Patrick Kessel
Pour une histoire du Parti communiste français
II – Vers la bolchévisation, 1921 1932
La période abordée aujourd’hui, 1921‑fin 1932, est excessivement brève d’un point de vue historique: douze années. L’espace d’une génération.
Imaginons que nous ayons aujourd’hui à déplier l’histoire de ces douze dernières années, de 1984 à 1996. Quels fils devrions nous tirer pour donner, non pas une cohérence, ce qui serait idéaliste, anti-marxiste, mais l’état des contradictions, au niveau international, européen et en France même, celles qui n’ont pas été réglées, et celles qui l’ont été donnant naissance à de nouvelles contradictions.
Il y a certes une différence fondamentale, c’est que nous connaissons, pour la période 1921‑1932, ce que l’on pourrait appeler « la suite de l’histoire », l’épisode suivant. Les épisodes... Mais ce qui est essentiel, bien entendu, c’est de ne pas réécrire l’Histoire au vu de nos connaissances actuelles.
La difficulté tient alors à dégager de tous les faits (et par faits on veut dire événements, analyses, prises de position, etc.) ceux qui vont permettre de comprendre pourquoi cette « suite » s’est déroulée de telle façon plutôt qu’une autre. Une suite qui nous conduit, qu’on le dise ou qu’on le sous-entende, à aujourd’hui, puisque notre projet est politique.
C’est ainsi que plutôt qu’essayer de tenter de saisir notre objet dans sa plus grande diversité possible on est bien obligé de faire des impasses. Du moins temporairement.
En ce qui concerne le PCF, sur deux sujets au moins qui sont loin d’être mineurs et qui méritent un « traitement » particulier: la question coloniale et celle des travailleurs étrangers et immigrés en France [1]. En effet c’est toute la question du chauvinisme, de la xénophobIe et du racisme, de la lutte contre ces tendances dans le mouvement ouvrier qui est en cause. On peut déjà indiquer qu’il y a eu carence en ce domaine, sinon dans les paroles ‑ au début, du moins dans les faits. Ce qui pose déjà un problème d’importance. Et qui est toujours d’actualité, comme on dit. En effet, qu’en est-il aujourd‘hui de ce qui était dénoncé en 1925 sous le terme de nationalisme ouvrier.
Il faut faire également l’impasse sur les débuts de la construction du socialisme en URSS dans le contexte de l’époque. Et les luttes quant aux voies mises en avant pour assurer la Révolution, sa sauvegarde. Très sommairement on peut déjà dire que Lénine a sauvé la Révolution d’Octobre en évitant une insurrection paysanne contre le pouvoir bolchévik, en s’opposant aux thèses de Trotsky et autres. Tout comme Staline a sauvé la Révolution d’Octobre en empêchant une insurrection ouvrière contre la paysannerie en s’opposant aux thèses de Boukharine, quelques années plus tard.
Et puis, il y a la question de la IIIe Internationale.
La période que nous envisageons d’aborder aujourd’hui est en fait centrée sur un point majeur.
Quand nous disons Histoire du PCF, il s’agit de fait de l’Histoire de la constitution d’un parti communiste en France, certes dans des conditions données, intérieures et extérieures. Et il s’agit d’une histoire qui n’est pas close. Et qui n’est pas spécifiquement française.
Si l’on admet toujours, comme point de départ, que l’objet d’un parti communiste est la destruction du système capitaliste dans son propre pays, comme contribution à sa destruction au niveau mondial, il est clair que notre Histoire, celle du mouvement communiste international, n’est pas un objet d’étude comme un autre. Si nous l’étudions, c’est en tant que militants. Non pas penchés sur le passé, mais dans une perspective d’action.
L’Histoire des historiens est celle des morts. Ce qui nous relie à notre passé est une histoire vivante dans la mesure même où nous ne renions pas ce passé, où nous n’avons pas rompu avec lui.
La plus grande menace idéologique, aujourd’hui, est de vouloir nous faire croire que les transformations qui se sont opérées, principalement depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale ‑ encore faut-il dater cette « fin », qui n’est pas 1945 ‑ ont pour effet de nous imposer des solutions « nouvelles ». Elles sont différentes, sans doute, mais elles n’excluent pas le développement d’un ensemble de « pratiques » nées au cours des luttes passées. Pratiques ‑ et je n’emploie pas bien entendu le mot « pratiques » dans un sens péjoratif ‑ qui doivent tenir compte de ces transformations ‑ nous ne sommes pas passéistes ‑ qui doivent s’enrichir dans la situation concrète où se mène notre combat. Mais qui ne sont pas dépassées.
De fait ces transformations, la bourgeoisie elle-même est loin de les assumer. Et ses solutions ne sont en rien « nouvelles », elles non plus. Les progrès scientifiques, techniques, ne changent en rien les conséquences du mode de production capitaliste, quelles que soient ses formes, ses étapes. Et les remèdes envisagés par la bourgeoisie ne sont que la reprise d’idées anciennes, comme l’abandon du marxisme et du léninisme ne conduisent qu’à la reprise de stratégies et de tactiques réformistes de la première moitié de ce siècle.
Peut-on parler d’une inadaptation grandissante entre les moyens dont dispose la bourgeoisie pour assurer sa domination et ceux qu’elle utilise pour résoudre les problèmes posés par le mode de production qui la fonde? En cas de rupture d’équilibre elle a recours à une dictature ouverte. Mais a-t-elle encore besoin d’un système de gouvernement de type fasciste, national-socialiste, etc.?
Existait-il un danger fasciste en France vers la fin des années 20? Et quelle tactique adopter alors? Mettre en sommeil la lutte de classes? Comme on peut le voir par ce premier exemple on est amené quoi qu’il en soit à analyser des tactiques politiques antérieures du point de vue de leur efficacité et des dangers qu’il pourrait y avoir à en adopter mécaniquement aujourd’hui une plutôt qu’une autre. Certes, l’histoire ne se répète pas. Et il y a deux faits majeurs qui caractérisent l’époque actuelle: le premier c’est qu’il n’y a pas en Europe, ou dans de grands pays capitalistes-impérialistes, de modèle fasciste achevé, déclaré: le second c’est que nous, communistes, ne disposons pas d’une base arrière comme l’était l’URSS, premier État de dictature du prolétariat et du Parti mondial que voulait être la IIIe Internationale. C’est à la fois une grande liberté ‑ puisque nous avons tout à créer, mais c’est aussi une grande solitude.
Dans la période qui nous occupe aujourd’hui le PCF est confronté aux tactiques de l’Internationale, pour l’essentiel résumées en ces mots d‘ordre:
– ALLER VERS LES MASSES
– LE FRONT UNIQUE
– LA BOLCHÉVISATION
– CLASSE CONTRE CLASSE
On insistera surtout sur la question de la « BOLCHÉVISATION », qui intègre ces tactiques et les soumet au projet révolutionnaire. Et dont les premiers éléments constitutifs sont mis en place en janvier 1924, le jour même de la mort de Lénine.
Il s’agit de la directive impérative sur la constitution des CELLULES D’USINES.
Quatre années après le congrès de Tours c’est au sein même du PCF que se matérialise le débat qui avait opposé partisans et adversaires de l’adhésion à la IIIe Internationale. Et sensiblement dans les mêmes termes.
Il faut souligner le rôle joué par Trotsky, sinon dans un premier temps à cause de ses thèses, du moins à cause du conflit ouvert posé au sein du Parti bolchévik fin 1924, alors même que s’engage la bolchévisation.
Pourquoi parler de Trotsky? Dans le contexte de la période 1921‑1932 tout d’abord à cause des relations qu’il a nouées à Paris, entre 1914 et 1916, alors qu’il collaborait au journal menchévik Nashe Slovo. Principalement Rosmer, Monatte, Souvarine.
Ensuite parce qu’il est responsable des rapports entre l’IC et le PCF jusqu’en 1923.
Enfin parce que les liens privilégiés ainsi entretenus par lui avec de nombreux correspondants français, principalement Rosmer, et Souvarine dans un premier temps, vont jouer un rôle important dans la crise française des années 24‑27. Crise qui prend certes son origine en Union soviétique, mais qui aura des conséquences dans les différentes sections de l‘IC, donc en France. Que la question de Trotsky ait d’ailleurs servi ou non de prétexte au rejet de la IIIe Internationale et de la direction du Parti bolchévik.
Comme mouvement organisé en tant que tel, c’est à partir de 1930, avec le groupe Lutte Ouvrière (rien à voir avec le mouvement que l’on connaît aujourd’hui), (n° 1 de la Vérité, septembre 1929) que l’on peut parler véritablement en France de Trotskysme.
L’ANCIEN PARTI SOUS UN AUTRE NOM
Contrairement à ce qu’une vision chauvine pourrait laisser supposer l’adhésion du parti socialiste français à la IIIe Internationale, vue de Moscou, n’est pas considérée comme un événement majeur.
Faiblesse du Parti français, retombée du mouvement révolutionnaire en Europe, mais importance de la France comme puissance réactionnaire offensive. Ne pas oublier que la France est une puissance impérialiste de poids, agressive, malgré les dommages provoqués par la « Grande Guerre ». C’est une des raisons qui ont poussé à la constitution « quand même » de ce parti. Le « quand même » est de Zinoviev en juin 1920.
Il suffira de quelques mois à l’Internationale communiste pour lancer un premier avertissement, « amical mais énergique » au nouveau parti. C’est Trotsky qui s’en charge à la Réunion du CE de l’IC le 17 juin 1921. Il ne s’agit pas de demander à la section française d’entreprendre des actions révolutionnaires sans savoir si la situation est favorable. Par contre, ce qui est demandé, c’est la rupture non pas formelle, mais dans les faits, avec les idées, les sentiments, l’attitude totale, la rupture définitive avec les anciennes attitudes, les anciennes relations, les rapports d’autrefois avec la société capitaliste et ses institutions.
Que répondent les membres du Comité directeur à cet appel, suivi de résolutions et finalement d’une Lettre ouverte avant l’ouverture du Congrès de Marseille de décembre 1921. Premier du Parti communiste (mais curieusement présenté comme 19e Congrès national).
C’est simple, ils ne répondent pas. De 1921 à 1924, ils ne répondent pas, ils évitent d’aller s’expliquer devant l’Internationale.
Il faut souligner que le Comité Directeur, constitué le 4 janvier 1921, est loin d’être homogène. À tel point que le Comité pour la IIIe Internationale continue d’exister en dehors même du parti qui vient de se constituer. Il faudra une intervention de l’IC pour qu’il consente enfin à se dissoudre. C’est ainsi que l’esprit de fraction coexiste avec l’émergence de ce « nouveau » parti qui, d’autre part, ne s’appelle pas encore « communiste ». Là également il faudra une intervention de l’IC. Quant aux syndicalistes-révolutionnaires, ils restent à l’écart du Parti. Ils se méfient, certes à juste titre, de Frossard et de Cachin ‑ on a vu leurs positions ambiguës lors de la précédente Conférence, mais leur obstination, malgré les appels qu’ils recevront de Moscou, ne contribue pas à une transformation réelle du nouveau parti.
ALLER VERS LES MASSES
1. Le IIIe Congrès de l’Internationale communiste
Du IIIe Congrès de l’IC (22 juin-12 juillet 1921) on retiendra un changement majeur de tactique, conséquence de l’analyse de la situation internationale. L’époque de la Révolution ‑ des Révolutions ‑ semble manifestement, même si c’est momentané, close. Le nouveau mot d’ordre de l’IC c’est: ALLER VERS LES MASSES. Et prendre mieux en compte leurs revendications immédiates.
Mais c’est quoi, LES MASSES. Celles de la classe ouvrière, les masses laborieuses non-prolétariennes. Le Peuple, ce « peuple en majorité trompé par la bourgeoisie et opprimé par le capital ». Lénine emploie ici le mot « opprimé », et non pas « exploité ».
C’est une distinction d’importance. L’exploitation, c’est le régime auquel sont soumis ceux qui produisent de la plus-value. Peuvent être opprimées, maltraitées des couches sociales qui n’ont rien à voir avec le prolétariat et la classe ouvrière.
Déjà en 1902 Lénine pouvait indiquer que « tous les travailleurs ne sont pas dans une situation telle que leurs “intérêts” soient “irréductiblement” opposés à ceux des exploiteurs« . Que dire des « intérêts » des autres couches sociales intermédiaires.
Il faut souligner ce point: en effet il doit guider un parti communiste quant à sa défense des revendications immédiates. Ou alors il défend des revendications contradictoires. Et il devient le parti des « mécontents ». Au-dessus des classes. Soi-disant au-dessus des classes.
ALLER VERS LES MASSES, oui. Les masses paysannes, indistinctement? Celles des classes moyennes? Des fonctionnaires? Des anciens combattants pour la période concernée ici? Des classes moyennes? En 1928, au VIe Congrès de l’IC Thorez met en avant les masses des travailleurs étrangers, les manoeuvres non qualifiés, les jeunes, les femmes, les ouvriers coloniaux. Il les appelle les « couches décisives les plus exploitées »! C’est un découpage tout à fait artificiel et qui ne tient aucun compte de l’appartenance de classe et crée une confusion quant au concept d’exploitation. Il est tout aussi évident qu’un travail spécifique doit être effectué dans ces différentes « couches » par des organisations spécifiques sous le contrôle direct du Parti. Quant à la classe décisive c’est bien entendu la classe ouvrière et son avant-garde, le prolétariat.
Lénine parlait des « masses travailleuses non prolétariennes ». Aller vers les masses, oui, mais en tant que parti communiste.
Pour Lénine, et dès 1908, le parti « conduit les masses au socialisme ». Le parti ne se met pas à la remorque de l’état d’esprit des masses.
Tous les partis social-démocrates ont traversé des périodes où les masses faisaient preuve d’apathie ou se laissaient entraîner par telle ou telle erreur, telle ou telle mode (chauvinisme, antisémitisme, anarchie, boulangisme, etc.), mais les vrais social-démocrates révolutionnaires n’ont jamais cédé devant n’importe quel changement de l’état d’esprit des masses [2].
Fin 1917, Lénine est si possible encore plus clair:
Le parti étant l’avant-garde d’une classe, sa mission est d’entraîner les masses à sa suite, et non pas de refléter le niveau moyen de ces masses [3].
Il s’agit là, bien entendu d’une distinction fondamentale entre un parti communiste et un parti social-démocrate. La position sociale-démocrate a été bien résumée en novembre 1920 par un partisan de la motion Paoli-Blum au Congrès de Tours [4]:
Suivant la pratique des organisations bolchéviques d’avant la guerre, vous voulez que l’impulsion parte d’en haut. Et cela est d’ailleurs nécessaire pour la mise en oeuvre de cette méthode proprement insurrectionnelle préconisée par Moscou. Au contraire, dans notre Parti, l’impulsion vient d’en bas, et les organes supérieurs ne sont que les exécuteurs de la volonté de la masse.
On pourrait prétendre qu’aujourd’hui, en France, c’est la méthode social-démocrate qui convient devant le manque de perspective révolutionnaire, en tout cas dans une situation qui n’est même pas pré-révolutionnaire. Mais elle ne pourra jamais l’être en l’absence d’un parti révolutionnaire, la bourgeoisie serait-elle incapable de continuer à assumer sa dictature de classe.
La « méthode » si l’on peut dire pour conquérir les masses, va être le FRONT UNI ou FRONT UNIQUE. Les deux termes sont souvent indistinctement employés.
2. Le Congrès de Marseille du PCF, décembre 1921
Avant d’aborder la question du Front Uni quelques mots sur la « santé » de la section française de l’IC. On l’abordera avec son premier Congrès, Marseille, 25‑31 décembre 1921.
Les contradictions qui couvaient depuis le Congrès de Tours éclatent à Marseille: elles se matérialisent dans la non-réélection de SOUVARINE au Comité directeur. Souvarine qui a été un des dirigeants du Comité pour l’adhésion à la IIIe Internationale. On le confirmera certes, suite à une intervention de Moscou et il reprendra sa fonction de délégué auprès de l’Internationale mais cela revient objectivement à priver cette fonction de tout contenu réel. Solidaires de Souvarine Loriot, Vaillant-Couturier et Amédée Dunois ne trouvent rien mieux à faire que de démissionner du CD. Ils y reviendront grâce à l’IC, mais après avoir été critiqués.
C’est LORIOT, secrétaire international du Parti, qui va donner lecture de la Lettre envoyée par le CE de l’IC au Congrès (datée du 19, publiée dans l’Humanité du 27 décembre). Ce que l’IC reproche à sa section française, c’est la faiblesse de sa direction:
Le Comité directeur […] n’a pas doté le Parti d’une direction politique ferme. Il n’a pas, jour après jour, guidé la pensée, l’activité multiple du Parti. Il ne lui a pas créé une conscience collective.
Tout révolutionnaire comprendra cependant que, dans un Parti communiste, la direction, dès qu’elle a été nommée par un Congrès et qu’elle a ainsi la confiance du Parti, doit avoir les plus larges compétences pour diriger la politique du Parti dans le sens des thèses et des résolutions votées par les congrès nationaux et internationaux [5].
La suggestion du CE de l’IC concernant la création d’un Bureau politique sera rejetée par le Congrès.
Elle aura du mal à devenir réalité du fait de l’existence au sein du CD de tendances antagoniques. À la mise en avant d’un fédéralisme au niveau international (refus de la direction de la IIIe Internationale) correspond la tentative d’établir un même type de fédéralisme au niveau français. Une direction centralisée est assimilée à une « dictature » parisienne. Et cette accusation de « dictature » sera de toute façon l’un des thèmes majeurs de la fraction de droite et du centre du Parti dans leur lutte contre la IIIe Internationale et contre la direction même du Parti qui, pour être majoritaire en devient dictatoriale si la minorité doit s’incliner.
En ce qui concerne la direction du Parti, dans la Résolution adoptée au Congrès on peut lire que le « Communisme français » ‑ la formule est de Frossard ‑ se prononce, » pour le centralisme démocratique contre le centralisme oligarchique que tous les membres du Parti déclarent repousser », centralisme qui ne vaut que dans les périodes de guerre civile acharnée.
Par « centralisme démocratique » ce que Frossard entend c’est la représentation proportionnelle des tendances à la direction du Parti. Une vieille pratique du parti socialiste.
Les autres questions importantes soulevées par l’Internationale sont celles de la politique syndicale, du contrôle de la presse non officielle du Parti (Le Journal du Peuple de Fabre, la Vague de Brizon), des rapports trop lâches du Parti avec les ouvriers des usines d’autre part trop peu nombreux au CD, de son désintérêt quant à la vie de l’Internationale.
Il y a d’autres problèmes à régler, notamment celui de la Défense nationale. L’existence de l’URSS, premier État de dictature du prolétariat, pose en effet la question du pacifisme intégral, prôné par les anarchistes, de l’anti-militarisme absolu, thèse que va mettre en avant la droite du Parti. À bas toutes les armées, donc à bas l’Armée Rouge! On parlera bientôt d’impérialisme rouge dans le PCF. Que faire en cas de guerre… On verra plus loin ce qu‘il en est.
LE FRONT UNIQUE
1. La nouvelle tactique de la IIIe Internationale
C’est à la séance du 4 décembre 1921 du CE de l’IC que Zinoviev lance l’idée du Front uni (d’abord Unité du Front prolétarien) [6].
Cette nouvelle tactique, défensive, est ainsi présentée:
[…] on ne peut plus, depuis 1919, compter sur un grand mouvement révolutionnaire en Europe, à brève échéance. […] la tâche immédiate de l’Internationale Communiste n’est pas l’organisation d’un nouvel assaut contre la société bourgeoise, mais la préparation et l’entraînement des forces qui donneront un jour cet assaut [7].
Cette tactique tient également fortement compte du processus de rapprochement entrepris par la IIe Internationale et la II et demi, et qui aboutira en avril 1923 à la fusion des deux organisations. Les ennemis décidés de Moscou et ceux qui espéraient une transformation démocratique bourgeoise de l’URSS unissent de fait leurs forces pour détacher de Moscou la classe ouvrière au niveau mondial.
L‘analyse de l’Internationale communiste est qu’il y a un désir d’unité dans le prolétariat au niveau international. Il ne faut pas que cette unité se fasse sur des bases réformistes. Mais quelle est la tendance principale dans le prolétariat et la classe ouvrière?
On va la décrire tantôt comme réformiste.
Et on va la décrire tantôt comme révolutionnaire. C’est le cas de Zinoviev qui a cette bien curieuse formule:
Le prolétariat tend à l’union révolutionnaire complète [8].
Mais en quoi consiste concrètement le Front uni? Parlant de la France Zinoviev déclare:
Le parti dirigé par Jean Longuet [il s’agit du parti socialiste] n’est qu’une infime minorité. [Ce qui est encore vrai en 1921‑1922.] Mais lorsqu’il s’agira d’organiser une manifestation contre la guerre ou contre Washington, nous serons toujours prêts à proposer à ces messieurs une action commune [9].
L‘accord avec les syndicats est primordial.
Quelles que soient les trahisons de la CGT réformiste que dirigent Jouhaux, Merrheim et consorts, les communistes se verront forcés de proposer aux réformistes avant toute grève générale, avant toute manifestation révolutionnaire, avant toute action de masses, de s’associer à cette action et sitôt que les réformistes s’y seront refusés de les démasquer devant la classe ouvrière. La conquête des masses apolitiques nous sera ainsi facilitée [10].
Et bien sûr, si les socialistes ou la CGT refusent ces actions communes, cela sera un excellent moyen de les dénoncer.
Zinoviev ne limite pas le Front uni à ces propositions d’unité d’action.
Et l’on peut même, déclare Zinoviev, prêter son concours à un ministère social-démocrate (il emploie le terme menchévik). Il se dévoilera et on ne pourra pas accuser les communistes d’avoir obligé le gouvernement à se lier avec la droite. Donc, en cas de besoin, de ballottage, il faut opter pour le moindre mal, « sans jamais nous engager par principe » [11].
Radek, membre du CE de l’IC, va encore plus loin que Zinoviev dans un article publié dans la Correspondance Internationale puisqu’il admet le passage par étapes au communisme. Le passage pacifique?
Il se peut que dans les pays où les organisations des masses social-démocrates ont poussé de profondes racines, les partis communistes soient absolument incapables de gagner la majorité de la classe ouvrière avant la prise du pouvoir par les social-démocrates et que seule l’expérience des gouvernements socialistes puisse convaincre la majorité des travailleurs de la nécessité d’une politique communiste [12].
La tactique du Front uni comporte de grands dangers, soulignera quand même Zinoviev:
Ils proviennent surtout du fait que nos organisations ne sont pas encore tout à fait communistes. Elles n’ont pas encore rompu assez profondément avec le centrisme. Et nous devons, à cause de cela, exécuter une manoeuvre (je ne parle pas ici d’une manoeuvre au sens vulgaire du mot) très délicate en nous inspirant uniquement de la situation des classes. Mais pour manoeuvrer il faut un esprit lucide et un terrain ferme: en un mot il nous faut des partis vraiment communistes. Meilleurs ils seront et plus nous pourrons nous aventurer dans la voie du front unique. Nous serons alors apparemment ‑ rien qu’apparemment ‑ en mesure de faire des concessions. Sans doute sera-ce dangereux dans les pays où nos partis sont encore relativement faibles. Nous ne nous le dissimulons pas [13].
Le CE de l’IC adopte les 25 thèses sur le Front unique le 28 décembre 1921. Elles seront connues en France le 4 janvier 1922 avec une convocation pour février à une Assemblée extraordinaire du CE de l’IC.
Zinoviev avait souligné les dangers de la nouvelle tactique de Front uni. La Thèse 21 les expose ainsi:
En fixant ce plan d’action l’Exécutif tient à attirer l’attention des partis frères sur les périls qui peuvent en résulter. Tous les partis communistes sont loin d’être suffisamment affermis et organisés et d’avoir vaincu définitivement les idéologies centristes et mi-centristes. Des excès peuvent se produire et amener la désagrégation de partis communistes au sein de blocs hétérogènes informes. Pour appliquer avec succès la tactique préconisée il importe que le parti soit fortement organisé et que sa direction se distingue par la clarté parfaite de ses idées [14].
C’est un refus très net que va opposer la majorité du CD de la SFIC. La majorité de la direction du Parti préfère interpréter le FU uniquement comme la passation d’accords entre les états-majors du parti communiste et du parti socialiste. Sur cette interprétation elle va réussir à entraîner derrière elle 46 Fédérations sur 58 (22 janvier 1922). Dans l’Humanité les trois-quart des articles publiés sur la question vont être dirigés contre le FU. Pour le CD la tactique du FU est impossible en France un an après le Congrès de Tours. La droite et le centre du Parti vont se déchaîner dans la presse.
C’est l’opposition directe avec la IIIe Internationale.
Il y a bien une autre raison, voilée: le PCF est bien incapable d’envisager un front uni à la base, entre ouvriers communistes et socialistes, alors qu’il se désintéresse du mouvement syndical et que celui-ci le lui rend bien. Quant aux membres du parti qui sont dans les syndicats, ils n’en font qu’à leur tête.
De fait Frossard et ceux qui le soutiennent ont mis en avant un prétexte de « gauche » pour dénouer les liens avec l’Internationale. Pour provoquer l’exclusion du parti. Et c’est la gauche du parti qui va défendre le Front Uni. Du moins certains de ses représentants.
Au Premier Plénum de l’exécutif élargi de l’IC (Moscou 21 février-4 mars 1922) la délégation française dont fait partie Cachin (Frossard n’a pas daigné venir) a le mandat de s’opposer à la nouvelle tactique de Front Uni que défend ainsi Lozovsky, notamment contre G. Monmousseau qui lie la nouvelle tactique de l’IC aux intérêts exclusifs de l’État soviétique (encore un thème qui sera plus que largement exploité comme on le verra):
[…] la tactique du front unique ne correspond nullement à une déviation, à une « révision du but », pour s’exprimer comme les Français. Il ne s’agit pas de modifier le but, mais de s’adapter, dans la situation donnée, aux conditions présentes. Il n’y a qu’un moyen qui nous donne la possibilité de conquérir à nouveau les masses: c’est d’aller dans les masses et de mettre à l’ordre du jour toutes les questions auxquelles elles sont intéressées. Ce que proposent les communistes, c’est l’Unité d’action. […]
L’Internationale communiste est l’état-major de la Révolution mondiale. Aussi, camarades, pouvons-nous changer de décisions et en prendre de nouvelles toutes les vingt-quatre heures: et celui qui se prononce contre cette façon de faire ne fait que montrer qu’il ne comprend pas le moindre mot aux stratégies révolutionnaires. Bebel a dit une fois: « La tactique on peut la changer tous les jours. » Et c’est justement cette souplesse qui fait défaut chez nos camarades français [15].
Les Thèses seront adoptées par l’ensemble des représentants des partis présents à cet Exécutif, à l’exception de la France, de l’Italie et de l’Espagne.
Mais Cachin déclarera, au nom de la délégation française, s’incliner devant la Résolution du CE. Et le CE lui en donnera acte. La rupture n’a pas été consommée [16].
Ce qui caractérise le Front Uni, c’est son double aspect de Front « économique » et de Front « politique ». Et d’un texte à l’autre il y a des flottements, des possibilités d’interprétation.
Avec des contenus différents la question du Front uni ou Front unique va se poser tout au long de l’Histoire du PCF. Avec des variantes, bien sûr, selon les tactiques envisagées. Le pire sera le Front français de Thorez pendant le Front populaire (encore un autre Front). Trop c’est trop. Le Front français n’aura qu’une existence éphémère. L’important sans doute réside dans l’énoncé.
2. Un parti de type nouveau
C’est vers la fin de ce mois de février 1922, que Lénine écrit dans « Note d’un publiciste [17]« :
La transformation d’un parti européen de type ancien, parlementaire, réformiste dans les faits et à peine teinté de couleur révolutionnaire en parti de type nouveau, réellement révolutionnaire et réellement communiste, est une chose extrêmement ardue. L’exemple de la France est sans doute celui qui montre le plus nettement cette difficulté. Renouveler dans la vie quotidienne le style du travail du parti, métamorphoser la grisaille quotidienne, parvenir à ce que le parti devienne l’avant-garde du prolétariat révolutionnaire, sans s’éloigner des masses mais en s’en rapprochant toujours davantage, en les élevant vers la conscience révolutionnaire et la lutte révolutionnaire: voilà la tâche la plus difficile, mais aussi la plus importante.
3. Triomphe de la droite au IIe Congrès du PCF, octobre 1922
Le Deuxième Congrès du PCF, Congrès de Paris, se tient du 15 au 19 octobre 1922. Il faut souligner qu’il est encore présenté comme « 20e Congrès national ». La rupture avec le vieux parti est bien difficile [18].
Délégation de l’IC, Manouilski, Humbert-Droz. Votes hostiles en majorité contre la nouvelle politique de Front unique. Pour la constitution des organismes centraux la motion de gauche qui accepte l’arbitrage de l’IC est battue par celle du centre qui repousse au IVe Congrès de l’IC l’intervention de l’IC. Mais le centre a la totalité des sièges au CD [19].
Un Appel de l’IC demandait un vote nominal des congressistes sur les 21 conditions d’admission!
Le rapporteur de la commission des conflits va déclencher un incident remarquable quand il aborde la question de la demande d’exclusion de Henri Sellier; il est reproché à ce dernier « de s’être réclamé de la tradition de Jaurès pour essayer de faire du Parti communiste un grand parti démocratique ».
« Vous venez d’exclure Jaurès », s’exclame un délégué. Tumulte, indignation. On crie « Vive Jaurès! » On s’insulte. La « gauche » (Vaillant-Couturier) essaie bien de dire qu’il s’agit d’un malentendu, que personne n’a voulu insulter Jaurès. De fait cet incident va être utilisé par Frossard, et lui permettra de gagner la majorité. L’important bien sûr n’est pas l’incident en lui-même, mais cette mystification de Jaurès qui continuera toujours au sein du PCF.
On retrouve à la nouvelle direction Frossard secrétaire général, Cachin, etc. Le IVe Congrès de l’Internationale modifiera cette composition en faisant entrer des représentants de la « Gauche » et de la « Fraction Renoult ». Compromis destiné à éviter la liquidation du Parti selon l’analyse de Trotsky.
4. IVe Congrès de l’Internationale communiste (novembre-décembre 1922)
1. Le Congrès adopte les 25 thèses sur l’Unité prolétarienne [20].
2. Dans une Résolution sur le Rapport du CE celui-ci rappelle l’article 9 des Statuts. C’est le CE qui applique l’article 9 quand un parti est incapable de se débarrasser des éléments non communistes.
3. Adoption des 30 Thèses sur l’action communiste dans le mouvement syndical: contre le neutralisme, pour la formation de noyaux communistes dans les syndicats, pas de séparation entre l’économique et le politique.
4. Résolution sur la question française. Question de la franc-maçonnerie et de la Ligue pour la défense des Droits de l’Homme el du Citoyen. Un membre du Parti ne peut appartenir à ces deux organisations bourgeoises.
5. Programme de travail et d’action du PCF.
La cause fondamentale de la crise aiguë que traverse actuellement le Parti se trouve dans la politique d’attente, indécise et hésitante, des éléments dirigeants du Centre qui, devant les exigences urgentes de l’organisation du Parti essayent de gagner du temps, couvrant ainsi une politique de sabotage direct dans les questions syndicales, du front unique, de l’organisation du Parti et autres. Le temps ainsi gagné par les éléments dirigeants du Centre a été perdu pour le progrès révolutionnaire du prolétariat français [21].
6. Le Congrès. « Les congrès n’ont de sens que dans la mesure où les décisions collectives des organisations locales, nationales ou internationales, sont élaborées par le libre examen et la décision de tous les délégués. Il est tout à fait évident que les discussions, l’échange des expériences, des arguments de chacun dans un congrès seraient dépourvus de sens, si les délégués étaient liés d’avance par des mandats impératifs [22]. » Le mandat impératif est en contradiction avec le centralisme démocratique. Il favorise le fédéralisme.
Le IVe Congrès de l’IC et ses décisions vont-elle régler la crise française? Elle est provisoirement surmontée par la démission de Frossard en janvier 1923, suivie de quelques dizaines d’autres: francs-maçons, adhérents de la Ligue des Droits de l’Homme dont plusieurs journalistes de l’Humanité. Le journal et le parti ont une double direction (M. Cachin est seul maître à l’Humanité), ce qui est encore loin des conditions posées par le IIe Congrès de l’IC. De nombreux membres du Parti, cependant, ont quitté les organisations de la bourgeoisie mises en cause par l’IC. Il faut dire que la manoeuvre, certes justifiée, était habile. Démission ou exclusion de fait.
Ce qu’il faut, selon Trotsky, c’est éviter la scission large tout en épurant.
PARTI-SYNDICAT
1. L’Internationale Syndicale Rouge, la CGTU et le PCF
Une question-clef qu’il a semblé préférable de traiter séparément est celle des rapports, toujours non réglés entre le Parti et le syndicat. Question-clef en effet puisque elle pose le problème du travail du parti dans le prolétariat et la classe ouvrière, et que seule la résolution correcte de ces rapports peut permettre au Parti d’appliquer la tactique de Front uni à la base.
Elle se pose également au niveau international dans la mesure où, après bien des hésitations, a été fondée l’Internationale syndicale rouge en juillet 1921 parallèlement à la tenue du IIIe Congrès de l’Internationale communiste.
Il y a deux thèses en présence à Moscou: celle de Zinoviev qui prône l’entrée des syndicats dans la IIIe Internationale et celle qui propose d’en faire un organisme distinct. Zinoviev sera battu. Mais l’existence des deux Internationales pose tout de suite un autre problème, celui de leurs relations. Doivent-elles être étroites (thèse de Rosmer) ou de coordination dans l’action (majorité de la délégation française, attachée à l’indépendance du syndicalisme). La question n’est pas réglée.
Au Congrès de Marseille du PCF en décembre 1921, compte tenu de la méfiance des syndicalistes- communistes envers le Parti, c’est un peu l’indépendance réciproque qui est mise en avant:
Le Syndicat, en tant que syndicat, ne se soumet pas au Parti en tant que parti. Dans ce sens, le syndicat est autonome. Mais les communistes agissant au sein des syndicats doivent agir toujours en communistes disciplinés [23].
En des termes légèrement différents, c’est déjà la conception que Frossard avait adoptée en 1920. À l’exception du mot « discipliné ».
La position intransigeante des syndicalistes français sera réaffirmée au Premier Plénum de l’exécutif élargi de l’IC (Moscou 21 février-4 mars 1922) dont on a déjà parlé.
La Résolution « confirme qu’en principe aucun changement ne doit être apporté aux résolutions du IIIe Congrès de l’IC » [24]. Résolution adoptée à l’unanimité moins l’abstention de la délégation française qui ne veut aucun rapprochement entre Syndicat et Parti.
Ce sont sur ces bases que va s’ouvrir, le 26 juin 1922 le Premier Congrès de la CGTU (Saint- Etienne). Les anarchistes et partisans de l’indépendance totale du syndicat sont cependant mis en minorité sur la Résolution Monmousseau-Semard. Le 29, arrivée surprise de Lozovsky, dirigeant de l’ISR. Également discours de Frossard. Le 1er juillet, fin du Congrès. L’adhésion à l’ISR a été adoptée par 741 voix contre 406. Mais elle est conditionnelle.
Un exemple concret des relations entre la CGTU et la SFIC peut être évoqué à propos de la grève du Havre. Le 26 août 1922 heurts violents entre les grévistes et les forces de l’ordre: quatre ouvriers sont tués.
Échec de la grève générale de vingt-quatre heures lancée à la suite des événements du Havre.
Maurice Thorez écrira dans un article publié en janvier 1930, « La grève politique de masses » [25]:
La grève fut évoquée devant l’Exécutif de l’Internationale communiste qui en fit une critique sérieuse. Mais quel fut le sens de cette critique?
Contre la grève de protestation? Nullement. Contre la hâte invraisemblable et, par suite l’impréparation désastreuse du mouvement, qui reflétaient toute la vieille mentalité anarcho-syndicaliste. Les ouvriers de plusieurs centres ne connurent l‘ordre de grève que le jour même, sinon le lendemain.
La grève politique de protestation était un mot d’ordre juste, mais il fallait la préparer et ne pas compter seulement avec la spontanéité. Il fallait aussi que le Parti communiste soit appelé à organiser et à diriger conjointement avec les syndicats unitaires cette action politique. Or, la grève fut décidée sans même l’avis du Parti. On exigea simplement la disposition de l’Humanité, organe central du Parti. Cette attitude hostile au Parti, et contraire à l’intérêt du mouvement ouvrier, de la part des anarcho-syndicalistes qui dirigeaient alors la Fédération du Bâtiment, n’avait rien qui puisse surprendre. Mais le pire, c‘est qu’elle était soutenue par des éléments se disant communistes et même adhérents au Parti. Au congrès de Paris, un délégué niait au Parti le droit d’intervenir dans le mouvement autrement que comme auxiliaire relégué aux besognes subalternes dont on voudrait bien le charger.
Dans sa critique l’Internationale à son IVe Congrès n’oubliait pas le Parti qui s’était mis de fait à la disposition de la CGTU!
On peut savoir ce que Lénine pensait à la fin de 1922 de la section française de l’IC née de la scission de Tours. En effet il va rencontrer Pierre Semard (syndicaliste, membre du Parti) et Monmousseau, anarcho-syndicaliste déclaré, qui ont été au IIe Congrès de l’ISR (novembre 1922) pour défendre l’indépendance syndicale.
Des deux comptes rendus de cet entretien, celui de Pierre Semard est le plus complet et le plus clair [26].
Lénine nous fit préciser nos positions à l‘égard du Parti communiste et nous dit en substance: « Que pensez-vous du Parti communiste français et de son dernier Congrès. Croyez-vous qu’avec ses dirigeants actuels on puisse créer un PC oeuvrant sur la base des décisions de l’IC? Que pensez-vous de la formation d’un parti communiste avec le mouvement syndical révolutionnaire? »
Pour Monmousseau et Semard cette dernière hypothèse est impossible, vu les difficultés pour la CGTU d’intervenir directement dans cette transformation.
2. Lénine et les syndicats avant la Révolution d’Octobre
La différence entre un syndicaliste réformiste et le membre d’un cercle social-démocrate [27]. Lénine (Que faire?):
[…] le secrétaire d’une trade-union anglaise, par exemple, aide constamment les ouvriers à mener la lutte économique, il organise des révélations sur la vie de l’usine, explique l’injustice des lois et dispositions entravant la liberté de grève, la liberté de piquetage (pour prévenir tous et chacun qu’il y a grève dans une usine donnée); il montre le parti pris de l’arbitre qui appartient aux classes bourgeoises, etc. En un mot, tout secrétaire de trade-union mène et aide à mener la « lutte économique contre le patronat et le gouvernement ». Et l’on ne saurait trop insister que ce n’est pas encore là du social-démocratisme; que le social-démocrate ne doit pas avoir pour idéal le secrétaire de trade-union, mais le tribun populaire sachant réagir contre toute manifestation d’arbitraire et d’oppression, où qu’elle se produise, quelle que soit la classe ou la couche sociale qui ait à en souffrir, sachant généraliser tous ces faits pour en composer .un tableau d’ensemble de la violence policière et de l’exploitation capitaliste, sachant profiter de la moindre occasion pour exposer devant tous ses convictions socialistes et ses revendications démocratiques, pour expliquer à tous et à chacun la portée historique de la lutte émancipatrice du prolétariat [28].
Lénine soulignera en 1907, qu’il faut lire Que faire? en se rapportant à la situation déterminée qui a donné naissance à ce texte [29]:
Situation de l’époque, l’économisme:
En fait, l’unité du Parti n’existait pas: elle n‘était qu’une idée, une directive. L’engouement pour le mouvement gréviste et la lutte économique engendra alors une variété d’opportunisme social-démocrate qui reçut le nom d’économisme. […]
Que faire? est une oeuvre de polémique dirigée contre les erreurs de l’économisme et c’est de ce point de vue qu’il faut l’apprécier.
Redressement de la ligne du Parti.
Importance du texte: l’idée de l’organisation des révolutionnaires professionnels. Adoptée au IIe Congrès du POSDR (Londres, 1903) où s’opéra la scission entre bolchéviks et menchéviks. Discussion sur le Programme entre Plekhanov et Lénine, « distinction entre le prolétariat et les classes laborieuses en général ». Lénine ajoute: « j’insistai sur une définition plus étroite du caractère purement prolétarien du Parti. »
Les syndicats:
L’autre objection a trait à mes opinions concernant la lutte économique et les syndicats, opinions fréquemment dénaturées dans divers ouvrages. Je tiens à le souligner parce qu’un grand nombre de pages de Que faire? sont consacrées à l’importance immense de la lutte économique et des syndicats. En particulier, je me suis prononcé alors pour la neutralité des syndicats. Depuis, en dépit des assertions de mes adversaires, ni dans mes brochures, ni dans la presse, je n’ai émis une opinion contraire. Seul, notre Congrès de Londres et le Congrès socialiste international de Stuttgart m’ont amené à penser que l’on ne saurait défendre en principe la neutralité des syndicats. Le contact le plus étroit des syndicats avec le Parti, tel est le seul principe juste. Rapprocher les syndicats du Parti et les relier à ce dernier, telle est la politique qu’il nous faut appliquer avec fermeté et persévérance dans notre propagande, notre agitation, notre travail d’organisation, sans courir après les adhésions purement formelles, mais sans expulser non plus des syndicats ceux qui ne pensent pas comme nous [30].
LA BOLCHÉVISATION
Les aspects de la bolchévisation sont nombreux. On ne prendra ici que deux exemples, celui de la mise en place des cellules d’entreprises/usines et celui de l’éducation marxiste-léniniste. Mais il ne s’agit pas de deux aspects qui s’additionnent. Les cellules d’entreprise, la conquête des grandes usines, sans éducation théorique et politique marxiste-léniniste, révolutionnaire, ne différencierait guère ces cellules de la fraction syndicale qui, au mieux, doit s’y développer en même temps. L’économisme prendrait le pas sur le politique et peu de choses sépareraient alors le Parti de la social-démocratie.
De même, l’étude qui n’aurait pas les moyens organisationnels de gagner le prolétariat et la classe ouvrière ne ferait du Parti communiste qu’un Parti de cadres sans influence réelle sur le prolétariat et la classe ouvrière. Et quelle pourrait-être une éducation, comment pourrait-elle se réclamer du marxisme, du léninisme, privée de son objet. De quel Parti s’agirait-il, sinon d’un Parti replié sur lui-même et ânonnant des thèses, entassant des analyses, privé par sa démarche du seul objectif qui le fonde, détruire le système capitaliste et instaurer son pouvoir de classe, la dictature du prolétariat, en tant qu’avant-garde du prolétariat et de la classe ouvrière.
Et puis, comment prolétariser le parti.
De fait le Parti va osciller entre deux pratiques qui le conduiront, s’il ne trouve pas un équilibre correct:
– ou bien à se dissoudre dans les masses ouvrières soumises à la propagande idéologique et politique de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie social-démocrate
– ou bien à se couper des masses ouvrières soumises à cette même propagande.
l. La Bolchévisation organisationnelle -les cellules d’usines
En 1902 Lénine écrivait:
Les cellules d‘usines sont particulièrement importantes pour nous, car la force principale du mouvement réside dans l’organisation du prolétariat au sein des grandes usines, étant donné que celles-ci (et les fabriques) englobent non seulement la partie la plus nombreuse de la classe ouvrière, mais aussi la plus influente, la plus développée et la plus combative. Il faut que chaque entreprise soit notre citadelle [31].
La 9e des 21 conditions [32] d’admission à la IIIe Internationale élaborées en 1920 réclame la constitution de noyaux communistes notamment dans les conseils ouvriers et conseils de fabrique. Conseils qui regroupent ouvriers communistes et sans‑parti.
La 12e des 59 Thèses sur la structure, les méthodes et l’action des partis communistes, adoptées au IIIe Congrès de l’IC en 1921 précise:
Les noyaux communistes sont des groupes pour le travail communiste quotidien dans les entreprises et les ateliers […].
Si Lénine a critiqué ces Thèses, ce n’est pas sur leur contenu: il pensait d‘abord qu’elles étaient trop nombreuses ‑ on ne les lira pas jusqu’au bout. Et puis il s’agissait d‘après lui d’un modèle trop strictement russe [33].
Il faut reconnaître que l’abus des thèses a été une maladie courante à cette époque, il est arrivé à Losovsky, dirigeant de l’ISR, de présenter 100 thèses sur le mauvais fonctionnement des syndicats! Du moins chacun pouvait se reconnaître quelque part.
Le problème fondamental n’est pas là: le tout est de rendre ces thèses vivantes, quel que soit leur nombre. Et il est évident que la grandeur de la tâche peut impliquer un ralentissement dans son exécution.
Mais c’est principalement la question des cellules d’usines qui est mise en avant, le jour même de la mort de Lénine ‑ le 21 janvier 1924 ‑ par le CE de l’IC.
Le centre de gravité du travail politique d’organisation doit être transféré dans la cellule. […] Elle mettra les ouvriers sur la voie de la solution révolutionnaire de toutes les questions [34].
Instructions pressantes du CE de l’IC au Congrès de Lyon du PCF (janvier 1924) sur la « nécessité de hâter la formation des cellules d’usines par lesquelles la propagande et les mots d’ordre du Parti pourront mieux pénétrer le prolétariat » [35]. C’est seulement au Conseil national de Saint-Denis (1‑2 juin 1924) qu’une commission centrale de réorganisation fut mise en place. Comme Zinoviev aura l’occasion de le dire:
Le mouvement des cellules d’usines est encore dans l’embryon. On parle beaucoup de haute politique, mais il n’y a encore que cent vingt cellules d’usines. On ne saurait prendre au sérieux ce résultat [36].
La création des cellules d’entreprises (on dira plus tard cellules d’usine) n’est qu’un premier pas. Le Ve Congrès de l’IC (juin‑juillet 1924) met en place la bolchévisation des partis communistes dont la réorganisation sur la base des cellules d’entreprise n’est que partie, certes essentielle.
Que dit en effet la Résolution sur la Propagande dans l’IC et ses sections:
Les conflits actuellement en cours dans certains partis communistes, et dont le début coïncida avec la défaite allemande d’octobre, résultent des survivances dans ces partis de la vieille idéologie social-démocrate.
Le moyen d’en venir à bout est de bolchéviser les partis communistes en passant par-dessus le « marxisme » de la IIe Internationale et les restes du syndicalisme. Par « bolchévisation » il faut entendre le triomphe idéologique définitif du marxisme et du léninisme (en d’autres termes, du marxisme dans la phase de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne).
La bolchévisation des partis communistes sera donc obtenue par une pénétration plus profonde du marxisme et du léninisme dans la conscience des partis communistes et de leurs membres. Ce n’est pas une adoption mécanique des mesures concrètes du Parti Communiste russe, mais l’adaptation des méthodes du bolchévisme à la situation de chaque pays dans l’époque historique donnée [37].
Dans la Résolution du Ve Congrès de l’IC sur la réorganisation du parti sur la base des Cellules d’Entreprises [38] il est bien précisé qu’il s’agit de mettre en pratique les décisions prises à ce sujet par les IIIe Congrès et IVe Congrès de l’IC.
Il faut souligner ce point. On a en effet voulu attribuer la bolchévisation, pour la critiquer, au seul Zinoviev.
De cette Résolution, une phrase essentielle:
La cellule d‘entreprise a tous les droits d’une organisation du parti [39].
Une autre Résolution a été prise lors de ce Ve Congrès de l‘IC, par la Commission d’Organisation. Résolution qui concerne le Parti communiste français [40].
On a déjà souligné que la bolchévisation, ou réorganisation des partis communistes, ne se borne pas à la création des cellules d’usines. Il y a également une réorganisation territoriale. Les sections sont remplacées par des rayons et sous-rayons, éventuellement, dont la composition sociale doit être modifiée.
Il y a une précision dans cette dernière Résolution:
Les cellules d’entreprises doivent se constituer aussi dans les exploitations agricoles employant des ouvriers salariés [41].
Dans une Lettre sur la bolchévisation des partis communistes, publiée en France en février 1925, Zinoviev écrit [42]:
N’est pas bolchévik qui se borne à répéter mécaniquement ce qu’il a appris de l’histoire du bolchévisme russe. Bolchévik est celui qui comprend que le bolchévisme consiste tout entier dans l’application de la doctrine de Lénine aux situations concrètes de chaque pays. [...].
En France […] De plus grands effectifs! Il est inadmissible que presque tout le prolétariat parisien sympathise avec le parti communiste français tandis que notre organisation parisienne n’embrasse que quelques milliers d’ouvriers.
Lutte contre le fascisme qui naît sous l’égide du Bloc des Gauches.
Du sang-froid, au moment où commence le développement rapide du Parti. Ne pas se laisser dépasser par les événements.
Donner la solution correcte aux rapports avec la CGTU, en finir avec les frottements qui s’observent encore. Obtenir à tout prix une solidarité véritable avec les syndicats révolutionnaires.
Commencer la conquête des centres ouvriers de province.
Donner l’ampleur voulue au travail parmi les paysans et dans les colonies.
Travailler, l’oeil fixé sur ces objectifs, à la réorganisation du Parti sur la base des cellules d’usine.
Le Parti communiste français, tout en ne faisant pas grand-chose pour créer des cellules d’usines, est contre les cellules de rues. Danger de ne faire que des cellules d’usines où de nombreux militants ne peuvent trouver place. C’est aussi les isoler [43].
Face à ce danger, la Conférence d’Organisation de l’IC (16‑21 mars 1925) va réagir:
Le résultat fut également que les cellules d’entreprises furent noyées par les rattachés [ils ne devaient pas être plus de 5 % des effectifs de la cellule], les isolés, qui ne connaissaient rien de l’usine, amenaient aux réunions de cellules des discussions générales et abstraites qui n’étaient pas liées au souci de traduire pour les ouvriers de l’usine en question les mots d’ordre du Parti et pour les entraîner dans la lutte [44].
Mais ce n’est qu’en février 1926, lors de la IIe Conférence d’organisation de l’IC que le Parti est obligé d’admettre la nécessité de mettre également en place des cellules de rues. Il ne s’agissait que d’un accord de principe. La mise en place ne fut pas effective avant un certain temps.
Les Thèses sur la bolchévisation sont adoptées au IVe Exécutif élargi de l‘IC (mars‑avril 1925) [45].
2. La résistance aux cellules d’usines dans le PCF
De ce qui précède, il est déjà clair que la direction du PCF ne met pas beaucoup d‘enthousiasme à se plier aux Résolutions du Ve Congrès de l‘IC et à celles de l‘Exécutif ou de la Commission d’Organisation.
Ce n’est pas le seul Parti à traîner ainsi les pieds. Comme l‘écrivait Kautsky en 1904, avant d’abandonner le marxisme:
Dans aucune question peut-être, le révisionnisme international, en dépit de toutes ses diversités et nuances, ne signale pas autant d’homogénéité que dans la question d‘organisation [46].
Il n’avait été donné que quelques mois au Parti français, par le Ve Congrès de l’IC, pour organiser les cellules d’usines. Cette précipitation engage mal le processus de transformation d’un parti social-démocrate en parti communiste. Erreurs de mise en place, mauvaise conception de leur rôle.
Confusion entre cellule d’usine, comité d’usine, fraction syndicale.
Et cette précipitation, si on peut la comprendre, donne aussi des arguments à certains de ceux qui s’opposent à la bolchévisation du Parti.
Pour Monatte, pas besoin d’arguments: la tâche essentielle du Parti, qu’il a enfin rejoint, c‘est le recrutement syndical.
Pour la « fraction paysanne » si l’on peut dire, la France n’étant pas un pays de grande industrie, la question des cellules d‘usines ne se pose pas. II faut d’abord organiser la paysannerie (Renaud Jean). Mais la Russie était-elle un pays de grande industrie en 1902, quand Lénine donnait comme mot d‘ordre de faire de chaque entreprise une citadelle du Parti?
Non pas une citadelle, faut-il le préciser, où l’on attendra l’assaut de l’ennemi, mais une citadelle d’où l’on se lancera contre l‘ennemi!
Paul Marion expose ainsi en avril 1925 les arguments d‘un autre opposant aux cellules d‘usines, Loriot, comme on l’a vu dirigeant du Comité pour l‘adhésion à la IIIe Internationale:
On peut le résumer ainsi: la formation trop hâtive des cellules d’entreprise a eu de désastreux résultats. Nos cellules sont dépourvues d’activité politique, parce que composées de peu de membres et toutes entières tendues vers l’action à l’intérieur de l‘usine. La base du Parti est ainsi éparpillée et privée de pensée politique. D’autre part, organisme de combat sans cesse menacé par l’offensive patronale, la cellule ne permet pas le recrutement des ouvriers sympathisants qui craignent les représailles immédiates.
Par contre, les anciennes sections présentaient des inconvénients différents: pas d’influence directe sur le lieu de travail, tendance des réunions à dégénérer en « parlotes », impossibilité d’appliquer rapidement les ordres du Parti, etc. Il s’agit donc de trouver une conciliation adroite du passé défectueux et du présent mauvais.
Il faut maintenir les cellules en tant qu’organes d’exécution et créer des assemblées délibératives plus larges où s’élaborera la pensée et la tactique du Parti [47].
Il est évident que la double organisation proposée par Loriot, privilégierait à court terme les assemblées « délibératives » au détriment des cellules. Et comment seraient composées ces assemblées? C’est créer un écran entre la base et la direction. La conception de Loriot, quelles que soient ses raisons, le conduiront pour un temps à rejoindre le trotskysme organisé en France.
Définition de Paul Marion:
Organiser l‘agitation dans l’entreprise après avoir su étudier et relier les événements qui s’y passent à ceux qui se déroulent dans l’ensemble du pays et de la société capitaliste, c’est là le rôle à la fois théorique et pratique de la cellule communiste [48].
Loriot va récidiver dans l’Humanité du 18 octobre 1925 en présentant des « Thèses sur l’organisation du Parti »:
Dans la conjoncture présente, les cellules ne sauraient rester la base de l’organisation communiste en France sans accentuer la crise de recrutement et d’influence que subit le Parti et sans compromettre gravement sa destinée révolutionnaire. […].
S‘il est vrai qu’on puisse et qu’on doive fonder une cellule d‘entreprise là où travaillent trois communistes, il est faux de prétendre que cet embryon d’organisme puisse constituer la base du Parti.
Ce même mois d’octobre 1925, 250 membres du Parti envoient une Lettre à sa direction et à l’Internationale:
Les cellules ne peuvent pas constituer actuellement en France la base du Parti. Affirmer le contraire, c‘est méconnaître l’économie générale du Parti et l’organisation des grands États capitalistes modernes, c’est se leurrer sur le rapport des forces sociales en présence, c’est entraîner le Parti vers sa liquidation rapide et totale.
Les causes générales et essentielles ne sont d’ailleurs pas seules à condamner le nouveau régime du Parti. Non seulement les cellules offrent au patronat une cible facile, mais elles se heurtent à des difficultés intrinsèques dont certaines sont assez graves pour provoquer leur mort. L’expérience a montré, par exemple, que leur existence est liée à la valeur et à la stabilité du secrétaire.
Or, il est difficile de trouver, dans une même localité, une quantité de secrétaires capables de donner une vie politique aux diverses cellules. [...].
Pour sauver le Parti, il faut renoncer délibérément aux méthodes employées depuis un an. Le Comité central propose, outre le développement de l’appareil, la création de « cellules de rues » et de « sous–rayons ». Au diable toutes ces complications [49]!
Les « 250 », après cette condamnation en règle, vont conclure en écrivant que:
sans supprimer les cellules d’usines, en s’efforçant au contraire de les multiplier, il faut revenir sans retard à la section territoriale, comme base organique du Parti [50].
Le retour à la base territoriale, c’est le retour à la circonscription électorale du vieux parti socialiste d’avant Tours. C‘est, de fait, l‘alignement sur le Parti socialiste et son électoralisme. La lutte sur le même terrain. Et la multiplication de la confusion entre cadres du Parti et élus du Parti.
3. La Bolchévisation idéologique – La formation des militants du Parti
La réorganisation du Parti ne peut s’effectuer que par la bolchévisation de ses membres, c’est-à-dire par la formation de ceux-ci, que cela soit à la base et dans la perspective de dégager à partir des militants de base des cadres, à tous les niveaux du Parti, et bien sûr à celui de la cellule.
Il faut d’abord examiner les critères d’adhésion au Parti.
Dans le Projet de Statuts élaboré en 1924, publié dans les Cahiers du Bolchévisme du 26 décembre, on peut lire:
Chapitre premier
Article 1. Le Parti est fondé sur les principes suivants:
Entente et action internationale des travailleurs: organisation politique et économique du prolétariat en Parti de classe par la conquête du pouvoir de haute lutte sur la bourgeoisie, et la socialisation, par la dictature prolétarienne, des moyens de production et d’échange, c’est-à-dire la transformation de la société capitaliste en société communiste.
[…]
Article 5. L’IC et les Partis communistes sont fondés sur la base du centralisme démocratique, dont les principes fondamentaux sont:
a) L’élection de tous les organes, de la base au sommet, par les assemblées générales, les conférences ou congrès;
b) L’obligation pour ces organes de rendre compte périodiquement de leurs activités à leurs électeurs;
c) L’obligation pour les organes subalternes d’exécuter rapidement et exactement les décisions des organes supérieurs.
La discussion est libre pour les organisations, jusqu’à ce que décision soit intervenue de la part des organes compétents du Parti. Une fois une décision prise au Congrès de l’IC, par un congrès national ou par les organes dirigeants du Parti, elle doit être absolument exécutée, même si une partie des membres ou des organisations locales ne l’approuvent pas.
[…]
Article 7. L’adhésion au Parti est faite par la cellule de l’entreprise où travaille le postulant.
Avant leur adhésion définitive, les membres du Parti accomplissent un stage de trois mois s’ils sont ouvriers ou employés syndiqués, salariés dans une entreprise, de six mois s’ils sont classés dans une autre catégorie [51].
A. Situation « idéologique » du Parti
Dans les Cahiers du Bolchévisme du 28 novembre 1924, un article de tête signé A. L., « Idéologie, direction et organisation homogène »:
L’éclectisme idéologique que les éléments de droite considèrent comme le plat le meilleur de la cuisine politique française, retarde la création de cadres, la croissance du Parti et livre les masses à l’influence spirituelle de la bourgeoisie. Les francs-maçons sont exclus du Parti‑ mais combien n’existent-ils pas, autour du Parti et dans le Parti lui-même, de cercles et de groupements où pullule l’idéalisme philosophique et historique, où le mélange de mysticisme et de bergsonisme est préconisé comme la théorie de l’émancipation du prolétariat! Combien n’y a-t-il pas de membres du Parti qui rêvent encore du pacifisme jauressiste petit-bourgeois, combien de confusionnistes pour lesquels le capital financier américain est une force contribuant à maintenir la paix dans le monde!
Tous ces groupements et tous ces droitiers isolés s’efforcent d’influer sur le Parti. Ils contribuent sciemment à la confusion idéologique dans ses rangs.
[…]
Notre Parti, dans lequel les traditions idéologiques les plus diverses se rencontrent, a besoin d’une épuration idéologique rigoureuse. Ses jeunes cadres se forment à l’école du léninisme; mais les anciens cadres devront passer par cette école. Avec 20 % de jauressisme, 10 % de marxisme, 20 % de léninisme, 20 % de trostkysme et 30 % de confusionnisme, le Parti ne deviendra ni révolutionnaire, ni bolchévik, ni capable de mener les masses prolétariennes et paysannes aux batailles décisives.
[…]
Le mot d’ordre Direction homogène n’est pas d’une moindre importance pour la bolchévisation du Parti. Il est moins compréhensible pour le Parti que celui de l’Unité de l’Idéologie. Tout ouvrier révolutionnaire comprend que l’idéologie de la bourgeoisie et les survivances idéologiques petites-bourgeoises représentent un danger pour la lutte prolétarienne. Mais le fait que les meilleurs ouvriers révolutionnaires ont traversé la crise de Frossard; qu’ils ont dû exclure Souvarine; qu’ils ont assisté au passage d’une partie de la gauche d’hier (Rosmer) sur les positions de la droite; qu’ils ont vu Frossard passer à leurs pires ennemis, Souvarine et Rosmer se solidariser avec la lutte de l’opposition russe contre les disciples directs de Lénine, contre le CC du PCR, qu’ils les ont vu faire des coquetteries à Mac Donald, etc. ‑ de tout cela ils ont tiré la conclusion qu’il faut toujours avoir une opposition organisée, qu’il faut toujours critiquer et ne pas avoir confiance dans la direction. Il est même des camarades qui considèrent que le travail d’un parti communiste consiste avant tout à contrôler le Comité central et à créer contre lui une opposition.
Toutes les crises par lesquelles le Parti a passé depuis Tours montrent évidemment que le contrôle incessant de la direction du Parti est indispensable; la solution des crises consécutives et l’évolution du Parti dans le sens bolchéviste n’ont été possibles qu’à cette condition. De là la conclusion de pas mal de camarades qui demandent la représentation des diverses tendances au sein de la Direction du Parti.
Mais les tâches qui se posent actuellement au Parti exigent de lui qu’il mette à sa tête une Direction homogène, une Direction se tenant sur la plate-forme des décisions du Ve Congrès [de l’IC] et jouissant de la confiance de l’immense majorité du Parti. […]. En France, elle ne peut être que collective, car le Parti n’a pas de chef reconnu [52].
B. Les débuts de l’éducation
a) Création de l’École léniniste de Bobigny (1924). 60 élèves. Une quinzaine d’élèves s’y sont formés et sont devenus des responsables du Parti: BP, CC, secrétaires régionaux, etc. Directeur A. Bernard [Alfred Kurella, délégué de la IIIe Internationale, auteur de l’ABC de la politique communiste, Méthodes de l’enseignement léniniste.]
Les Cahiers du Bolchévisme, n° 13, 13 février 1925 (p. 848), annoncent la parution pour « l’instruction politique élémentaire dans le Parti » d’une série intitulée Manuel du militant – L’éducation léniniste théorique et pratique. Trois tomes parus ou à paraître: 1. L’instruction politique élémentaire; 2. Guide pour l’instruction politique élémentaire; 3. Une Chrestomathie [sic!] pour l’instruction politique élémentaire (morceaux choisis pour illustrer le Guide). Auteur: A. Bernard (Kurella).
L’École léniniste de Clichy, qui fonctionne en 1925, aura encore moins d’élèves.
b) À partir de 1925 commence une longue période d’abandon de l’éducation. Des efforts isolés, momentanés, ne laissent que peu de traces. Pour des raisons qui lui sont propres Renaud Jean constate lors du Ve Congrès du PCF en 1926:
Pas de propagande doctrinale. Pas de diffusion doctrinale dans les masses. Connaissance insuffisante du fonctionnement du système économique et financier du capital. Pas de programme positif du parti communiste et action pour les revendications immédiates livrée à toutes les initiatives, mais sans que le parti n’y intervienne, en aucune façon [53].
c) Reprise très limitée de l’éducation en 1928, malgré la publication des Six cours élémentaires d’éducation communiste, principalement établis pour une étude collective et édités par la Section d’Agit-Prop du Parti.
Quatre formes de cours sont envisagées:
– Sur la base du rayon, les élèves pris dans les cellules;
– Sur la base du sous-rayon;
– Groupant les communistes d’une petite localité;
– Dans les cellules.
On peut certes trouver des erreurs dans ces Cours, d’autre part d’un niveau « moyen » plus qu´ »élémentaire ». En ce qui concerne le Parti, sa définition, son programme, son rôle, son organisation, l’importance fondamentale des cellules d’entreprise, son rapport au mouvement syndical, ces Cours se fondent sur des analyses de Lénine, de l’IC et de Staline (Le léninisme théorique et pratique [54]). Globalement on trouve dans ces cours une bonne interprétation de la bolchévisation, une réponse conséquente aux thèses trotskystes (il n’est pas nommé) et aux positions anarcho-syndicalistes. Une des erreurs que l’on peut relever, c’est la non-différenciation de la paysannerie française, présentée comme un tout.
Quant au rôle du Parti communiste, on ne peut que souscrire au double aspect mis en avant:
Le parti communiste ne peut se contenter de mener une simple agitation politique (journaux, réunions publiques, etc.) et de mesurer la sympathie qu’il rencontre, à l’occasion (par exemple) des élections. Le Parti ne peut remplir son rôle révolutionnaire que s’il dirige l’ensemble de la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie et son État.
En 1927 (Cahiers du Bolchévisme, n° 73, 31 mai 1927, pp. 646-648) il est envisagé de mettre en place un travail d’auto-éducation, avec un Bureau central, etc.
En 1928, reprise de ce thème. Il sera créé un Bureau central d’auto-éducation et quelques Bureaux dans les Régions où l’Agit-Prop « fonctionne normalement ». Groupes de lectures et cercles d’étude en relation par correspondance avec les Bureaux.
Présence discrète d’un responsable de l’Agit‑Prop, « Il doit veiller à ce que le cercle ne devienne pas un organisme de discussion politique se substituant aux organismes réguliers du Parti au lieu d’être seulement un organisme d’étude. » (Cahiers du Bolchévisme, n° 88, 31 janvier 1928, pp. 54‑58.)
Reprise du travail, modestement, après le Congrès de Saint-Denis (avril 1929). Accélération relative en 1930 [55].
Manouilski, un des dirigeants du Parti communiste russe et de l’Internationale qui ont vécu en France (1916) peut dire à la Commission française du CE de l’IC, juin 1930:
Vous avez de jeunes cadres. C’est très bien. Nous ne pouvons pas ne pas nous en réjouir. Mais, comme je l’ai dit, cela a également ses côtés négatifs. Ces cadres nouveaux sont venus en 1929‑1930. Ils n’ont pas de passé. Leur vie politique commence aujourd’hui. Voilà pourquoi ils commettent de temps à autre les mêmes fautes que le Parti a commises dans le passé et qui ont été condamnées maintes fois. Non seulement ils ne connaissent pas l’histoire du mouvement ouvrier français, mais ils ignorent l’histoire du Parti et de l’IC [56]. Leur activité politique commence fréquemment à partir de la Xe session de l’Exécutif de l’IC. Et ces éléments apprennent la politique sur le dos du Parti. Ils font pression sur la ligne politique de celui-ci [57].
Quelques mois plus tard création d’un « Cercle d’Études Marxistes » auprès du CC, sous la responsabilité de celui-ci et sous la direction immédiate d’un membre du BP [58]. Mise en place d’une École de rayon [59].
Pour l’année scolaire 1930‑1931, création d’une École centrale par correspondance: 120 élèves. Pour l’Année scolaire 1931‑1932: 620 élèves [60]. Le chiffre retombe pour 1932‑1933 à 580, ainsi répartis: Cours élémentaire, 280; cours moyen, 160; 21 écoles collectives avec 140 élèves [61]. 50 % des élèves appartiennent à l’industrie privée; 14 % aux entreprises à statut; 36 % sont des éléments plus ou moins isolés appartenant à des couches petites-bourgeoises.
CLASSE CONTRE CLASSE
1. Pour la rupture avec la social-démocratie
Il faut mettre en relief la période qui va s’ouvrir en 1927 avec le mot d’ordre « Classe contre Classe ». (Après avoir été adressé aux Partis les plus électoralistes, le Français et l’Anglais, ce mot d’ordre sera en partie généralisé au VIe Congrès de l’IC, un an plus tard, et qualifié de « tournant ».)
La tactique « Classe contre Classe » a été mise en avant dans une Lettre du CE de l’IC au CC du PCF, en date du 2 avril 1927. Il s’agissait d’Instructions pour les élections de 1928 [62].
Par le soutien des socialistes, après le Bloc des Gauches, à l’Union nationale (Poincaré), la démonstration du passage de la SFIO sur les positions de la bourgeoisie était faite. Dans cette nouvelle conjoncture il n’était plus question de passer avec la social-démocratie des accords électoraux. Sinon sur des positions définies par le Parti communiste, un minimum commun. En cas de refus, les communistes ne devaient pas sauver les candidats socialistes menacés par la droite en se désistant pour eux, même s’ils étaient en position favorable.
De fait c’était une prise de position, et des gestes radicaux que l’on exigeait de la section française de l’IC (de la section anglaise également). Et elle n’était pas prête à cette radicalisation, elle n’était pas convaincue de sa nécessité. D’où une période d’atermoiement, de silence encore une fois, qui va durer jusqu’à la réception d’un nouveau message du CE de l’IC en septembre 1927.
C’est seulement au CC des 9‑10 novembre 1927 qu’est prise la décision d’envoyer une Lettre ouverte aux membres du Parti [63].
À la formule « Les Rouges contre les Blancs », il faut substituer celle de « Classe contre Classe ». À bas la discipline républicaine!
Proposition est faite à la SFIO de constituer un Bloc Ouvrier et Paysan sur un programme minimum qui l’obligeait à rompre avec les partis bourgeois. Au Congrès SFIO de fin 1927, refus de la part des socialistes:
« Nous n’acceptons pas l’offre insolente contenue dans la sommation communiste et nous l’acceptons si peu que nous ne jugeons pas nécessaire d’y répondre », écrit L. Blum dans Le Populaire (29/12/1927) [64].
Léon Blum est encore poli. Un autre dirigeant de la SFIO déclarera un jour que les « cinq lettres » sont suffisantes comme réponse aux propositions du Parti! En Français, « les cinq lettres », c’est merde. Ceci donne le ton des rapports entre les directions des deux Partis!
Si le Parti socialiste refuse les propositions du PCF, il n’y aura pas de report des voix communistes sur les candidats socialistes, ou radicaux, mieux placés au second tour. À moins qu’ils n’adhèrent au Programme minimum élaboré par le PCF. On imagine les hurlements au chantage!
Pierre Semard, secrétaire-général du Parti, est hostile à la tactique, il n’en défend pas moins, publiquement, une position anti-parlementariste. À la Conférence nationale du Parti du 30 janvier 1928, où assistent ouvriers sans-parti et socialistes il déclare en effet:
Nous ne vous demanderons pas, comme les chefs socialistes: « Envoyez-nous 140 à la Chambre et nous vous donnerons satisfaction. » Ce serait mentir. Dans la situation actuelle du capitalisme, dans l’état de sa concentration industrielle, politique, et de force que représente actuellement l’État capitaliste avec la complicité avouée de ses soutiens de la social-démocratie, le capitalisme a actuellement la possibilité de résister aux revendications du prolétariat, de se servir du Parlement, d’agir à sa guise avec une majorité parlementaire qui lui est fidèle et le soutient [65].
Ce qu’il faut, c’est la liaison de toutes les luttes: au Parlement, dans les syndicats rouges, avec tout le prolétariat [66].
Résultat des élections: le Parti avec près de 200 000 voix supplémentaires (plus d‘un million d’électeurs) n‘a que 14 sièges de députés, alors que l’Union républicaine démocratique de Louis Marin, avec 50 000 voix de moins que le Parti obtient 142 sièges.
Ce résultat ne tient qu’en partie à la nouvelle tactique.
En juin 1927, avant même la mise en place de « Classe contre Classe », le Président de la Chambre des députés, le socialiste Fernand Bouisson, écrivait dans le Petit Provençal:
Le seul moyen pour ceux qui ne veulent pas entendre parler d’un front unique avec le parti communiste, d‘y échapper, c’est de voter le scrutin d’arrondissement. Je vais même plus loin: le scrutin d‘arrondissement est le seul scrutin qui puisse réduire le nombre des députés communistes à la Chambre à huit ou dix élus.
Et le scrutin d’arrondissement fut effectivement mis en place. Mais la SFIO perd 50 sièges!
Déclaration de guerre au PCF par la voix de Blum, battu au second tour par Jacques Duclos. Mais les socialistes ont empêché, entre autres, l’élection de Vaillant-Couturier et André Marty, emprisonnés, en portant leurs voix sur la droite.
Cette nouvelle tactique Classe contre Classe avait provoqué une levée de boucliers dans le Parti avant même son application, bien entendu de la part des élus! Que dire après! « On vous avait prévenus », iront se lamentant les ex-élus. De fait on estime que deux tiers des membres du CC étaient opposés à la nouvelle tactique.
Mais il ne s‘agit pas que d‘une tactique électorale. Elle est dialectiquement liée à la définition de la social-démocratie comme « social–fasciste ». Elle est le complément indispensable pour arracher le parti à ses racines social-démocrates, électoralistes. De fait elle doit avoir pour effet de renforcer la bolchévisation. Il y a eu la scission organisationnelle de Tours. On en est à une phase ultime, la séparation complète, sur tous les aspects, avec la social–démocratie. Contre l‘opportunisme, il fallait trancher dans le vif. Contre les accointances au niveau national et local.
Il arrive trop souvent que les trois aspects de la bolchévisation, la constitution des cellules d‘usines comme bases du Parti, l‘éducation marxiste-léniniste, la coupure définitive d‘avec les racines sociales–démocrates, électoralistes du Parti soient dissociés. Il s’agit des fondations d’un seul édifice, le Parti. Il y a une liaison dialectique entre les trois. Privilégier l‘un ou l‘autre aspect ne peut conduire, comme on le verra, qu’à déséquilibrer le Parti.
Un dernier élément enfin de cette construction d’un Parti différencié de tous les autres partis, c‘est la réévaluation du Front unique.
Au Ve Congrès de l’IC on avait mis en avant cette formule, que l‘on peut résumer ainsi: Front unique au sommet, jamais; Front unique au sommet et à la base, quelques fois; Front unique à la base, toujours. » Au VIe Congrès, en 1928, la directive que donne Boukharine dans son Rapport est la suivante:
Dans toutes ces questions, de la cellule d’entreprise jusqu’à la S.D.N., l’orientation de notre tactique est complètement opposée à celle de la social-démocratie. C’est une orientation absolument antagoniste par rapport à celle de la socal-démocratie. […] Cette ligne ne signifie nullement l’abolition de la tactique du front unique. Mais vu l’intensification de notre lutte contre la social-démocratie, nous devons y apporter la modification suivante: actuellement, dans la majeure partie des cas, il nous faut employer exclusivement la tactique du front unique par en bas. Nous ne devons faire aucun appel aux centres des partis social-démocrates. Les exceptions ne sont admissibles que dans des cas extrêmement rares et seulement applicables aux organisations locales des partis social-démocrates [67].
De fait c‘est le complément nécessaire à la tactique « Classe contre Classe ». Mais le texte de l‘IC ouvre la voie à des interprétations « droitières ». Ce qui ne manquera pas d’avoir lieu.
2. Une querelle Doriot-Thorez en 1931
Anticipons pour en finir aujourd’hui avec cette question du Front uni/unique. Ce texte va en effet permettre par exemple à Doriot, et au CC d’août 1931 du PCF, de lancer des appels aux sections socialistes pour les élections législatives de 1932, et de dénoncer par la même occasion l‘application « mécanique et maladroite » de la tactique Classe contre Classe qui aboutissait en fait « à la rupture entre le Parti et les masses ». Quant à la tactique « classe contre classe », elle signifie le « renforcement de la lutte contre les chefs socialistes ».
Quelle est la base du raisonnement de Doriot et de ses amis:
Or, la pratique a démontré que, dans le cas où au premier tour le candidat avait plus de voix que le candidat communiste, le maintien automatique de notre candidat aboutissait à une perte considérable des voix, par rapport au premier tour. Que cela signifie? Cela signifie que même une partie des électeurs communistes en voyant que le candidat communiste n’a pas de chance de passer votait pour un candidat socialiste, en considérant qu’il est « un moindre mal » par rapport aux réactionnaires ouverts.
Le CC s’adresse ainsi aux sections du parti socialiste:
à celles en particulier, où se manifeste une opposition à la politique de collaboration de classe des chefs socialistes, avec la proposition de désistement au second tour du candidat le moins favorisé en faveur de l’autre candidat, sur la base de la lutte en commun pour les revendications ci-dessus.
Aux ouvriers socialistes le CC propose:
la défense de leurs salaires, pour la journée de 7 heures sans diminution des salaires, pour l’assurance-chômage aux frais des patrons et de l’État, pour l’amnistie, pour l’unité syndicale, pour la défense de l’URSS, contre les guerres impérialistes, pour la paix.
Doriot et ses partisans vont plus loin. Ils attaquent directement l‘IC:
La répétition des idées générales justes, la transplantation mécanique sur le terrain français de l’expérience des autres pays, ne résolvent pas cette question. Celle de traduire dans un langage compréhensible pour les masses la ligne politique générale.
Et où pointe le bout de l’oreille, c’est quand, dans le même texte, on écrit que « les chefs socialistes sont le principal soutien de la bourgeoisie ».
Thorez ne manquera pas l’occasion de relever ce qu’il considère à juste titre comme une « erreur »:
Il faut considérer cette formule comme une révision des thèses de la XIe assemblée plénière [du CE de l’IC]. C’est le parti socialiste dans son ensemble qui est le soutien social de la bourgeoisie. La distinction nécessaire entre les chefs et les ouvriers socialistes ne doit pas nous faire perdre de vue que tout le Parti socialiste est l’instrument du Capital, dont nous devons liquider l’influence sur la classe ouvrière. Autrement on aboutit à cette opinion que le parti socialiste est un parti ouvrier dévoyé seulement par de « mauvais » chefs, mais qui ne se différencie pas foncièrement du nôtre, alors que tout notre effort tend à prouver aux masses que rien ne peut nous être commun avec le parti socialiste. Autrement on aboutit aux conceptions de front unique par le sommet, entre organisations que séparent seulement des divergences secondaires de méthodes, alors que notre tactique de front uni à la base même, en nous adressant directement aux ouvriers socialistes, vise à la mobilisation et à l’organisation des masses ouvrières contre la bourgeoisie et contre le parti socialiste.
Disons tout de suite qu’à ces élections de 1932 le Parti va perdre 300 000 voix.
*
On a vu que c’est petit-à-petit que les différents éléments de la bolchévisation se sont mis en place. Avec cette accélération alors que les autres composantes de la bolchévisation sont loin d’être mises en pratique dans les différents partis.
Mais l’imminence de la guerre, c’est l’analyse de Boukharine au VIe Congrès, implique que les partis communistes soient capables de ne pas se laisser entraîner dans une politique de Défense nationale. Qu’ils soient les alliés de classe de l’URSS si celle-ci est attaquée.
Avant que la guerre n’éclate, la bolchévisation la plus achevée possible donnerait au Parti et à ses militants la capacité d’affronter les situations les plus difficiles, les plus inattendues.
1928 LE VIe CONGRES DE L’IC – La défense de la patrie socialiste
Boukharine, secrétaire de la IIIe Internationale, dans son discours de conclusion:
Nous avons noté de grands changements à la situation mondiale et dans de nombreuses directions. Mais où donc se trouve l’axe de toute la situation mondiale, où est la clef de notre tactique? Dans mon rapport j’ai répondu à cette question de façon claire et précise: l’axe de toute la situation est le problème de la guerre. La menace de guerre, tel est le point central de la situation. À mon avis, la menace de guerre est l’indice le plus caractéristique de la période en cours dans son ensemble [68].
La défense de l’URSS en cas d’attaque de l’impérialisme, la lutte dans chaque pays, avant le déclenchement de la guerre, contre les visées de l’impérialisme, la dénonciation du « pacifisme » de la social-démocratie, le travail des communistes dans l’armée de la bourgeoisie, la transformation révolutionnaire de la guerre, voilà autant de thèmes abordés dans les thèses du VIe Congrès de l’IC.
Cette mise en avant du péril de guerre, la guerre est imminente selon Boukharine ‑ membre également, il faut le souligner, du BP du Parti bolchévik ‑, va déchaîner une campagne de presse internationale de la part de la social-démocratie. Et elle s’appuiera par exemple sur cet extrait du discours de Boukharine:
Camarades, l’Internationale Communiste est née de la guerre. […] Si la bourgeoisie déchaîne la guerre, le prolétariat conquerra finalement le monde. Ce n’est nullement un point de vue pessimiste [69].
Les social-démocrates vont retourner la formule: pour conquérir le monde les communistes veulent la guerre.
Boukharine n’est qu’un prétexte. En mai 1927 on pouvait lire dans un Appel de la IIe Internationale, cité par un délégué allemand au VIe Congrès de l’IC [70]:
La dictature, quelle que soit sa forme, quelle que soit sa couleur, est un danger de guerre constant. Le fascisme avec son armée noire et le bolchévisme avec son armée rouge se rencontrent avec les puissances de l’impérialisme capitaliste pour dresser de nouveau les peuples les uns contre les autres.
Pour les communistes, le problème qui se pose est bien entendu différent! Que devrait faire l’Union soviétique dans la perspective d’une guerre inter-impérialiste.
Il faut revenir au IVe Congrès de l’IC, à une déclaration de Boukharine (séance du 18 novembre 1922. Rapport sur la question du programme). Boukharine commence par déclarer que l’existence d’une dictature prolétarienne, d’un État prolétarien, pose de façon différente la question de la défense nationale. Comme cette existence a posé de façon différente la question des emprunts à un pays capitaliste. À propos de ce dernier point Boukharine parle du « volte-face de principe qui peut devenir nécessaire dès que surgit un État prolétarien [71]« .
La vraie question est celle-ci: les États prolétariens « se conformant à la stratégie de l’ensemble du prolétariat » peuvent-ils ou non faire bloc militaire avec des États bourgeois?
Et j’affirme que nous sommes déjà assez grands pour pouvoir conclure une alliance militaire avec tel ou tel gouvernement bourgeois afin de pouvoir, avec l’aide des États bourgeois, renverser une autre bourgeoisie. Vous pouvez facilement vous figurer ce qui arrivera plus tard, après un changement dans le rapport des forces en présence. C’est là une question de pure opportunité stratégique et tactique. Elle doit être clairement posée dans le programme.
À supposer qu’une alliance militaire ait été conclue avec un État bourgeois, le devoir des camarades de chaque pays consiste à contribuer à la victoire du bloc des deux alliés.
[…]
Un autre point de tactique à mentionner est le droit à l’intervention rouge. À mon avis, c’est la pierre de touche de tous les partis communistes. Tout le monde parle de « militarisme rouge ». Il faut que nous affirmions dans notre programme le droit de tout État prolétarien à l’intervention rouge [72].
Dans une lettre à Souvarine ‑ ce dernier l’a attaqué ‑ Boukharine, après avoir affirmé qu’il ne s’agissait que d’une opinion personnelle, nuance son propos:
La Révolution sociale, en Europe et dans le monde, durera de longues années et mettra des décades [sic] à s’achever. Pendant ce laps de temps, bien des États prolétariens pourront se trouver dans la nécessité de conclure des accords temporaires avec des États bourgeois opprimés ou à demi opprimés, avec des États faibles ou menacés contre des États puissants et menaçants. Chacun de ces accords doit être mûrement réfléchi, pesé, apprécié. […] Les accords de cette sorte doivent être soumis à une contre-épreuve non du point de vue des intérêts d’un État prolétarien isolé, grossièrement et en réalité faussement compris, mais de celui du mouvement prolétarien mondial dans son ensemble. L’IC est l’organe d’un tel contrôle international [73].
En juin 1923 Boukharine revient sur la question au CE élargi de l’IC, dans son rapport sur l’état des travaux de l’élaboration du programme de l’IC [74].
J’arrive maintenant à trois autres questions qui se tiennent de près et sont fort délicates: celle de l´ »impérialisme rouge », de la possibilité d’alliances entre les États prolétariens et bourgeois, du capitalisme ouvrier et de l’impérialisme ouvrier. Ces questions doivent être élucidées dans la partie générale de notre programme. […]. Des guerres peuvent se produire entre États capitalistes; les bourgeoisies vaincues peuvent avoir à soutenir des guerres de libération nationale; les peuples coloniaux peuvent se lever; les prolétaires et les paysans peuvent s’insurger contre leurs oppresseurs. La question du secours des États prolétariens existants au prolétariat révolutionnaire des autres États ne restera théorique que dans l’avenir le plus rapproché et ne le restera pas longtemps, […].
Le problème des alliances entre États prolétariens et États bourgeois doit aussi être examiné. La Russie des Soviets a soutenu la Turquie à Lausanne, sans qu’aucun parti communiste le lui ait reproché. En Chine, nous soutenons Sun Yat-sen quoique son gouvernement ne soit pas prolétarien mais révolutionnaire-bourgeois. Ces exemples nous font entrevoir des combinaisons possibles. à considérer du point de vue de la stratégie des États prolétariens.
Au Comité central de février 1929 un affrontement entre Doriot et Thorez pose déjà les problèmes qui ne vont cesser de se développer dans les années qui viennent et provoquer exclusions et démissions dans le Parti [75].
Doriot relève cette phrase, qu’il trouve peu claire, du Rapport de Thorez:
« En cas de guerre entre les impérialistes, l’URSS ne peut pas rester neutre, sans cela elle ne serait qu’un instrument de “paix” à la façon dont le pensait Kautsky avant la guerre. »
Je pense que cette formule a besoin de précision. Parce qu’ici il y a une espèce de confusion entre l’URSS en tant qu’État prolétarien et l’Internationale communiste, en tant qu’organe de lutte du prolétariat du monde entier.
Doriot ne veut pas faire de « distinction » entre le gouvernement soviétique et le CE de l’IC, mais il veut souligner le rôle « important, primordial, fondamental que l’IC joue et jouera dans une guerre ».
Sur l’éventualité que l’URSS « se mette d’un côté ou de l’autre d’un groupe d’impérialistes », Doriot est d’accord. Mais c’est « une possibilité théorique ». L’URSS peut aussi participer sous la forme d’une aide au prolétariat international.
Également: « L’URSS peut rester neutre entre deux groupes d’impérialistes belligérants. »
Intervention des « camarades de la jeunesse »: « Ce n’est pas vrai. L’URSS ne peut pas rester neutre, elle est contre les deux groupes impérialistes à la fois. «
Alors, dit Doriot: « Est-ce que cela signifie qu’elle va mener une offensive militaire contre les deux impérialistes? »
Doriot rappelle que le BP, unanime, a transformé la formule « imminence de la guerre » par l’affirmation « que toutes les conditions objectives pour l’explosion d’une prochaine guerre sont déjà réalisées, aussi bien pour une guerre interimpérialiste que pour une guerre contre l’URSS ».
Réponse de Thorez, qui conteste la formulation que lui prête Doriot.
Le problème posé c’est celui-ci: on ne peut pas s’imaginer, étant donné la nature de classe de l’État prolétarien, une guerre se déroulant entre les impérialistes et laissant insensible le prolétariat russe et son État.
La formule qu’on peut lire dans le document écrit, développement de mon rapport au nom du BP, est la suivante:
« Car, à moins d’être un social-démocrate et de méconnaître la nature de classe de l’État prolétarien, on ne peut imaginer une “neutralité” du prolétariat de l’URSS dans le moment où s’exacerbe, avec la guerre impérialiste, la lutte de classes dans les pays capitalistes, où s’accumulent les facteurs de révolution, où s’impose selon le mot d’ordre de Lénine, “la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile” [76].
Thorez réfute le « distinguo » avancé par Doriot entre l’État prolétarien et l’IC. L’IC jouera le rôle actif? « Bien, mais dans l’IC il y a le Parti communiste de l‘URSS. » On ne peut pas séparer l’IC et sa « forteresse, l’État prolétarien ».
Doriot a rappelé la position de Boukharine au IVe Congrès de l’IC. Pour Thorez ce rappel n’est pas juste:
Au moment même du IVe Congrès, le problème posé n’a pas été le problème d’un compromis monstrueux, parce que ce serait un compromis monstrueux qu’une telle alliance de l’État prolétarien avec un impérialisme contre un autre impérialisme.
La question primordiale posée par ces quelques échanges est de fait celle des rapports entre l’IC, le Parti bolchévik qui en est bien sûr membre influent ‑ mais dans quelle mesure ‑ et la sauvegarde de l’URSS en tant que premier État de dictature du prolétariat, base arrière idéologique et matérielle du prolétariat mondial.
Les adversaires du communisme ‑ c’est exprès que l’on prend ici le mot dans un sens large ‑ n’ont pas manqué dès 1920 d’attaquer la IIIe Internationale comme agent du pouvoir soviétique, soumise aux intérêts d’État de la Russie, puis de l’URSS.
On peut prendre la question par un autre bout. En 1922 une Résolution sur la question russe à l’Exécutif élargi de l’IC, résolution qui repoussait la plainte de l’Opposition ouvrière contre la majorité du Parti russe, pouvait contenir ce paragraphe:
Tout préjudice causé au PCR est considéré par la Conférence comme également causé à la Russie soviétiste et à la révolution mondiale.
Résolution adoptée à la majorité moins quatre abstentions [77].
Très vite les exclus, démissionnaires des différents partis communistes en viendront à se mettre sur les positions de la bourgeoisie et de la social-démocratie internationale quant à la sujétion de l’IC, donc des partis qui en sont membres, aux intérêts d’État de l’URSS. Une thèse qui provoquera maintes tensions dans les partis et qui se perpétue toujours dans l’historiographie bourgeoise, trotskyste, révisionniste de tout bord.
FASCISME ET SOCIAL-FASCISME
1. Le Ve Congrès de l’IC et le fascisme
On ne s’occupera pas principalement des définitions successives du fascisme faites par l’Internationale ou son parti français. Mais plutôt de ce que le fascisme induit dans la tactique. En tenant bien entendu compte des différentes époques. Celle du fascisme italien et à l’époque que nous considérons de la montée en puissance du national-socialisme allemand.
Jusqu’à l’émergence du national-socialisme, le fascisme est considéré généralement, sauf par les communistes, attentifs également à la situation en Allemagne, comme un phénomène spécifiquement italien. Et qui suscite de nombreuses sympathies en France et au niveau international, notamment aux États‑Unis. Il est vrai que l’un des deux principaux thèmes de propagande de Mussolini est la lutte contre le bolchévisme, l’URSS. C’est un exemple pour la bourgeoisie française, pour l’Armée, l’Église. Il y aura certes des tensions entre les gouvernements des deux pays, mais elles n’auront jamais comme base la nature du régime fasciste. Mieux, il y aura collaboration pour réprimer les ouvriers communistes italiens en France, réfugiés politiques ou immigrés, dont des centaines seront expulsés. S’il y a tensions, elles seront causées par l’impérialisme italien et ses revendications sur Nice, la Tunisie, etc.
Il faut noter à ce propos que des responsables communistes français ont évoqué dans l’éventualité d’une guerre entre la France et l’Italie fasciste la possibilité d’en revenir à la Défense nationale.
Le Ve Congrès de l’Internationale communiste, qui se tient à Moscou du 17 juin au 8 juillet 1924 adoptera une Résolution « Sur le fascisme » [78]. Deux séances ont été consacrées à la question, en dehors de la discussion générale.
La première a comme support le Rapport présenté par l’italien Bordiga qui, contre Togliatti deviendra un dirigeant de l’ultra-gauche. Selon lui, le fascisme n’est « qu’un changement de personnel dirigeant de la classe bourgeoise » [79]. Quant aux poursuites contre les communistes ‑ nous sommes en 1924 ‑ « elles se sont exercées dans le cadre des anciennes lois judiciaires. Il n’y a pas eu de lois judiciaires exceptionnelles. » Pour Bordiga le fascisme est peu assuré. Le Parti doit souligner « son rôle autonome » dans la lutte contre le fascisme. « Il doit adopter le mot d’ordre de la liquidation de toutes les oppositions antifascistes et leur remplacement par une action ouverte et directe du mouvement communiste. »
Le danger de fascisme en Allemagne? « […] évidemment un fascisme peut se développer mais sous une autre forme, avec un autre contenu plutôt petit bourgeois et sans alliance complète avec la grande bourgeoisie. » Les faits démentiront cette analyse.
Le délégué allemand Freimuth qui intervient, lors de la seconde séance, sur le « fascisme allemand » s’oppose aux thèses présentées:
Le fascisme n’est pas la petite bourgeoisie essayant de faire une politique indépendante, comme le dit le rapport imprimé. C’est vrai jusqu’à un certain point, mais ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel du fascisme, c’est la forme de lutte que la bourgeoisie s’est créée pour abattre la révolution, pour assurer l‘existence de la société capitaliste [80].
Définition donnée par la Résolution:
Le fascisme est l’instrument de combat de la grande bourgeoisie contre le prolétariat, que les instruments légaux de l’État ont été insuffisants à terrasser: il est l’arme extra-légale de la grande bourgeoisie pour établir et consolider sa dictature. Mais, par sa structure sociale, le fascisme est un mouvement petit-bourgeois. Il a ses racines dans les classes moyennes vouées à la disparition par la crise du capitalisme, ainsi que dans les éléments déclassés de l’après-guerre (anciens officiers, etc.) et en partie même dans les éléments du prolétariat déçus dans leurs espoirs révolutionnaires.
[…]
Le fascisme et la social-démocratie sont les deux côtés d’un seul et même instrument de la dictature du grand capitalisme. Voilà pourquoi la social-démocratie ne pourra jamais être une alliée sûre du prolétariat dans la lutte contre le fascisme [81].
Les mesures envisagées pour lutter contre le fascisme sont concrètes et musclées: organisation de la défense armée, désarmement des fascistes, contre-manifestations ouvrières sous protection année, contre les actes terroristes des fascistes, grève générale, terreur ouvrière, représailles, expulsion des fascistes des usines.
2. Menaces fascistes en France – 1924
Pour répondre à la reconnaissance de l’URSS par le gouvernement du radical-socialiste Édouard Herriot le 29 octobre 1924 se crée, dès le 6 novembre un nouveau parti, la Ligue républicaine nationale. Au banquet de Luna-Park, le 16 décembre, Alexandre Millerand termine ainsi son discours-programme: « Debout pour barrer la route à la dictature d’en bas. »
Dans une publication du PCF la LRN sera qualifiée d’organisation fasciste « malgré son attachement d’apparence à la République démocratique ». Elle « prépare, non pas des fascistes actifs, mais une foule de gens qui, dans la petite-bourgeoisie et les classes moyennes, verraient d’un bon oeil les fascistes s’emparer du pouvoir » [82].
Une vague d’anti–communisme va se développer ce même mois de novembre 1924, à l’occasion du transfert des cendres de Jaurès au Panthéon le 23. Plus de 200 000 personnes, en majorité des ouvriers et des travailleurs, ont suivi dans le cortège le PCF et les JC.
Dans les jours qui suivent création des Jeunesses Patriotes par Pierre Taittinger qui se placent sous le patronage de la Ligue des patriotes du général de Castelnau, dont elles se sépareront peu de temps après [83]. L’Echo de Paris et la Liberté assureront leur « publicité ». Création également des premiers groupes en province qui donneront naissance à la Fédération nationale catholique (général de Castelnau).
On agite la menace d’une prétendue « Révolution de Noël ». Fuite des capitaux à l’étranger et échec de l’emprunt d’État (un milliard au lieu des 5 escomptés). C’est ainsi que la haute bourgeoisie elle-même va être conduite à protester contre l’exagération du péril communiste et l’affolement artificiel de l’opinion publique.
Dans un article des Cahiers du Bolchévisme du 12 décembre 1924 intitulé « Sur nos mots d’ordre », Gabriel Péri écrit réfutant le dirigeant socialiste Renaudel qui veut « prendre l’argent là où il est »:
Il nous faut opposer à chaque mot d’ordre social-fasciste un programme d’action prolétarien [84].
Il faut bien sûr noter le concept de social-fasciste en 1924 dans cette phrase. Il faut également souligner le rejet du mot d’ordre social-démocrate. En effet que signifie « prendre l’argent là où il est ». On en arrivera peu à peu à ce mot d‘ordre vide de sens: « Faire payer les riches. » Qui ne met pas en cause l’existence des « riches ».
Mais, précisément parce que le parlementarisme n’est plus la forme principale de la bataille des classes, le Parti communiste doit posséder une stratégie et une tactique, c‘est-à-dire la science de la direction de la lutte révolutionnaire du prolétariat. Il ne lui suffit pas de dénoncer l’hypocrisie du social–fascisme, il doit la démontrer pratiquement [85].
À propos du succès du fascisme en Italie:
Il manquait au prolétariat de la péninsule, dans le Parlement et hors du Parlement, un Parti communiste pour réclamer contre les corrupteurs el les corrompus, non point une commission d‘enquête de classe, mais un Tribunal révolutionnaire [86].
En France, il faut en même temps animer des Comités d’usines et constituer des centuries prolétariennes.
Un parti qui oublierait la lutte militaire ne compterait pas une minute dans la bataille de classe, il irait à l’écrasement, à la défaite [87].
La situation est « préfasciste ». Les grandes organisations patronales expriment « mieux que l’Église ou la haute armée [...] toute la brutalité de la dictature capitaliste » [88]. C’est par la jonction entre les Ligues et ces organisations que le fascisme, de mythe, pourrait devenir réalité.
Comme une réponse à Gabriel Péri et dans le climat d’hystérie anti-communiste, le 21 décembre 1924 Renaudel (aile droite de la SFIO), dans le Quotidien, déclare que les communistes sont des ennemis publics et demande la dispersion de cette « faction ». De Gaulle n’a rien inventé quand il parlera en 1947 des « factieux »!
En décembre 1924 toujours, Louis Sellier, secrétaire général du Parti de janvier 1923 à août 1924), membre du BP (1924 – octobre 1928) et du CE de l’IC (février 1922 – juillet 1924), rédige un « Projet de Thèses sur la situation nationale[89]« . Une section est intitulée « Fascisme ou social-fascisme »:
Nous n’allons pas au fascisme; nous y sommes. La Ligue Millerand-Maginot–François–Poncet, la ligue catholique du général de Castelnau, les ligues civiques du général Balfourier, les unions chauvines d’anciens combattants de Binet-Valmer, la ligue royaliste d‘Action Française, ont sonné le ralliement de leurs troupes.
[…]
La seule hésitation de la bourgeoisie dirigeante joue présentement entre l‘option pour le fascisme ou le social–fascisme.
Ce qu’il faut faire pour lutter contre le fascisme?
Il faut inviter les artisans, les petits commerçants, les petits porteurs de titres français et étrangers, les petits rentiers, les petits retraités, les nombreux éléments non fortunés des classes moyennes à prendre, dans le bloc antifasciste, la place commandée par leur intérêt indéniable.
Une thèse importante est également présentée par Louis Sellier. Qui sera reprise et enrichie au fil des années, notamment par Maurice Thorez dès le Ve Congrès du Parti.
C’est sous le titre « La France à l’encan » que Sellier la présente:
[...] notre bourgeoisie dirigeante va céder officiellement, par pièces et par morceaux, aux capitalistes étrangers, un outillage et des sources de richesses que le prolétariat de la ville et des champs est en droit de considérer comme un patrimoine commun de la masse travailleuse [90].
Mais que signifie défendre ce patrimoine dans le cadre du système capitaliste français… De fait en renforçant les capitalistes renforcer le système au nom d‘un « patrimoine » rêvé, dont on n‘héritera jamais. Ce « patrimoine », il faut l’arracher des mains de la bourgeoisie.
Où Bordiga veut exclure toutes les forces antifascistes et ne dresser que le seul parti communiste, la préoccupation du PCF, en 1924, est la constitution d’un bloc. Ce qui sera également la position de Doriot et lui vaudra son exclusion en juin 1934. On verra cela plus en détail.
3. Le PCF et les classes moyennes
Les rapports du PCF avec les classes moyennes se posent ainsi très tôt. Sous un double aspect:
– la propagande directe
– des accords avec les partis qui représentent ces couches moyennes, qu’ils se présentent comme attachés à la forme républicaine, en référence à la Révolution française ou encore démocrates.
Une bonne définition du démocrate, toujours actuelle, a été donnée par Marx:
Le démocrate, parce qu’il représente la petite-bourgeoisie, par conséquent une classe intermédiaire, au sein de laquelle s’émoussent les intérêts des deux classes opposées, s’imagine être au-dessus des antagonismes de classe. (18e Brumaire.)
À ses propres yeux il est donc le meilleur défenseur de l’intérêt national.
Pour dépasser la société bourgeoise qui l’opprime, la petite-bourgeoisie rêve un autre monde sur terre. Son anticipation ne repose que sur la probabilité ‑ impossible ‑ d’une régression/dépassement du capitalisme.
Le courant favorable aux rapports avec les classes moyennes s’exprime, avec plus ou moins de réserves, comme en témoigne par exemple Michel Marty dans un article des Cahiers du Bolchévisme du 1er juillet 1925, « Communisme et classe moyenne »:
Noyautons donc la petite bourgeoisie, faisons d‘elle une alliée, pour ne pas l’avoir comme ennemie, mais prenons garde à ne pas nous laisser embourgeoiser; l’esprit petit-bourgeois a toujours des renaissances en chacun de nous. Ne tombons pas dans l’opportunisme social-démocrate électoraliste dont certains camarades n’ont pas été exempts lors des dernières élections municipales [91].
Pierre Semard, Secrétaire Général du PCF, aborde la question au Ve Congrès du Parti en juin 1926, dans son Rapport. Il a le mérite de faire une distinction nette entre le Front unique et des alliances temporaires avec « tous les éléments susceptibles d’être dressés contre la bourgeoisie et contre le fascisme ».
Dans la situation présente, à la suite de la poussée de gauche qui s’est effectuée dans les masses du Cartel, à la suite des difficultés d’ordre financier, à la suite de l’appauvrissement des classes moyennes et de la petite bourgeoisie, à la suite des protestations qui s’élèvent, maintenant, dans les rangs de la paysannerie et des classes moyennes, il faut que notre tactique de front unique soit employée à plein, il faut que, lorsque nous en avons la possibilité, nous réunissions tous les éléments susceptibles d’être dressés contre la bourgeoisie et contre le fascisme.
Il ne s’agit pas là d’une confusion des partis et des programmes dans le front unique: il s’agit d’une organisation du front unique et des alliances temporaires.
Le front unique prolétarien, c’est l’ensemble des ouvriers groupés pour la bataille commune contre le patronat.
Les alliances temporaires, c’est l’organisation des classes moyennes : petits artisans, petits commerçants, paysans, petits bourgeois. Nous en avons fait l’expérience chez les petits commerçants, nous en avons déjà rassemblés et groupés dans des organisations que nous influençons.
Nous avons réussi à réaliser une alliance temporaire avec les classes moyennes, nous avons groupé celles-ci pour un but commun déterminé, et il n’est pas exclu que cette alliance temporaire établisse sa liaison pour une même campagne, avec l’ensemble du prolétariat groupé dans le front unique. […].
Une chose est ce front unique prolétarien et autre chose est l’alliance temporaire que l’on peut réaliser pour une lutte commune contre la réaction, le fascisme et la grande bourgeoisie [92].
On voit que Semard insiste beaucoup sur la notion de temporaire. La Commission des classes moyennes met en avant, dans la Résolution qu’elle présente, et qui sera adoptée, des conceptions quasiment réformistes:
Considérant le processus de paupérisation des classes moyennes, le congrès admet comme perspective toute une période de solidarité avec le prolétariat.
Les alliances de différentes natures qui en résulteront n’ont donc point un caractère spécifiquement occasionnel, mais laissent prévoir des possibilités de lier la défense de divers intérêts des classes moyennes à la lutte ouvrière.
C’est donc pour le parti communiste la possibilité dès à présent (qu’il y ait continuation de la période d’inflation en pente douce ou qu’il y ait stabilisation monétaire), de mettre à profit cette perspective de solidarités multiples entre les intérêts immédiats du prolétariat et des classes moyennes, pour rendre ces classes moyennes expérimentalement conscientes, à l’issue de luttes communes avec les ouvriers, d’une solidarité historique plus étendue sur le terrain de la lutte révolutionnaire [93].
Il y a beaucoup à dire sur cette « solidarité » et ces intérêts communs! Ils ne sont effectivement que temporaires comme le souligne Lénine en parlant des renversements d’alliances au cours du processus de la Révolution.
On peut lire dans la Thèse sur la situation nationale et les tâches générales du Parti adoptée à ce Ve Congrès du PCF [94]:
Entre les deux pôles sociaux antagonistes, se trouvent les classes moyennes, autrefois force essentielle et garantie de la fiction démocratique. L’inflation, la vie chère, les impôts, la débâcle des valeurs à revenus fixes les ont peu à peu appauvries partiellement et prolétarisées (85 % de perte de la fortune mobilière des rentiers). Tandis que le développement des trusts dépouille un assez grand nombre de moyens et petits commerçants et industriels de leurs moyens d’existence, une nouvelle couche petite bourgeoise s’accroît parallèlement au développement de l’industrie. Ce sont les auxiliaires du grand patronat dans l’oeuvre de la production (ingénieurs, courtiers, contremaîtres, etc.). Ils ont, dans leur majorité, contrairement aux vieilles classes moyennes démocratiques, une mentalité profasciste.
[…]
Le discrédit du Parlement impuissant, la violation de la majorité électorale de 1924, les difficultés des vieux partis de la grande bourgeoisie à s’adapter à la transformation de l’économie française, les crises politiques et financières successives et le renforcement du prolétariat ont donné naissance au fascisme. Ce dernier a ses cadres, ses organisations qui se divisent le travail, sa politique démagogique et il cherche à recruter des troupes parmi les victimes de l’évolution capitaliste et les désappointés de la démocratie. Il est décidé à résoudre la crise nationale dans le sens d’une dictature ouverte de la grande bourgeoisie. C’est un danger grave dont il faut prévoir le développement rapide à mesure que la situation économique et politique deviendra plus aiguë, et contre lequel nous devons lutter vigoureusement.
Ce qu’il faut souligner dans ce texte c’est la confiance exprimée aux vieilles classes moyennes qualifiées de démocratiques. Politiquement où sont‑elles? Ce sont les électeurs radicaux-socialistes, laïques et attachés à la Grande Révolution française de 1789. Ce sont, toujours plus nombreux, les électeurs du Parti socialiste qui est en train de subir une transformation de sa base sociale.
Le programme contre le fascisme est ainsi résumé, ce qui est peu:
Dissolution des ligues fascistes. Défense des revendications des anciens combattants et des classes moyennes. Organisation de la classe ouvrière [95].
4. Le rôle de la Social-Démocratie
Le rôle de la social-démocratie, de 1918 à 1932, dans les différents pays européens, mériterait une étude particulière. Comme le rôle de l’Internationale socialiste.
Il faut citer ici un texte remarquable, qui a été publié dans une feuille confidentielle, celle de l’Union industrielle allemande [96], en 1932, sous ce titre: La reconsolidation sociale du capitalisme.
De fait l’analyse faite par les capitalistes allemands n’est pas limitative aux seules frontières de l’Allemagne. Replaçons cependant ce texte dans son contexte.
Après la réélection d’Hindenburg comme président du Reich en avril 1932, obtenue grâce aux voix social-démocrates (« Celui qui vote pour Hindenburg vote contre Hitler ») et la chute du chancelier Brüning en mai, Papen et Schleicher arrivent au gouvernement. En juillet, coup de force en Prusse contre les ministres social-démocrates qui n’offrent aucune résistance. Les appels à la grève générale du KPD sont repoussés par les socialistes qui dénoncent les communistes comme provocateurs. Deuxième succès électoral du Parti national-socialiste en août (13 millions et demi de voix, 225 mandats). Pour la première fois on parle de Hitler comme Chancelier. Hindenburg hésitera jusqu’en janvier 1933.
Voici un extrait du texte en question [97]:
Le problème de la consolidation du régime bourgeois dans l’Allemagne d’après-guerre est en général déterminé par le fait que la bourgeoisie dirigeante, c’est-à-dire à la tête du système économique, est devenue trop étroite pour porter seule le poids du pouvoir. Si elle ne veut pas se fier à l’arme très dangereuse d’un pouvoir militaire, elle a besoin de s’attacher des couches qui socialement n’ont rien de commun avec elle, mais qui lui rendent l’énorme service d’asseoir sa domination dans le peuple et ainsi d’être en fait le véritable détenteur du pouvoir. Ce détenteur de la puissance bourgeoise dans la première période de l’après-guerre était la social-démocratie. […].
Pour cette tâche, la social-démocratie possédait une qualité qui manque, du moins jusqu’à présent, au national-socialisme [...] Grâce à son caractère social en tant que parti ouvrier à l’origine, la social-démocratie apporta au système de consolidation d’alors, en plus de sa force d’impulsion politique, l’appui précieux et constant du mouvement ouvrier organisé qu’il enchaîna à l’État bourgeois en paralysant ses énergies révolutionnaires [...]
Pendant la première période de consolidation du régime bourgeois après la guerre la scission du mouvement ouvrier reposait sur quelques avantages acquis sur le terrain social et matériel. La social-démocratie avait ainsi monnayé la vague révolutionnaire.
Une couche d’ouvriers ayant du travail et solidement organisés était de ce fait favorisée par rapport à la masse fluctuante des chômeurs et des catégories inférieures de travailleurs. Elle était relativement protégée contre les effets du chômage et de la situation critique de l’économie. C’est à peu près ainsi que se détermine au point de vue économique la frontière politique entre la social-démocratie et le communisme.
Cette opération de « monnayage » de la révolution accomplie par la social-démocratie coïncidait avec le déplacement de la lutte des entreprises et de la rue au Parlement, dans les ministères et les chancelleries. La lutte par « en bas » se transforme en sécurité « par en haut ». La social-démocratie et la bureaucratie syndicale et avec elles la totalité des ouvriers qu’elles entraînaient étaient ainsi rivés à l’État bourgeois et à la participation au pouvoir. Cela dura aussi longtemps qu’il fut possible de défendre de cette manière le moindre avantage et que les ouvriers suivirent leurs chefs.
Il faut retenir de cette analyse quatre points importants:
1° La politique du moindre mal n’est pas une tactique, mais la substance politique même de la social-démocratie;
2° Le rattachement de la bureaucratie syndicale à la légalité « par en haut » est plus pressant que le rattachement au marxisme, donc à la social-démocratie; et cela vaut pour chaque État bourgeois qui veut utiliser ses services;
3° Le rattachement de la bureaucratie à la social-démocratie dure aussi longtemps que le parlementarisme;
4° Une constitution sociale et politique libérale du capitalisme monopolisateur nécessite l’existence d’un mécanisme de partage automatique des ouvriers. Un régime bourgeois qui tient à une telle constitution ne doit pas seulement être parlementaire, mais il doit s’appuyer sur la social-démocratie et lui laisser des avantages suffisants. Un régime bourgeois qui anéantit ces avantages doit sacrifier la social-démocratie et le parlementarisme, doit se créer un équivalent de la social-démocratie et transformer sa constitution sociale. La crise économique ayant anéanti obligatoirement ces avantages, rend périlleuse à l’extrême cette transformation. En effet, avec la disparition de ces avantages, le mécanisme de séparation des ouvriers a cessé de fonctionner, et par conséquent ceux-ci glissent vers le communisme. La puissance bourgeoise approche de la limite où elle se voit obligée de recourir à la dictature militaire […] Elle ne pourra éviter ce précipice que si la division des ouvriers et leur attachement à l’État bourgeois est possible d’une manière différente et directe. C’est ici qu’interviennent les possibilités positives et les tâches du national-socialisme.
Si les nationaux-socialistes réussissaient à incorporer les syndicats dans une constitution sociale liée, comme la social-démocratie a réussi à le faire dans une constitution sociale libérale, le national-socialisme détiendrait une fonction indispensable à la puissance bourgeoise future et trouverait nécessairement sa place organique dans le corps social et étatique. Le danger d’un capitalisme d’État ou d’un développement socialiste qu’on invoque souvent contre une telle incorporation des syndicats sous la direction des nationaux-socialistes serait au contraire écarté par elle […] En dehors de cette alternative d’une reconsolidation de la puissance bourgeoise ou d’une révolution communiste, il n’existe rien.
5. Le social-fascisme.
On a vu l’apparition de la formule dans un article de Gabriel Péri et dans des Thèses de Sellier en 1924. Au VIe Congrès de l’IC en 1928 on la retrouve dans la discussion générale. Par exemple chez le dirigeant allemand Thälmann. Il la fonde sur la position de la social-démocratie allemande vis-à-vis de l’URSS. Et sur le soutien armé de la social-démocratie au régime bourgeois:
Des troupes de combat du Reichsbanner [98] sont brutalement intervenues au cours de la lutte électorale contre le Front rouge et contre les communistes. Les mêmes faits se sont produits en Pologne lors du Premier Mai [99].
Et il va dénoncer l’intervention d’Albert Thomas au congrès syndical fasciste en Italie (mai 1928).
Thomas qui n’est pas un simple social-démocrate, mais une des personnalités dirigeantes les plus représentatives de la IIe Internationale et de l’Internationale syndicale d’Amsterdam, qui en sa qualité de social-démocrate, occupe le poste de Président du Bureau international du Travail, déclara que l’Italie fasciste « est le pionnier de la justice pour tous les ouvriers », que « le gouvernement fasciste garantit aux ouvriers le bienfait des justes réformes » et que les expériences fascistes en Italie « peuvent aussi devenir très utiles pour les autres pays » [100].
M. Thorez esquisse une analyse en quatre points du social-fascisme en 1930:
Il faudra faire une étude spéciale sur le social-fascisme. Dans le cadre de cet article sur le Front unique nous ne donnerons qu’une rapide esquisse.
1° Notre appréciation de la composition sociale du Parti socialiste subsiste intégralement. Il comprend des éléments petits-bourgeois (fonctionnaires, professions libérales, commerçants, paysans), des ouvriers hautement qualifiés (base traditionnelle de l’opportunisme) et de véritables prolétaires.
2° La politique socialiste est déterminée par les éléments petits-bourgeois qui dirigent effectivement le parti socialiste, même où les sections groupent une majorité d’ouvriers. Cette politique recherche et réalise la collaboration socialiste à toutes les entreprises décisives de la bourgeoisie impérialiste.
3° Dans les conditions d’aggravation de la lutte de classe et de fascisation de l’État bourgeois, le Parti socialiste, rouage de la Démocratie capitaliste, subit également un processus de fascisation.
4° La théorie et la pratique du Parti socialiste comportent d’ores et déjà une série d’éléments qui l’identifient à la théorie et à la pratique fascistes. En premier lieu la doctrine de l’intérêt général et de la solidarité des classes qui a fait préconiser l’arbitrage obligatoire et la rationalisation par la social-démocratie, et qui est à la base de la présente loi dite des Assurances sociales; puis la conception du renforcement inconditionné de l’État (de l’État bourgeois) obtenant, suivant Boncour, une collaboration continue, constitutionnelle du syndicalisme et disposant d’une armée de mercenaires (la garde mobile socialiste) contre la classe ouvrière; puis l’exaltation du nationalisme et de l’esprit du front (Boncour). Enfin l’organisation de groupes de choc contre les ouvriers révolutionnaires, dont la tentative de coopération des gardes rouges de Roubaix et de Menin avec la garde mobile pour briser la grève du textile est la dernière et suggestive révélation [101].
Sur la base de ces éléments, que la vie complète et nourrit chaque jour de nouveaux faits, on peut dire et on doit parler de la fascisation de la social-démocratie; on peut et on doit parler de social-fascisme [102].
Il y a évidemment une difficile adéquation entre les appels aux classes moyennes et le devoir de prolétarisation du Parti. Comment vont coexister ces deux aspects? Contradiction en effet dans la mesure où le Parti, malgré l’épuration nécessaire entreprise du fait de la IIIe Internationale, garde en son sein des éléments dont les positions de classe sont peu assurées et, d’autre part qu’il est encore peu implanté en ce début des années 30 dans les grandes entreprises privées. De fait il subit une double pression de l’idéologie petite-bourgeoise, de l’extérieur du Parti et en son sein. On a vu que l’éducation des membres du Parti n’est que tardivement considérée comme une tâche essentielle.
La nécessité d’arracher les classes moyennes à l’attirance (suite à une propagande économique et idéologique) qu’elles peuvent éprouver vis-à-vis du fascisme (sous quelque couleur qu’il se développe en Europe) oblige à les rassurer tout en gardant un discours propre à convaincre les prolétaires et ouvriers.
On va alors leur désigner un ennemi commun: le grand capital. Il faut détruire le « mur de l’argent ». Une formule d’un dirigeant du Parti radical-socialiste! On développera le thème des « 200 familles ». Le mot d’ordre mystificateur sera: « Faire payer les riches! »
Mais comment est entendue cette dénonciation du capitalisme par un petit-commerçant, un petit fonctionnaire, un paysan moyen d’une part, et un ouvrier de chez Citroën d’autre part. Qu’attendent-ils de la lutte que l’on leur demande de mener en commun. Désigner l’adversaire suffit-il à annuler les contradictions d’intérêts immédiats?
Exemple en Allemagne de la campagne national-socialiste « anti-capitaliste » et « xénophobe » contre les grands magasins à capitaux étrangers (on dirait les « grandes surfaces » aujourd’hui), puis atténuation de cette campagne après la prise du pouvoir. Ne jamais oublier le contenu politique des mesures économiques envisagées ou mises en place.
Les fascistes sont également placés devant une contradiction: ils doivent développer un discours anti-capitaliste pour leur clientèle petite-bourgeoise alors qu’ils sont les défenseurs du capitalisme. Discours qui doit également convaincre la fraction la plus large possible de la classe ouvrière.
L’internationalisme communiste implique d’affaiblir, de détruire le capitalisme de son propre pays, c’est-à-dire de compromettre son développement impérialiste.
Le nationalisme fasciste implique d’assurer un libre développement du capitalisme, notamment par la négation de la lutte de classes, pour assurer sa vocation impérialiste.
C’est dans ce contexte qu’il faut examiner la position et le rôle de la social-démocratie. Elle est rassurante parce que non révolutionnaire, gradualiste. Elle peut donc gagner la petite-bourgeoisie en dénonçant les excès du capitalisme, tout en attirant la fraction de la classe ouvrière la plus imprégnée de l’idéologie petite-bourgeoise qui subit également ces excès. Ne visant pas à la destruction du capitalisme, mais à son aménagement, elle a son appui contre le communisme si celui-ci représente un véritable danger. La mise en avant de ce danger, réel ou non, sert bien entendu la social-démocratie.
Encore faut-il pour qu’elle reste crédible que les conditions économiques lui permettent d’assurer un minimum d’avantages aux couches sociales qui lui ont fait confiance. En cas de crise, elle va les décevoir. En effet les concessions accordées par le capitalisme sont peu à peu reprises. C’est le mode de vie et l’espérance de la petite-bourgeoisie qui sont menacés. Dans cette mesure si la crise n’est pas passagère, si la désaffection est prononcée, le capitalisme ne pourra plus se servir d’elle pour assurer l’ordre.
Deux issues se présentent alors: soit le communisme, soit le fascisme. Dans des objectifs diamétralement opposés tous deux ont besoin des classes moyennes et de la classe ouvrière.
Dans la mesure où le fascisme ne menace pas le développement capitaliste, il est « avantagé » par rapport au communisme. Pour déplaisantes que puissent paraître ses méthodes, il rassure le Capital. Sa dictature ouverte saura, en temps voulu, faire taire ceux qui auront cru à son discours anti-capitaliste.
En anticipant un peu il a semblé utile de citer ici un extrait d’une analyse publiée dans les Cahiers du Bolchévisme du 15 décembre 1933 et signée « L. Magyar ». Elle est antérieure donc au Pacte d’Unité entre le PCF et la SFIO (juin 1934) si elle est postérieure à l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Elle reflète les positions de l’Internationale communiste exprimées à son XIIIe Plénum de décembre 1933. Quelques extraits:
‑ [103] :
Le rapport entre le fascisme et le social-fascisme est déterminé par des circonstances concrètes. Le trotskysme contre-révolutionnaire ainsi que les renégats de droite affirment que le fascisme et le social-fascisme sont des choses qui s’excluent mutuellement. Trotsky aussi bien que Thalheimer ont lutté et luttent avec acharnement contre le fait de qualifier la social-démocratie actuelle de « social-fascisme », en y voyant une « exagération », une « calomnie », etc. Ils ne font exprimer ainsi que ceci, à savoir qu’ils font eux-mêmes partie organique du camp social-fasciste. En Bulgarie, les social-fascistes étaient, durant toute la période d’existence de la dictature fasciste, un parti légal. En Hongrie, les social-fascistes ont participé, un certain temps, au gouvernement fasciste, et le Parti social-démocrate et les syndicats réformistes y existent encore maintenant légalement. En Pologne, Pilsudski a instauré sa dictature fasciste avec l’appui ouvert du Parti socialiste polonais. La même chose eut lieu en Roumanie, en Yougoslavie, en Finlande. En Autriche, le social-fascisme et les syndicats réformistes ne s’accommodent pas trop mal de la dictature fasciste du gouvernement Dollfuss. Il s’ensuit que la victoire du fascisme ne doit nullement signifier l’interdiction complète et nécessaire des partis social-fascistes. En Italie, les fascistes interdirent les partis socialistes, liquidèrent les syndicats réformistes après que de nombreux dirigeants socialistes italiens furent entrés dans l’appareil étatique (D’Aragona et d’autres). En Allemagne les fascistes interdirent les syndicats réformistes et le Parti social-démocrate, bien que les social-fascistes aient, par tous les moyens, offert leurs services au fascisme et voté au Reichstag pour le gouvernement Hitler [104]. En Italie et en Allemagne le fascisme interdit les syndicats réformistes tout d’abord pour la raison que les masses ouvrières se convainquaient de plus en plus de la justesse des vues communistes. Dans ces pays industriels hautement développés les syndicats réformistes, malgré leurs chefs social-fascistes, pouvaient devenir un immense champ d’action pour le travail de masse des communistes. Ainsi la politique du fascisme envers le social-fascisme est déterminée par la situation concrète.
Le fascisme et le social-fascisme ont ceci de commun que le fascisme et le social-fascisme sont pour le capitalisme, qu’ils le défendent, ainsi que la dictature de la bourgeoisie. Ils ont encore cela de commun que tous les deux, au moment de la plus grande tension de la lutte révolutionnaire, appliquent les méthodes les plus cruelles de la dictature bourgeoise contre les actions du prolétariat et des travailleurs coloniaux. Mais il va sans dire, qu’il y a une différence entre le fascisme et le social- fascisme. Le fascisme essaie de trouver sa base sociale dans la petite-bourgeoisie des villes et des champs, quoiqu’il s’efforce aussi de pénétrer les rangs ouvriers; le social-fascisme s’appuie, en premier lieu, sur l’aristocratie ouvrière, quoiqu’il essaie aussi d’attirer à ses côtés les masses petites-bourgeoises. En Allemagne et en Italie le fascisme s’est tout d’abord appuyé et s’appuie encore sur la petite-bourgeoisie des villes; en même temps, en fondant ses organisations à la campagne, il s’appuie, en premier lieu, sur le koulak et le propriétaire foncier. Le fascisme se déclare pour une dictature ouverte de la bourgeoisie, quoiqu’il se serve des restes du parlementarisme bourgeois. Le social-fascisme se déclare plutôt pour les méthodes démocratiques de la dictature bourgeoise, quoique ceci n’exclût pas, suppose même l’application de la violence physique ouverte dans les moments d’exacerbation aiguë de la lutte de classes. Le fascisme aspire à avoir le monopole dans l’appareil bourgeois de l’État, quoiqu’il ne recule pas devant les coalitions momentanées avec d’autres partis bourgeois et dans certaines conditions déterminées même devant la coalition avec les partis social-fascistes (Bulgarie, Hongrie). Le social-fascisme aspire à la coalition ouverte ou camouflée avec les partis bourgeois, quoiqu’il ne recule pas devant la formation de gouvernements purement social- démocrates qui en fait servent les intérêts de la bourgeoisie. Ces différences ont un sens politique déterminé et il faut nécessairement en tenir compte.
Le fascisme exprime le plus résolument la tendance au rassemblement des différentes fractions de la classe dominante contre le prolétariat, en opposant par là même les larges masses du prolétariat à toute la classe capitaliste et à son pouvoir étatique.
‑ [105] :
Les social-fascistes allemands et italiens apprécient le fascisme comme une dictature de la petite bourgeoisie. Les austro-marxistes, y compris Bauer, considèrent le pouvoir des nationaux-socialistes comme une dictature de la petite-bourgeoisie. Le gouvernement de Hitler n’a pas tardé à démasquer, par ses actes, ces petites théories social-fascistes. Le bolchévisme apprécie le fascisme comme une dictature du capital financier lequel utilise la petite bourgeoisie, etc. Les expériences de l’Italie, de la Pologne, de l’Allemagne, etc., ont entièrement confirmé la position de l’IC. La position de la IIe Internationale s’infiltre parfois dans les rangs communistes en gagnant des éléments opportunistes et hésitants. La théorie du camarade allemand Herzen, comme quoi le fascisme allemand est une dictature du prolétariat en guenilles (Lumpenproletariat) reflète l’influence des théories social- fascistes. Les renégats du communisme, Brandler et Thalheimer, ont émis la théorie que le fascisme allemand est une variété du bonapartisme. Le trotskysme contre-révolutionnaire a repris, avec certains changements, cette appréciation. Preobrajenski a trouvé que le fascisme crée une nouvelle variété d’État, et par là il reconnaît, en y arrivant par d’autres chemins, l’affirmation des fascistes comme quoi l’État corporatif diffère foncièrement de l’État bourgeois. Des théories opportunistes se sont fait jour comme quoi le fascisme est un système nouveau particulier, un régime nouveau spécial de la société bourgeoise, que le fascisme est une nouvelle époque dans le développement de l’impérialisme; d’autres théories apparaissent sur l’effondrement rapide et automatique de la dictature fasciste. La démagogie sociale des fascistes a été comprise par certains communistes comme une tendance anticapitaliste (le camarade Neumann) et l’avance du fascisme comme un succès des tendances anticapitalistes des masses. Plus encore, se répandirent des idées profondément opportunistes et dangereuses qui considéraient le fascisme comme une étape nécessaire vers la révolution, qui considéraient la victoire du fascisme comme devant nécessairement se produire dans tous les pays décisifs, qui affirmaient que le prolétariat ne peut conquérir le pouvoir qu’en passant par l’enfer de la dictature fasciste. Cette théorie fataliste et opportuniste a trouvé son complément et sa suite dans la théorie que la dictature du prolétariat arrivera automatiquement après la dictature du fascisme. L’Internationale communiste a condamné et rejeté ces théories opportunistes.
‑ [106] :
La formation d’un parti fasciste spécial avant la prise du pouvoir par les fascistes n’est pas une condition sine qua non pour l’instauration de la dictature fasciste.
LE « TOURNANT »
1. La répression et l‘affaiblissement du Parti
Ce que l’on appelle « le tournant » dans l‘histoire du PCF c‘est la reprise en main du parti, sur injonction de l’IC, notamment par Maurice Thorez sorti de prison en avril 1930. « Tournant décisif« , c’est le titre de son article dans l’Humanité du 23 juillet 1931. On peut donner comme date pour cette reprise en main, partielle il faut bien dire, le VIIe Congrès du Parti, en 1932.
On a laissé le Parti en 1928, après sa défaite électorale aux élections législatives.
La nécessité de mettre en place les cellules d‘usines, la création des rayons à la place du découpage électoral en vigueur, les remous provoqués par la condamnation de Trotsky, la tactique Classe contre Classe, le resserrement du Front uni, la condamnation de Boukharine: tout cela sur une période de cinq ans, c’est beaucoup.
Le résultat de ces crises, c‘est la diminution du nombre d’adhérents au Parti, coupé en grande partie du prolétariat et de la classe ouvrière par sa propre conception et le mauvais fonctionnement de la CGTU. La bolchévisation idéologique est restée quasiment lettre morte. On peut trouver mille et une raisons, bonnes et mauvaises à ce rétrécissement.
« Parti passoire » avaient écrit les 250 dans leur Lettre d’octobre 1925. Une étude publiée dans les Cahiers du Bolchévisme estime qu’à l’orée des années 30, des 100 000 membres que comptait le Parti à l’issue de la scission de Tours, il n’en reste plus que 8 000. Si le Parti compte alors 30 000 membres, c’est sans compter bien entendu avec les départs des nouveaux adhérents, ce jeu de va-et-vient qu’a toujours connu le PCF. Et que connaît également la CGTU, traversée également de crises et de luttes entre la fraction communiste, les anarcho-syndicalistes, et les trotskystes. Le chiffre exact des départs et des nouvelles adhésions, du nombre total d’adhérents provisoires, ne peut que difficilement être estimé.
On n’a fait qu’évoquer les retombées de l’élimination de Trotsky du PC(b), qui s’est jouée de 1923 à 1927. Souvarine, Rosmer, Monatte et bien d’autres cadres du Parti ont été exclus pour leur soutien à Trotsky ou bien sont partis d’eux-mêmes. Ce qui est resté dans le Parti, par contre, c’est certaines thèses de Trotsky, notamment celle sur les fractions!
S’il faut compter également le manque de perspective révolutionnaire immédiate, le découragement dans le cadre d’une mauvaise organisation qui laisse les adhérents relativement isolés, il est également un facteur très important qui a joué: la répression patronale et gouvernementale et le manque de riposte de la part du Parti. Et il faut certes être armé idéologiquement et politiquement pour passer outre. Soulignons en passant que cette répression a touché tout à la fois la base et le sommet du Parti. Les effets n’en sont cependant pas les mêmes. Être expulsé quand on est ouvrier étranger, réfugié, ne plus trouver de travail quand on est pointé sur les listes noires des employeurs, pour les soldats et les marins être envoyés dans de véritables bagnes militaires, ou faire quelques mois de prison au régime politique, cela n’a pas le même poids.
Cette répression, au niveau gouvernemental et patronal va se faire de plus en plus systématique dans les années 24‑30. Elle a également une forme financière. Les amendes infligées aux journaux du Parti accompagnent les arrestations et se multiplient. Accepter d’être gérant d’un journal communiste est un acte d’héroïsme!
Les moments les plus tendus? L’occupation de la Ruhr, la guerre du Rif. Et puis à l’occasion des manifestations envisagées par le Parti, généralement interdites et maintenues, lors du Premier Mai. Les coups portés par la bourgeoisie, l’ampleur des moyens mis en oeuvre ‑ on n’hésite pas en région parisienne à sortir les auto-mitrailleuses et les tanks de Satory lors de certaines manifestations interdites, tout cela pèse également sur la décision d’adhérer au Parti communiste, et engage souvent à le quitter pour être réembauché après un licenciement.
De fait il y a un véritable légalisme dans le Parti, donc une incompréhension de ce que signifie être un militant communiste, et des risques que l’on peut courir, même dans un régime républicain, de démocratie bourgeoise.
La violence de certaines manifestations peut également avoir un effet négatif. On prendra un exemple, la manifestation du 23 août 1927 contre l’exécution des militants anarchistes américains Sacco et Vanzetti. Les JC et leurs groupes de combat débordent à un moment les forces de l’ordre, comme on dit. Mais il y aura 211 arrestations, plusieurs centaines de blessés, hommes, femmes, enfants. Il n’y a pas eu protection des manifestants, ce qui était le rôle des groupes de protection. Il n’y a pas une véritable politique d’auto-défense, ne parlons pas d’une politique de riposte.
Suite à la manifestation Sacco et Vanzetti, entre autres, dans le cadre de la préparation d’un Conseil national, se réunit les 28‑29 janvier 1928 une Conférence d’organisation [107] qui lance le mot d’ordre de « résistance active à la répression [108]« . De fait il s’agit de prévention contre les arrestations.
L’impulsion a été donnée par la Lettre ouverte aux militants du Parti [109], issue du CC des 9‑10 novembre 1927, qui, en plus de la mise en avant de la nouvelle ligne « Classe contre classe » contenait une autocritique concernant la position du Parti par rapport à la répression.
Dans les Cahiers du Bolchévisme, n° 86, du 15 décembre 1927, le communiste anglais C. Bennet écrit:
Le CC qualifie courageusement d’erreur politique la vieille tactique qui consistait à se soumettre bénévolement au verdict judiciaire. Le Comité central condamne de la façon la plus sévère cette erreur et déclare que l’ancienne tactique à l’égard des répressions signifiait effectivement la soumission à la légalité capitaliste. […]. De ce fait, la lettre du CC du PCF est un défi courageux à la légalité capitaliste de la France démocratique. Elle contient une renonciation catégorique à toutes les traditions et aux préjugés qui existaient encore dans certaines couches de la classe ouvrière française à l’égard de la justice bourgeoise [110].
Le problème de la lutte contre la répression sera explicité par Roland Dallet le 15 mars 1928 dans les Cahiers du Bolchévisme:
Tout récemment les perquisitions de cellules, méthodiquement poursuivies, ont montré l’État, serviteur du patronat, prêt à employer tous les moyens devant le succès grandissant de notre action dans les entreprises, les casernes et les campagnes.
En face de cette situation qu’avons-nous fait?
Quand on critique notre action contre la répression, il ne suffit pas de parler des fautes commises lors de la reddition volontaire, des erreurs de l’Humanité, il faut aussi faire une vigoureuse critique de nos erreurs et de nos faiblesses d’organisation. […].
Les exemples d’imprudence et de légèreté de nos militants, même les plus sérieux, sont innombrables. Un des plus importants rayons de la région parisienne ne trouve rien de mieux que de laisser bien en évidence sur une table le fichier du rayon. Un beau jour la police perquisitionne et s’empare d’un seul coup de tous les noms et adresses. Qu’on s’étonne ensuite des renvois des usines et des expulsions d’étrangers.
La police perquisitionne nos cellules et les militants désemparés donnent leurs noms, leurs adresses et rentrent tranquillement chez eux interdits de ce qui vient de leur arriver.
Des cellules sont chassées de l’usine sans qu’un seul membre soit épargné, ce qui prouve clair comme le jour qu’un mouchard y est pour quelque chose. Nos Comités assistent à de tels faits sans faire la moindre enquête, sans entreprendre dans l’usine la moindre action. Les mouchards se faufilent dans nos rangs et travaillent en toute tranquillité. Il semble que nos membres en aient pris leur parti.
Il n’est pas exagéré de dire que le Parti est comme abruti par l’habitude de la vie légale, une douce torpeur semble régner à l’égard de la répression. Nos militants ne savent que s’indigner en face des coups de la police et du patron. Une espèce de « crétinisme » provenant de cinquante années d’habitudes « démocratiques » nous empêche d’apprécier exactement la signification et la portée de l’offensive bourgeoise.
Pourtant il est clair que la bourgeoisie est en train de réaliser systématiquement ses premiers travaux de sape et de mine contre notre organisation. Elle veut détruire notre Parti [111].
Il faut dire qu’il y a des pratiques assez singulières dans le Parti français. Thorez pourra dire, lors de la IXe session plénière du Comité Exécutif de IC en février 1928 que « La répression a été le coup de poing à l’estomac pour le Parti, pour les meilleurs militants de notre Parti [112]. » Pour les meilleurs…
Une de ces pratiques de soumission à la légalité bourgeoise, c’est quand « les membres de la direction se rendaient dans les prisons ou se laissaient arrêter si facilement [113]. »
Il y a mieux si l’on peut dire. On donnait à certains camarades du Parti, recherchés par la police, le conseil de se livrer avant le 14 juillet: Il y aura une amnistie!
Quant au statut des députés, il est très particulier. Si leur levée d’immunité parlementaire n’a pas été votée, ils assistent tout naturellement à la session de la Chambre. Et dès que celle-ci est terminée ils plongent dans la clandestinité. Du moins ils essaient.
En tout état de cause l’articulation entre le travail légal et le travail illégal n’est pas réfléchie et assimilée. En 1932 des textes de l’IC essaieront de pallier ‑ encore une fois ‑ cette incompréhension. Ce qui se passe c’est que nombre des dirigeants du Parti n’envisagent la répression que comme une manifestation accessoire de la bourgeoisie. Elle n’est pas envisagée comme une réelle tentative destruction. Pour d’autres, c’est la perspective de la guerre contre l’URSS qui oblige la bourgeoisie « à nettoyer ses arrières ».
2. Le « Groupe »
Au Congrès de Saint-Denis (mars‑avril 1929) le poste de secrétaire général, qu’occupait Pierre Semard, est supprimé au profit d’un « Secrétariat politique responsable collectivement ». Il est composé de Barbé, Celor, Thorez et Frachon.
À signaler que Semard sera élu membre du Bureau politique à ce Congrès (malgré son opposition à la ligne « Classe contre classe », à la dénomination de la social-démocratie comme « social-fascisme », etc.) et à celui de 1932 et 1937.
Dans une Lettre adressée au Parti français à la veille du Congrès par le CE de l’IC sous l’influence de Manouilski, on peut lire ces vives recommandations:
Dans le domaine du renforcement des cadres dirigeants du Parti par de nouveaux éléments révolutionnaires, libres de toutes traditions social-démocrates, nous estimons qu’il est nécessaire de poser de façon pratique la question d’attirer, dans une mesure plus large que jusqu’ici, aux postes dirigeants responsables dans le PC certains militants actifs des JC, étant donné que dans les rangs des JC françaises se sont déjà formés des militants qui dépassent les JC par leur âge et par l’envergure de leur travail.
À l’avenir, il faudra s’occuper à compléter systématiquement les cadres du Parti par des militants des JC [114].
Changement également dans la composition du CC où se retrouvent dirigeants JC: Barbé, Billoux, Celor, Ferrat et Lozeray, et certains de leurs amis.
Opposition de droite et de gauche aux décisions du VIe Congrès de l’IC dans le Parti français, telle était la situation en cette année 1929. Mais les dirigeants des JC ‑ promus contre la droite du Parti français, défendaient-ils la ligne de ce VIe Congrès? Au Plénum de l’Internationale communiste des Jeunes, fin 1929, c’est le même Manouilski qui a placé à la tête du parti français des dirigeants des JC, qui dénonce le danger de gauche dans l’ICJ, et dans nombre de ses sections. Rendant compte de ce Plénum dans les Cahiers du Bolchévisme, le dirigeant des JC François Billoux, qui vient d’être élu au CC du PCF, fait bien une auto-critique collective de l’action des Jeunesses en France (selon lui 7000 membres), mais pour conclure en citant un article de Remmele, membre du CE de l’IC:
En dernière analyse, ce sont toujours les PC qui sont responsables du travail des Fédérations de jeunes de leur pays et la critique sévère à laquelle l’IC a soumis l’ICJ est la critique de l’activité des Partis communistes [115].
De fait les JC influencent le Parti, ou disent qu’ils l’influencent, comme François Billoux au VIe Congrès de l’IC. Ils se considèrent comme une « organisation d’élite », un « noyau de chefs ».
Dans son article F. Billoux écrit:
Nous avons lié la préparation politique de notre Congrès national à celui du Parti. C’est ainsi que notre Comité central de décembre 1928 élabora une longue déclaration politique qui joua un rôle des plus importants dans la discussion du Parti jusqu’au Congrès de Saint-Denis. […]
Toute la discussion dans notre Fédération était orientée sur les problèmes politiques posés devant le Parti […] [116].
La nouvelle direction du Parti élue au Congrès de mars‑avril 1929 est immédiatement confrontée à une sérieuse répression. À la veille du 1er mai 1929, le gouvernement opère 4000 arrestations préventives.
C’est dans ce contexte que le parti français doit se préparer pour la journée internationale contre la guerre du 1er août 1929, décidée par l’Internationale communiste. On ne va pas analyser les causes de l’échec du PCF. Les suites vont être importantes. Les manifestations du 1er août vont servir de prétexte au gouvernement pour accentuer sa tentative de destruction du PCF. La préparation de cette Journée est en effet assimilée à un complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État. En septembre c’est l’inculpation de tous les membres du Comité central. Certains dirigeants échappent au coup de filet, vont pour un temps réussir à vivre dans la clandestinité, d’autres sont immédiatement arrêtés [117].
On a évoqué les conséquences négatives de la répression sur les militants du Parti. Elles ne peuvent qu’être amplifiées en septembre 1929 Et elles atteignent les membres des JC. F. Billoux écrit en effet, dans l’article que nous avons déjà cité, que des courants opportunistes vont se manifester:
a) Le légalisme. ‑ Des camarades demandaient que nous n’ayons que l’activité permise par la bourgeoisie.
b) L’économisme. ‑ C’est ainsi que des camarades préconisèrent que les conférences de jeunes ouvriers ne s’occupent que des revendications immédiates. […]
c) Le liquidationnisme. ‑ Il fut particulièrement important dans la Fédération Sportive du Travail, où des camarades proposaient de faire entrer en bloc les jeunes sportifs ouvriers dans les clubs bourgeois [118].
Si les dirigeants des JC complotent pour être les dirigeants du Parti, ils se préoccupent assez peu des jeunes.
Après le 1er août 1929, ce n’est pas un coup dans l’estomac que le Parti a reçu, mais un coup sur la tête. De la fin 1929 à juin 1930 pas de réunion du Comité central. Ce qui a été décidé à la Conférence nationale de mars 1930, on l’ignore: le Bureau politique garde le silence. Bien sûr il faut tenir compte de la répression. Mais cette période où un certain nombre de dirigeants, par exemple Thorez, sont en prison, est aussi celle où les dirigeants des Jeunes vont tenter de s’emparer des postes clefs du Parti, et y réussir pour l’essentiel, s’associant des cadres importants du Parti, par exemple Benoît Frachon. Face au « Groupe » il n’y a pas d’unité, mais d’autres factions, celle de Doriot dans son fief de Saint‑Denis, celle de Thorez dans le Nord par exemple.
Quant à l’influence du Parti, elle ne cesse de décliner. En janvier 1928 le parti avait 55 000 membres. En 1930, ils ne sont plus que 38 000. On parle même de 10 ou 15 000! L’Humanité a perdu 30 000 lecteurs au moins.
Suite au retour de M. Thorez ‑ il est allé à Moscou ‑ le CC du 17 juillet 1930 [119] désigne un nouveau BP ‑ réduit de 15 à 7 membres (Barbé, Cachin, Celor, Doriot, Monmousseau, Semard, Thorez). Réduction également du secrétariat collectif: Thorez, Duclos, Frachon.
3. La CGTU
On a vu la situation dangereuse du Parti, l’extrême lenteur de la bolchévisation idéologique. La CGTU ne va guère mieux. En 1929 Monmousseau pouvait dénoncer « L’opportunisme dans les syndicats » [120]. Le CC de janvier 1931, dans une résolution sur le travail syndical est obligé de souligner une nouvelle fois le rôle dirigeant du Parti dans le syndicat.
De fait la CGTU est traversée de courants et fractions diverses. Dont une fraction trotskyste qui présentera une Résolution au Congrès des 8‑14 novembre 1931 selon laquelle la CGTU serait « prête » à la réunification « sans autre condition fondamentale que la démocratie syndicale et le droit de tendance à s’organiser, droit dont le piétinement par les chefs réformistes a permis la scission. »
C’est ainsi que la motion proposait un congrès de fusion entre la CGT, la CGTU et la CGTSR [121]. Cette motion est de fait une réponse à l’Appel Monatte-Dumoulin, dit des 22, du 9 novembre 1931, regroupant des membres de la SFIO, de la CGT réformiste, de la Fédération autonome des fonctionnaires et du Comité pour l’Indépendance syndicale composé de militants de la CGTU.
Il faut souligner que l’unification ne pouvait, selon la CGT, se faire qu’en acceptant la participation aux organismes gouvernementaux et internationaux (BIT). Et que la CGT défendait alors la rationalisation, la politique coloniale, l’arbitrage obligatoire, etc. C’était liquider l’influence du Parti dans un syndicat ainsi réunifié, et limiter les possibilités communistes dans le prolétariat et la classe ouvrière. C’était surtout soumettre le mouvement syndical à des couches sociales non ouvrières. C’était l’intégrer dans l’État bourgeois.
Il faut souligner également que la CGT de Jouhaux s’employait à briser les grèves engagées par les syndicalistes de la CGTU ‑ dénoncées comme « grèves politiques », et qu’elle avait le soutien des municipalités social-démocrates, un soutien parfois actif, musclé.
Au XIe Plénum du CE de l’IC (2‑15 avril 1931) violente critique du PCF par Manouilski [122]. C’est au CC du 27 juin que va être dénoncé « l’esprit de groupe » et au BP de juillet que Raymond Guyot (membre du Groupe) va préciser l’attaque contre ses membres, Barbé, Célor, Lozeray, Billoux, etc. Manouilski est en France, arrivé à l’improviste.
Thorez avait voulu démissionner en juin du secrétariat général. En août deux articles célèbres de Thorez dans l’Humanité: le 14, « Pas de mannequins dans le Parti », le 21, « Les bouches s’ouvrent ».
Au CC des 26‑28 août, 90 interventions. Le commentaire publié dans les Cahiers du Bolchévisme (n° 10, 15 septembre 1931) reprend presque mot pour mot les analyses faites en juillet 1930. Le discours d’ouverture prononcé par Thorez sera tronqué dans l’Humanité et dans les Oeuvres.
Les problèmes qui se posent au Parti, qui soulèveront des objections? La tactique du front unique, la tactique électorale, l’unité syndicale et la politique intérieure du Parti. Toujours les mêmes questions, non résolues.
Tant mieux! dira Thorez. Enfin nous allons discuter dans notre Parti, on cessera d’adopter sans les réaliser des résolutions [123].
La lutte contre le « Groupe » va s’accentuer dans la perspective de la préparation du VIIe Congrès (11‑19 mars 1932). André Marty mène l’enquête. Mais une lutte qui ne va pas jusqu’à l’exclusion, si ce n’est celle de Barbé et Celor du BP en 1931. Effectivement, certains membres resteront dans le Parti et y occuperont par la suite des responsabilités importantes. La liquidation complète du Groupe aurait semble-t-il considérablement affaibli le Parti. La même prudence sera observée par l’Exécutif de l’IC. Les autocritiques seront acceptées, du moins provisoirement en ce qui concerne Barbé, Celor sera exclu en octobre 1932, accusé d’être un mouchard. Il fallait dissocier les membres du Groupe, ce qui fut fait. Barbé, quant à lui ne sera exclu qu’en septembre 1934.
On pourrait examiner de plus près beaucoup d’autres textes du Parti pendant cette période 1930‑1932. Ce qui frappe, au-delà des déclarations, c’est la véritable apathie du Parti par rapport aux consignes de sa direction. Un exemple flagrant, c’est le déroulement des élections cantonales en octobre 1931. Les directives ne sont pas suivies. Parfois elles ne sont même pas répercutées. Dans certains endroits on prêche l’abstention. Les militants ne font pas leur travail de propagande. Le matériel est insuffisant, quand bien même il existe.
LE REDRESSEMENT
Au VIIe Congrès du PCF, mars 1932, le BP est ainsi composé: Cachin, Doriot, Duclos, Ferrat, Frachon, Gitton, A. Marty, Midol, Monmousseau, Semard, Thorez. Un texte particulièrement important pour analyser l’état idéologique et organisationnel du Parti, c’est le Rapport d’organisation présenté au Congrès [124]. Il sera publié sous le titre: Vers l’organisation d’un parti bolchévik.
Grâce à ce texte on peut déjà se faire une certaine idée de la situation en 1932.
1. La Bolchévisation idéologique
On ne lit pas beaucoup dans notre Parti. Nous n’avons pas un plan systématique d’éducation par la lecture, par la discussion organisée et la faiblesse du tirage des ouvrages de doctrine met en relief l’effort que nous avons à faire pour développer politiquement les membres du Parti [125].
Quelques exemples: en ce qui concerne les oeuvres dites complètes de Lénine (en 1932 6 tomes parus), la moyenne des tomes diffusés est de 1400. Est-on sûr d’autre part que ces 1400 exemplaires ont été diffusés intégralement dans le Parti? Certainement pas. Même les brochures de propagande à bon marché se diffusent mal. La meilleure diffusion, 50 000 exemplaires, a été le pamphlet de Boukharine contre l’Église et le Pape!
À titre indicatif encore, voici quelle est la diffusion de la revue théorique et politique du Parti, Les Cahiers du Bolchévisme. Pour l’année 1929 [126], la diffusion dans le Parti a été de 1053 exemplaires! (abonnements compris). Un millier d’exemplaires sont diffusés par des vendeurs bourgeois. Sur 3500 cellules (chiffre exagéré) 10 % à peine sont abonnées aux Cahiers du Bolchévisme. Les abonnements à L’Internationale communiste se montent à moins de 600 en 1932, ceux concernant la Correspondance internationale à environ 700.
Dans ce même Rapport au Congrès du Parti on fait état des progrès du travail d‘éducation depuis 1929 (Congrès de Saint-Denis), avec un ralentissement en 1931 du fait de la main-mise du Groupe sur l’Agit‑Prop.
De juin 1929 à février 1932 le bilan est le suivant.
– 9 écoles de cadres régionaux (quinze jours): environ 140 élèves.
– 7 écoles spécialisées (durée différente): environ 130 élèves [127].
– 35 à 40 écoles de rayon: environ 500 à 600 élèves.
– 7 écoles dans les organisations de masse: environ 300 élèves.
– École centrale par correspondance: 440 élèves.
Au total 1500 à 1600 élèves.
Beaucoup de nos élèves sont revenus à la base; peu seulement furent utilisés aux organismes de direction. L’agit‑prop centrale n’est pas parvenue à contrôler le travail des écoles régionales et centrales; ceux des écoles de rayon ont complètement échappé à son contrôle [128].
Comme on peut le voir à partir de ces quelques éléments le nombre total des militants et sympathisants ayant suivi des cours, de quelque nature qu’ils soient, est infime. Faut–il encore souligner qu’au fur et à mesure des cours la participation diminue.
En mars 1932 le PCF, à son VIIe Congrès, prendra une décision certes remarquable, mais qui ne se réalisera pas:
Chaque membre du Parti doit passer par une École.
Un texte important, l’article de Pierre Semard, quelques semaines après le Congrès publié le 15 mai 1932 dans les Cahiers du Bolchévisme et intitulé « Pour l‘éducation marxiste–léniniste ».
Pierre Semard fait d‘abord un constat:
Notre parti est ravagé actuellement par le mépris de la théorie, par le mépris de l‘étude considérée comme quelque chose de secondaire et de peu d‘importance [129].
Mise en avant de la Lettre de Staline publiée sous le titre: « Sur quelques problèmes de l’histoire du bolchévisme ». (Cahiers du Bolchévisme, n° 2, 15 janvier 1932.)
Un certain nombre de mesures vont être mises en application. Pour les Écoles élémentaires une brochure est éditée en mai 1932: Que veulent les communistes ? Quatre cours élémentaires [130].
Une lecture, même rapide, de cette brochure, suffit à mettre en doute son caractère marxiste-léniniste. Il y a une forte imprégnation idéaliste. Un exemple: « L’entrée au Parti est largement ouverte à tout ouvrier honnête. » Un autre exemple, la mise en avant du rôle dirigeant des Soviets où « les masses des sans-parti collaborent à l’élaboration de toutes les mesures politiques et économiques. » Où est le rôle dirigeant du Parti?
En 1933 un Bilan publié par le Bureau de l’École par correspondance donne quelques indications sur la compréhension politique des élèves.
Certains élèves avaient tendance à considérer l’État comme un organisme actuellement exécutant la volonté de la bourgeoisie mais pouvant servir les intérêts du prolétariat si « tous les travailleurs votaient à gauche« . C’est là des illusions démocratiques dangereuses.
[…]
Le rôle du Parti n’a pas toujours été bien compris. Certains camarades en séparant arbitrairement la lutte politique de la lutte économique limitaient la première au Parti et la deuxième aux syndicats. La tendance à restreindre le rôle du Parti à la lutte politique se rencontre souvent. Ainsi un élève croit que les luttes économiques ne doivent être considérées que comme « les moyens d’attirer les ouvriers à nous ».
Nous avons aussi pu constater l’incompréhension du rôle dirigeant du Parti, pourquoi le Parti est-il seul à avoir le rôle d’avant-garde dirigeante du prolétariat.
[…]
Centralisme démocratique. ‑ Ces termes ont paru tout à fait inconnus pour la majorité de nos élèves, et incompréhensibles, même pour beaucoup de membres du Parti.
– centralisme démocratique comme la démocratie prolétarienne opposée à la démocratie bourgeoise: « le centralisme démocratique a ceci de particulier, c’est que, contrairement au centralisme bourgeois, l’élection se fait à la base, c’est-à-dire à l’usine, et non par commune ou région ».
– « le centralisme démocratique permet aux masses de contrôler et de juger le travail des élus ».
– Les camarades qui étaient déjà le plus près de la réalité en indiquant que le centralisme démocratique est bien le régime intérieur du Parti n’en voyaient surtout que l’aspect « centralisme » en oubliant le côté « démocratie ». Ainsi la liberté de discussion dans le Parti, l’autocritique, le rôle de la base étaient le plus souvent ignorés […]. Dans le même ordre d’idées, certains sympathisants parlaient de discipline militaire, qui, sans qu’ils l’avouent, semblait leur faire peur.
Ces exagérations ont trouvé leur réplique dans des fautes contraires. Des camarades se prononçaient contre toute discipline « celle-ci n’étant nécessaire qu’en période de révolution ».
Quant à la classe ouvrière, il y a un mépris de la part des élèves:
La classe ouvrière est bien un peu responsable de ses malheurs, parce que trop disposée à boire et pas assez à lire, parce qu’ennemie de l’effort et du sacrifice, parce que trop crédule et trop ignorante.
[…]
Défaitisme: « Les militants du Parti sont […] impuissants à changer les traditions du pays, surtout quand les conditions sont aussi favorables à l’indifférence.
Appréciation sur une École de base à composition ouvrière à Paris dans le XIIIe en 1933:
C’est sur le cours « Le Parti communiste et son organisation » que la plupart des élèves ont marqué de l’incompréhension. Sur les 17 participants au 1er cours: 9 membres du Parti, 4 membres des JC et 4 sympathisants.
En 1932 une École centrale de deux mois a eu 16 élèves. Le bilan souligne: dont « une ouvrière et un camarade algérien ». À celle de 1933 les cours syndicaux ont été faits par un professeur improvisé (4 sur 6), les dirigeants de la CGTU ayant refusé de les faire [131].
Dans le même Bilan enfin, cette indication:
Le manque de vie politique dans les cellules et leur mauvais fonctionnement ont poussé des cellules tout entières à s’inscrire à nos cours pour l’étude collective […].
La bolchévisation engagée en 1924 est peut-être enfin dans la bonne voie, mais la situation en 1932‑1933 ne semble s’améliorer que lentement. Les Écoles se multiplieraient-elles, une question encore plus essentielle, c’est le caractère de l’enseignement qui y est dispensé.
On peut se poser une question non moins importante: quelle est l’éducation marxiste-léniniste des dirigeants du Parti, membres du CC et du BP. Il y a d’un côté les militants qui ont été à Moscou, soit dans l’appareil de la IIIe Internationale, soit comme élèves ou enseignants de l’École Lénine crée en 1926 (par exemple Waldeck Rochet, André Ferrat qui se servira de ses notes pour son livre sur l’Histoire du PCF). Par rapport aux besoins de la section française de l’Internationale il ne peut s’agir que de la formation de quelques cadres. Et puis, si certains vont rester au Parti, comme Waldeck Rochet, d’autres le quitteront. Et d’autres encore seront intégrés à l’appareil de l’IC. Seule la liste des membres du PCF ayant étudié à Moscou permettra de voir s’ils ont eu une influence dans le Parti et de qualifier cette influence [132].
Et puis il y a les dirigeants qui n’ont jamais été formés. Emprisonnés, ils l’ont presque tous été plus ou moins longtemps, quand ils bénéficiaient du régime politique ils pouvaient s’instruire. Dans Fils du Peuple Maurice Thorez indique que lors de son internement des cours étaient organisés. Avec un peu d’exagération dans la première édition de sa biographie (1937) il se vantera d’avoir relu entièrement Marx et Engels. Et il ajoute qu’ayant déjà quelques notions d’Allemand il se décida à étudier la langue pour les lire dans le texte original. Au bout de quelques mois il put lire sans difficultés l’Anti-Dühring, Dans les éditions ultérieures le mot entièrement va disparaître!
On peut indiquer aussi qu’en 1937 Thorez ne parle pas d’un seul texte de Staline. Staline, il le lira « avec passion » dans les éditions ultérieures de 1949, 1970…
Soyons sérieux, il y a un réel problème dans l’entre-deux-guerres. La parution anarchique des oeuvres de Marx, Engels, Lénine. Parution conjoncturelle qui fixe l’attention des militants qui lisent sur des aspects particuliers de leur pensée et de leur action, sur des aspects que l’on met en avant avec des objectifs précis. Et puis parution en même temps des « vivants », Trotsky, Boukharine, Zinoviev, mis sur le même pied, sans recul.
La question de l’éducation a toujours été primordiale. Déjà Marx, en 1849, donnait des cours d’économie à une vingtaine d’ouvriers lors de son exil à Bruxelles, en pleine période de révolutions en Europe. Lénine a toujours mis cette question en avant.
2. La Bolchévisation organisationnelle
On peut certes définir avec justesse ce que doit être la cellule d’entreprise. Camille Larribère écrit ainsi en mars 1931:
La cellule d’entreprise est la base d’organisation du Parti, elle fait le travail politique du Parti, participe à l’élaboration de la politique du Parti, diffuse ses mots d’ordre, fait son éducation théorique, est un organe de combat [133].
Mais la réalité, comme il le constate, ne répond pas à cette nécessité:
Depuis longtemps est posé devant le Parti le développement de la vie politique de nos cellules. Certes, le problème est excessivement difficile à résoudre, nos résultats dans ce domaine ne sont pas très grands.
[…] le noeud de la question est dans l’insuffisance de nos cadres de base pour réaliser des décisions et des directives déjà discutées et adoptées des dizaines de fois. La vie politique de nos cellules est insuffisante parce qu’elle n’est pas alimentée, parce que nos cadres de sous-rayons, de rayons, ne les aident pas suffisamment ou parce qu’ils ne savent pas les aider, parce que la vie politique qui existe dans les organismes dirigeants ne va pas jusqu’à la cellule. Il faut rendre plus étroite la liaison vivante des organismes de direction avec les comités de base, avec les cellules. Cela bien entendu lié à une éducation théorique de ces cadres et à une pratique systématique de l’autocritique [134].
On a évoqué l’article de Pierre Semard sur l’éducation marxiste-léniniste, le « redressement idéologique ». Un autre texte est particulièrement important, celui que publie Jacques Duclos, membre du BP (Rapporteur au VIIe Congrès du Parti), « Enracinons-nous dans les usines » (Cahiers du Bolchévisme, 1er avril 1932). Il met en avant la question des cellules d’usines:
Pour l’ensemble du Parti, nous trouvons un total de 2384 cellules et nous avons sur ce chiffre un total à peine de 490 cellules d’entreprises; encore faut-il dire que beaucoup de cellules sont appelées cellules d’entreprises, mais ne le sont pas réellement. […]. Je tiens à signaler que tous les chiffres que nous donnons sont approximatifs, puisque, dans notre Parti français, nous ne connaissons malheureusement pas encore bien l’état de nos effectifs [135].
De fait cet « enracinement » dans les entreprises que met en avant Duclos n’est que la reprise, entre autres, de la déclaration du VIe Congrès du Parti (Saint‑Denis 1929):
Si nous voulons avoir un Parti fort, capable de diriger le prolétariat dans sa lutte contre le capitalisme, si nous voulons nous opposer à la rationalisation capitaliste et lutter contre les dangers de guerre, il faut s’ancrer dans les grandes entreprises, il faut recruter dans notre Parti les grandes masses ouvrières non qualifiées, les jeunes, les coloniaux, les femmes et les étrangers.
Il faut insister sur cette mise en avant de secteurs ainsi définis. De secteurs que l’on considère abandonnés par la social-démocratie, du moins plus faciles à conquérir que les ouvriers qualifiés que l’on caractérise facilement comme appartenant à l’aristocratie ouvrière, adhérents CGT, électeurs socialistes. C’est la reprise d’une conception que Thorez avait exprimée au VIe Congrès de l’IC en 1928.
À noter que l’Internationale, dans ses Statuts de 1928 (VIe Congrès) englobe sous la dénomination de « cellules d’entreprises », la base d’organisation du parti communiste, « la cellule d’usine, de fabrique, de mine, de bureau, de magasin, de ferme, etc. » C’est cette définition que l’on trouve dans la première édition 1932 du manuel Que veulent les communistes? Dans la Deuxième édition cette référence disparaît et il n’est plus question que de la cellule d’usine et il y a renforcement de son rôle. Elle était certes déjà mise en avant, mais il y avait un risque certain de mettre sur le même rang des cellules d’employés, de paysans indéterminés, etc. et les cellules d’ouvriers. Et risque de ne pas voir que l’essentiel était de créer d’abord des cellules d’usines [136]. C’était créer une grande confusion, c’était aussi gonfler le pourcentage des cellules d’entreprises (le terme « entreprise » est vague) par rapport au nombre total des cellules du Parti.
On l’a vu dans le texte de Duclos, ce pourcentage est faible. Et il va aller en s’affaiblissant de 1926 à 1935.
On peut estimer par exemple que le Parti a perdu 900 cellules entre 1928 et 1932, dont la moitié de cellules d’usines.
Le problème sous-entendu par la variabilité des chiffres, c’est le manque de renseignements que peut obtenir la direction du Parti des différentes régions. Certaines ne répondent même pas aux demandes. Il y a peu de centralisme dans le parti communiste de 1932! s’il y a beaucoup de petits chefs au niveau régional et local, de l’autoritarisme.
Pour parler d’échec de la bolchévisation organisationnelle il faut aussi tenir compte de la structure industrielle de la France.
En 1926 les entreprises de 0 à 9 salariés représentent 41 % du total. En 1931 elles sont encore 34 %. De 10 à 100 salariés, on passe de 23 % à 24,4 %. De 100 à 500 salariés de 17,1 % à 19,8 %. Enfin pour les entreprises de plus de 500 salariés le pourcentage est de 18,9 % en 1926 pour atteindre seulement 21,8 % en 1931.
Quant aux actifs du secteur secondaire, ils ne sont en 1936 que 32 %.
Il faut également préciser que le taux de syndicalisation en France est extrêmement faible. Pour l’année 1931: Suède: 46 %; Tchécoslovaquie: 44 %; Allemagne: 39 %; Angleterre: 30,4 %; États‑Unis: 13,5 %. Et France: 11 %. [Au VIe Congrès de l’Internationale communiste, 1928, Thorez donne un million d’ouvriers organisés pour 12‑13 millions d’ouvriers inorganisés.]
L’auteur, socialiste, de l’étude où sont cités ces chiffres [137], met l’accent sur une donnée essentielle de l’époque (pas seulement de cette époque!):
Sans exagérer dans l’une comme dans l’autre CGT, l’effectif est constitué de 7 agents des services publics contre 3 travailleurs de l’industrie privée.
En 1932 la CGT compte 533 197 adhérents et la CGTU 258 675. C’est l’écart le plus grand de 1922 à 1934.
Il nous faut citer un troisième texte, également écrit par un membre du BP, Benoît Frachon (Rapporteur au Congrès du Parti), en date celui-là du 15 avril 1932 et intitulé « Le Parti dans les luttes ouvrières » (Cahiers du Bolchévisme).
De fait il y a un accroissement du nombre et de l’ampleur des grèves en 1932 (Renault par exemple pour la première fois depuis 1926). Ce que Frachon met en avant, c’est le rôle des membres du Parti en tant que tels, face à la passivité des organisations ouvrières dans la préparation des mouvements de grève. C’est à eux de faire le travail préalable d’explication et d’information sur les revendications afin « d’élever le niveau de lutte des ouvriers » pour passer « des revendications économiques aux revendications politiques ». Pas de décision au sommet pour déclencher la « grève générale ». Pratique de la tache d’huile. De fait un retour aux conceptions léninistes.
La tendance avait été de faire disparaître le Parti au moment des grèves, et même les cellules d’usines quand elles existaient. Le changement amorcé, c’est la mise en avant du Parti dans les entreprises, des cellules d’usines et la multiplication des journaux d’usines. Benoît Frachon:
Nous avons, dans la dernière période, dirigé effectivement un nombre important de grèves, mais dans la majorité des cas nous n’avons pas réussi à organiser la riposte de la classe ouvrière: ou nous sommes en retard, ou nous n’avons pas pris les mesures nécessaires pour préparer la grève. Nous ne sommes pas encore arrivés à mobiliser notre parti pour la préparation des luttes. Nos comités, nos cellules, nos fractions, quand elles fonctionnent, ne considèrent pas cela comme une tâche importante. Pourtant, sans une bonne organisation de Parti nous n’arriverons pas à un bon travail des organisations syndicales unitaires.
Passivité dans les luttes ouvrières.
Nous n’avons pas encore débarrassé notre Parti des courants opportunistes qui sous-estiment la combativité des masses; de tels courants ne s’affirment pas toujours ouvertement, mais ils s’expriment dans la pratique. Il arrive souvent que des communistes, quand on leur demande les raisons pour lesquelles il n’y a pas de mouvements de masses, pour lesquelles il n’y a pas de grève contre la diminution des salaires, le mettent sur le dos des ouvriers, sur « l’avachissement » des ouvriers (on n’emploie plus ce terme, mais d’autres équivalents). Ces militants mettent sur le compte de la fatigue des masses ce qui résulte de nos propres responsabilités, de ce que nous avons fait, ou plutôt de ce que nous n’avons pas fait pour entraîner les ouvriers à la lutte [138].
On substitue à l’action une phrase de « gauche » à allure très radicale: « à chaque diminution des salaires répondez par la grève ».
Ayant constaté en 1931 que notre plus grande faiblesse était l’absence de liaison avec les entreprises, nous arrivons à 1932 sans avoir constitué une seule section syndicale d’usine. […]
Il a été dit et écrit de nombreuses résolutions disant qu’il faut préparer et organiser la grève avec attention, examiner avec l’ensemble des ouvriers et établir avec eux leurs revendications, faire élire des délégués par la masse des ouvriers dans l’entreprise. [comités de grève]. Est-ce qu’on fait cela? Pouvons-nous citer des exemples où nos communistes, nos comités du Parti se soient livrés à un examen minutieux de toutes les tâches à remplir pour une bonne préparation de la grève? Non [139].
Le préalable: une bonne information. Ne pas mettre en avant dans un secteur la grève au niveau national, mais partir de grèves locales, revendicatives, pour élargir le mouvement. Ne jamais oublier, même si le mouvement devient national, les revendications initiales.
De fait, au début du mouvement, une attitude « passive » par rapport aux revendications des ouvriers. Mais le rôle du parti n’est pas de les reprendre telles quelles, il s’agit de définir le mot d’ordre le plus mobilisateur pour élargir la grève.
Pas de direction autoritaire. Préparer le mouvement pour ne pas se couper des ouvriers confédérés (CGT). Rendre existant le front unique dans des comités de grève élus et non pas auto-proclamés.
Une autre erreur avait été soulignée par Maurice Thorez en 1930:
Nous devons souligner que la formule la grève générale s’entend pour un mouvement d’ensemble du prolétariat en faveur de revendications politiques, et surtout de l’assaut final au régime. Par conséquent, il faut mettre hors de discussion la grève corporative même étendue, que l’on dit trop souvent grève générale et la grève intercorporative de solidarité et de courte durée. Dans notre presse communiste, on trouve ainsi trop fréquemment grève générale de telle ou telle corporation, alors qu’il s’agit simplement de mouvements corporatifs généralisés, c’est-à-dire englobant la totalité ou presque des ouvriers de l’industrie considérée [140].
Prolétarisation ou ouvriérisme. Rôle des intellectuels dans le Parti, ce sont encore des questions qui ne prennent pas les dimensions que l’on va connaître. Et puis il y a la politique du Parti par rapport aux intellectuels qui ne sont pas dans le Parti, que l’on peut gagner pour des combats particuliers.
La question se pose dès 1932, suite à l’Appel du 26 juin 1932 d’Henri Barbusse et Romain Rolland pour la lutte contre la guerre. Les communistes ne vont représenter que 38 % des délégués le 27 août 1932 au Congrès d’Amsterdam [141]. Malgré l’opposition de l’Internationale socialiste et le refus de participation de la SFIO et de la CGT, quelques socialistes français font le voyage. Par la suite il y aura la création de « Comités d’Amsterdam » où le dialogue doit s’engager entre communistes et socialistes. Dont certains, ce qu’il faut souligner, seront exclus de leur parti.
C’est de cette époque que Cachin datera, dans une intervention au VIIe Congrès de l’IC en 1935, l’entrée du parti « dans l’idée du Front populaire » [142]. « Notre entrée de jeu », dira-t-il. Et il faudra trois années de tâtonnements jusqu’au 14 juillet 1935. Curieuse déclaration. Et qui donne à réfléchir.
3. Le XIIe Plénum du CE de l’IC (Septembre 1932)
En ce qui concerne la France, le XIIe Plénum de l’Exécutif de l’IC qui se réunit en septembre 1932, ne fait que confirmer ses positions antérieures qui ont conduit au VIIe Congrès du Parti français.
Les Thèses adoptées indiquent en effet:
Le PC français doit se tourner vers la défense des intérêts quotidiens des masses ouvrières et paysannes (contre la réduction des salaires, pour les assurances sociales, pour les secours immédiats aux chômeurs, contre le fardeau des impôts, etc.), en liant cette défense à la lutte contre le Traité de Versailles, contre l’oppression de l’Alsace-Lorraine, contre la politique de guerre de l’impérialisme français. Il faut orienter dans ce sens ce parti, les syndicats unitaires et la Fédération des Jeunesses communistes; il faut liquider par une action de masse tenace le sectarisme des jeunes cadres, il faut les éduquer sur la base de larges élections et de la confiance de la masse envers eux, il faut lutter avec patience et sans relâche pour débarrasser les ouvriers syndicalistes et socialistes de leurs illusions réformistes, parlementaires et pacifistes [143].
Et bien sûr il faut renforcer la direction communiste des Partis sur les JC.
Il faut souligner que la désignation de la social-démocratie comme « social-fasciste » est renforcée. La seule différence entre le fascisme et le social-fascisme, c’est que les
social-fascistes préfèrent l’application modérée et « légale » de la violence bourgeoise de classe parce qu’ils ne veulent pas réduire la base de la dictature bourgeoise, ils défendent sa façade « démocratique » et cherchent à conserver le plus possible ses formes parlementaires, sans lesquelles ils ne peuvent remplir effectivement leur fonction spéciale qui est de tromper les masses ouvrières [144].
Et puis, la menace de guerre. Et contre cette menace à l’époque de la fin de la stabilisation capitaliste, le développement de la poussée révolutionnaire et la lutte pour la dictature du prolétariat.
Mais, souligne la Résolution, il n’y a pas encore de situation, révolutionnaire immédiate dans les pays capitalistes les plus importants et décisifs [145].
Les deux dangers dans l’IC:
Il importe de se séparer résolument aussi bien du « suivisme » opportuniste de droite qui se manifeste bien souvent par des tendances de capitulation, par l’incrédulité en la possibilité de révolutionner les masses ouvrières réformistes, que du subjectivisme opportuniste « de gauche » qui veut remplacer l’éducation bolchéviste et la mobilisation des masses, travail difficile mais nécessaire, par des phrases creuses sur le déploiement des batailles révolutionnaires, au lieu de développer réellement ces batailles en organisant et en conquérant la direction de la lutte journalière des ouvriers et des paysans. La juste politique bolchéviste de masse consiste en une lutte intransigeante contre l’opportunisme de droite, principal danger, et contre les déviations gauchistes de la ligne de l‘Internationale communiste [146].
La lutte non achevée des partis communistes pour se tenir sur une ligne correcte, l’aiguisement des contradictions entre les pays capitalistes, etc., rien n’augure une période facile. Le seul point positif, et il est de taille, c’est la situation en URSS. Le Premier Plan quinquennal qui s’achève a donné des résultats positifs. La lutte contre les koulaks a stabilisé la situation dans les campagnes, l’industrie se développe. La direction du Parti bolchévik se présente comme homogène. Et dans son Adresse au Parti communiste et aux travailleurs de l’URSS, le Plénum du CE de l’IC de septembre 1932 peut déclarer que « la question historique: “Qui des deux l’emportera” a été résolue sans retour en Union soviétique en faveur du socialisme ».
QUELQUES REMARQUES
Ce qui caractérise cette première période (1921‑1930) c’est que la résolution des contradictions majeures dans le Parti, jusqu’à l’apparition de nouvelles contradictions issues de chaque « règlement » de la crise précédente, s’accompagne d’un changement de la direction du Parti, d’un rééquilibrage de droite à gauche, de gauche au centre ‑ avec toutes les combinaisons possibles ‑ autour d’un nouveau secrétaire général. Et ce dernier personnifie alors ce que l’on appelle la nouvelle ligne du Parti, celle de l’Internationale, Internationale où va se retrouver le même processus: de RADEK à ZINOVIEV, de ZINOVIEV à BOUKHARINE, de BOUKHARINE à MOLOTOV, puis enfin à DIMITROV. Le dernier secrétaire de l’IC avant sa dissolution en 1943.
Avec la stabilisation de la direction du PCF autour de son secrétaire général (THOREZ) les crises ne sont certes pas écartées, mais c‘est leur mode de résolution qui change. La nouvelle politique est appliquée par ceux-là même qui pouvaient l’attaquer hier. Et il est clair que ceux qui abandonnent alors le Parti, ou qui en sont exclus, suite à une appréciation différente des conditions ayant conduit au changement de ligne politique, ne sont plus en mesure de déstabiliser la direction. Quant à leurs tentatives de créer des organisations autonomes face au Parti lui-même, elles les mèneront vers les deux pôles majeurs hors le Parti, certes aux perspectives différentes mais identiques quant à leur anti-soviétisme et anti-communisme, la social-démocratie ou le fascisme, c’est-à-dire vers la consolidation objective du capitalisme en général, au-delà de son régime politique.
Le Parti français, maintenant qu’il a une direction stabilisée ‑ Thorez, Duclos, Frachon resteront jusqu’à leur mort à la tête du Parti ‑ et après les décisions prises à son VIIe Congrès de 1932, va-t-il atteindre le stade de bolchévisation auquel il prétend. A-t-il les cadres nécessaires du point de vue politique, du point de vue idéologique, du point de vue organisationnel?
La réponse est NON. Ce que l’on appelle « le tournant », c’est l’Internationale qui l’a provoqué. Et plutôt que de faire seulement venir les dirigeants du Parti devant l’Exécutif ou à des réunions plus réduites, elle dépêche fin 1930 des représentants de l’Internationale à Paris. Non pas pour un bref séjour, mais pour une mission d’information de plus longue durée. Les deux premiers seront Eugène Fried, dit Clément et la Roumaine Anna Paucker.
C’est un véritable Collège de direction qui s’installe, sous la responsabilité de Fried, après la réorganisation du Bureau Politique fin 1931. Il a pour tâche de former les dirigeants du Parti français. Il va également mettre sur pied une Commission des cadres, sous la responsabilité directe de Fried. C’est l’instauration des biographies. Et, auprès de Thorez, Fried va jouer dans les années qui viennent le rôle de tuteur occulte.
Il faut souligner que Thorez a été très violemment attaqué au XIIe Plénum. Doriot a été un moment choisi pour être le véritable dirigeant du Parti français. Fried, à l’issue du Plénum, aurait redressé la situation en faveur de Thorez.
Mais Fried a des difficultés avec le Parti français, malgré son statut. L’étude faite par Fried sur Jaurès, que le Bureau d’Éditions publie en 1932 sous le titre de Jaurès réformiste (« Les idées économiques de Jaurès »), va être critiquée par des responsables du Parti, et notamment par Pierre Semard dans l’article que nous avons cité. Le livre lui-même est précédé d’un Avertissement du « Cercle d’Études Marxistes auprès du Comité Central du Parti communiste français » qui conteste nombre de points de vue de Klément, « insuffisamment fondés », « sujets à caution », « discutables ». Et qui rejette surtout l’idée que Jaurès pourrait être un précurseur du « social-fascisme actuel ». Ce qu’il faut critiquer chez Jaurès, c’est principalement son pacifisme. L’étude de Fried-Klément mérite beaucoup mieux que les critiques de Semard ou des auteurs anonymes du « Cercle d’Études marxistes »!
De fait le PCF, même guidé de près par l’Internationale communiste, n’aura pas le temps de se créer les moyens de la politique de bolchévisation avancée en 1932. Il n’y a pas unité de pensée, comme le prouveront un certain nombre d’affaires, notamment le cas Doriot. Et c’est à tous les niveaux intermédiaires que se posent les problèmes.
L’évolution de la situation internationale va également peser. La prise du pouvoir par Hitler en 1933 constitue pour l’Europe un problème majeur; la situation en France, avec le 6 février 1934, met au-devant de la scène la question du fascisme en France même. Et puis il y aura le Pacte en 1934 avec le Parti socialiste, la réunification de la CGT et de la CGTU ‑ et il faut souligner que les réformistes vont être majoritaires dans cette nouvelle CGT, et puis la victoire électorale du Front populaire en 1936.
Autant d’éléments qui vont contredire la bolchévisation. Sans oublier le VIIe Congrès de l’Internationale communiste en 1935.
[1]. Pour exemple: Cahiers du Bolchévisme, n° 7, septembre 1928, « Contre les expulsions d’ouvriers étrangers ».
Et Cahiers du Bolchévisme, n° 13, 13 février 1925, Pierre Ferrand, « Du “colonialisme” au “nationalisme ouvrier” »:
Dans une lettre un camarade bien intentionné nous écrit […] qu’il n’est pas du tout contre les travailleurs coloniaux; au contraire, il fait pour eux tout ce qu’il peut, mais il pense, tout de même, qu’on s’occupe trop des travailleurs coloniaux et pas assez de ceux [EUROPÉENS] de la Métropole, qui ont pourtant le droit qu’on s’intéresse davantage à eux […]. C’est là une mentalité répandue […]. Que cet état d’esprit se rencontre encore dans nos milieux communistes, cela ne fait pas de doute. Il se manifeste bien, avec des variantes ou des distinguos assez subtils, jusque chez nos camarades des colonies!
Voir également Cahiers du Bolchévisme, n° 14, 1er mars 1925, Pierre Ferrand, « De l’état actuel de la question coloniale pour la France ».
[Note 321ignition:] Dans l’article cité ci-dessus, « Du “colonialisme” au “nationalisme ouvrier” », l’auteur fait référence à « notre article “Contre le Nationalisme ouvrier” paru dans l’Humanité du 6 janvier dernier ». Or, l‘Humanité du 6 janvier 1925 ne comporte aucun article intitulé ainsi, ni un quelconque article signé Pierre Ferrand. Cependant un article « La répression contre les ouvriers étrangers » signé Marcel Cachin, traite de « la question des expulsions auxquelles se livre depuis quelques semaines le gouvernement du Bloc des gauches ».
[2]. Lénine, Oeuvres, Paris, Ed. Sociales, vol. 15, p. 316‑317; novembre 1908.
[3]. Lénine, Oeuvres, op. cit., vol. 26, p. 336; 4 décembre (21 novembre) 1917.
[4]. Il s’agit de la motion intitulée « Motion du comité de résistance socialiste », signée par Blum, Bracke, Mayéras, Paoli. Elle a finalement été retirée par ses auteurs.
In: 18e congrès national tenu à Tours les 25, 26, 27, 28, 29, 30 décembre 1920 – compte-rendu sténographique, Parti socialiste SFIO, 1921, p. 586.
[5]. Bulletin communiste, Numéro spécial, 14 février 1922, p. 2.
[6]. [Note 321ignition:] Les Thèses sur l’Unité du Front prolétarien ont été discutées par le CE de l’IC en décembre 1921 sur la base d’un texte proposé par le Parti communiste de Russie; elles sont approuvées par le CE le 21, puis publiées quelques jours plus tard, après des retouches rédactionnelles. Pour les accompagner, un appel au prolétariat mondial est publié le 1er janvier 1922. Les thèses sont par la suite ratifiées par le 4e Congrès de l’IC et intégrées dans l’ensemble des documents du congrès.
In: La Correspondance Internationale, n° 4, 14 janvier 1922, p. 25 (Thèses) et p. 17 (Appel).
Thèses reproduites également in: Bulletin communiste, n° 2, 12 janvier 1922.
Appel reproduit également in: Bulletin communiste, n° 3, 19 janvier 1922.
Cf. Thèses sur l’unité du front prolétarien (Extraits) ►.
[7]. Karl Radek, « Nos problèmes », La Correspondance Internationale, n° 2, 7 janvier 1922, p. 9.
[8]. CE de l’IC, 19 octobre 1921. Appel « Pour l’union du prolétariat mondial, contre le bloc des social-traîtres », La Correspondance internationale, n° 3, p. 27‑28. On pourrait mettre en parallèle à cette formule celle transcrite dans la première édition du Petit Livre Rouge des pensées de Mao Tsé-toung: « Les masses aspirent au socialisme. » Phrase corrigée ainsi dans la deuxième édition: « Les masses peuvent aspirer au socialisme. »
[Note 321ignition:] L’Appel « Pour l’union du prolétariat mondial, contre le bloc des social-traîtres » a fait l’objet d’une session du Bureau restreint du CE de l’IC, le 1er aout 1921. Durant la session du Bureau restreint du 19 juillet 1921, Zinoviev avait traité la question du front uni dans une intervention « Ancien but, voies nouvelles »; in: Bulletin communiste, n° 7 février 1922, p. 109.
[9]. Grigori Zinoviev, « Pour l’unité du front prolétarien », discours prononcé à la séance de l’Exécutif de l’Internationale Communiste, le 4 décembre 1921, La Correspondance Internationale, n° 1, 4 janvier 1922, p. 3.
Reproduit également in: Bulletin communiste, n° 2, 12 janvier 1922.
[10]. Thèses sur l’Unité du Front prolétarien. Sur la France, Thèse 10 (extrait publié ici). La Correspondance Internationale, n° 4, 14 janvier 1922, p. 26.
[11]. G. Zinoviev, « Pour l’unité du front prolétarien », loc. cit.
[12]. Karl Radek, « Nos problèmes », op. cit., p. 10.
[13]. G. Zinoviev, « Pour l’unité du front prolétarien », op. cit. , p. 2.
[14]. Thèses sur l’Unité du Front prolétarien, La Correspondance Internationale, n° 4, 14 janvier 1922, p. 25.
[15]. Compte rendu de la conférence de l’Exécutif Élargi de l’Internationale communiste (Moscou, 24 Février‑4 Mars 1922), Paris, Librairie de l’Humanité, 1922, p. 135‑136.
[16]. [Note 321ignition:] Cf. idem, p. 156‑157, intervention de Renoult:
Nous sommes fermement décidés à continuer à appliquer les thèses du 3e Congrès, mais nous ne voyons nullement qu’il soit utile pour cela d’entrer en rapports quelconques avec les partis qui nous sont opposés. Dans cette tactique, nous ne voyons qu’inconvénients et dangers. Nous avons le devoir d’engager L’Internationale à trouver les mesures de précaution nécessaires et à se garantir contre les conséquences qui résulteraient de cette tactique. Mais toutefois, quelle que puisse être la décision que vous prendrez, nous nous inclinerons comme nous le commande notre devoir communiste. Le Parti Communiste français ne fera rien qui puisse nuire à l’Internationale et à la République des Soviets.
[17]. Publié dans la Pravda du 16 avril 1924. Lénine, Oeuvres, op. cit., vol. 33, p. 210‑211.
[18]. L’Action communiste et la crise du Parti, Rapport du Secrétariat Général présenté au 20e Congrès National (2e Congrès du Parti Communiste), La Cootypographie, 1922.
[19]. Ibidem.
[20]. Thèses sur l’Unité du Front prolétarien, loc. cit.
[21]. IVe Congrès de l’IC, Résolution sur la question française.
[22]. Idem.
[23]. Lettre du Comité Exécutif au Parti Communiste Français, 19 décembre 1921. Bulletin Communiste, Numéro spécial, 14 février 1922, p. 3.
[24]. Compte Rendu de la Conférence de l’Exécutif Élargi…, 24 Février‑4 Mars 1922, op. cit., p. 227.
[25]. Cahiers du bolchévisme, n° l, janvier 1930.
[26]. Gaston Monmousseau, « Souvenirs sur mon entrevue avec Lénine », L’Internationale Communiste, n° 3, février 1935 [republié Bulletin International, n° 18, juin 1979]; Pierre Semard, « Notre entrevue avec Lénine », Cahiers du Bolchévisme, n° 2, 15 janvier 1935 [republié Bulletin International, n° 17, mai 1979].
[27]. Le terme social-démocrate a été employé par les bolcheviks jusqu’en 1918. C’est en 1918 que Lénine a proposé le changement de nom et que le Parti social-démocrate ouvrier de Russie est devenu le Parti communiste (bolchevik) de Russie.
[28]. Lénine, « Que faire? », dans Lénine, Textes sur les syndicats, Moscou, 1970, Éd. du Progrès, 528 p., p. 99‑100. « Que faire? » a été publié en russe (brochure) en mars 1902. Première édition en français, 1925. Dans les Oeuvres, op. cit., vol. 5, p. 355.
[29]. L’édition en français de « Que faire? » publiée en 1925 comporte en Introduction un large extrait de la Préface de Lénine au Recueil qui reproduit, entre autres, ce texte, intitulé « En douze ans » (1907). Voir Lénine, Oeuvres, op. cit., vol. 13, p. 100‑110.
[30]. Traduction de l’édition de 1925, première en français, p. XV. Lénine, Oeuvres, op. cit., vol. 13, p. 110.
[31]. Lénine, « Lettre à un camarade sur nos tâches d’organisation », 1902. Trad. 1931. « Légèrement » différent Lénine, Oeuvres, op. cit., vol. 6, p. 245. Au lieu de « cellules », « cercles ».
[33]. Modèle russe: voir intervention de Charles Rappoport au Ve Congrès du PCF, in: Ve Congrès national du Parti communiste français tenu à Lille du 20 au 26 juin 1926 – Compte rendu sténographique, Paris, Bureau d’Éditions, 1927, p. 409‑410. Voir aussi « Les Cellules du Parti communiste russe », Cahiers du Bolchévisme, 15 août 1925.
[34]. Bulletin Communiste, n° 14, 4 avril 1924, p. 241.
[Note 321ignition:] Résolution du présidium de l’Exécutif de l’I.C. sur les cellules d’entreprises (adoptée en janvier 1924). Citation plus extensive:
Le centre de gravité du travail politique d’organisation doit être transféré dans la cellule d’entreprise. C’est elle qui, en prenant la tête de la lutte des ouvriers pour leurs besoins quotidiens, les conduira à la lutte pour la dictature du prolétariat. Pour cela, la cellule communiste étudiera en temps utile toutes les questions politiques ou économiques intéressant les ouvriers et formera son opinion sur elles ainsi que sur chaque conflit surgissant. Elle mettra les ouvriers sur la voie de la solution révolutionnaire de toutes les questions.
Reproduit également in: Les questions d’organisation au Ve Congrès de l’Internationale Communiste (Cellules d’entreprises, Statuts de l’I.C, Directives pour l’organisation, etc.), Paris, Librairie de l’Humanité, 1925, p. 74.
[35]. Cette phrase figure dans la résolution consacrée à la politique générale, adoptée par le IIIe Congrès du PCF. In: 3e Congrès National tenu à Lyon les 20, 21, 22, 23 Janvier 1924 – Adresses & Résolutions, Paris, Librairie de l’Humanité, 1924, p. 32.
[36]. Ve congrès de l’Internationale communiste (17 juin‑8 juillet 1924) – Compte rendu analytique, Paris, Librairie de l’Humanité, 1924, p. 48. (Rapport sur l’activité de l’Exécutif, dans la partie consacrée à la section française.)
Le rapport de Zinoviev est également reproduit in: Bulletin Communiste, 18 et 25 juillet, 1er août 1924.
[37]. Idem, p. 405.
[38]. Idem, p. 402.
[39]. Ibid. « La cellule d’usine a tous les droits d’une organisation du Parti. »
L’Humanité, 29 juillet 1924: « La réorganisation du Parti sur la base des cellules d’entreprises – Résolution votée par le 5e Congrès de l’I.C. »
L’Humanité, 4 août 1924: « L’organisation de base d’un Parti communiste – Les cellules d’entreprises, Résolution particulière au Parti français »:
Le dernier paragraphe de la résolution votée par le 5e Congrès de l’I.C. et que l’Humanité a fait paraître dans le numéro du 29 juillet indiquait que le CE de l’I.C. avait décidé de veiller à la réalisation décisive de cette organisation et d’élaborer pour toutes les sections de l’I.C. des instructions sur la forme des organes locaux et centraux des Partis. Nous publions ci-après le texte des instructions arrêtés pour le Parti Français.
Bulletin Communiste, 22 août 1924: « Thèses sur les Travaux et Décisions du Ve Congrès Mondial, adoptées par le Comité Directeur du PCF, le 12 août 1924 », p. 4: « Les principales tâches à remplir sont les suivantes: a) Organisation des Partis sur la base des cellules d’entreprises. […] »
Le quatrième des Cahiers du Militant édités par le Parti (septembre 1924) est consacré aux « cellules communistes d’entreprises ».
[40]. « Résolution sur la réorganisation du P.C. français sur la base des cellules d’entreprises », in: Les questions d’organisation au Ve Congrès de l’Internationale Communiste (Cellules d’entreprises, Statuts de l’I.C, Directives pour l’organisation, etc.), Paris, Librairie de l’Humanité, 1925, p. 89.
[41]. Idem, p. 92.
[42]. Cahiers du Bolchévisme, n° 12, 6 février 1925, p. 742‑743.
[43]. Cf. Georges Cogniot, Parti pris, Paris, 1976, Ed. Sociales, tome l, p. 85‑86.
[…] d’après les idées alors en vigueur, il ne devait y avoir aucune cellule de rue à Paris, tous les camarades seraient rattachés mécaniquement à des cellules d’entreprise choisies pour leur importance politique beaucoup plus qu’en raison de leur localisation géographique. C’est ainsi que Marcel Prenant, à l’époque membre du Parti et habitant le Ve arrondissement, fut inscrit à la cellule de l’usine à gaz de Saint-Denis, où, bien entendu, il ne se rendit jamais.
Quoi que l’on puisse penser de la mesure, on admirera le « bien entendu« . C’est également à une cellule du Gaz que fut rattaché le surréaliste André Breton après son adhésion en 1927.
[44]. Cahiers du Bolchévisme, n° 3, mars 1931, Camille Larribère, p. 241.
[45]. [Note 321ignition:] Ces Thèses, ensemble avec une série d’autres textes concernant l’Internationale communiste et les questions d’organisation des partis communistes, sont reproduites ici: ►.
[46]. [Note 321ignition:] Cité par Lénine dans « Un pas en avant, deux pas en arrière » (section « La nouvelle Iskra – L’opportunisme en matière d’organisation »).
La phrase d’origine est la suivante: « Ja, man kann sagen, daß vielleicht in keiner anderen Frage der Revisionismus aller Länder so einheitlich ist, trotz aller seiner “Mannigfaltigkeit” und Buntfarbigkeit, wie in der Organisationsfrage. » Elle provient d’un article de Karl Kautsky: « Wahlkreis und Partei », Die neue Zeit (Wochenschrift der deutschen Sozialdemokratie), 1904, n° 28, p. 36‑46 (ici p. 37).
[47]. Paul Marion, « La lutte contre la droite – Une nouvelle plate-forme politique », Cahiers du Bolchévisme, n° 17, 15 avril 1925, p. 1059. (À propos des positions formulées par F. Loriot à l’Assemblée générale de la Région parisienne, 26 mars 1925.)
[48]. Paul Marion, op. cit. Il y a bien entendu des échelons entre la cellule et le Comité central. Paul Marion et Loriot finiront tous deux hors du Parti.
[49]. Cahiers du Bolchévisme, n° 35, 15 janvier 1926, p. 145.
[50]. Idem.
[51]. Cahiers du Bolchévisme, n° 6, 26 décembre 1924, p. 429‑436. La Correspondance internationale (7 février 1925) publie le « projet de statuts-type » pour les sections de l’IC.
[52]. Cahiers du Bolchévisme, n° 2, 28 novembre 1924, p. 67‑68.
[53]. Ve Congrès national du Parti communiste français, op. cit., p. 107.
[54]. Publié en 1924, Paris, Librairie de L’Humanité, Présenté comme « complément » de l’ABC du communisme de Boukharine. Ce texte de Staline est plus connu sous le titre: Des principes du léninisme.
[55]. Voir « Une année d’expérience des écoles régionales », Victor, Cahiers du Bolchévisme, n° 9, septembre 1930; « Les écoles spécialisées », Cahiers du Bolchévisme, n° 10, octobre 1930.
[56]. Pour répondre aux critiques de Manouilski concernant l’ignorance des membres du Parti quant à l’histoire de celui-ci, A. Ferrat reprend ses cours de 1930 qui seront publiés en 1931 sous forme de livre: Histoire du Parti communiste français. Il faudra attendre 1934 pour la parution d’un aperçu historique de J. Vidal (préface d’André Marty) intitulé Le Mouvement ouvrier français et couvrant la période allant de la Commune à 1914. On peut également signaler que le mouvement syndical (de 1914 à nos jours) fera l’objet de deux volumes en 1934, signés René Garmy.
[57]. Cité par André Ferrat, Histoire du Parti communiste français, Paris, 1931, Bureau d’Éditions, 259 p., p. 8.
Manouilski, Discours sur la situation du PCF à la Commission française de l’Exécutif de l’IC, L’Internationale Communiste, n° 21, 20 juillet 1930, p. 1382.
[58]. Cahiers du Bolchévisme, n° 11, novembre 1930, p. 1074‑1078. Claude Servet.
[59]. Cahiers du Bolchévisme, n° 12, décembre 1930. Victor.
[60]. Cahiers du Bolchévisme, n° 21, 1er novembre 1932.
[61]. Cahiers du Bolchévisme, n° 22, 15 novembre 1933 et n° 23, 1er décembre 1933.
[62]. Congrès national du Parti communiste français des 31 mars au 6 avril 1929 à Paris – rapport politique du Comité central, Paris, Bureau d’Éditions, 1929, p. 88.
[63]. Texte publié dans L’Humanité, 19 novembre 1927.
La Lettre est reproduite in: Congrès national du Parti Communiste Français des 31 Mars au 6 Avril 1929 à Paris – Rapport politique du Comité central, Paris, Bureau d’Éditions, 1929, p. 83.
Dans la même brochure est reproduite également la Lettre du Présidium de l’I.C. au Comité central du P.C. Français, du 2 avril 1927 (p. 88).
[64]. [Note 321ignition:]
La phrase telle que citée est extraite de l’intervention de L. Blum au nom de la commission des résolutions. In: Notre tactique électorale, Paris, Librairie populaire, 1928, p. 11.
En rendant compte des travaux du congrès, le Populaire du 30 décembre 1927 publie un résumé de cette intervention, rapportant notamment la position concernant le PCF. Dans le Populaire du 29 décembre on peut lire un commentaire similaire de Paul Faure: « Les communistes nous ont adressé une sommation: “Ou vous accepterez cela, nous ont-ils dit, ou nous ferons battre vos chefs”. Je ne sais pas bien ce qu’ils appellent nos chefs; mais, tous nos “chefs” devraient-ils être battus, nous ne signerons pas ces conditions insolents. »
[65]. Brochure, Front unique à l’usine!, Éd. RP du Parti communiste, sd, 16 p.
[66]. CE de l’IC, février 1928. Classe contre classe – la question française au IXe Exécutif et au VIe Congrès de l’IC, Paris, 1929, Bureau d’Éditions (réimpression Éd. Gît‑le‑Coeur, Paris, sd.)
[67]. Le compte rendu sténographique du VIe Congrès de l’Internationale Communiste (17 juillet-1er septembre 1928) est publié dans des numéros spéciaux de la Correspondance internationale. Premier numéro consacré au congrès: n° 69/n° spécial 10, 26 juillet 1928; le compte rendu se termine avec le n° 149/n° spécial 51, 11 décembre 1928.
Ici: n° 72/n° spécial 11, 1er aout 1928, p. 19.
[68]. La Correspondance Internationale, n° 94/n° spécial 44, 30 aout 1928, p. 1001.
[69]. Idem, p. 1010.
[70]. Idem, p. 1023.
[71]. Pour quels principes, dans quel domaine, dans quelle mesure, c’est une autre question. Boukharine quant à lui sera condamné pour nombre de ses positions dans les mois qui suivent le Congrès de l’IC.
Citation extraite du Rapport sur la question du programme, IVe Congrès de l’Internationale Communiste, 18 novembre 1922, in: Bulletin Communiste, n° 1, 4 janvier 1923, p. 12.
[72]. Idem, p. 13.
[73]. La Correspondance Internationale, n° 6, 20 janvier 1923.
[74]. 21 juin. La Correspondance Internationale, n° 53, 4 juillet 1923.
[75]. Bulletin d’Information publié par la Section centrale d’Agit‑Prop – numéro spécial, mars 1929. « La discussion dans le Parti. Interventions au Comité central de février 1929 », 62 p. [Extrait du Rapport de Maurice Thorez, intervention Doriot, Jean Ferrat, intervention Thorez.] Le Rapport intégral? de Thorez a été publié dans le n° 11‑12 des Cahiers du Bolchévisme, janvier‑février 1929, p. 121‑149.
[76]. Cf. Cahiers du Bolchévisme, n° 11‑12, janvier‑février 1929, p. 121‑149.
[77]. Compte rendu de la Conférence…, op. cit., p. 256.
[78]. Ve congrès de l’Internationale communiste, op. cit., p. 425.
[79]. Idem, p. 239.
« Donc il n’y a pas eu révolution, il y a eu un changement du personnel dirigeant de la classe bourgeoise. Ce changement ne représente pas un changement du programme de la bourgeoisie italienne au point de vue économique et social, ni même au point de vue politique intérieure. »
[80]. Le compte rendu analytique du Ve Congrès de l’IC ne signale que ces deux interventions pour les deux séances.
[81]. Ve congrès de l’Internationale communiste, op. cit., p. 425.
[82]. François Berry, Le fascisme en France, Paris, Librairie de l’Humanité, 1926, p. 32.
[83]. Il s’agit de la Ligue fondée par Déroulède avant 1914.
[84]. Cahiers du Bolchévisme, n° 4, 12 décembre 1924, p. 251.
[85]. Idem, p. 253.
[86]. Idem, p. 252.
[87]. Idem, p. 253. En 1926 le Parti communiste éditera une revue, Le Militant Rouge, consacrée aux problèmes insurrectionnels, à l’auto-défense. Elle ne vivra qu’une année.
[88]. Idem, p. 251 et p. 250.
[89]. Cahiers du Bolchévisme, 26 décembre 1924, p. 422. Sellier sera exclu du parti en 1929 à cause de ses positions électoralistes et municipalistes, proches de celles de M. Cachin, de Renaud Jean entre autres. Et il réintégrera finalement la SFIO.
[90]. Cahiers du Bolchévisme, 26 décembre 1924, p. 415. Voir M. Thorez, intervention au meeting de l’hippodrome de Lille lors du VIe Congrès du PCF (20 juin 1926).
[91]. Cahiers du Bolchévisme, 1er juillet 1925, p. 1417.
[92]. Ve Congrès national du Parti communiste français, op. cit., p. 19.
[93]. Idem, p. 690.
[94]. Idem, p. 659 et p. 661.
[95]. Idem, p. 665.
[96]. [Note 321ignition:] Pour être précis, les Führerbriefe n’étaient pas une émanation de l’Union industrielle allemande, ni même liés à elle en tant que telle.
[97]. Cf.:
– la version originale complète du texte: Die soziale Rekonsolidierung des Kapitalismus.
– des explications sur les circonstances de la publication du texte: « La reconsolidation sociale du capitalisme »
[98]. [Note 321ignition:] L’organisation “Reichsbanner Schwarz-Rot-Gold” (“Bannière du Reich Noir-Rouge-Or”) est une organisation de masse proche du SPD, fondée en 1924 par ce parti ensemble avec le Parti du centre (Zentrumspartei, Zentrum), le Parti démocratique allemande (Deutsche Demokratische Partei, DDP) et quelques petits partis, ayant comme but la protection de la République contre les activités d’extrême droite et aussi du KPD. De la fondation jusqu’en 1931, le président est Otto Hörsing (SPD). Les couleurs noir-blanc-rouge constituaient à partir de 1867 le drapeau de l’Union allemande du Nord [Norddeutscher Bund], puis servaient de 1871 à 1919 ainsi que de 1933 à 1945 comme couleurs de l’Empire allemand. En 1919 l’Assemblée nationale de Weimar décide que les couleurs nationales sont noir-rouge-or, mais les groupes monarchistes, conservateurs et national-socialistes continuaient à arborer les couleurs noir-blanc-rouge.
[99]. La Correspondance Internationale, n° 84/n° spécial 19, 16 aout 1928, p. 886.
[100]. Ibidem.
[101]. On a vu Thälmann employer des faits similaires dans sa démonstration. Cela ne semble pas très pertinent quant à la caractérisation de la social-démocratie en tant que social-fascisme. C’est créer une confusion entre fascisme et dictature de la bourgeoisie.
[102]. M. Thorez, « La Tactique du Front unique », Cahiers du Bolchévisme, n° 9, septembre 1930, p. 859‑860. Oeuvres, Livre 2, tome 1, Paris, Éd. Sociales, 1950, p. 86‑87.
[103]. Cahiers du Bolchévisme, n° 24, 15 décembre 1933, p. 1632‑1633.
[104]. Toutes proportions gardées bien entendu et dans des circonstances certes fort différentes il faut apprécier le vote des pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940 par de nombreux députés socialistes et l’intégration de politiques et de syndicalistes dans l’État français de Vichy.
[105]. Cahiers du Bolchévisme, n° 24, 15 décembre 1933, p. 1634‑1635.
[106]. Idem, p. 1634.
[107]. L’Humanité, 29 et 30 janvier 1928.
[108]. Dans l’optique 1928 il s’agit d’accorder une place de premier plan aux arrestations, etc.
[109]. Cf. plus haut.
[110]. Cahiers du Bolchévisme, n° 86, 15 décembre 1927, p. 1293.
[111]. Cahiers du Bolchévisme, Nouvelle série, n° l, 15 mars 1928, p. 104‑107.
[112]. Classe contre classe…, op. cit., p. 64.
[113]. Ibidem.
[114]. Lettre du CE de l’IC avant le Congrès de Saint‑Denis, Cahiers du Bolchévisme, n° 16, juin 1929, p. 439.
[115]. François Billoux, « Le Plénum de l’ICJ et la Jeunesse communiste de France », Cahiers du Bolchévisme, n° 3, mars 1930, p. 241.
[116]. Idem, p. 235.
[117]. Le 1er mai avait pourtant été un avertissement sérieux. Cf. Cahiers du Bolchévisme, n° 14‑15, avril‑mai 1929, notamment p. 353: « Autocritique du 1er mai ».
[118]. François Billoux, op. cit., p. 236.
[119]. L’Internationale communiste, n° 21, du 20 juillet 1930, Discours de M. Thorez.
[120]. Cahiers du Bolchévisme, n° 22, décembre 1929, p. 841‑855.
[121]. In Yvan Craipeau, Le mouvement trotskyste en France, Paris, 1971 [1972], Éd. Syros, 285 p., p. 58‑59.
[122]. Le Parti communiste français devant l’Internationale, Paris, Bureau d’Éditions, 1931.
D.‑Z. Manouilski, Les Partis communistes et la crise du capitalisme, Rapport à la XIe Assemblée plénière du CE de l’IC, Paris, Bureau d’éditions, 1931. Partie « État des sections de l’IC », p. 95.
[123]. M. Thorez, Oeuvres, op. cit., Livre 2, tome 2, p. 116.
[124]. Vers l’organisation d’un parti bolchevik, Paris, sd, Éd. du PC, 93 p.
[125]. Op. cit.
[126]. Cahiers du Bolchévisme, Numéro spécial, janvier 1930.
[127]. Cahiers du Bolchévisme, n° 11, 1er juin 1932. Écoles des cadres, générales ou spécialisées (agit-prop, journalistes, organisation, propagandistes), centrales et régionales. De 1928 à 1932, il y a eu 19 écoles regroupant 280 élèves.
[128]. Op. cit.
[129]. Cahiers du Bolchévisme, n° 10, 15 mai 1932, p. 674.
[130]. Première édition, Paris, [mai] 1932, Bureau d’éditions, 64 p. Deuxième édition revue et corrigée, 1934. Troisième édition revue et augmentée, 1935.
[131]. V. Masson, « L’expérience des écoles centrales », Cahiers du Bolchévisme, n° 12, 15 juin 1933, p. 846‑849.
[132]. Voir L’Internationale Communiste, n° 19, 1er octobre 1927; J. T. Murphy, « La première année de l’École Lénine et ses perspectives ».
[133]. Camille Larribère, « Les étapes de la lutte pour une organisation bolchévique du Parti », Cahiers du Bolchévisme, n° 3, mars 1931, p. 244.
[134]. Camille Larribère, op. cit., p. 244 et p. 244‑245. Voir O. Bewer, « Comment renforcer l’organisation du PCF », L’Internationale Communiste, n° 4‑5, 1932. « Il faut mettre fin résolument à l’auto-critique stérile. »
[135]. Cahiers du Bolchévisme, n° 7, 1er avril 1932, p. 484.
[136]. Sur l’implantation voir Cahiers du Bolchévisme, n° 11‑12, janv.‑février 1929, p. 176.
[137]. R. Dumontier, « L’Unité syndicale », Révolte, n° 3, avril 1931.
[138]. Cahiers du Bolchévisme, n° 8, 15 avril 1932, p. 522.
[139]. Idem, p. 523, p. 524.
[140]. Cahiers du Bolchévisme, n° 1, janvier 1930 (signé Germinal).
[Note 321ignition:] Ce texte est reproduit ici: ►.
[141]. En aout 1932, se tient à Amsterdam un congrès aboutissant à la constitution d’un “Comité mondial contre la guerre impérialiste”. Les délégués viennent de 30 pays et comprennent des sans-parti, des socialistes et des communistes. Puis, dans le prolongement de cette initiative, en juin 1933 se tient à Paris à la salle Pleyel un second congrès “ouvrier européen antifasciste”.
[142]. La Correspondance Internationale, n° 91, 6 octobre 1935, p. 1342.
[143]. Thèses, Décisions, Résolutions de la XIIe Assemblée plénière du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste, Paris, 1933, Bureau d’Éditions, 44 p., p. 15.
Cf. Thèses: La situation internationale et les tâches de l’IC ►.
[144]. Idem, p. 10.
[145]. Idem, p. 6.
[146]. Idem, p. 13‑14.