À propos de l’apolitisme dans le mouvement syndical
LA VOIX DES COMMUNISTES, no 10, avril 2014 – p. 19
« Lorsqu’il apprit la nouvelle lundi soir, M. Léon Jouhaux (secrétaire général de la Cgt de 1909 à 1947, ndlr) demanda aux journalistes de bien souligner que pour la première fois "on décernait le prix Nobel de la paix à un militant ouvrier". Selon certains commentaires, la commission du prix Nobel aurait surtout voulu récompenser "la longue lutte menée par M. Jouhaux pour soustraire le mouvement syndical international à l’influence communiste[1]. »
L’idéologie dominante, celle du capitalisme, affirme sans détours qu’il est dans la nature du syndicalisme d’être apolitique. Les luttes ouvrières doivent s’en tenir aux revendications économiques sur les salaires et les conditions de travail. Ainsi les syndicats doivent être des organes apolitiques! La citation ci-dessus met en relief que l’objectif de la bourgeoisie d’inculquer l’apolitisme, la neutralité des syndicats est bien là pour éloigner la classe ouvrière de son idéologie : le communisme. Il n’est pas rare d’entendre lors de manifestations syndicales les demandes de certains de ranger les bannières à caractère politique par exemple. Tous les syndicats aujourd’hui se sont fait une obligation de ne pas apparaitre publiquement comme étant la courroie de transmission d’un parti politique et prétendent ne recevoir d’ordres de personne et être indépendants dans le choix de leur ligne de conduite.
Le pouvoir du capital, ne peut demander directement aux syndicats de travailleurs de le soutenir. Il faut laisser aux syndicats une certaine "crédibilité" auprès des travailleurs. Alors, afin d’éviter le soutien des syndicats ouvriers à une politique remettant en cause le système capitaliste, il propage l’apolitisme, et les "bienfaits de la neutralité". C’est la solution la plus efficace pour cantonner les syndicats en dehors de la lutte de classe politique pour une alternative révolutionnaire au capitalisme.
« Pour que la bourgeoisie puisse continuer à dominer et à pressurer les ouvriers pour en tirer sa plus-value, elle n’a pas besoin seulement du prêtre, du policier, du général, il lui faut encore le bureaucrate syndical, le "leader ouvrier" qui prêche aux syndicats ouvriers la neutralité et l’indifférence dans la lutte politique[2]. »
Dans un monde où règne l’exploitation la plus féroce, la misère, le chômage, les guerres, on demande aux travailleurs en lutte, aux syndicats qui défendent les intérêts des masses laborieuses, de ne pas se préoccuper de politique.
Nous disons au contraire que dans un monde géré par une minorité exploiteuse, les exploités, qu’importe la lutte qu’ils mènent, ont le devoir de se mêler de politique et pas uniquement des questions d’ordres purement "économiques".
Tout est lié dans le capitalisme, on se rend malheureusement compte qu’accepter l’apolitisme ou la neutralité c’est finalement servir les intérêts politiques du capital. Dans un système où s’affrontent deux classes dont les intérêts sont antagoniques et irréconciliables, la neutralité politique n’existe pas et ne peut exister!
« Les syndicats qui ne se posent aucun but de classe, c’est-à-dire ne visant pas au renversement du système capitaliste, sont, en dépit de leur composition prolétarienne, les meilleurs défenseurs de l’ordre et du régime bourgeois[3]. »
E.C
[1]. Paru dans Le Monde le 7 novembre 1951.
[2]. Texte adopté par le 3e Congrès de l’Internationale Communiste.
[3]. Thèses adoptées par le 4e Congrès de l’Internationale Communiste.