I. V. Staline
Le Don et le Caucase du Nord [1]

(Faits et machinations)

Pravda [La Vérité], n° 108,
1er juin 1918

 

A la première réunion de la Conférence de la paix[2] à Kiev, la délégation ukrainienne a déclaré qu’elle possédait des déclarations des "gouvernements" du Don, du Caucase du Nord et autres, qui se sont proclamés séparés de la Russie et ont établi des rapports amicaux avec le gouvernement germano-ukrainien.

Nous ne sommes pas contre des pourparlers avec les représentants du pouvoir soviétique, a déclaré le président de la délégation ukrainienne, M. Chéloukhine, mais nous voudrions savoir sur quelles régions s’étend exactement le pouvoir de la Fédération de Russie; je possède en effet des déclarations de toute une série de gouvernements (Don, Caucase du Nord, etc.) qui ne désirent pas demeurer dans son sein.

Loin de s’élever contre cette démarche des Ukrainiens, les Turcs et les Allemands confirment, dans toute une série de déclarations officielles, les prétentions de ces "gouvernements" semi-légaux, en s’y cramponnant comme à un prétexte formel de réaliser la "libre disposition" (c’est‑à‑dire la conquête) de nouveaux territoires…

Mais qu’est‑ce donc que ces mystérieux "gouvernements"? D’où viennent-ils?

Tout d’abord, il est étrange que le gouvernement de l’hetman ukrainien, qui vient de voir le jour par la grâce… en tout cas pas du peuple, s’affirme comme le protecteur de ces "gouvernements" et le promoteur officiel de toute cette campagne. En vertu de quel droit, s’il vous plaît, la délégation ukrainienne ose‑t‑elle parler de la sorte au pouvoir soviétique, librement élu par des dizaines de millions d’habitants de la Fédération de Russie et groupant autour de lui, entre autres, les larges Soviets régionaux du Don, du Kouban, du littoral de la mer Noire, du Térek, élus par des millions d’habitants de ces régions? Quel poids peut bien avoir, en regard de tout cela, l’actuel gouvernement ukrainien, qui non seulement n’a pas été élu par le peuple, mais ne s’appuie même pas sur une Diète truquée et censitaire, dans le genre d’un Landtag représentant les couches supérieures de la population? En outre, on peut considérer comme démontré que si la Conférence de la paix s’était réunie non à Kiev, mais quelque part en zone neutre, la Rada d’Ukraine récemment renversée n’aurait pas manqué de déclarer qu’un traité signé par le gouvernement de l’hetman ne saurait lier le peuple ukrainien, qui ne reconnait pas ce gouvernement. Deux questions se seraient alors posées : 1. Quels pouvoirs auraient pu dans ce cas être considérés comme plus valables, ceux du gouvernement de l’hetman ou ceux de la Rada d’Ukraine? 2. qu’aurait pu dire alors pour se justifier l’actuelle délégation ukrainienne, qui apprécie hautement toutes les "déclarations"?…

En second lieu, il n’est pas moins étrange que l’Allemagne, qui soutient la déclaration de la délégation ukrainienne et prodigue avec force les avances aux "gouvernements" d’aventuriers du Don et du Caucase du Nord au nom de la "libre disposition", ne souffle mot du droit de libre disposition de la Posnanie polonaise, du Schleswig-Holstein danois, de l’Alsace-Lorraine française. Est‑il encore besoin de démontrer qu’en comparaison des protestations massives des Danois, des Polonais et des Français de ces régions, les déclarations aventurières des "gouvernements" du sud de la Russie, frais émoulus et non reconnus par qui que ce soit, perdent tout poids, toute valeur et toute décence…

Mais tout ceci n’est que "détails". Venons‑en à l’essentiel.

Quelle est donc l’origine des "gouvernements" fantômes du sud de la Russie?

Le 21 octobre 1917, dit la "note" du "gouvernement" du Don, a été signé à Vladicaucase un traité relatif à la formation d’un nouvel État fédéral, l’Union du Sud‑Est, qui englobe la population des territoires des Cosaques du Don, du Kouban et d’Astrakhan, les Montagnards du Caucase du Nord et du littoral de la mer Noire et les peuples libres du sud‑est de la Russie.

C’est aussi à peu près ce que dit le radiotélégramme des représentants du "gouvernement" du Caucase du Nord, Tchermoïev et Bammatov, reçu par nous le 16 mai :

Les peuples du Caucase ont régulièrement élu une Assemblée nationale, qui, réunie en mai et en septembre 1917, a proclamé la création de l’Union des Montagnard du Caucase; [en outre] l’Union des Montagnards du Caucase décide de se séparer de la Russie et de former un État indépendant; le territoire de cet État aura pour frontières, au Nord, les frontières géographiques qui étaient dans l’ancien Empire de Russie, celles des régions et provinces du Daghestan, du Térek, de Stavropol, du Kouban et de la mer Noire; à l’Ouest, la mer Noire; et à l’Est, la Caspienne.

Ainsi, à la veille de la victoire de la Révolution d’Octobre, qui renversa le gouvernement de Kerenski, des groupes d’aventuriers liés à ce gouvernement se sont donc réunis à Vladicaucase, pour se proclamer gouvernements investis de "pleins pouvoirs" et déclarer que le sud de la Russie était séparé de cette dernière, tout cela sans se donner même la peine de demander l’assentiment de la population. Certes, dans un pays libre comme la Russie, il n’est interdit à personne de s’abandonner à des rêves séparatistes; mais il est facile de comprendre que le pouvoir soviétique ne pouvait ni ne devait se laisser entrainer par les déclarations aventurières de rêveurs, qui n’ont pas le moindre lien avec les peuples du sud de la Russie. Nous ne doutons pas que si l’Allemagne accordait à ses citoyens la liberté dont on jouit aujourd’hui en Russie, la Posnanie, l’Alsace- Lorraine, la Pologne, la Courlande, l’Estonie, etc., se couvriraient d’un réseau de gouvernements nationaux, bien mieux fondés à s’appeler gouvernements que ne l’étaient les Bogaïevski et les Krasnov, les Bammatov et les Tchermoïev, chassés par leurs peuples et aujourd’hui émigrés…

Telle est l’origine des "gouvernements" fantômes du sud de la Russie.

La "note" du "gouvernement" du Don et le radio-télégramme de Tchermoïev parlent du passé, de septembre et d’octobre 1917, et de Vladicaucase comme refuge des généraux en retraite. Mais près d’une année s’est écoulée depuis. Entretemps, des Soviets populaires régionaux du Don, du Kouban-mer Noire et du Térek se sont formés, groupant autour d’eux des millions d’habitants, Cosaques et non Cosaques, Abkhazes et Russes, Tchétchènes et Ingouches, Ossètes et Kabardes, Géorgiens et Arméniens. La population de ces régions a depuis longtemps reconnu le pouvoir soviétique, en usant largement du droit de libre disposition qui lui a été accordé. Et Vladicaucase, ancienne résidence des Karaoulov et Bogaïevski, des Tchermoïev et Bammatov, s’est depuis longtemps proclamé siège du Soviet populaire du Térek. On se demande quelle importance peuvent bien avoir ces généraux fossiles et leurs déclarations aventurières de l’été 1917, en présence de ces faits universellement connus? En septembre et en octobre existait encore en Russie le gouvernement de Kerenski, qui jetait feu et flamme contre le Parti bolchevik alors réduit à la clandestinité, mais aujourd’hui au pouvoir. Si pour la délégation ukrainienne et le gouvernement allemand, septembre et octobre 1917 ont une importance si sacramentelle, pourquoi n’inviteraient-ils pas à la Conférence de la paix les débris du gouvernement Kerenski, alors existant, tout comme ils le font pour les débris du "gouvernement" des Tchermoïev et des Karaoulov, qui, eux aussi, existaient en septembre et octobre 1917?

Ou encore : en quoi, s’il vous plaît, septembre 1917 est‑il préférable à avril 1918, date où la Rada d’Ukraine, qui avait envoyé une délégation pour négocier avec le pouvoir soviétique, a été rejeté en un clin d’œil dans le néant politique "sur la base" de "l’interprétation" allemande du principe de la libre disposition des peuples?…

Ou enfin : pourquoi la déclaration du général cosaque Krasnov, chassé par les Cosaques, fait prisonnier à Gatchina à la fin de 1917 par les troupes soviétiques, libéré ensuite sur parole par le pouvoir des Soviets, pourquoi sa déclaration est‑elle considérée comme un "acte politique d’une haute importance", alors que, par exemple, celle du Conseil des commissaires du peuple de Crimée, qui groupe autour de lui des centaines de milliers d’habitants, Russes et Tatars, et qui a proclamé à trois reprises par radio l’union indissoluble de la Crimée avec la Fédération de Russie, est considérée comme n’ayant aucune importance politique?

Pourquoi le général Krasnov, chassé par les Cosaques, jouit‑il d’une protection particulière de la part des gouvernants germano-ukrainiens, alors que le Conseil des commissaires du peuple de Crimée, librement élu par les habitants, a été férocement fusillé?…

De toute évidence, il ne s’agit pas ici de l’authenticité des "déclarations", ni des masses qui soutiennent ces "déclarations". À plus forte raison ne s’agit‑il pas de la notion de "libre disposition", sauvagement mise à toutes les sauces et dénaturée par les pillards officiels. Il s’agit tout simplement de la grande utilité de ces "déclarations" pour les amateurs germano-ukrainiens de machinations impérialistes, elles sont bien commodes, en effet, pour masquer leurs visées de conquête et d’asservissement de nouveaux territoires.

Chose curieuse : dans toute la série des délégations du prétendu gouvernement du Don, aussi "légitimes" que celle du général Krasnov, les Germano-Ukrainiens n’ont retenu que cette dernière, toutes les autres ne suivant pas l’"orientation" allemande. De plus, le caractère factice et artificiel du "gouvernement" Krasnov-Bogaïevski est si évident que plusieurs ministres nommés par Krasnov (Paramonov, ministre de l’Instruction publique et Sémionov, ministre de l’Agriculture) se sont officiellement récusés, en prétextant que "le général Krasnov les avait nommés ministres en leur absence". Mais cela ne semble pas troubler le moins du monde les hérauts germano-ukrainiens de la libre disposition qui se servent de Krasnov comme d’un paravent.

Chose non moins curieuse : la prétendue Union du Sud-Est, défunte dès janvier, a tout à coup ressuscité en mai, quelque part en Ukraine, voire à Constantinople, sans pourtant que tous les peuples du Caucase du Nord sachent que les "gouvernements" qu’ils avaient depuis longtemps enterrés, continuent à "exister" illégalement, peut‑être à Constantinople, peut-être à Kiev, d’où ils s’apprêtent à promulguer des lois à leur intention. Apparemment, cette machination élémentaire ne trouble pas non plus les hérauts germano-ukrainiens de la libre disposition, à qui elle profite.

Tels sont les "actes" des aventuriers du sud de la Russie, assoiffés de pouvoir, d’une part, et des auteurs de machinations politiques, d’autre part.

Mais quelle est, dans la question de l’indépendance, l’attitude adoptée par ces mêmes peuples du sud de la Russie, dont messieurs les amateurs de libre disposition invoquent le nom comme une garantie?

Commençons par le Don. Depuis février déjà, il existe une République soviétique autonome du Don, qui rallie l’immense majorité des habitants de la région. Ce n’est un secret pour personne qu’en avril, le congrès régional, qui rassemblait plus de 700 délégués, a publiquement confirmé l’attachement indissoluble de la République du Don à la Russie, dont cette République est une partie autonome.

Voici comment, dans sa résolution du 28 mai, le Comité exécutif central de la République du Don s’exprime sur les prétentions du "gouvernement" frais émoulu Krasnov-Bogaïevski :

Le Comité exécutif central de la République soviétique du Don porte à la connaissance du Conseil des commissaires du peuple et de la conférence de la paix de Kiev qu’il n’existe dans la région du Don aucun autre pouvoir que le Comité exécutif central et son Présidium. Tout autre gouvernement qui s’est présenté ou se présentera comme tel, est un ramassis de criminels d’État, qui seront déférés au tribunal du peuple pour haute trahison. On vient de nous informer qu’une délégation du gouvernement du Don intervient à la conférence de la paix. Nous, en tant que pouvoir d’État, déclarons au Conseil des commissaires du peuple et à la conférence de la paix de Kiev qu’aucun délégué ne doit être admis à mener des pourparlers de paix sans documents émanant du pouvoir soviétique de la République du Don; s’il s’en présente, nous les déclarons illégitimes et imposteurs, et comme criminels d’État nous les défèrerons au tribunal. Le Comité exécutif central exige de la conférence de la paix de chasser la délégation des imposteurs du "gouvernement du Don", qui est illégitime et ne saurait être admise à mener des pourparlers de paix.

Le président du Comité exécutif central : V. Kovalev.

Le secrétaire : V. Poujilev.

Adopté le 28 mai à Tsaritsyne.

Passons au Kouban. Tout le monde a entendu parler de la République soviétique autonome Kouban-mer Noire, qui groupe autour d’elle 90 % de la population de tous les arrondissements et districts de la région, sans exception.

Tout le monde a entendu parler du Congrès d’avril dernier, qui a réuni de nombreux délégués de la région Kouban-mer Noire, avec la participation des Tchétchènes et des Ingouches, sous la présidence du Cosaque I. Polouïane, et qui a solennellement confirmé l’union indissoluble de cette région avec la Russie, et non moins solennellement proclamé hors la loi les amateurs d’aventures, les Filimonov et les Krasnov de toute sorte. Au reste, les dizaines de milliers d’habitants du Kouban qui, les armes à la main, défendent la Russie soviétique de Soukhoum à Bataïsk, attestent assez éloquemment les sentiments et les sympathies du Kouban et de la région de la mer Noire. Sans parler de la flotte, dont les bienfaiteurs des Krasnov-Filimonov attendent avec impatience la destruction…

Enfin, la Région du Térek. Ce n’est un secret pour personne qu’il existe un Soviet populaire de la région du Térek, qui rassemble autour de lui la totalité, ou presque (95 % ), des aouls, stanitsas, villages et bourgs, sans parler des villes. Dès le premier Congrès régional, en janvier dernier, tous les délégués sans exception se sont prononcés pour le pouvoir soviétique et pour l’union indissoluble avec la Russie. Le second Congrès, tenu en avril, plus large et plus nombreux que le premier, a solennellement confirmé l’union avec la Russie en proclamant cette région République soviétique autonome de la Fédération de Russie. Le 3e Congrès régional qui se tient actuellement, fait un pas en avant : passant des paroles aux actes, il appelle les citoyens aux armes pour défendre le Térek, et pas seulement le Térek, contre les tentatives des visiteurs qui s’invitent d’eux-mêmes. La prétendue note du prétendu gouvernement du Don parle beaucoup des "peuples libres du Sud-Ouest", qui aspirent, soi-disant, à se séparer de la Russie. Persuadés que les faits sont le meilleur démenti des "déclarations", nous allons leur laisser la parole.

Écoutons tout d’abord la résolution du Soviet populaire du Térek :

Le Soviet populaire du Térek a appris par des télégrammes que des délégués du Caucase du Nord se trouvant à Constantinople ont proclamé l’indépendance de cette région et l’ont notifiée au gouvernement impérial turc et aux autres puissances.

Le Soviet populaire du Térek, composé des groupes suivants : Tchétchènes, Kabardes, Ossètes, Ingouches, Cosaques et immigrés, certifie que les peuples du territoire du Térek n’ont jamais délégué personne, en quelque lieu que ce soit, dans le but ci‑dessus mentionné et que, si des individus se trouvant aujourd’hui à Constantinople se font passer pour délégués des peuples du territoire du Térek et agissent en leur nom, ils ne sont que des imposteurs et des aventuriers.

Le Soviet populaire du Térek exprime son étonnement devant la myopie et la naïveté politiques du gouvernement turc, que des escrocs ont pu induire en erreur.

Le Soviet populaire du Térek, composé des groupes énumérés, déclare que les peuples du territoire du Térek sont partie intégrante de la République fédérative de Russie.

Le Soviet populaire du Térek proteste contre l’implication du Caucase du Nord par le gouvernement trancaucasien dans l’acte de déclaration d’indépendance de la Transcaucasie. (Voir la Narodnaïa Vlast[3], organe du Soviet populaire du Térek.)

(Résolution adoptée à l’unanimité le 9 mai.)

Laissons maintenant la parole aux Tchétchènes et aux Ingouches, calomniés par les usurpateurs et leurs protecteurs. Voici une résolution de leur groupe, qui rassemble la totalité, ou peu s’en faut, des Ingouches et des Tchétchènes :

Réuni en séance extraordinaire, le groupe tchétchéno-ingouche du Soviet populaire du Térek, après examen de la déclaration d’indépendance du Caucase du Nord, a adopté à l’unanimité la résolution suivante :

La déclaration d’indépendance du Caucase du Nord est un acte d’une importance extrême qui doit être accompli au su de toute la population intéressée et avec son assentiment.

Le groupe tchétchéno-ingouche constate que le peuple tchétchéno-ingouche n’a envoyé aucun délégué en vue de pourparlers quelconques avec la délégation ottomane à Trébizonde ou le gouvernement ottoman à Constantinople; que la question de l’indépendance n’a jamais été discutée dans aucun organe ni aucune assemblée exprimant la volonté du peuple tchétchéno-ingouche.

Aussi le groupe tchétchéno-ingouche considère‑t‑il comme des imposteurs et des ennemis du peuple les individus qui osent parler au nom du peuple qui ne les a pas élus.

Le groupe tchétchéno-ingouche déclare que l’unique salut de tous les Montagnards du Caucase du Nord et des libertés conquises par la Révolution réside dans une étroite union avec la démocratie révolutionnaire de Russie.

Cette position lui est dictée non seulement par un amour inné de la liberté, mais encore par les relations économiques qui, au cours des dernières décades, ont étroitement soudé le Caucase du Nord et la Russie centrale en un tout indissoluble.

(Adopté le 9 mai. Voir la Narodnaïa Vlast, organe du Soviet populaire du Térek.)

Et voici un extrait de l’ardent discours prononcé par un orateur des Ingouches et des Tchétchènes, le camarade Chéripov, à une séance du Soviet populaire du Térek; il est suffisamment explicite pour couper court à tout reproche qu’on pourrait adresser aux habitants du Daghestan :

Grâce à la grande Révolution russe, nous avons reçu cette belle liberté pour laquelle nos ancêtres se sont battus pendant des siècles, pour laquelle, vaincus, ils se jetaient sur les baïonnettes. Maintenant que le droit de libre disposition nous a été garanti, le peuple ne livrera jamais ce droit à personne. Aujourd’hui les propriétaires fonciers, les princes, les provocateurs et espions, et tous ceux contre qui Chamil a lutté à mort pendant cinquante ans, parlent de l’indépendance du Caucase du Nord. Ces ennemis du peuple ont essayé à plusieurs reprises de proclamer l’indépendance du Caucase et d’instaurer le pouvoir de l’iman. Mais j’affirme que Chamil coupait la tête aux ancêtres de ces princes et qu’il agirait de même aujourd’hui. Notre groupe, qui représente les peuples ingouche et tchétchène, a, en séance extraordinaire, exprimé son point de vue sur la proclamation de l’indépendance du Caucase du Nord dans la résolution que l’on connait.

(Voir plus haut. Extrait de la Narodnaïa Vlast.)

Tels sont les faits.

Les amateurs de libre disposition germano-turco-ukrainiens sont-ils au courant de tout cela? Oui, bien sûr! Car les Soviets régionaux du sud de la Russie agissent tout à fait ouvertement sous les yeux de tout le monde, et les agents de ces messieurs lisent nos journaux avec assez d’attention pour ne pas laisser échapper des faits universellement connus.

À quoi donc tend, en ce cas, la déclaration, citée plus haut, de la délégation ukrainienne à propos des "gouvernements" fantômes, déclaration que les Allemands et les Turcs soutiennent par la parole et par les actes?

A une seule chose : à se servir de ces "gouvernements" de pacotille comme d’un paravent, pour conquérir et asservir de nouveaux territoires. Sous le couvert de la Rada d’Ukraine, les Allemands ont avancé "en vertu du traité de Brest" (oh, bien sûr!) et occupé l’Ukraine. Mais sans doute l’Ukraine ne peut‑elle plus maintenant jouer le rôle de paravent, de masque; or les Allemands veulent pousser plus loin. D’où le besoin d’un masque nouveau, d’un paravent nouveau. Comme la demande fait naitre l’offre, les Krasnov et les Bogaïevski, les Tchermoïev et les Bammatov n’ont pas tardé à se présenter pour offrir leurs services. Et il est parfaitement possible que, dans un proche avenir, les Krasnov et les Bogaïevski marchent contre la Russie pour "libérer" le Don, commandés et équipés par les Allemands, ce qui n’empêchera pas ceux‑ci de jurer une fois de plus fidélité au traité de Brest. Il faut en dire autant au sujet du Kouban, du Térek, etc.

Tout est là!

Le pouvoir soviétique s’enterrerait lui‑même tout vif s’il ne mobilisait pas toutes ses forces sans exception pour riposter aux envahisseurs et aux esclavagistes.

Et c’est ce qu’il fera.

 

J. Staline, Commissaire du peuple.

 

Notes



[1]. Source : I. V. Staline, Oeuvres, tome 4 (novembre 1917‑décembre 1920); Paris, Éditions sociales, 1955; p. 97‑107.

[2]. II s’agit de la Conférence de paix réunissant des représentants de la R.S.F.S.R. et du gouvernement ukrainien de l’hetman : elle commença ses travaux le 23 mai 1918 à Kiev. (IMEL.)

[3]Narodnaia Vlast : Le Pouvoir du peuple. (N. Ed.)