Ukraine : la question nationale, des origines jusqu’à l’URSS

Ukraine

Au cours du 9e siècle les Slaves peuplent l’espace qui s’étend du golfe de Finlande à la mer Noire. Une fédération de principautés est établie avec Kiev comme capitale. La Russie, l’Ukraine et la Biélorussie sont les trois États héritiers de la nation russe, laquelle est née il y a un peu plus de mille ans de la réunion des Slaves orientaux par le ralliement au christianisme orthodoxe.

En considérant globalement les territoires composant l’Ukraine actuelle, l’évolution historique peut se résumer en trois périodes. Après une première période de développement du 9e au 14e siècle, la période suivante correspond à une perte de larges parties du territoire, occupées d’abord par les Mongols, puis par la Pologne et la Lituanie alliés qui vainquent les Mongols et prennent le relai. Finalement au 18e siècle deux partages successifs de la Pologne aboutissent à la reconquête de l’Ukraine par l’empire russe.

Après le déclenchement de la révolution russe de février 1917 et la chute du tsarisme, une administration centrale, la Rada, est créée à Kiev en mars et déclare en juin que l’Ukraine tout entière jouira d’un statut autonome sans se séparer de la Russie. Réprouvant la prise du pouvoir par les bolcheviks, la Rada centrale proclame à Kiev la « République populaire d’Ukraine » le 7 (20) novembre 1917. Les bolcheviks proclament à Kharkov la « République soviétique d’Ukraine », le 11 (24) décembre 1917. La Rada riposte en déclarant l’indépendance de l’Ukraine, le 9 (22) janvier 1918, mais les troupes bolcheviks occupent toutes les grandes villes du pays en janvier-février 1918.

La Rada envoie une délégation à Brest-Litovsk, qui signe le 26 janvier (8 février) 1918 une paix séparée avec l’Allemagne. Les Allemands occupent l’Ukraine en avril et dissolvent la Rada. La défaite de l’Allemagne permet, le 14 décembre 1918, le rétablissement à Kiev d’un gouvernement indépendant ukrainien. À la même époque est proclamée à Lvov la République d’Ukraine occidentale, son territoire sera occupé en juillet 1919 par les troupes polonaises. Durant les années 1919-1920, dans l’Ukraine orientale les combats opposent diverses parties ‑ A. Denikine soutenue par l’Entente, l’Armée rouge, les forces nationales ukrainiennes, les groupes anarchistes de N. Makhno, les troupes polonaises qui l’envahissent en mai 1920, l’armée de P. Wrangel.

La carte ci‑dessous montre le découpage administratif de l’Ukraine en 1918.

Avec le traité de Riga en 1921 est constituée la République socialiste d’Ukraine qui comprend les territoires de populations ukrainiennes ayant fait partie de l’empire russe en 1914. Elle adhère à l’Union soviétique en tant que république fédérée en décembre 1922. Ultérieurement l’Ukraine dans les frontières de 1991 est le résultat de l’intégration, à différents moments de l’histoire, de la Galicie, la Bucovine, quelques parties périphériques de ce qu’était la Bessarabie jusqu’en 1914 (la partie principale formant depuis 1992 la Moldavie, État indépendant), la Transcarpathie, ainsi que la Crimée.

Un facteur important dont il faut tenir compte est celui de la langue. À l’époque de la dissolution de l’ex‑URSS la nationalité la plus importante après les Ukrainiens était la minorité russe, qui représentait 17 % de la population. Or les langues ukrainienne et russe sont relativement proches, et la langue russe a été progressivement adoptée comme langue parlée largement au-delà de la population d’origine russe.

 

 

Donbass

C’est lors de la Première conférence panrusse, tenue du 29 mars au 3 avril 1917, que les soviets déterminent les principes de leur organisation territoriale. Ils se réunissent désormais en grandes unités administratives. Sur le territoire de la future Ukraine, on en compte trois ‑ le Sud‑Ouest (avec le centre à Kiev), le Sud (autour d’Odessa) et le Donetsk-Krivoï Rog (réunissant Kharkov, Ekaterinoslav, Tauride sans la Crimée, une partie de Kherson autour de la ville de Krivoï Rog, une partie de la province du Don).

 

 

En octobre 1917, ce ne sont pas les bolcheviks qui l’emportent sur le Gouvernement général à Kiev, mais la Rada centrale qui consolide son pouvoir[1]. D’après les bolcheviks de l’Est, il était primordial de s’implanter durablement dans la région industrielle et ouvrière de Donetsk-Krivoï Rog en laissant les paysans ukrainiens des provinces occidentales se déterminer à leur façon. Les bolcheviks du Sud-Ouest considéraient cette approche comme une « politique de l’autruche » et les blâmaient de vouloir « se barricader dans leur Donbass ». Le 12 décembre 1917, le congrès des Soviets proclame le pouvoir des soviets, déclare la création de la République soviétique d’Ukraine rattachée à la Russie par des liens fédératifs et annonce le renversement de la Rada. Le nom de ce nouvel État est identique à celui choisi par la Rada, à savoir, la République populaire d’Ukraine [Ukrainskaja Narodnaja respublika] ou UNR.

En janvier 1918, les forces armées soviétiques venant du nord réussissent à repousser les attaques d’A. Kaledine dans la région de Don; elles se dirigent ensuite vers l’ouest et prennent le contrôle de Kiev. Un Congrès pan-ukrainien des soviets de toutes les villes et les régions d’Ukraine, sans exception, est convoqué. Or, les bolcheviks du Donbass considèrent qu’après la défaite de la Rada, il n’y avait plus de raison à l’unité pan-ukrainienne. Ils vont à l’encontre du projet d’une Ukraine constituée de neuf provinces et établissent un fait accompli en proclamant le 30 janvier 1918 la République soviétique de Donets-Krivoï Rog. Celle‑ci comprend les provinces d’Ekaterninoslav, Kharkov et Tauride (sans la Crimée) ainsi qu’une partie de la région du Don. Finalement en mars 1919, la République soviétique de Donetsk-Krivoï Rog est dissoute comme entité séparée et les territoires correspondants sont rattachés à la République soviétique socialiste d’Ukraine nouvellement constituée. Cette dernière est ensuite intégrée dans l’URSS formée en 1922.

Crimée

Au 13e siècle toute la péninsule et le nord de la mer Noire furent conquis par les Mongols. Les Tatars de Crimée, héritiers des Mongols, se sont convertis à l’islam sunnite au 14e siècle. En 1475, la Crimée passe sous protectorat de l’Empire ottoman. Dans les années 1770 la Russie récupère le contrôle de la Crimée, puis le sultan ottoman renonce à sa suzeraineté sur la Crimée. Ultérieurement la péninsule de Crimée est annexée à l’Empire russe, la conquête s’accompagne d’une entreprise de colonisation et de russification qui défait la configuration sociétale des Tatars. À la fin du 19e siècle, ceux‑ci ne constituent plus qu’une petite minorité musulmane isolée des autres peuples turcs de l’empire.

En 1918 est formée la République soviétique socialiste du Tauride qui inclut la péninsule de la Crimée (laquelle en tant que division administrative sous l’Empire russe était dénommée Tauride), mais la guerre civile continue, en juin 1919 la péninsule passe sous le contrôle de l’armée blanche, puis elle est définitivement conquise par l’Armée rouge en automne 1920. En octobre 1921, la Crimée est élevée au statut de République soviétique socialiste autonome à l’intérieur des limites géographiques de la péninsule. En juin 1945, la République soviétique socialiste autonome de Crimée a été abolie et elle est devenue la région de Crimée de la République soviétique socialiste fédérative de Russie (RSSF de Russie). En 1954, le contrôle de la région de Crimée a été transféré de la RSSF de Russie à la République soviétique socialiste d’Ukraine.

Galicie

Lidentité galicienne naquit à la fin du 9e siècle lorsque le prince Vladimir, régnant à Kiev, conquit la Galicie. La Galicie entre ainsi dans lorbite du monde russe. Au 13e siècle, elle est menacée par lavancée mongole. En 1387, la Galicie passe sous le contrôle du roi de Pologne, qui mène une politique favorable au catholicisme. Les orthodoxes de Galicie sont alors désignés comme Ruthènes. En 1772, lors du premier partage de la Pologne, la Galicie fut intégrée au royaume des Habsbourg sous le nom de province de la couronne (Kronland) de Galicie et Lodomérie.

En 1918, en Galicie éclatent des conflits motivés par la demande d’indépendance des Ukrainiens, mais la Galicie est intégrée à la Pologne. Lors de l’invasion de l’armée national-socialiste en Pologne en 1939, la partie orientale est incorporée à l’Ukraine soviétique en novembre de cette année. Ce rattachement est entériné par les accords de Yalta et la conférence de Potsdam (1945). Il s’agit des régions de Lviv, de Ternopil et de Stanislav (aujourd’hui Ivano-Frankivsk).

Ci-après : carte de l’URSS en 1990

 

 

 

Notes :

 



[1]https://oap.unige.ch/journals/connexe/article/download/322/474/1135