Sovietski Daghestan [Le Daghestan soviétique] n° 76,
17 novembre 1920
1.
Déclaration sur l’autonomie soviétique du Daghestan
Camarades!
Le gouvernement soviétique de la République socialiste fédérative de Russie, absorbé jusqu’à ces derniers temps par la guerre contre ses ennemis extérieurs au Sud et à l’Ouest, contre la Pologne et contre Wrangel, n’a eu ni la possibilité ni le temps de consacrer ses forces à la solution du problème qui préoccupe le peuple daghestanais.
Aujourd’hui que l’armée de Wrangel est défaite, que ses misérables débris fuient vers la Crimée et que la paix est signée avec la Pologne, le gouvernement soviétique peut s’occuper de l’autonomie du peuple du Daghestan.
Autrefois, le pouvoir se trouvait en Russie aux mains des tsars, des propriétaires fonciers, des fabricants et des usiniers. Autrefois, la Russie était la Russie des tsars et des bourreaux. Elle vivait de l’oppression des peuples qui composaient l’ancien empire russe. Le gouvernement de la Russie vivait de la sève et des forces des peuples qu’il opprimait, y compris le peuple russe.
C’était l’époque où tous les peuples maudissaient la Russie. Mais aujourd’hui, cette époque est révolue. Elle est enterrée et ne ressuscitera jamais.
Sur les ossements de cette Russie tsariste des oppresseurs est née une Russie nouvelle, la Russie des ouvriers et des paysans.
Une vie nouvelle a commencé pour les peuples qui en font partie. Une phase d’émancipation a commencé pour ces peuples qui ont souffert sous le joug des tsars et des riches, des propriétaires fonciers et des fabricants.
La période nouvelle qui s’est ouverte après la Révolution d’Octobre, lorsque le pouvoir a passé aux mains des ouvriers et des paysans et est devenu un pouvoir communiste, n’a pas seulement été marquée par l’affranchissement des peuples de Russie. Elle a posé un autre problème, celui de l’affranchissement de tous les peuples en général, y compris les peuples d’Orient, qui souffrent sous le joug des impérialistes d’Occident.
La Russie est devenue le levier du mouvement de libération, le levier qui fait bouger non seulement les peuples de notre pays, mais aussi ceux du monde entier.
La Russie soviétique est un flambeau qui éclaire pour les peuples de tous les pays la voie de l’affranchissement du joug des oppresseurs.
Aujourd’hui que le gouvernement de la Russie, du fait de la victoire remportée sur ses ennemis, peut s’occuper des questions du développement intérieur, il tient à vous déclarer que le Daghestan doit être autonome, qu’il bénéficiera d’une administration autonome, tout en conservant des liens fraternels avec les peuples de Russie.
Le Daghestan doit être administré conformément à ses particularités, à son mode de vie, à ses us et coutumes.
On nous informe que les peuples du Daghestan attachent une grande importance à la chari’a. Nous avons également appris que les ennemis du pouvoir soviétique répandent le bruit que le pouvoir des Soviets interdit la chari’a.
Le gouvernement de la République socialiste fédérative soviétique de Russie m’a mandaté pour déclarer ici que ces bruits sont mensongers. Le gouvernement de Russie laisse à chaque peuple la pleine liberté de s’administrer suivant ses lois et ses coutumes.
Le gouvernement soviétique considère que la chari’a est un droit coutumier, tout aussi légitime que celui qui existe chez les autres peuples habitant la Russie.
Si le peuple du Daghestan désire conserver ses lois et ses coutumes elles doivent être maintenues.
En même temps, je tiens à déclarer que l’autonomie du Daghestan ne signifie pas et ne peut pas signifier sa séparation de la Russie soviétique. L’autonomie n’est pas l’indépendance. La Russie et le Daghestan doivent maintenir un lien entre eux, c’est la condition requise pour que le Daghestan conserve sa liberté. En conférant l’autonomie au Daghestan, le gouvernement soviétique poursuit un but déterminé : choisir parmi les militants locaux des hommes honnêtes et dévoués, aimant leur peuple, pour leur confier tous les organes de gestion, tant économiques qu’administratifs, du Daghestan. Tel est le seul moyen de rapprocher le pouvoir soviétique du peuple au Daghestan. Élever le Daghestan à un degré de culture supérieur en attirant à cette oeuvre les militants locaux, voilà le seul but que poursuit le pouvoir soviétique.
Le pouvoir des Soviets sait que l’ignorance est l’ennemi premier du peuple. Aussi faut‑il créer davantage d’écoles et d’organes administratifs où seront employées les langues locales.
C’est par ce moyen que le pouvoir des Soviets espère tirer les peuples du Daghestan des fondrières, des ténèbres et de l’ignorance où l’ancienne Russie les a précipités.
Le gouvernement soviétique estime indispensable d’instaurer au Daghestan une autonomie analogue à celle dont bénéficient le Turkestan, la République de Kirghizie et celle des Tatars.
Le pouvoir des Soviets vous propose, à vous, représentants des peuples du Daghestan, de charger votre Comité révolutionnaire du Daghestan d’élire des représentants et de les envoyer à Moscou pour élaborer là‑bas, en commun avec les représentants du pouvoir soviétique suprême, un plan d’autonomie du Daghestan.
Les derniers évènements au Sud du pays où l’on a vu se dresser contre la liberté du Daghestan le traitre Gotsinski, exécuteur des volontés du général Wrangel, ce même Wrangel qui détruisait les aouls[3] des Montagnards du Caucase du Nord, au temps de Denikine, en luttant contre les insurgés, ‑ ces évènements sont très significatifs.
Je dois noter qu’en la personne de ses partisans rouges qui ont lutté contre Gotsinski pour défendre leur pouvoir des Soviets, le peuple du Daghestan a prouvé son attachement au drapeau rouge.
Si vous chassez Gotsinski, ennemi des travailleurs du Daghestan, vous justifierez par là même la confiance que vous témoigne le pouvoir suprême des Soviets en conférant au Daghestan l’autonomie.
Le gouvernement soviétique est le premier gouvernement qui accorde volontairement l’autonomie au Daghestan.
Nous espérons que les peuples du Daghestan justifieront la confiance du gouvernement soviétique.
Vive l’union des peuples du Daghestan avec les peuples de Russie!
Vive l’autonomie soviétique du Daghestan!
2.
Discours de clôture
Camarades!
Aujourd’hui que le dernier ennemi du pouvoir des Soviets est détruit, on aperçoit clairement la signification politique de l’autonomie conférée volontairement au Daghestan par le gouvernement soviétique.
Il est un fait qui mérite l’attention. Tandis que le gouvernement tsariste et en général tous les gouvernements bourgeois du monde ne font d’ordinaire des concessions au peuple et n’accordent telle ou telle réforme que lorsqu’ils y sont contraints par des circonstances difficiles, le pouvoir des Soviets, au contraire, accorde l’autonomie au Daghestan de son plein gré, alors qu’il se trouve à l’apogée de ses succès.
C’est dire que l’autonomie entrera dans la vie de la République du Daghestan, qu’elle en sera la base durable et indestructible. Il n’y a en effet de durable que ce qui est accordé volontairement.
Pour terminer, je tiens à exprimer l’espoir qu’au cours de la lutte future contre nos ennemis communs, les peuples du Daghestan justifieront la grande confiance que leur a témoignée le pouvoir des Soviets.
Vive le Daghestan soviétique autonome!
Notes
[1]. Source : I. V. Staline, Oeuvres, tome 4 (novembre 1917‑décembre 1920); Paris, Éditions sociales, 1955; p. 344‑347.
[2]. Le Congrès des peuples du Daghestan se tint à Ternir Khan Chour le 13 novembre 1920. Trois cents délégués environ y assistaient. Après la proclamation par Staline de l’autonomie du Daghestan, Ordjonikidzé prononça un discours de bienvenue. Le Congrès adopta une résolution dans laquelle il proclamait l’union indissoluble des peuples du Daghestan avec les peuples travailleurs de la Russie soviétique. (IMEL.)
[3]. Villages. (N. Ed.)