemais j’ai parlé du véhicule électrique, je pourrais aussi parler effectivement de la Chapelle Darblay où on a un projet industriel pour relancer l’activité de cette papèterie pour permettre une économie circulaire sur le papier parce qu’aujourd’hui on est sur une aberration environnementale.

Un exemple[17] :

(à 51:0) On a besoin d’agir à l’intérieur des entreprises pour les transformer et les contester par exemple à Thales donc une entreprise d’armement la CGT avec les ingénieurs a monté un projet d’imagerie médicale je trouve ce projet est génial en fait on reprend les technologies qui servent à construire des armes et on s’en sert pour construire de l’imagerie médicale sachant que dans le domaine en fait c’est les Américains qui maitrisent tout on a aucune souveraineté sur l’imagerie médicale et donc ce projet là en fait il montre que on peut réorienter radicalement la finalité d’une entreprise de l’intérieur.

Quand Sophie Binet fait de la propagande en faveur du Nouveau Front populaire, elle appuie une démarche réformiste basée sur un programme gouvernemental. L’idée de "réorienter radicalement la finalité d’une entreprise de l’intérieur" relève d’un amateurisme de bricolage au jour le jour. Parallèlement elle tient aussi des discours vagues purement moralisateurs. Voici un extrait d’un discours concernant le Conseil national de la Résistance[18] [l’écriture inclusive est propre au texte publié par la CGT] :

[…] la nécessité de remettre la question sociale au centre avec des perspectives rassembleuses, à l’image du projet de Sécurité sociale, alors que l’extrême droite prospère sur les mises en opposition, la défiance et le repli identitaire.

Nos sociétés de l’argent roi n’ont plus aucun sens : Citoyennes réduites au rôle de consommateurices, travailleurses limitées à l’objectif de dégager toujours plus de valeur pour les actionnaires et les gouvernants ayant pour seul baromètre le taux de croissance alors que la planète brûle… Il faut redonner un contenu à la notion de progrès en répondant à l’épineuse question environnementale. Sortir de l’objectif de produire et consommer toujours plus pour se centrer sur la réponse aux besoins humains et environnementaux. Faire primer les liens sur les biens, le commun sur l’individu-roi. Et redire, encore et encore, que tout n’est pas marchandise. Le marteler s’il le faut, notre travail, nos proches, la culture, l’éducation, la santé… ne sont pas des marchandises. Tout ne s’achète pas, notamment l’éthique!

Aujourd’hui, ce ne sont pas les gouvernements élus qui dirigent le monde mais les multinationales. Il s’agit de mettre fin à ce grand hold-up.

La classe des capitalistes maintient sa domination par la force

Les travailleurs subissent la violence qu’implique leur lien de subordination vis-à-vis de l’employeur. En premier lieu, c’est une violence qui s’applique de façon implicite[19] :

On entend par bourgeoisie la classe des capitalistes modernes, propriétaires des moyens de production sociale et qui emploient le travail salarié. On entend par prolétariat la classe des ouvriers salariés modernes qui, privés de leurs propres moyens de production, sont obligés pour subsister, de vendre leur force de travail.

Mais la classe des capitalistes qui accumule ainsi pour elle-même les richesses produites par les travailleurs dispose aussi, à tous les niveaux de la société, d’un ensemble de moyens de coercition et d’oppression pour faire fonctionner les mécanismes de l’exploitation. L’appareil d’État joue un rôle essentiel à cet égard, par l’intermédiaire du système législatif et judiciaire et en s’appuyant sur l’action des "forces de l’ordre".

Au-delà de la classe ouvrière proprement dite, une large majorité de la population subit ainsi, à son détriment, les mécanismes d’oppression agissant en faveur de la classe capitaliste. Les entraves à la liberté agissent de façon variée, ouverte ou diffuse, par la force directe ou la "persuasion". L’instauration de plus en plus large de la vidéosurveillance par exemple est présentée comme une nécessité dans le but de combattre la délinquance, alors qu’elle est utile aussi pour la surveillance de la population tout court. Le droit de manifester subit des restrictions sévères "au cas par cas". La liberté d’opinion est encadrée par des prescriptions de vocabulaire telles que l’interdiction de l’"apologie du terrorisme".

Parmi les manipulations de vocabulaire qui conviennent à la bourgeoisie figure le terme "république parlementaire" comme forme prétendument idéale d’État pour les grands pays capitalistes, comme la France (ces derniers temps s’y rajoute la qualification d’"État de droit"). Ce type de régime s’est formé lorsque les sociétés capitalistes ont remplacé les empires monarchiques. Du point de vue du marxisme-léninisme, cette question a fait l’objet d’une controverse prolongée. Des personnages au sein même du mouvement communiste ‑ en premier Eduard Bernstein, en Allemagne ‑ ont prétendu que l’instauration du socialisme serait possible en maintenant le cadre de la république parlementaire. Or l’abolition du capitalisme n’est possible qu’à travers une révolution par laquelle le prolétariat détruit l’appareil d’État bourgeois et instaure sa propre dictature. Bernstein et d’autres ont ainsi effectué une révision de la théorie élaborée par Marx et Engels, développée ultérieurement par Lénine et Staline.

À l’issue du cheminement parcouru par les différentes forces prétendant s’opposer au capitalisme, l’acceptation de la vision dite révisionniste s’est généralisée au niveau global de la société. Les partis dites social-démocrates, comme le Parti socialiste en France, ont opéré une transition, se voulant programmatique, avec des conceptions "réformistes". Mais au bout du compte le mirage de la république parlementaire comme incarnation de la démocratie a subverti les consciences au point de devenir une évidence qui soi-disant "va de soi".

La République démocratique parlementaire

En soi, le terme État désigne un territoire habité par une collectivité humaine. Mais selon qu’on parle de l’État français, de l’État groenlandais, de l’État du Congo Kinshasa, ou autre, des caractéristiques distinctives particulières doivent nécessairement être prises en compte. À la notion d’État est rattachée l’existence d’une autorité politique exercée sur la population ‑ ce qui n’est pas le cas de la notion de pays. Ainsi, l’État français est un État appliquant le régime dit de République démocratique parlementaire.

Contrairement à ce qu’il prétend être, ce type d’État en réalité constitue un moyen de camoufler la division de la société en classes en général, et en particulier le fait que le pouvoir est détenu par la classe capitaliste. Pourtant, un facteur qui a contribué à la consolidation de ce type d’État, c’est la collaboration de classe de certains représentants de ce qu’on appelle historiquement la "social-démocratie".

Dans l’histoire du marxisme-léninisme, la question de la "démocratie" a été l’objet d’une controverse très tôt, dans le cadre du parti fondé en 1875 par un congrès tenu à la ville de Gotha[20] et qui en principe constituait l’avant-garde du mouvement ouvrier allemand. En premier lieu, c’était Eduard Bernstein qui lançait l’attaque de l’intérieur du SPD. De son exil à Londres, auquel l’avait condamné le régime impérial allemand, il fait paraitre dans la revue Die Neue Zeit une série d’articles (entre 1896 et 1898) intitulée "Problèmes du socialisme". Il écrit[21] :

[Cette série de textes n’a pas été publié en français à l’époque. Traduction par nous – ROCML.]

La social-démocratie […] Ce qu’elle doit faire, et ce qu’elle devra faire pendant longtemps encore, c’est organiser politiquement la classe ouvrière et la former à la démocratie, et lutter pour toutes les réformes dans l’État qui sont susceptibles d’élever la classe ouvrière et de transformer le régime étatique dans le sens de la démocratie.

La teneur de ses réflexions l’expose à des critiques, auxquelles il réagit par une explication adressée au congrès du SPD tenu en octobre 1898. Puis en 1899 il publie un livre intitulé "Die Voraussetzungen des Sozialismus und die Aufgaben der Sozialdemokratie" ("Les présupposés du socialisme et les tâches de la social-démocratie").

Une traduction française parait sous le titre "Socialisme théorique et socialdémocratie pratique"[22].

p. 209-210 :

Que signifie le mot démocratie?

[…] Nous nous approcherons beaucoup plus de la chose, en nous exprimant d’une façon négative et en traduisant le mot démocratie par : absence de la domination de classes; c’est-à-dire un état social, où aucune classe ne jouira d’un privilège politique quelconque vis-à-vis de la communauté. Cette définition explique, en même temps, pourquoi une corporation monopolistique est, en principe, antidémocratique.

C’est un autre social-démocrate, en Autriche après le démantèlement de l’Empire austro-hongrois, Otto Bauer, qui formule explicitement la théorie de "l’équilibre de forces entre les classes" qui soi-disant enlève à l’État son caractère d’appareil de domination au service d’une classe[23] :

Quand aucune classe n’est plus en mesure d’infliger une défaite à l’autre et de la réprimer, le pouvoir d’État cesse d’être un instrument de domination d’une classe sur une autre. […] Ainsi [avec l’établissement de la République en Autriche, en 1918] toutes les classes du peuple prenaient-elles réellement leur part au pouvoir d’État, et les effets produits par l’État étaient-ils réellement la résultante des forces de toutes les classes du peuple; c’est pourquoi nous pouvons appeler cette république une république populaire.

Et dans le programme politique à la rédaction duquel avaient participé O. Bauer et Max Adler, adopté au Congrès du Parti ouvrier social-démocrate d’Autriche tenu du 30 octobre au 3 novembre 1926 à Linz, on lit[24] :

Dans la république démocratique […]. Si le parti ouvrier social-démocrate réussit […] à gagner comme alliés de la classe ouvrière les couches qui lui sont proches de la petite paysannerie, de la petite bourgeoisie, de l’intelligentsia, alors la social-démocratie gagne la majorité du peuple. Elle conquiert le pouvoir d’État par la décision du suffrage universel. [Souligné par nous – ROCML.]

Ainsi, dans la république démocratique, l’issue des luttes de classe entre bourgeoisie et classe ouvrière se décide par la compétition de ces deux classes pour gagner l’âme de la majorité du peuple.

[…]

Alors qu’au cours de la première époque de sa lutte le parti ouvrier social-démocrate a conquis la république démocratique, désormais elle a la tâche d’utiliser les moyens de lutte démocratiques pour rassembler la majorité du peuple sous la direction de la classe ouvrière et de renverser ainsi la domination de classe de la bourgeoisie, de conquérir en faveur de la classe ouvrière la domination dans la république démocratique.

Le Parti ouvrier social-démocrate vise à la conquête de la domination dans la république démocratique, non pas pour supprimer la démocratie, mais pour la mettre au service de la classe ouvrière, pour adapter l’appareil d’État aux besoins de la classe ouvrière.

La phrase soulignée correspond à la façon dont se concevait le "Nouveau Front populaire" en rapport avec les élections de 2024, mais il faut noter une caractéristique propre à la situation actuelle, en comparaison au passé vieux d’un siècle : La prétention n’est plus de mettre la démocratie "au service de la classe ouvrière" mais d’en faire bénéficier d’office "le peuple" tout entier.

 



[1]https://ud38.reference-syndicale.fr/files/2021/04/slogans-Antifascisme.pdf
https://solidairesparis.org/IMG/pdf/fiche-slogans-3-avril-2022.pdf

[2]https://rebellyon.info/Presentation-de-la-Jeune-Garde-Lyon-18837

[3]https://basta.media/Tibune-Nous-antifascistes-de-toute-la-France-appelons-a-construire-un-front-uni-de-resistance

[4]https://infokiosques.net/spip.php?page=lire&id_article=722
https://infokiosques.net/IMG/pdf/antifascismefinale.pdf

Brochure publiée par le site https://www.non-fides.fr/
19 octobre 2009

[5]https://harribey.u-bordeaux.fr/travaux/valeur/capitalisme-ecologique.pdf

[6]L’Humanité, 29/4/2025.

[7]. "Sophie Binet – Les grands patrons français veulent partir, les rats quittent le navire"
Les invités de RTL, 31/1/2025
https://www.youtube.com/watch?v=qqLhWtQBi0M

[8]. Les 4 vérités – Sophie Binet
Télé Matin – France Télévisions, 7/3/2025
https://www.youtube.com/watch?v=9WkK78EnkH8

[9]. Sophie Binet (CGT) : "Un pays sans industrie est un pays sans avenir"
Journal L’Humanité, 22/1/2025
https://www.youtube.com/watch?v=A2oiRojUFjw

[10]. Sophie Binet : "La crise environnementale a été créée par le capitalisme" (à 27:40)
Reporterre, 15/9/2024
https://www.youtube.com/watch?v=bIKJLLWwEQk

[11]https://www.youtube.com/watch?v=bIKJLLWwEQk

[12]. Sophie Binet et la CGT à la hauteur de l’histoire
Jean-Luc Mélenchon, 18/6/2024
https://www.facebook.com/JLMelenchon/videos/sophie-binet-et-la-cgt-%C3%A0-la-hauteur-de-lhistoire/1396946971013947/

[13]. Sophie Binet : "Ce n’est pas les ouvriers qui amènent au pouvoir l’extrême droite, c’est le capital et le patronat."
À l’air libre -Mediapart
https://www.facebook.com/Mediapart.fr/videos/-cest-le-patronat-qui-amène-lextrême-droite-au-pouvoir-/462606913129810/

[14]https://www.youtube.com/watch?v=bIKJLLWwEQk

[15]. Les jours heureux, programme du Conseil National de la Résistance, Précédé de "Il est minuit moins le quart" par Sophie Binet; Grasset, 13/03/2024.

[16]https://www.youtube.com/watch?v=bIKJLLWwEQk

[17]https://www.youtube.com/watch?v=bIKJLLWwEQk

[18]. À l’occasion du quatre-vingtième anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (CNR), la CGT organise un colloque et un rassemblement le 15 mars 2024 à Paris.

https://www.cgt.fr/sites/default/files/2024-03/Discours_Sophie-Binet_CNR.pdf

[19]. Note d’Engels pour l’édition anglaise du "Manifeste du Parti communiste, en 1888.

[20]. Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands (Parti ouvrier socialiste d’Allemagne), désigné par la suite couramment pas le sigle SPD.

[21]Eduard Bernstein, "Der Kampf der Sozialdemokratie und die Revolution der Gesellschaft. 2. Die Zusammenbruchs-Theorie und die Kolonialpolitik", Die Neue Zeit, Jg. 16/1 (1897/98), S. 556.

"Zur Geschichte und Theorie des Sozialismus – Gesammelte Abhandlungen"

https://www.digitale-sammlungen.de/de/view/bsb11126954

P. 234

[22]. Original en allemand ici :

https://www.digitale-sammlungen.de/de/view/bsb11126954

Traduction en français ici :

https://ia600908.us.archive.org/10/items/socialismethor00bernuoft/socialismethor00bernuoft.pdf

[23]Otto Bauer: Die Österreichische Revolution, Wien, Wiener Volksbuchhandlung, 1923, p. 242‑248 (§ 16 ‑ Die Volksrepublik).

[24]K. Berchtold (Hg.): Österreichische Parteiprogramme…, p. 251‑252.