A. Fogorachy

Sur le capitalisme d’État [1]

<

En automne 1931, en pleine crise bancaire, la social-démocratie autrichienne tenta une manœuvre de grande envergure en proclamant la crise économique comme le début de « l’époque du capitalisme d’État », et lança à cette occasion un document-programme sur « l’économie organisée par le capitalisme d’État » et d’autres théories analogues. La « théorie » de la social-démocratie autrichienne sur le capitalisme d’État est devenue une « explication » générale et une justification de la crise. Cette théorie est reconnue à l’unanimité par les social-démocrates aussi bien de droite que de « gauche », en Autriche, en France, en Tchécoslovaquie, en Allemagne, par les social-impérialistes japonais, et par les menchéviks interventionnistes ([Fiodor] Dan), par les trotskistes.

Les socialistes français viennent de l’inclure dans leur programme de participation gouvernementale.

Cette circonstance impose la nécessité de démasquer jusqu’au bout les machinations social-fascistes sur le « capitalisme d’État ». Pour y arriver, il faut en premier lieu se mettre d’accord sur la notion du « capitalisme d’État»; secondo, il faut faire ressortir la liaison de la nouvelle « théorie » social-démocrate avec leurs enseignements réformistes et opportunistes antérieurs; tertio, il faut analyser les changements qui s’opèrent réellement dans les rapports entre les États capitalistes et l’économie. (Nous traiterons séparément ce troisième sujet.)

I. ‑ Lénine sur le capitalisme d’État

Ce qui a une importance décisive pour l’ensemble de la question de capitalisme d’État c’est le point de vue de classe, ainsi formulé par Lénine [2]:

En réalité, tout le problème de contrôle réside dans le fait qui est contrôlé par qui, c’est‑à‑dire quelle est la classe qui contrôle et laquelle est contrôlée.

Lénine s’exprime dans ce sens dans tous ses écrits sur le capitalisme d’État. Lénine souligne, avec toute la netteté requise, la contradiction essentielle entre le capitalisme d’État dans les conditions de la domination de la bourgeoisie et le capitalisme d’État sous la dictature prolétarienne, et donne par là même une clef pour comprendre tous les processus de classes liés les uns aux autres et qui constituent le contenu du capitalisme d’État. Pendant la guerre impérialiste mondiale, quand la social-démocratie avait identifié, comme maintenant, le capitalisme d’État avec le socialisme, Lénine donna une définition classique du contenu de classe du capitalisme d’État dans les conditions capitalistes [3]:

Qu’est‑ce qu’est l’État? C’est une organisation de la classe dominante ‑ en Allemagne, par exemple, des junkers et des capitalistes. C’est pourquoi ce que les Plékhanov allemands ([Philipp] Scheidemann, Lentch [Paul Lensch] et autres) appellent du « socialisme de guerre » ce n’est qu’un capitalisme étatique monopoliste de guerre, ou, en s’exprimant plus simplement et plus clairement, bagnes de guerre pour les ouvriers, profits assurés militairement pour les capitalistes.

Lénine nous édifie non seulement sur le contenu de classe du capitalisme d’État, mais aussi sur la liaison de classe entre le capitalisme d’État et le socialisme [4].

Vous verrez, que le capitalisme monopoliste d’État dans l’État réellement révolutionnaire-démocratique constitue inévitablement et irrémédiablement un pas et des pas vers le socialisme … Car le socialisme n’est rien d’autre qu’un pas en avant du monopole capitaliste d’État.

La prise révolutionnaire du pouvoir par le prolétariat, le renversement de la domination de la bourgeoisie, sont les prémices pour accomplir ce pas vers le socialisme. Voilà ce qui est essentiel dans toutes les paroles de Lénine sur le capitalisme d’État. Remplacer cette pensée décisive essentielle, lui donner un sens contraire ‑ voilà le but de toutes les manœuvres d’escroquerie des social-fascistes.

Les social-démocrates s’étendent en long et en large sur le capitalisme d’État dans les pays capitalistes et en U.R.S.S. C’est pourquoi les paroles de Lénine sur le capitalisme d’État dans l’État prolétarien sont d’une importance primordiale pour démasquer les « théories » des social-démocrates sur le capitalisme d’État. Justement en liaison avec le rôle international du problème du capitalisme d’État dans le pays de la dictature du prolétariat, Lénine a dit à ce sujet au IIIe congrès de l’I.C. [5]:

Le capitalisme d’État dans la société, où le pouvoir est entre les mains du capital et le capitalisme d’État dans l’État prolétarien ‑ ce sont deux notions différentes. Dans le pays capitaliste le capitalisme d’État signifie une économie contrôlée par l’État dans l’intérêt de la bourgeoisie et contre le prolétariat. Dans l’État prolétarien la même chose est faite dans l’intérêt de la classe ouvrière en vue de résister contre la bourgeoisie encore forte et de lutter contre elle.

Au IVe congrès de l’IC., Lénine a donné la caractéristique suivante du capitalisme d’État [6]:

Le capitalisme d’État, comme nous l’avons établi chez nous, est un capitalisme d’État particulier. Il ne correspond pas à la notion courante du capitalisme d’État. Nous avons dans nos mains tous les leviers de commandes, nous avons la terre, elle appartient à l’État. Ceci est très important, quoique nos adversaires veuillent présenter ce fait comme n’ayant aucune importance. Ceci n’est pas juste. Le fait, que la terre appartient à l’État, a une grande importance pratique dans le domaine économique. Nous sommes arrivés à cela, et je dois dire, que toute notre activité ultérieure doit se développer seulement dans ce cadre. Nous sommes déjà arrivés à cela que notre paysannerie est contente, que notre industrie et notre commerce s’animent. J’ai déjà dit que notre capitalisme d’État diffère du capitalisme d’État, compris à la lettre, par le fait que nous avons entre les mains de l’État prolétarien non seulement la terre, mais aussi toutes les branches les plus importantes de l’industrie.

Rien n’était aussi étranger à Lénine que la forme déterminée et immobile de la notion du capitalisme d’État. Le génie de Lénine était justement de savoir montrer que le rôle du capitalisme d’État varie en fonction des changements qui s’opèrent dans les rapports des forces de classe. Il s’ensuit que sur les différentes étapes du développement de l’Union soviétique, le capitalisme d’État acquiert un caractère différent.

Nous ne pouvons pas nous poser comme tâche de montrer toute la richesse idéologique de l’analyse léniniste de la question du capitalisme d’État, en liaison avec le problème d’édification socialiste. Nous voulons faire ressortir ici deux moments.

Primo, Lénine a opposé nettement toutes les définitions du capitalisme d’État dans les conditions de la dictature du prolétariat à celles du capitalisme d’État dans les conditions capitalistes. Toute théorie laissant tomber cette opposition mène inévitablement au point de vue social-démocrate sur le capitalisme d’État dans les conditions du régime capitaliste. Secondo, il faut souligner le fait que le capitalisme d’État dans l’État prolétarien acquiert un sens différent du sens propre de ce mot, sens passager, limité dans le temps. Toute théorie qui passe sous silence ce fait, mène inévitablement au point de vue social-démocrate sur le socialisme en U.R.S.S., sur la question de possibilité de construction du socialisme dans un seul pays.

En liaison avec cela, les interventions du camarade Staline au XIVe congrès du parti bolchévik de l’U.R.S.S., contre les positions antiléninistes des camarades Zinoviev et Kameniev, ont une importance primordiale.

En 1925, Kameniev et Zinoviev ont déclaré le capitalisme d’État comme une forme prépondérante de l’économie soviétique. Le camarade Staline a abordé, en véritable maître du matérialisme dialectique, dans son discours de clôture, la racine même de la question. Il montre que Zinoviev et Kameniev analysent la question du capitalisme d’État « scholastiquement », en dehors du cadre historique, donc pas « dialectiquement ». Dans quelles circonstances et quand Lénine a‑t‑il considéré le capitalisme d’État admissible et désirable comme une forme prépondérante de l’économie soviétique? En 1921, dans la période du chaos industriel, quand Lénine trouva nécessaire « d’attirer le capital étranger, pour reconstruire avec son aide l’industrie, introduire ainsi le capitalisme d’État et à travers lui créer la liaison du pouvoir soviétique avec la campagne ». Grâce au rôle tout à fait subalterne des concessions et de l’affermage des entreprises, la situation a foncièrement changé.

… parler maintenant, en 1925 du capitalisme d’État comme d’une forme prédominante de notre économie, cela signifie déformer le caractère socialiste de notre industrie étatique, cela signifie, ne pas comprendre toute la différence entre la situation précédente et présente, cela signifie, aborder la question du capitalisme d’État non pas d’une façon dialectique, mais scholastique, métaphysique. (J. Staline, Les questions du léninisme [7].)

Ces paroles du camarade Staline sont la continuation des thèses de Lénine et ensemble avec elles présentent l’analyse dialectique du problème du capitalisme d’État dans les conditions de la dictature du prolétariat. Les paroles du camarade Staline acquièrent justement à présent une grande importance internationale. Car toute la social-démocratie internationale essaie, à l’heure actuelle, de nier le caractère socialiste de l’économie soviétique, en se servant à cet effet des arguments de l’ancienne opposition trotskiste et des arguments de la bourgeoisie: il n’y a en U.R.S.S. aucun socialisme, c’est par contre un capitalisme d’État qui y est établi. L’analyse dialectique du capitalisme d’État par Lénine et Staline nous donne non seulement l’arme pour désarmer les théories trompeuses des social-démocrates sur le « capitalisme d’État en U.R.S.S. », mais apporte aussi dans cette notion la netteté nécessaire pour déjouer toutes les manœuvres social-démocrates tendant à semer des illusions sur le « capitalisme d’État » établi dans les pays capitalistes.

II. ‑ La place historique des manœuvres social-démocrates
de « capitalisme d’État »

Dans la période de la guerre impérialiste mondiale et de la crise générale du capitalisme, les social-démocrates tentent une grande manœuvre pour déformer le contenu du capitalisme et de l’État bourgeois. En réalité, à la base de toutes ces multiples variations de théories ‑ correspondant aux différents stades d’évolution de la social-démocratie, de l’ancien réformisme et de l’opportunisme au social-impérialisme et au social-fascisme ‑ il y avait toujours la même idée, à savoir que le capitalisme n’est plus le capitalisme, qu’il est devenu, à vrai dire, le socialisme. Et plus loin: l’État capitaliste est, à vrai dire, « notre » État, État démocratique, État national, « État du travail », et ici il manque seulement quelques lettres à « l’État des travailleurs ».

Autour de cette idée essentielle tournent toutes les théories social-démocrates, toutes les manœuvres, machinations, programmes. La tâche de la social-démocratie ‑ voiler l’escroquerie trop nue, l’accommoder de l’harmonie des faits au moyen des formules vagues, embrouillées ‑ en un mot, faire ce mensonge vraisemblable. D’où découle la nécessité de différentes variétés ‑ suivant les conditions ‑ de la même thèse fondamentale.

Les variétés les plus importantes de ce thème fondamental sont la théorie de Kautski sur l’ultra-impérialisme après la guerre, la théorie de Kautski et de [Rudolf] Hilferding sur le nouveau capitalisme de monopoles, pacifique et pacifiste, de nouvelles variétés de l’ancienne théorie de Bernstein sur l’« intégration dans le socialisme », les théories du capitalisme organisé. Enfin des programmes de socialisation, formulés par les partis social-démocrates ‑ dès 1919, quand la social-démocratie allemande sous le mot d’ordre « la socialisation arrive » organisait l’écrasement du mouvement ouvrier jusqu’au programme du Labour Party (« socialisme à nos jours ») et jusqu’aux projets actuels de socialisation formulés par Léon Blum, Vandervelde [8] et Cie. Aux théories du « nouveau type » du capitalisme, du nouveau type de l’impérialisme correspondent les théories social-démocrates de l’État du nouveau type ‑ de l’État qui ne représente plus l’ « ancien » État de classes, mais qui est devenu un État démocratique, État national, une phase transitoire entre l’État bourgeois et l’État ouvrier. Dans ce sens le journal viennois Arbeiterzeitung [Journal ouvrier] écrivit:

« Il faut saluer la commune de Vienne, fondée sur la base démocratique, comme le premier véritable pouvoir ouvrier dans le monde. » (Arbeiterzeitung du 1er mai 1927.)

[Karl] Renner, social-fasciste autrichien écrivait:

… si la révolution était pour le prolétariat un but en soi, la république est devenue partout en partie une république prolétarienne: ainsi en Autriche ‑ Vienne, en Allemagne ‑ la Prusse. (Kampf [Lutte], juin 1930.)

« Le nouvel État » dont la social-démocratie reconnaît le caractère démocratique, au point de vue politique, signifie en même temps l’« État économique », l’«État social ». Ces notions devenues depuis longtemps courantes dans la théorie et la pratique social-démocrate ont précédé la dernière manœuvre du « capitalisme d’État ».

Dans ces « théories » de la social-démocratie sur l’État il faut chercher l’origine de l’idéologie fasciste de l’État corporatif. Nous trouvons nécessaire d’insister, avec vigueur, sur cette liaison: LE RÉFORMISME A DONNE AU FASCISME LA BASE DE SA « THÉORIE » SUR L’ÉTAT. Ceci est très important pour comprendre les processus compliqués que nous désignons comme la fascisation de l’État bourgeois, comme la fascisation de la social-démocratie.

La « théorie » social-démocratique du nouveau type d’État a comme but de démolir les principes essentiels de l’enseignement de Marx et de Lénine sur l’État, appareil de violence et d’oppression, arme des classes dominantes, dont la fonction est l’oppression et l’écrasement des masses travailleuses. La « théorie » social-démocrate assigne à l’État bourgeois des fonctions diamétralement opposées. (« L’État-assureur » ‑ Versorgungstaat.) La formule de Kautski considérée par les social-démocrates comme classique et qui est vraiment classique dans son apologie ignoble de la bourgeoisie, est la suivante:

L’État démocratique actuel diffère des autres types de l’État, par le fait que l’utilisation de l’appareil étatique pour des buts des classes d’exploiteurs ne constitue pas son essence, n’est pas inévitable. (Kautski, Le matérialisme historique, volume II, page 298.)

« Le capitalisme d’État » est le couronnement de cette thèse. L’État non pas seulement se charge d’autres fonctions, mais dirige toute l’économie, les « fonctions économiques » le préoccupent avant tout.

Cette position social-démocrate est diamétralement opposée à la position léniniste sur le rôle du capitalisme d’État dans les conditions de la domination de la bourgeoisie. La thèse léniniste dit ici que la régularisation de l’économie par l’État mène justement au renforcement de la fonction de l’État en tant qu’oppresseur des masses [9]:

Les États-Unis, l’Allemagne « régularisent la vie économique » de façon à créer des bagnes militaires aux ouvriers (et en partie aux paysans), un paradis aux capitalistes. Leur régularisation consiste dans l’abaissement du niveau de vie des ouvriers jusqu’à la famine, et dans l’assurance aux capitalistes (en cachette, d’une façon réactionnaire et bureaucratique) des profits au‑dessus du niveau d’avant-guerre. (Lénine.)

Il faut d’autant plus insister sur ce point que les théories social-démocrates sur le nouveau type de l’État et sur le capitalisme d’État ont trouvé une répercussion dans les travaux des auteurs communistes, notamment dans les différentes œuvres du camarade Boukharine. L’erreur du camarade Boukharine est de considérer l’intégration, l’interpénétration du capital monopoliste avec l’État comme le capitalisme d’État en général ou comme une tendance au capitalisme d’État dans ce sens, que l’État capitaliste organiserait et réglementerait de plus en plus l’économie. Même le courant de trustification est considéré par lui comme une tendance au capitalisme d’État, ainsi que l’« étatisation de l’économie » en Italie et le fameux « socialisme municipal » à Vienne.

En 1929, le camarade Boukharine affirme que « le capitalisme d’État actuel se développe sur une nouvelle base ». Le capitalisme d’État actuel serait une plus « haute forme » en comparaison avec celle de la guerre. En général, la thèse de Boukharine du capitalisme d’État correspond en principe non seulement à la théorie du capitalisme organisé, mais aussi aux « théories » modernes de la social-démocratie sur le capitalisme d’État. Il va sans dire, que le camarade Boukharine rejette les conclusions politiques de la social-démocratie, mais malgré cela sa théorie mène inévitablement, d’une façon logique et conséquente, à la thèse social-démocrate.

Le rôle renforcé de l’État dans l’économie a induit le camarade Boukharine en erreur. Ce renforcement est un fait incontestable. Mais ce renforcement et l’élargissement des fonctions économiques de l’État pendant la guerre et après la guerre, ainsi que les derniers temps, doit être considéré comme le renforcement et l’élargissement des fonctions de l’État en tant que l’arme d’oppression dans les mains de la classe dominante. La nécessité de ce fait découle de la nécessité de changer les formes d’oppression, vu la période de la révolution prolétarienne, de la crise générale du capitalisme, de la crise révolutionnaire et des crises cycliques jamais connues jusqu’à présent. Ce n’est pas le « type de l’État » qui change, ce ne sont pas de nouvelles fonctions dont il se charge à côté de l’oppression, mais ce sont seulement les mesures qui assurent l’oppression et l’écrasement des masses qui deviennent plus diverses, y compris certaines concessions partielles accordées à la classe ouvrière.

III. ‑ Les traits caractéristiques de la manœuvre de « capitalisme d’État »

La « théorie» du capitalisme d’État des social-démocrates est une variété de sa manœuvre fondamentale de falsification du marxisme. Mais c’est justement une variété actuelle qui correspond à ce moment, ce n’est pas une simple répétition du « capitalisme organisé ». En quoi consiste le trait caractéristique de cette nouvelle variété?

1. La théorie du « capitalisme d’État » est la théorie du capitalisme organisé adaptée aux conditions de la crise au moment où la crise atteint les sommets du capital financier. La structure méthodologique de cette théorie est la même que celle du « capitalisme organisé ». C’est l’identification sophistique du capitalisme et du socialisme à l’aide de la notion transitoire, justement de la notion du « capitalisme organisé » ou du « capitalisme d’État ». Contrairement à la dialectique léniniste de transformation qui considère la transformation, le passage d’une forme à l’autre comme un processus révolutionnaire, comme une lutte des oppositions, ici on invente un sophisme sur l’unité « harmonique » en réalité inexistante, sur l’identité des contradictions dans le « passage » entre le capitalisme et le socialisme.

Si la « théorie du capitalisme organisé » avait pour but de suggérer aux ouvriers que la rationalisation capitaliste, l’intensification du travail, l’augmentation du rendement de travail avec les mêmes bas salaires serait le socialisme, la « théorie du capitalisme d’État » a pour but de convaincre les ouvriers que le chômage des masses, que la liquidation des dépenses sociales, que la diminution des salaires signifieraient le socialisme, seraient également des voies vers le socialisme.

À l’époque, les social-fascistes considéraient le temps de la haute conjoncture particulièrement apte à la socialisation.

Enfin, dans la période d’épanouissement économique de nouvelles réalisations s’opèrent dans le domaine de socialisation, par exemple, les nouvelles entreprises communales s’emparent des nouveaux points d’appui, afin de tenir le coup après les premières années les plus dures d’éducation. (Kautski, Le matérialisme historique, tome II, page 595.)

Actuellement, les social-démocrates de [Otto] Bauer jusqu’à [Marcel] Déat, de Maxston [James Maxton] et [Fenner] Brockway jusqu’à Léon Blum, trouvent que le seul côté positif dans cette crise « terrible », dans cette « catastrophe », dans ce « krach » est que grâce à ceci les conditions ont définitivement mûri pour l’étatisation, pour la socialisation.

C’est pourquoi l’expansion géographique de la « théorie » du capitalisme d’État va (ce qui est curieux) toujours suivant la crise qui se développe. Cette « théorie », originaire d’Autriche, est reprise en Allemagne au moment de plus grandes difficultés; en Angleterre, cette « théorie » fut répandue dans sa version anglaise spécifique, elle est en train actuellement de trouver une place en Tchécoslovaquie, où le ministre socialiste de la Justice a élaboré… un projet de loi spécial sur le capitalisme d’État; enfin en France, où la crise s’est aggravée considérablement dans les derniers mois (nationalisation de certaines branches d’industrie, contrôle sur les banques, les offices étatiques ‑ voilà les points du programme adopté par le récent congrès du Parti socialiste français).

2. Le « capitalisme d’État » est une théorie du « capitalisme organisé », de l’ultra-impérialisme, du « pacifisme constructif » [10], adaptée aux conditions de la fascisation accélérée de l’État bourgeois, de la fascisation rapide de la social-démocratie, adaptée à la période des décrets-lois fascistes.

3. Enfin, le capitalisme d’État est la théorie dont se couvre l’idéologie contre-révolutionnaire socialiste au moment où l’Union soviétique est entrée dans la période du socialisme, où l’exemple de l’édification victorieuse du socialisme dans l’État ouvrier agit de plus en plus sur les larges masses des pays capitalistes et au moment où l’excitation contre l’U.R.S.S. doit nécessairement être masquée d’une façon ingénieuse et artificielle.

Tels sont les traits caractéristiques les plus importants de l’escroquerie social-fasciste sur le « capitalisme d’État ».

 



[1]. Source:
Cahiers du Bolchévisme, 7e année, n° 12, 15 juin 1932; p. 788‑796.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k127206/

[2]. [Note ROCML:] Lénine: « La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer »; Oeuvres, tome 25, Paris, Éditions Sociales, 1971; p. 347‑397, ici p. 372.

Dans l’édition des Oeuvres, les libellées précis des passages cités sont légèrement différents du fait de la traduction.

[3]. [Note ROCML:] ibidem, p. 388.

[4]. [Note ROCML:] ibidem, p. 388‑389.

[5]. [Note ROCML:] Lénine: 3. Congrès de l’IC – Rapport sur la tactique du Parti communiste de Russie (5 juillet 1921); Oeuvres, tome 32, Paris, Éditions Sociales, 1976; p. 509‑527, ici p. 522.

[6]. [Note ROCML:] Lénine: 4. Congrès de l’IC – Rapport (13 novembre 1922); Oeuvres, tome 33, Paris, Éditions Sociales, 1963; p. 429‑444, ici p. 439‑440.

[7]. [Note ROCML:] Staline, 14e Congrès du PC de l’URSS (18‑31 décembre 1925) – Discours de clôture. Publié dans le recueil « Les questions du léninisme » (tome 1).

[8]. [Note ROCML:] Émile Vandervelde. Membre fondateur, en 1885, du Parti ouvrier belge (POB). Membre puis président de la IIe Internationale (1900-1918); en 1923, il participe à la fondation de l’Internationale ouvrière socialiste. Député de Charleroi de 1894 à sa mort en 1938; il occupe successivement divers postes de ministre.

[9]. [Note ROCML:] Lénine: « La catastrophe imminente … »; op. cit.; p. 363.

[10]. [Note ROCML:] Il s’agit de l’idée d’un « pacifisme réaliste » [« realistischer Pazifismus »] développée par Rudolf Hilferding.