Le Nouveau Statut du Travail Salarié
Négation de la classe ouvrière et de la lutte de classe
LA VOIX DES COMMUNISTES, no 3, juillet 2010 – p. 11-12
Dans le numéro 2 de LA VOIX DES COMMUNISTES, nous avons montré que le NSTS (Nouveau Statut du Travail Salarié), concept au centre du projet de la CGT, n‘est rien d‘autre qu‘une illusion réformiste destinée à détourner le prolétariat de la révolution socialiste.
Dans ce deuxième article, nous mettons en lumière un autre aspect de ce projet: sa négation du caractère de classe du prolétariat et en conséquence de ses luttes en tant que luttes de classe.
Voici quelques extraits de l‘intervention de Maryse Dumas, l‘une des dirigeantes de la confédération CGT, le 5 janvier 2007 au Conseil d‘Orientation et de l‘Emploi (COE) [1]:
Notre ambition première est de conquérir un ensemble de droits qui reconnaissent la place centrale du travail humain, son caractère non marchand, qui permettrait à CHACUN et CHACUNE (souligné par nous, ndlr) de trouver sa place dans une société solidaire, d’y construire un projet de vie…
Les conventions collectives ne permettent plus aujourd’hui de protéger véritablement les salariés…
Nous voulons faire reconnaître la place spécifique du travail pour tous les salariés et garantir à CHACUN et CHACUNE (encore souligné par nous; elle y tient! ndlr) des droits progressifs, cumulables et transférables au fur et à mesure des mobilités, des évolutions de carrière, tout au long de la vie professionnelle.
Bernard Friot, un chercheur de l‘IES se laisse aller à rêver [2]: "Tout se passe comme si CHACUN était titulaire d’un contrat de travail général jusqu’à sa mort."
Seuls des théoriciens bourgeois ou des renégats du marxisme peuvent tenir un tel discours.
Le marché du travail est en effet un fondement du mode de production capitaliste. Sur ce marché, comme sur tout marché, s‘effectuent la vente et l‘achat d‘une marchandise. Sur le marché du travail, la marchandise c‘est la force de travail du prolétaire. Le capitaliste achète la force de travail que le prolétaire vend. Le salaire de l‘ouvrier est le prix de sa force de travail. L‘ouvrier vend sa force de travail parce qu‘il a besoin d‘un salaire pour assurer ses moyens d‘existence et ceux de sa famille, pour reconstituer sa force de travail.
Le capitaliste, lui, achète la force de travail de l‘ouvrier pour que celui‑ci fabrique des marchandises dont la vente lui permettra de réaliser un profit.
La journée de travail de l‘ouvrier se divise en deux parties: dans la première, il produit la valeur de son salaire, dans la seconde il produit la plus‑value, le profit empoché par le patron.
Plus le salaire de l‘ouvrier est bas et plus le temps de travail est long, plus l‘ouvrier est exploité, et plus le profit du patron est important.
Les intérêts de l‘ouvrier et ceux du patron sont par nature opposés.
Tous les patrons ont les mêmes intérêts, et tous les ouvriers ont les mêmes intérêts. Leurs intérêts sont objectivement opposés. C‘est la base objective de l‘existence des classes (classe ouvrière et classe capitaliste) et de la lutte des classes.
Par son expérience quotidienne de l‘exploitation, chaque ouvrier découvre que ses intérêts personnels sont les mêmes que ceux de ses camarades d‘exploitation et sont ceux de l‘ensemble des travailleurs.
C‘est dans la lutte pour défendre collectivement leurs intérêts face au patronat que les ouvriers se constituent en classe.
La devise "un pour tous, tous pour un!" exprime la nécessité de ce combat collectif autour duquel se construit l‘esprit de classe qui rend possible la prise de conscience qu‘il est nécessaire et possible de détruire les rapports d‘exploitation, c‘est‑à‑dire le système capitaliste lui‑même.
C‘est ici que se situe la sale besogne des dirigeants néo-réformistes de la CGT qui ont rejeté l‘objectif de détruire le capitalisme et d‘abolir le salariat. Il leur faut coûte que coûte entraver la formation de la conscience de classe et les luttes frontales et générales contre le patronat et son pouvoir politique qui créent et renforcent cette conscience. Car ils savent, et ils en ont peur: c‘est de ces luttes et de cette conscience de classe que peut naître, sous l‘action des communistes, la compréhension de la nécessité de la révolution.
Le "Nouveau Statut du Travail Salarié" fait partie de leur tentative de briser la lutte de classe en orientant les militants syndicaux vers l‘illusion qu‘il est possible, sous le capitalisme (ou sans le renverser, c‘est la même chose), que chaque travailleur, individuellement, (CHACUN et CHACUNE!) pourrait se libérer de la nature marchande de sa force de travail et des conséquences de cette nature marchande. En d‘autres termes, avec le NSTS, comme s‘en réjouit Bernard Friot, "tout se passe comme si CHACUN était titulaire d‘un contrat de travail jusqu‘à sa mort."… et n‘aurait plus de souci à se faire… ni à lutter donc! Finies les luttes de classe, vive la paix sociale!
En agitant cette canaillerie, la direction de la CGT vise à masquer un fondement du système capitaliste (le marché du travail), et à enfermer les travailleurs dans la sphère de l‘illusion individuelle (la fin du travail-marchandise, du chômage, de la précarité, des baisses de revenus…). Cela revient à nier l‘existence même de la lutte de classes et de la classe ouvrière elle‑même.
En niant l‘importance des conventions collectives qui servent de point d‘appui aux luttes contre les attaques du patronat, en mettant l‘individu au centre de la "démarche syndicale" à la place de la lutte de classe, en détruisant les structures syndicales nécessaires à la lutte de classe, les dirigeants de la CGT installent délibérément la confédération dans l‘espace social et idéologique de la bourgeoisie.
Les communistes et les syndicalistes de classe anticapitalistes doivent dénoncer le "NSTS" dans leurs syndicats et auprès de leurs camarades de travail.
[1]. Audition de la Cgt au Conseil d’Orientation pour l’Emploi (COE) à propos de la sécurisation des parcours professionnels, 5 janvier 2007, Maryse Dumas.
Cf.:
http://www.aruc.rlt.ulaval.ca/sites/aruc.rlt.ulaval.ca/files/ct-2011-04_s-morel_stp_cahier_de_transfert_juin2011.pdf
http://www.ies-salariat.org/IMG/pdf/FriotCGT.pdf
[2]. http://www.ies-salariat.org/IMG/pdf/FriotCGT.pdf