Parti communiste ouvrier russe (RKRP) [1]
Discours

 

22e Rencontre internationale de Partis communistes et ouvriers
27-29 octobre 2022, La Habana, Cuba [2]

Texte en français (traduction à partir des versions publiées, en russe, anglais, espagnol)

Le talon menaçant du fascisme et les tâches des communistes

 

Chers camarades de lutte,

Nous souhaitons la bienvenue à tous les participants à cette rencontre ainsi qu’à tous ceux qui n’ont pas pu se rendre à Cuba mais qui sont néanmoins dans la même classe que nous. Nous sommes particulièrement reconnaissants aux camarades cubains, hôtes de cette rencontre. Un exemple de votre courage et de votre résilience inspire les nouvelles générations de révolutionnaires du monde entier. Et l’exemple de l’assistance fraternelle du prolétariat à la révolution cubaine, principalement de la part de l’Union soviétique, reste aujourd’hui un sujet d’étude pour les communistes. Cela est particulièrement vrai en ces jours d’octobre, exactement 60 ans après le pic de la confrontation lors de la crise des Caraïbes, alors que le monde était incroyablement proche d’une catastrophe nucléaire mondiale. Mais grâce au courage des camarades cubains et à la solidarité fraternelle du premier État ouvrier et paysan du monde, il a été possible à la fois de défendre la révolution et de préserver la paix. Aujourd’hui, dans les conditions de la défaite temporaire du socialisme en URSS, un tel niveau d’internationalisme prolétarien n’existe pas. Mais la tension dans le monde d’aujourd’hui se rapproche du niveau observé à l’époque. Nous parlons bien entendu de la confrontation militaire en Ukraine.

Depuis le début de "l’opération militaire spéciale" (comme les responsables russes appellent l’action militaire contre l’Ukraine), notre Comité central du Parti s’est réuni à deux reprises, en mars et octobre 2022, pour élaborer et clarifier notre position. Pour être plus précis, nous défendons cette position depuis 2014 conjointement avec les communistes d’Ukraine et du Donbass. Et nous sommes prêts à insister sur notre position – même si de nombreux partis, bien mérités dans le passé, ne sont plus d’accord avec nous.

1.  La cause de la guerre est la lutte des plus grands prédateurs impérialistes, menés par les USA, pour l’hégémonie mondiale dans le contexte de l’aggravation de la crise générale du capitalisme. Les intérêts économiques de la bourgeoisie impérialiste américaine, comme base de cette guerre, se sont clairement manifestés dans la campagne de sanctions non seulement contre leurs concurrents russes, mais aussi dans la suppression du potentiel économique de leurs alliés européens (l’Allemagne en premier lieu) au moyen d’une guerre du gaz, le sabotage contre les Nord Streams dans le seul but d’ouvrir la voie au gaz naturel liquéfié en provenance des USA.

2.  Alors que la cible de cette agression est la Russie bourgeoise, celle-ci est mise en oeuvre à travers l’Ukraine, qui est l’outil d’attaque entre les mains de l’impérialisme de l’OTAN, avec son régime nazi et fasciste. Le fascisme ukrainien élevé par ses mentors américains et leurs politiques est un véritable fascisme vivant, se reconnaissant comme tel en prônant les collaborateurs de Hitler, Bandera et Shukhevich, désormais présentés comme des héros en Ukraine. L’État ukrainien d’aujourd’hui est un État qui commet des crimes de masse monstrueux, des meurtres et des abus contre la population. La nation bourgeoise ukrainienne s’est dégradée en glorifiant les alliés d’Hitler, en soutenant les massacreurs d’hommes des forces armées ukrainiennes et des groupes nationalistes et en prônant le nazisme. Les cercles les plus réactionnaires de la bourgeoisie financière américaine et européenne apportent leur total soutien militaire, économique et politique à tous ces processus au centre de l’Europe impérialiste. Le 21e siècle bien entamé, l’Europe s’est retrouvée une fois de plus dans le rôle d’un bouillonnement purulent de fascisme.

3.  Notre évaluation de la politique étrangère agressive menée par les USA et leurs alliés de l’OTAN comme étant une politique objectivement fasciste, une évaluation scientifique basée sur la définition du fascisme du Komintern, a été confirmée. Cette politique fasciste suppose la résurrection et le soutien aux forces fascistes qui continuent à abuser des États souverains comme la Yougoslavie, l’Irak, la Lybie, la Syrie et le Donbass. Plus de 50 pays menés par les USA mènent aujourd’hui une guerre contre la Russie et le Donbass sur le territoire ukrainien. Nous assistons à une alliance impérialiste réactionnaire et gangster classique entre les pays de l’OTAN, un groupe de leurs alliés les plus proches du bloc antirusse et à la fusion de leurs pouvoirs économiques, politiques et militaires. (Très probablement, Poutine et les autorités russes ont sous-estimé cela, ou ont peut-être même été provoqués par leurs "respectables partenaires occidentaux" ‑ tout comme ils ont provoqué l’agression de l’Irak contre le Koweït).

4.  Pour la population du Donbass, cette guerre, qui dure depuis 9 ans, est définitivement une guerre juste. C’est aussi une guerre juste pour la majorité du peuple ukrainien, et cela a été confirmé par le vote du peuple dans les territoires libérés des nazis, un vote en faveur de l’adhésion à la Russie – malgré les menaces de mort, malgré les épreuves de la guerre. et malgré la vengeance et les poursuites engagées par le régime nazi ukrainien. L’impérialisme russe, qui est un impérialisme beaucoup plus faible, un impérialisme à ses balbutiements, se bat pour sa part du marché mondial, pour le droit de gérer et d’exploiter les ressources intérieures de la Russie, comme le pétrole et le gaz. En même temps, au sein de la nation bourgeoise russe, il existe encore un nombre important d’éléments et de forces qui portent des souvenirs positifs de la période soviétique et considèrent comme acceptable un rétablissement du socialisme. La haine envers le fascisme et le nazisme explique en grande partie l’attitude positive exprimée actuellement par la majorité des gens à l’égard de la mission de libération de "l’opération militaire spéciale" en Ukraine. La bourgeoisie russe ne peut l’ignorer. Grâce à l’héritage militaire soviétique, la Russie est aujourd’hui le seul pays capable de résister au groupe de prédateurs impérialistes dirigé par les USA. Si la Russie était vaincue, elle suivrait le sort de la Yougoslavie, de l’Irak ou de la Libye, tandis que le talon de fer de la dictature fasciste moderne s’établirait bien au-delà de l’Ukraine.

5.  À cet égard, la lutte de l’armée russe pour réprimer le fascisme en Ukraine est inévitablement défensive et juste. Dans le même temps, nous devons tracer une ligne claire entre la justice objective de la lutte populaire antifasciste et les intérêts du régime bourgeois russe. Nous saluons les efforts des habitants de l’Ukraine pour se libérer de la dictature nazie de Kiev et reconnaissons l’importance progressive des résultats des référendums populaires des régions de la République Populaire du Donbass (RPD), de la République Populaire de Lougansk (RPL), de Zaporozhye et de Kherson en ce qui concerne l’adhésion à la Russie. Dans une certaine mesure, les alliés de la Russie sont la Chine et un certain nombre de pays non affiliés à l’OTAN (comme la Biélorussie, la Syrie et la Corée du Nord), en raison de leur propre lutte de concurrence contre la domination économique des USA.

6.  La guerre a montré que la contrerévolution en URSS et l’instauration du capitalisme en Ukraine et en Russie sont à l’origine de l’effusion de sang entre peuples autrefois frères. La culpabilité de la contrerévolution en URSS et du capitalisme russe, d’Eltsine à Poutine, est aujourd’hui indéniable. Poutine poursuit sa "décommunisation"[3]. Il blâme les bolcheviks et Lénine pour ses propres échecs politiques. Les conditions de travail se durcissent dans toute la Russie, les libertés politiques sont réduites et les tendances réactionnaires se renforcent. Un certain nombre d’échecs militaires lors de l’occupation puis de l’abandon des territoires signifiaient que les habitants devaient faire face à la vengeance des nazis… Les dirigeants russes ont toujours tendance à parvenir à un consensus avec les impérialistes et les fascistes. Dans un exemple récent, des dirigeants du groupe nazi d’Azov capturés ont été échangés contre des soldats de base de l’armée russe capturés de même que l’oligarque Medvedchuk, un ami de Poutine ‑ la base idéologique des autorités russes est totalement pourrie.

7.  Les USA et leurs alliés soutiendront cette guerre aussi longtemps que possible, faisant tout ce qu’ils peuvent pour entretenir le feu. Il s’agit d’une entreprise basée sur l’effusion de sang, un remède à leur crise, de nouvelles commandes pour leurs marchés valant des milliards de dollars et, au final, des revenus correspondants. C’est ainsi que le monde se partage entre les capitaux pour le futur qui vient.

8.  Les deux parties prenantes à cette guerre font de plus en plus appel à des mercenaires. L’OTAN envoie ses voyous pour aider les nazis ukrainiens. En Russie, outre le recours à des sociétés militaires privées, de nouvelles propositions sont à l’étude, telles que le recours à des forces armées étrangères, l’engagement de prisonniers dans la guerre (en échange de leur libération), le recrutement de citoyens étrangers dans l’armée russe. Les parties impliquées dans cette guerre discutent de la possibilité d’utiliser des armes nucléaires, au moins des armes nucléaires "tactiques". Les Ukrainiens tirent sur la centrale nucléaire. La menace d’une guerre nucléaire est en nette augmentation. Compte tenu de la pratique antérieure de la propagande impérialiste américaine, affirmant cyniquement et faussement que Donetsk se bombardait elle-même ou que les troupes russes bombardaient le territoire de la Fédération de Russie, nous pouvons supposer que l’OTAN pourrait utiliser des armes nucléaires sur le territoire de l’Ukraine. Et l’impérialisme a déjà désigné la Russie comme coupable. Il est tout à fait réaliste que l’ampleur de cette guerre s’accroisse, voire qu’elle devienne une guerre mondiale.

9.  Dans le même temps, la Fédération de Russie continue de commercer et de fournir des matières premières stratégiques à ses ennemis du camp de l’OTAN. Ils envisagent de construire un hub gazier en Turquie, pays membre de l’OTAN qui vote à l’ONU pour condamner la Russie et qui fournit des armes à l’Ukraine! Cela confirme une fois de plus que cette guerre est par essence impérialiste.

La tâche du Parti communiste est d’élever le mouvement révolutionnaire du prolétariat dans des conditions historiques concrètes, d’expliquer aux travailleurs la politique des classes, des nations et des États. C’est vital pendant les crises et les guerres. Aujourd’hui, en raison de "l’opération militaire spéciale" de la Russie en Ukraine et dans le Donbass, la situation est tendue et la possibilité de frappes nucléaires mutuelles entre la Russie et l’OTAN apparait sérieusement dans la société. Le monde s’est divisé en deux camps, chaque parti accuse son adversaire de fascisme, en appelle à l’humanité, à la justice et appelle à la vengeance. Les peuples de Russie et d’Ukraine ont été entrainés dans le massacre, principalement sur le territoire de l’Ukraine et du Donbass. Et maintenant, les localités adjacentes de la Fédération de Russie sont bombardées.

Le Parti communiste ouvrier de Russie et d’autres partis communistes insistent sur le fait que la guerre est une compagne inévitable du capitalisme. L’humanité ne peut se débarrasser des guerres que grâce à des transformations révolutionnaires progressistes. Cependant sur cette base qui est sans équivoque l’unité des vues s’arrête. Au-delà de cela, il existe des divergences majeures, et nous pensons qu’elles doivent être enregistrées et examinées en détail.

Par exemple, un certain nombre de partis bien connus et importants supposent à tort dans leur analyse que les conditions actuelles sont identiques à celles de la Première Guerre mondiale (entre 1914 et 1916). Ils croient que les impérialistes ‑ la Russie et les pays de l’UE et de l’OTAN dirigés par les USA ‑ se battent simplement entre eux pour redistribuer les sphères d’influence, contrôler les voies de transport, etc. Ils disent que les travailleurs ne devraient donc pas faire de choix en faveur d’un des impérialistes pour lequel ils devraient se battre et mourir. Ces camarades, en raison de leur interprétation dogmatique du marxisme, pensent que l’Ukraine et son peuple sont une sorte de "punching-ball" battu par les impérialistes. C’est pourquoi ils disent que la guerre doit cesser immédiatement et que toutes les troupes doivent être retirées d’Ukraine! Les camarades organisent des manifestations, visitent les ambassades avec leurs revendications, mais la guerre continue. La position de ces partisans du "non-guerre" se résume en fait à imposer une responsabilité égale à tous les belligérants, et de cette manière, le principal agresseur, les USA, se soustrait à ses responsabilités. Appeler à "arrêter la guerre" équivaut à appeler à arrêter de battre les nazis. Il semble que les camarades ne se soucient pas des mineurs rebelles et des conducteurs de tracteurs du Donbass et de leur sort au cas où les troupes russes se retireraient – ou peut-être que les camarades ne croient pas vraiment en leurs propres appels. Nous savons certainement ce qui est arrivé aux habitants des régions d’Ukraine libérées des nazis par les troupes russes après le retrait des troupes russes – des arrestations, des représailles et des exécutions de personnes ont suivi.

Certains partis et mouvements anti-impérialistes considèrent la Russie et la Chine comme des forces anti-impérialistes. Ils évaluent correctement le principal danger que représente le groupe de prédateurs impérialistes représenté par l’OTAN et les USA, mais ils limitent leur anti-impérialisme à l’antiaméricanisme. Ils considèrent la Russie bourgeoise et la Chine moderne comme progressistes, voire socialistes. C’est une illusion, bien sûr. La Russie et la Chine contestent la politique agressive des USA, mais elles sont loin d’avoir quoi que ce soit à voir avec la lutte pour le socialisme.

Nous pensons que même si l’impérialisme russe est encore faible et n’a pas encore été consolidé, les USA et l’UE font de leur mieux pour réprimer leur rival afin d’atteindre une domination mondiale totale. Ils utilisent les forces ouvertement fascistes et nazies qu’ils ont établies et qu’ils soutiennent. Le régime ukrainien, tout en glorifiant les alliés de l’Allemagne nazie dirigée par Bandera et en détruisant les monuments soviétiques, a réussi à retourner la nation ukrainienne contre la nation russe et à déclencher un combat entre les deux peuples qui étaient autrefois des peuples frères.

Nous réaffirmons que cette guerre, bien que menée par un État russe bourgeois, est essentiellement une guerre défensive pour la Russie contre les politiques impérialistes imposées par une alliance réactionnaire de puissances occidentales. Il y a un côté positif dans cette guerre. L’État russe, tout en exprimant les intérêts et les aspirations de la bourgeoisie russe à gérer les ressources naturelles du pays et à exploiter la main-d’œuvre, est obligé de prendre en compte l’attitude progressiste partagée par une partie importante de la société russe. Les travailleurs russes sympathisent avec les Ukrainiens qui se sont retrouvés sous une dictature terroriste et une propagande nazie totale. Ainsi, l’État bourgeois russe, tout en défendant les intérêts de son capital, est obligé de réprimer le fascisme et d’aider la lutte de libération nationale en Ukraine.

Par conséquent, le RKRP et les marxistes orthodoxes croient que la tâche principale du prolétariat mondial est désormais d’empêcher l’impérialisme international et ses satellites, le Pacte moderne anti-Komintern des démocraties nationales antisouveraines et les forces de frappe de Bandera de vaincre la Russie bourgeoise. Répéter le sort de l’Irak et de la Libye par la Russie n’est pas dans l’intérêt de la classe ouvrière. Le RKRP considère qu’il est nécessaire de contribuer à l’opération militaire spéciale en termes d’activités et d’actions visant à vaincre les nazis (fascistes) ukrainiens.

En 1914‑1916, il n’existait pas de noyau fasciste aussi fort, et c’est la principale différence avec ce que nous avons aujourd’hui. Nous avons aujourd’hui un noyau fasciste fort. Le talon de fer du fascisme menace le monde entier. Les opportunistes d’aujourd’hui ne sont pas comme les opportunistes de 1914, lorsqu’ils ignoraient les intérêts de classe pour soutenir leurs pays impérialistes. L’opportunisme d’aujourd’hui consiste à soutenir les revendications "Pas de guerre" (en raison de son aveuglement politique), à se retirer de la lutte antifasciste, contribuant ainsi à un possible triomphe du fascisme, une impasse pour toutes les classes travailleuses.

L’État bourgeois fait la guerre en utilisant les méthodes et les outils dont il dispose, issus du mode de production actuel. La Fédération de Russie n’est pas l’Union soviétique. L’incompétence, le vol et la corruption à tous les niveaux sont une conséquence inévitable de la structure capitaliste de la société. Tous ces couts sont finalement supportés par les travailleurs, ce qui a un impact très négatif sur le front de guerre. Cela aggrave le mécontentement des citoyens russes à l’égard du "leadership national", les incitant à réfléchir à leurs dures conditions sociales et à en comprendre les causes. Cela nous incite également à réfléchir au fait même que les guerres sont une conséquence du capitalisme.

Dans le même temps, les travailleurs des républiques populaires de Lougansk et de Donetsk et les citoyens de diverses régions d’Ukraine, qui ont la force et le courage de résister aux nazis, qui sèment la destruction dans tout le pays et menacent de représailles ces gens courageux, sont désormais des guerriers trempés. Beaucoup d’entre eux pourraient bien rejoindre l’armée prolétarienne aux côtés de leurs homologues russes dans un avenir proche. La poursuite de la libération du peuple travailleur d’Ukraine de l’oppression et des atrocités des criminels nazis (c’est-à‑dire la libération d’autres territoires) ouvre la voie à l’élargissement du public des partisans potentiels du socialisme. De cette façon, les conditions révolutionnaires murissent.

Tout cela obligera le prolétariat nouvellement armé à aller de l’avant. Ils pourraient passer d’un soutien temporaire aux actions de l’État bourgeois russe visant à supprimer le fascisme à une alliance avec tous les éléments et couches progressistes de la société contre la bourgeoisie dans la lutte pour le socialisme.

Les communistes doivent soutenir ce processus par tous les moyens possibles. C’est la tâche que se sont fixée les communistes dans les rangs du Parti communiste ouvrier de Russie. Nous lutterons pour transformer la guerre impérialiste (menée par la grande bourgeoisie) ou la guerre de libération nationale et antifasciste (menée par les couches prolétariennes) en une guerre pour le socialisme!

 

Stépan Malentsov

Premier Secrétaire

Parti communiste ouvrier de Russie

La Havane, Cuba, octobre 2022

 

23e Rencontre internationale de Partis communistes et ouvriers
20-22 octobre 2023, Izmir, Turquie [4]

Texte en français (traduction à partir de la version publiée en russe)

À propos de la situation actuelle dans le monde et de la véritable essence de la guerre en Ukraine

Thèses du rapport du représentant du Comité central du RKRP Stepan Malentzovan à la 23e Rencontre internationale des partis communistes et ouvriers (solidnet) du 20 au 22 octobre 2023 à Izmir (Turquie).

 

Chers camarades de lutte!

Au nom du Comité central du RKRP, je souhaite la bienvenue aux participants de la 23e Rencontre internationale. Un merci spécial à nos camarades turcs pour l’opportunité de travailler de manière constructive. Malgré toutes nos différences, les réunions sont l’occasion d’exprimer une position, d’échanger des opinions et de discuter.

La situation actuelle dans le monde est extrêmement tendue. La crise générale du capitalisme s’aggrave, qui cherche des solutions en déclenchant des guerres et en fascisant les régimes. Il existe encore des poches de confrontation dans de nombreuses régions du monde (autour de Cuba et du Venezuela, au Moyen-Orient ("de manière inattendue") le conflit s’est manifesté ici clairement et sous une forme très dure. Nous devons l’évaluer en fonction de l’essence de ce conflit. guerre particulière et compte tenu de la politique étrangère du gouvernement américain visant à maintenir sa domination mondiale), sur la péninsule coréenne, etc.). Cependant, l’épicentre des tensions reste aujourd’hui en Ukraine.

Aujourd’hui, comme à l’époque de Lénine, l’attitude à l’égard de la guerre en cours (en Ukraine) est la principale question du mouvement socialiste.

Parce que ‑ cela est dû aux contradictions des plus grandes forces impérialistes;

Parce que ‑ des dizaines de pays y sont déjà impliqués;

Parce que ‑ il existe un risque très réel que cette guerre ne dégénère en une troisième guerre mondiale, avec l’utilisation d’armes nucléaires;

Parce que ‑ nous avons affaire à un fascisme moderne ressuscité et croissant.

Les communistes, contrairement aux autres forces politiques, considèrent toutes les questions à partir de positions de classe ‑ les positions de la classe ouvrière. L’essence de l’impérialisme a été révélée par Lénine dans son ouvrage "L’impérialisme comme stade le plus élevé du capitalisme". Et aujourd’hui, cette essence n’a pas changé. L’impérialisme, c’est la guerre! Toutes les forces de gauche qui se disputent entre elles sont d’accord sur ce point. Tout le monde semble s’appuyer sur Lénine, mais leurs évaluations et positions sont différentes.

Dans l’ensemble, deux directions se sont formées aujourd’hui dans notre communauté, selon lesquelles lors de la dernière réunion internationale des partis communistes et ouvriers à La Havane en octobre 2022 deux déclarations alternatives ont été signées :

D’un côté il y a ceux qui, à notre avis, ont appliqué mécaniquement dans la pratique les formules des bolcheviks du modèle 1914-1916 à la situation actuelle et ont déclaré que dans cette guerre tous les participants sont impérialistes, attribuant ainsi la même responsabilité à toutes les parties impliquées dans le conflit. Il est clair que ces camarades ont qualifié l’OMS (opération militaire spéciale) d’inacceptable invasion russe de l’Ukraine.

Les seconds, auxquels appartient notre RKRP, sont ceux des camarades qui considéraient que la situation aujourd’hui est qualitativement différente de celle de l’époque de la Première Guerre mondiale. L’analyse et l’identification de l’essence réelle de la guerre selon Lénine ("Les mots “essence réelle” montrent qu’il faut distinguer l’apparent du réel, l’apparence de l’essence, les phrases des actes", V.I. Lénine) nous a conduits à la conclusion que pour les USA et l’OTAN, la guerre menée par l’Ukraine nazie depuis 2014 est sans aucun doute agressive, et que dans les actions du Donbass et depuis 2022 de la Fédération de Russie (OMS) il existe clairement une composante forcée et protectrice, c’est-à‑dire un élément d’une guerre nationale juste.

Les partis s’engagent entre eux dans des débats théoriques et politiques, parfois très animés et qui se transforment souvent en évaluations personnelles et en étiquetages. En même temps, les uns et les autres, dans leurs calculs, semblent s’appuyer sur V.I. Lénine en le citant même abondamment. Comment comprendre cela?

Notre parti a participé activement aux discussions tant en Russie que dans le cadre de l’ICE[5], et surtout avec les camarades du KKE et les partisans d’une responsabilité égale de tous les partis. (Nous avons envoyé notre rapport "Sur l’essence réelle de la guerre en Ukraine…" à tous les partis).

Nous, avec tout notre respect pour les camarades grecs, pensons qu’ils ont commis des erreurs théoriques majeures dans l’interprétation de la théorie de Lénine sur l’impérialisme lorsqu’ils ont rejeté le contenu essentiel de la doctrine ‑ à propos d’une poignée d’impérialistes particulièrement riches et puissants, les plus prédateurs. Ils ont proposé la théorie d’une sorte de pyramide, où tous les pays sont impérialistes, seulement à différents niveaux, où les plus hauts exploitent les plus faibles et les plus bas. Les camarades eux-mêmes s’embrouillaient et ils embrouillaient les autres.

Aujourd’hui, l’essence de l’impérialisme n’a pas changé. Aujourd’hui, cette poignée est dirigée par les impérialistes des USA et leurs plus proches alliés du bloc de l’OTAN. Ce puissant bloc composé des plus grands prédateurs impérialistes se bat aujourd’hui pour sa domination sur le monde.

La différence qualitative entre la situation actuelle et celle de 1916 est qu’un puissant noyau unique de prédateurs impérialistes a émergé, qui, bien sûr, s’oppose à l’autre camp impérialiste, mais a choisi la Russie comme cible comme victime momentanée, dans l’espoir de résoudre pendant un certain temps ses problèmes économiques internes par la défaite de celle-ci et son démembrement. Comme en 1991, quand ils ont retardé leur crise en détruisant l’URSS. Par conséquent, nier l’élément protecteur positif de la guerre russe, selon les mots de Lénine, est théoriquement erroné, historiquement clairement erroné et, en pratique, cela équivaut à du chauvinisme européen. Aujourd’hui, nous devrions peut-être dire qu’il s’agit là d’un chauvinisme euro-OTAN.

Une autre erreur majeure des camarades, pensons-nous, est leur rejet des développements théoriques de l’Internationale communiste, en premier lieu la définition de l’essence du fascisme et, par conséquent, des tactiques de lutte utilisant les fronts populaires. D’où leur attitude sceptique à l’égard de nos évaluations de la politique étrangère des USA et du bloc impérialiste, mais la pratique, en tant que critère de vérité, prouve que nous avons raison. Ce que ce bloc poursuit en politique étrangère est, selon la définition du Komintern, un véritable fascisme, qui se réalise aujourd’hui en Ukraine et dans les processus de fascisation dans les pays du bloc, en particulier en Pologne et dans les États baltes.

Dans les conditions actuelles, selon le RKRP, les communistes du monde entier sont obligés de travailler de toutes leurs forces et de toutes leurs méthodes pour vaincre le bloc USA-OTAN, pour arrêter la propagation et le renforcement du fascisme en Ukraine et dans le monde. Toutes les méthodes et tous les alliés possibles conviennent pour cela! En ce sens, c’est une grave erreur de contredire cela, voire de présenter les participants à la Plateforme antiimpérialiste mondiale comme des agents de l’impérialisme. On ne peut pas gagner avec la seule avant-garde! À l’heure actuelle, ce sont des alliés dans la lutte contre le principal danger : la menace du talon de fer du fascisme, la meute impérialiste des USA et de l’OTAN dans le monde entier.

Le RKRP estime que seule la défaite du bloc "USA et OTAN" dans la guerre actuelle (c’est-à‑dire si la Russie bourgeoise survit et renverse le régime nazi de Kiev) créera sans aucun doute des conditions plus favorables au développement du mouvement ouvrier et à la lutte pour le socialisme dans tous les pays.

C’est pourquoi nous souhaitons à tous de réussir à comprendre la situation et nous invitons à poursuivre notre lutte commune.

Nous sommes dans le même système de classes!

N’hésitons pas sur le chemin que nous avons choisi!

 

3e Conférence internationale de la Plateforme antiimpérialiste mondiale
4 Mars 2023, Caracas, Venezuela [6]

Texte en français (traduction à partir des versions publiées, en russe, anglais, espagnol)

Chers camarades!

Nous exprimons notre gratitude à l’organisateur de cette réunion pour l’opportunité de prendre la parole lors d’une conférence internationale aussi représentative. Nous souhaitons aux participants du forum un travail fructueux et un renforcement ultérieur du front de la lutte de classe contre l’impérialisme.

Le forum d’aujourd’hui de la Plateforme antiimpérialiste mondiale a lieu au Venezuela, dont le peuple subit depuis de nombreuses décennies la forte pression de l’impérialisme américain, dont la pieuvre financière a étendu ses tentacules économiques, politiques et militaires aux quatre coins du monde. À l’heure actuelle, l’objectif de politique étrangère de l’oligarchie financière des USA et de ses alliés est de maintenir et de consolider leur domination dans le monde en imposant des régimes réactionnaires sous contrôle dans les pays dépendants. L’affaiblissement des pays rivaux s’effectue à la fois par la pression économique et par des invasions armées ouvertes, directes et indirectes, déclenchées par des régimes fantoches. Une menace particulièrement dangereuse pour l’humanité est la politique de renforcer des régimes fascistes. Tel est, de notre point de vue, de 2014 à nos jours, le régime nazi (Porochenko-Zelensky) nourri par les USA impérialistes et l’UE en Ukraine. Il s’agit d’un véritable fascisme, qui se reconnait comme partisan de la cause des sbires de Hitler (Bandera, Shukhevych, etc.), qui ont combattu contre l’URSS aux côtés de l’Allemagne fasciste pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le fascisme, en tant qu’idéologie et politique du grand capital financier, est né après la Première Guerre mondiale, en réaction à la montée du mouvement révolutionnaire du prolétariat sous l’influence de la victoire de la révolution socialiste en Russie. Le fait que le fascisme constitue un nouveau danger pour le mouvement communiste a été mis en garde par V.I. Lénine. En mai 1921, le parti fasciste de l’ancien socialiste Mussolini remporte des sièges au Parlement italien. Lénine écrivait en aout 1921 : "Le communisme deviendra une force de masse en Italie si le Parti communiste italien, tout en luttant continuellement et sans relâche contre la politique opportuniste du serratisme (Giacinto Menotti Serrati, l’un des dirigeants du Parti socialiste italien, opposé à la ligne du Komintern pour rompre avec le réformisme et qui soutenait l’unité organisationnelle avec eux) est en même temps capable de contacter les masses du prolétariat dans les syndicats, dans les grèves, dans les batailles contre les organisations contrerévolutionnaires des fascistes, fusionner les mouvements de toutes les organisations de la classe ouvrière, transformer ses actions spontanées en batailles soigneusement préparées…" (Oeuvres complètes. vol. 44, p. 86‑100)

Comme on le sait, l’évolution ultérieure des évènements historiques a montré de manière convaincante le danger émanant du fascisme non seulement pour les partis communistes et les organisations ouvrières, mais aussi pour l’humanité dans son ensemble. Et Hitler et ses complices ont commencé leur voyage vers l’hégémonie mondiale avec la création du Pacte anti-Komintern en 1936. La définition scientifique du phénomène et du concept de "fascisme" a été donnée par le 7e Congrès du Komintern en 1935 ‑ comme une dictature terroriste des cercles les plus réactionnaires et les plus chauvins du capital financier. Le fascisme, a souligné le Komintern, constitue un énorme pas en arrière par rapport à la démocratie bourgeoise. Dans les conditions de l’avènement du fascisme, "les masses travailleuses d’un certain nombre de pays capitalistes doivent aujourd’hui choisir concrètement non pas entre la dictature du prolétariat et la démocratie bourgeoise, mais entre la démocratie bourgeoise et le fascisme". Le 7e Congrès de l’Internationale communiste, après avoir souligné le grand danger que les agresseurs fascistes déclenchent une guerre d’extermination prédatrice, a développé la doctrine communiste de la lutte contre les guerres impérialistes. Il concluait que des guerres de libération nationale contre l’agresseur fasciste étaient possibles en Europe. Dans de tels cas, la classe ouvrière et les communistes doivent se tenir à l’avant-garde des combattants pour l’indépendance et la liberté nationales, en combinant cette lutte avec la protection des intérêts de classe du prolétariat et des autres couches des travailleurs. Comme le souligne la résolution sur le rapport de G. Dimitrov, "l’établissement d’un front unique de la classe ouvrière est un maillon décisif dans la préparation des travailleurs aux grandes batailles à venir de la deuxième série de révolutions prolétariennes". Proclamant la tâche de défendre la paix, l’Internationale communiste a avancé le mot d’ordre de créer un large front de paix, englobant l’URSS, la classe ouvrière et les couches démocratiques de tous les pays, ainsi que les États menacés d’agression fasciste. La lutte pour la paix était considérée comme un élément essentiel de la lutte contre le fascisme, pour le renforcement et l’expansion de la démocratie et pour le progrès social.

La pratique historique a prouvé l’exactitude des tactiques choisies à cette époque pour lutter contre le fascisme, permettant de créer une coalition antihitlérienne dirigée par l’URSS et d’organiser la résistance dans les pays occupés par les fascistes. Le résultat de la Seconde Guerre mondiale fut la défaite du fascisme et la formation du système socialiste mondial.

À la suite de la défaite temporaire du socialisme en URSS et dans les pays d’Europe de l’Est, la position des forces du monde s’est considérablement affaiblie. Le bastion qui retenait les appétits des monopoles fut détruit. Le capital est passé à l’offensive contre les droits des travailleurs, tant au sein de son propre pays qu’en politique étrangère. La position du grand capital, principalement concentré aux USA, s’est renforcée et les institutions internationales créées à la fin de la Seconde Guerre mondiale ont commencé à jouer un rôle secondaire et décoratif dans la politique mondiale, incapables de résister aux actions agressives des USA et de l’OTAN.

Le coeur de la théorie de Lénine sur l’impérialisme est la disposition sur le développement inégal des pays capitalistes et sur la concentration du capital à travers les monopoles, les sociétés transnationales et les syndicats d’impérialistes. Une poignée de pays impérialistes les plus développés se démarquent, pillant le reste du monde avec une simple coupe de coupons. Aujourd’hui, une meute de ces prédateurs est dirigée par les USA et leurs acolytes de l’OTAN. Les actions américaines sur la scène mondiale immédiatement après l’effondrement de l’Union soviétique sont devenues de plus en plus débridées et agressives, source de guerres et de coups d’État sanglants. La défaite de la Yougoslavie, de l’Irak, de la Libye, l’agression contre la Syrie, le Donbass, l’Ukraine, les menaces incessantes contre l’Iran et la RPD de Corée sont les maillons d’une même chaine. Le chauvinisme fasciste des USA se manifeste dans les déclarations des dirigeants américains et dans leurs revendications sur une mission spéciale des USA, sur leur responsabilité dans le sort du monde entier, dans la nomination d’États voyous, d’axes du mal, etc. Aujourd’hui, les impérialistes ont non seulement lancé une guerre sanglante en Ukraine, mais sont prêts à allumer le feu de la guerre dans la péninsule coréenne, à Taiwan, en Amérique latine, en Moldavie et au Moyen-Orient.

Mais un danger particulier pour l’humanité aujourd’hui est la menace de propagation de la peste brune, le fascisme, à la plupart des pays européens en cas de réalisation non seulement du rêve, mais aussi des plans des impérialistes ‑ la défaite militaire de la Russie en Ukraine. Le fascisme est déjà en marche, en Pologne, dans les pays baltes, en Allemagne, en République tchèque, partout. La répétition par la Russie du sort de la Yougoslavie, de l’Irak ou de la Libye est fondamentalement contraire aux intérêts du mouvement ouvrier mondial. La réaction cherche à établir fermement et pour longtemps son nouvel ordre. La Russie ne doit donc pas perdre cette guerre contre le nazisme.

Dans le même temps, nous soulignons que la Russie n’est pas l’Union soviétique, mais un État capitaliste. Alors que les peuples de Russie et du Donbass mènent une guerre de libération nationale antifasciste contre le nazisme, la classe dirigeante se bat pour sa souveraineté, pour avoir la possibilité d’exploiter les richesses et les ressources en main-d’oeuvre de la Russie. Le prolétariat de la Fédération de Russie, ainsi que celui de l’Ukraine, de l’UE et des USA, ne peuvent pas prendre le pouvoir politique en main pour le moment. Par conséquent, l’histoire nous a présenté devant un choix théorique et politique ‑ non pas entre la dictature du prolétariat ou de la bourgeoisie, mais entre la démocratie bourgeoise et le fascisme. Par conséquent, il est ridicule d’affirmer, comme le font de nombreux communistes de gauche sincères mais non dialectiques, que les deux ne sont que des formes de dictature de la bourgeoisie, et nous sommes pour la dictature du prolétariat. C’est donc ce que nous choisissons et nous ne nous salirons pas les mains dans la guerre inter-impérialiste. C’est une erreur typique des marxistes du livre qui sont incapables de développer et d’appliquer la doctrine à une situation spécifique. Afin de permettre que demain la dictature du prolétariat puisse remplacer la dictature de la bourgeoisie, nous devons aujourd’hui présenter un front uni contre le fascisme et sa source, l’oligarchie financière, qui se concentre actuellement principalement dans l’impérialisme américain. Le fascisme ne peut pas être soigné. On ne peut pas y remédier par la persuasion. Cet abcès ne peut qu’être enlevé. Bien entendu, le fascisme ne peut être définitivement éliminé qu’en mettant un terme à sa cause, le capitalisme. Mais il est nécessaire de combattre le fascisme ici et maintenant, avec toutes les forces existantes.

La force du front antifasciste et antiimpérialiste dépend de son ampleur et de la force de la compréhension scientifique de la situation, qui dépend des forces communistes.

Lénine a répété à plusieurs reprises qu’il est impossible d’avoir des recettes pour toutes les occasions, il faut avoir la tête sur les épaules et se laisser guider par les principes généraux et les lois de la lutte et de la construction du socialisme. L’un des fondateurs de notre parti, Viktor Tyulkin, a raconté comment, lorsqu’il était député en 2007, il avait eu l’occasion de participer à une conversation avec Hugo Chávez. Chávez fondait alors le Parti Socialiste et déclarait qu’il serait le plus grand et il pensait même que les communistes devraient également y entrer.

À ce sujet, notre secrétaire a posé une question à Chávez, attirant son attention sur le fait qu’un grand parti, c’est bien, mais sans un programme précis (scientifique), il peut se perdre. L’Union soviétique et le PCUS ont avancé beaucoup plus loin sur la voie de la construction du socialisme, mais à la suite de reculs et d’erreurs, ils ont été vaincus. Dans quelle mesure a-t‑il compris ce danger, et sur quoi a-t‑il basé son programme de travail, sur quelles théories connues, en plus de l’expérience de la construction du socialisme à Cuba?

Il faut dire que Chávez a compris cette préoccupation et a réagi de manière figurée et assez précise, à sa manière caractéristique. Il a déclaré que même s’il lui était demandé de citer des sources autres que l’expérience cubaine, il commencerait par Fidel. Il se souvient que Fidel Castro, répondant à la question des journalistes pour savoir s’il avait commis des erreurs et lesquelles au début de son activité révolutionnaire, et laquelle d’entre elles était la principale, Castro avait répondu ainsi : "Bien sûr que je l’ai fait. Et la principale de mes erreurs a été de penser à l’époque que quelqu’un savait exactement comment construire le socialisme."

Il a ensuite décrit comment il était lui-même entré dans l’activité révolutionnaire et avait éprouvé une véritable peur pour la seule fois de sa vie. Chávez était un soldat de métier, il a participé à la rébellion et est allé en prison. Il s’est manifesté et a été persuadé de participer aux élections présidentielles. Gagné!!! Puis de nouveau en prison. La population est descendue massivement dans la rue et les autorités proaméricaines ont été contraintes de le libérer. Il a été libéré et a vu devant lui des millions de personnes. "Et puis j’ai eu peur", dit Chavez, "je suis un militaire et je suis prêt à donner ma vie. Et là, je vois des centaines de milliers de personnes qui espèrent que je pourrai changer leur vie, ils me croient. Et je n’ai aucune idée de comment faire ça. J’avais peur de ne pas pouvoir répondre aux attentes, de tromper leur foi." Après cela, Chávez a été invité à Cuba, pour un mois de travail au Comité central du Parti communiste. Il a quitté le Venezuela en simple rebelle et est rentré chez lui en tant que socialiste.

Nous avons fait cette digression lyrique pour attirer l’attention des camarades sur le fait qu’il faut savoir le plus précisément possible ce que l’on construit et comment construire.

Mais si le mouvement communiste est faible et fragmenté, s’il n’y a pas d’évaluation ni de position unique sur la tactique, alors nous avons une influence minime sur le processus. Malheureusement, il n’existe actuellement aucun dirigeant tel que l’URSS. Cela signifie que nous travaillerons avec ces forces et avec les personnes qui luttent contre le fascisme et l’impérialisme américain en tant que principale menace à la paix. Nous nous réservons le droit de libre agitation et de propagande, y compris au sein du front antifasciste, et nous reconnaissons le même droit aux autres participants. Dans un premier temps, afin de créer un pôle communiste dans le Front antiimpérialiste, nous invitons les partis participant à la réunion à soutenir la déclaration des participants à la 22e Rencontre internationale des partis communistes et ouvriers à La Havane, les 28 et 29 octobre 2022 : "La lutte contre l’impérialisme des USA et de l’OTAN et la lutte pour l’hégémonie mondiale sont la tâche la plus importante des forces progressistes!", qui a été signé à ce jour par 34 parties.

Toi et moi sommes dans la même formation de classe!

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!

 



[1]. Parti communiste ouvrier russe (PCOR)
[Российская коммунистическая рабочая партия (РКРП/RKRP)]

Les débuts organisationnels du RKRP datent de 1991. Le parti s’est développé sous des désignations successives variées :
d’abord Parti communiste ouvrier russe
puis Parti communiste ouvrier russe-Parti russe des communistes (PCOR‑PRC)
[Российская коммунистическая рабочая партия – Российская партия коммунистов (РКРП‑РПK/RKRP‑RPK)]
et depuis 2012 le nom officiel est Parti communiste ouvrier russe au sein du PCUS (PCOR‑PCUS)
[Российская коммунистическая рабочая партия в составе КПСС (РКРП‑ КПСС/RKRP‑KPSS)].

[2]http://solidnet.org/meetings-and-statements/imcwp/22nd-International-Meeting-of-Communist-Workers-Parties/

http://solidnet.org/article/22nd-IMCWP-Conrtibution-by-the-Russian-Communist-Workers-Party/

[3]. Dans un discours prononcé le 21 février 2022, Poutine présente sa vision concernant l’existence de l’Ukraine comme État indépendant incluant le Donbass : "À la suite de la politique bolchévique est née l’Ukraine soviétique, que l’on peut encore aujourd’hui à juste titre appeler l’Ukraine de Vladimir Ilitch Lénine. Il en est l’auteur et l’architecte." Évoquant le fait que dans le période récente en Ukraine les autorités procèdent à détruire les monuments de Lénine, Poutine poursuit : "Ils appellent cela la décommunisation. Voulez-vous la décommunisation? Eh bien, nous en sommes très satisfaits. Mais il n’est pas nécessaire, comme on dit, de s’arrêter à mi-chemin. Nous sommes prêts à vous montrer ce que signifie une véritable décommunisation pour l’Ukraine."

https://www.interfax-russia.ru/rossiya-i-mir/putin-zayavlyaet-o-gotovnosti-pokazat-chto-znachit-dlya-ukrainy-nastoyashchaya-kommunizaciya

[4]http://solidnet.org/meetings-and-statements/imcwp/23rd-international-meeting-of-communist-workers-parties/

http://solidnet.org/article/23rd-IMCWP-Contribution-by-Russian-CWP

[5]. L’Initiative communiste européenne (ECI selon les initiales en anglais) a été constituée en 2013 en regroupant un certain nombre de partis communistes et ouvriers en Europe. Les divergences apparues en son sein en relation avec la guerre autour de l’Ukraine ont conduit à ce qu’il soit mis fin à ses activités en septembre 2023. En novembre 2023 a été constitué un regroupement alternatif, l’Action communiste européenne (ECA selon les initiales en anglais). Ce dernier est orienté selon l’analyse qui considère que la situation actuelle se caractérise par une rivalité interimpérialiste opposant notamment les USA et la Russie entre eux.

Le Parti communiste de Grèce (KKE selon les initiales en grec) a joué un rôle actif dans le cadre de la ECI ainsi qu’en ce concerne l’ECA, dont il est membre.

[6]. https://wap21.org/?cat=39

https://wap21.org/?p=2904