Tirer les leçons des luttes
pour les prochains combats de classe
LA VOIX DES COMMUNISTES, no 4, janvier 2011 – p. 3-6
Commencé avant l’été 2010, le mouvement de lutte contre la réforme des retraites s’est étendu sur plusieurs mois, jusqu’à son adoption par le parlement début novembre. Les journées d’action organisées par les confédérations syndicales ont mobilisé dans les rues des millions de manifestants.
C’est dire l’ampleur et la profondeur du refus populaire contre cette réforme réactionnaire.
Pourtant, malgré ce caractère massif du mouvement, malgré l’entrée en lutte de la jeunesse et malgré le durcissement des formes de lutte sur les lieux de travail entrainant des blocages ou des difficultés dans les transports (SNCF, transports routiers, aériens et maritimes) et dans l’approvisionnement en carburants, le pouvoir bourgeois conduit actuellement par la droite sarkozyste n’a rien cédé, refusant aux confédérations syndicales toute négociation, même sur les marges du projet.
Pour parler clair, et parce que seule la vérité est révolutionnaire, le mouvement ouvrier et populaire a perdu la bataille des retraites.
Mais perdre une bataille de classe, ce n’est pas perdre la guerre. Des batailles, il y en aura d’autres. Et si la classe ouvrière sait tirer les leçons de cet échec, elle pourra alors créer les conditions des succès à venir.
La première de ces leçons, c’est que la bourgeoisie capitaliste est déterminée à utiliser tous les moyens dont elle dispose pour faire payer sa crise aux travailleurs. Le pouvoir politique de l’Etat est l’instrument qu’elle utilise pour imposer ses exigences par le parlement et par la force si c’est nécessaire.
Dans le contexte mondial de surproduction, le capital a de plus en plus de mal en effet à se valoriser par l’accroissement du volume de la production de marchandises. Dans ces conditions, pour préserver ses profits, il n’a d’autre solution que d’accroître la plus-value extorquée sur le travail humain, c’est-à-dire de prolonger le temps de travail, de réduire le volume de main d’oeuvre et de détruire les services sociaux et prestations sociales qui sont des formes de salaire différé. C’est l’État qui est chargé de cette besogne. La réforme des retraites entre dans cette politique. Elle a été précédée par d’autres réformes réactionnaires, et d’autres réformes sont dans les tiroirs. Leur but est de transférer le maximum de plus-value dans la sphère du capital. Le prolétariat et l’ensemble des couches populaires doivent donc se préparer à de nouvelles attaques.
La deuxième leçon, c’est la non-volonté des confédérations syndicales à unir et à mobiliser l’ensemble du prolétariat sur un objectif clair et offensif désignant clairement l’adversaire, ainsi que leur refus de mettre en action des formes de luttes capables d’ébranler politiquement le pouvoir.
Au niveau de l’objectif, d’abord :
On ne négocie pas une régression sociale. On la refuse et on la combat en bloc. Le mot d’ordre juste aurait dû être le retrait pur et simple du projet de réforme. Construit sur cet axe, et en y incluant les revendications visant à combattre les injustices existant dans le système des retraites antérieur, le mouvement aurait mobilisé d’autres couches prolétariennes et aurait gagné en unité de classe, en puissance et en offensivité. Au lieu de cela, les confédérations syndicales se sont limitées à vouloir ouvrir des négociations sur certains points du projet de réforme du gouvernement, reconnaissant par là même la nécessité de la réforme. C’était d’avance mettre le mouvement en position de faiblesse face à un gouvernement légitimé et sûr de lui.
Sur les formes de lutte, ensuite :
Les confédérations syndicales ont dispersé sur plusieurs mois une dizaine de journées nationales « d’action » et autant de manifestations pacifiques destinées à forcer le gouvernement à ouvrir des négociations.
Les faits ont montré que malgré leur caractère massif elles ont été totalement inefficaces et n’ont pas permis d’atteindre l’objectif proclamé.
Face à un pouvoir politique de combat, il faut en effet d’autres arguments que les nombres de manifestants et l’appui verbal de l’opinion publique.
Malgré leur caractère tardif, la mobilisation des jeunes, les grèves reconductibles dans les secteurs stratégiques de l’économie, les blocages de sites ont bien plus inquiété le gouvernement que les défilés promenades. C’est d’ailleurs par là, à l’évidence qu’il aurait fallu commencer. Ce ne fut pas la volonté des directions syndicales et elles n’impulsèrent d’ailleurs pas leur extension à l’échelle nationale dans l’ensemble des branches de l’économie, les laissant à l’initiative des militants locaux jusqu’à leur extinction. Il faut quand même bien se poser la question : pourquoi les directions syndicales ont-elles reçu les félicitations du pouvoir pour leur « esprit de responsabilité »? La poser c’est y répondre!
La troisième leçon: Le partage des rôles entre les partis politiques de gauche et les syndicats :
En apparence, les partis de gauche et de la dite extrême gauche sont restés discrets. Ils se sont montrés en cortèges peu nombreux et sans mots d’ordre politiques dans les manifestations et ont soutenu verbalement le mouvement par des déclarations aux médias et au parlement.
En vérité, c’est par l’intermédiaire de leurs militants dans le mouvement syndical qu’ils ont agi, faisant des syndicats leur courroie de transmission en attendant leur heure.
Ce sont en effet ces partis, qui dans la perspective des élections de 2012 comptent récolter par leurs promesses ou leurs discours plus ou moins radicaux les fruits du mécontentement accumulé contre le gouvernement Sarkozy.
On peut d’ailleurs s’attendre à ce que les confédérations syndicales (CGT et CFDT principalement) entretiennent ce mécontentement dans le but de créer les conditions d’une victoire de la gauche, c’est-à-dire au final du PS, aux élections présidentielles et législatives. Les manifestations du mois de novembre, même si elles sont résiduelles, font partie de cet objectif.
La stratégie des défilés promenades n’est en effet pas une erreur des directions syndicales. C’est une stratégie délibérée de la défaite sur le terrain des luttes pour amener les travailleurs à recourir au bulletin de vote avec l’espoir qu’un gouvernement de gauche réalisera leurs revendications.
La gauche au gouvernement est un leurre
Les travailleurs ne doivent pas se faire d’illusions : l’alternance à gauche n’apportera pas de solution à leurs revendications. Le Parti socialiste, dont l’un des dirigeants, DSK, dirige le FMI, parti qui impose dans tous les pays les plans de rigueur n’est pas contre la réforme des retraites. Il a d’ailleurs récemment félicité Sarkozy lors d’un tête-à-tête, pour l’adoption de sa réforme! Lionel Jospin le premier, au sommet de Barcelone de 2002, avait signé l’objectif d’amener à 42 ans le temps de cotisation pour avoir droit à une pension complète dès 2010!
À l’issue de la première manifestation contre le projet de réforme des retraites, le 24 juin 2010, Martine Aubry déclarait : « Le PS propose une réforme équilibrée […] Nous savons qu’il faut que la majorité des Français travaillent plus longtemps, partent plus tard, mais nous voulons que ceux qui ont commencé à travailler tôt, ont eu des emplois pénibles, qui ont aujourd’hui leur durée de cotisation et sont souvent au chômage puissent partir à 60 ans […] » Et pour préciser ce qu’elle entend par durée de cotisation, elle poursuit à l’adresse de Michel Rocard : « Ceux qui ont commencé à travailler à 17, 18 et 19 ans et qui vont avoir 41, 42 ou 43 ans de cotisation et à qui on demande travailler plus […] voilà des situations que Michel Rocard devrait connaître. »
Il est clair que le PS est pour la prolongation de la durée de cotisation à 41, 42 ou 43 ans. Même si un gouvernement PS décidait de ramener à 60 ans le DROIT de partir en retraite, ce qui n’est pas acquis, ce serait avec des pensions amputées par les années de cotisation manquantes.
Aucune illusion n’est permise : tout gouvernement PS gardera le fond de la réforme des retraites et appliquera sous une forme ou sous une autre les plans de rigueur fixés par le FMI et la bourse de Paris.
Alors, quelle perspective?
Le parti socialiste a montré dans toute son histoire, ancienne et récente, que loin de s’être un jour attaqué au capitalisme et à son corolaire la loi du profit, il a toujours été comme s’en flattait Léon Blum, le gérant loyal du capitalisme. Il suffit d’ailleurs de regarder les plans de rigueur imposés par les gouvernements socialistes en Grèce, en Espagne et ailleurs pour avoir un aperçu de ce que ferait en France un DSK ou une Martine Aubry.
Quant aux autres partis de la gauche, le PCF, le Parti de gauche, malgré un discours plus offensif, ils n’ont d’autre stratégie que de retomber dans le sillage électoral du PS. Il en sera de même pour la prétendue extrême gauche NPA et autres groupes opportunistes. Tous appelleront à voter pour le candidat du PS au deuxième tour des présidentielles de 2012, sous le prétexte qu’il faut battre Sarkozy. Objectif populaire, sans doute, mais pour mettre quoi à la place?
Le ROCML, qui est une organisation communiste marxiste-léniniste, met en garde les travailleurs contre les illusions du système d’alternance politique droite-gauche, cette alternance ne mettant pas en cause la domination de la bourgeoisie capitaliste sur la société, et lui permettant de reprendre aujourd’hui ce qu’elle a dû céder hier.
La stratégie du ROCML repose sur la lutte classe contre classe, bourgeoisie contre prolétariat, menée jusqu’à son terme, c’est-à-dire jusqu’à la prise du pouvoir par la classe ouvrière afin qu’elle construise une autre société libérée de l’exploitation. Classe dirigeante de la société, la classe ouvrière organisera alors l’économie pour le bien de tous les travailleurs et construira d’autres rapports sociaux et politiques. Cette nouvelle société, c’est la société socialiste, telle qu’elle a existé en URSS et dans d’autres pays socialistes, avant qu’elle ne soit détruite par la reprise du pouvoir par des couches sociales hostiles à la progression du socialisme vers le communisme.
La prise du pouvoir par la classe ouvrière nécessite des conditions qui la rende capable dans un premier acte de renverser le pouvoir politique de la bourgeoisie.
La première de ces conditions, c’est que les prolétaires s’unissent sur cet objectif révolutionnaire. La seconde c’est de construire les moyens pour la réaliser.
Aujourd’hui, les prolétaires n’ont plus une conscience claire collective de la nécessité et de la possibilité de devenir la classe dirigeante de la société. Cette situation est la conséquence de la victoire temporaire du réformisme dans le mouvement ouvrier. Le PCF lui-même a abandonné l’objectif de la prise du pouvoir par la classe ouvrière comme condition d’un véritable changement de société. Désormais, c’est par des transformations internes du capitalisme qu’il prétend un jour « dépasser » les dysfonctionnements sociaux de ce système. De telles thèses ont créé la confusion chez les militants communistes d’abord et dans le mouvement ouvrier et populaire ensuite.
Les tâches des communistes
Pour que la classe ouvrière retrouve sa mission historique qui est de diriger la société il faut que ses militants les plus éclairés et les plus combattifs s’unifient, s’organisent autour de cet objectif, c’est-à-dire se constituent en parti d’avant-garde de leur classe.
Cela ne peut se faire spontanément. Les travailleurs qui découvrent dans la lutte de classes le caractère inconciliable de leurs intérêts avec ceux de la bourgeoisie et la nocivité des organisations réformistes ont besoin de rencontrer des communistes organisés et engagés dans la construction du Parti Communiste pour s’organiser eux-mêmes dans la construction de ce Parti, de LEUR Parti. Le travail réalisé par la cellule du ROCML et la cellule de la JCML de Pau est un exemple de liaison entre le mouvement ouvrier et les communistes.
Les communistes marxistes-léninistes ont une responsabilité individuelle et collective dans cette mission historique de reconstruire l’unité révolutionnaire du prolétariat autour d’un Parti Communiste et de son programme.
Car pour unifier les éléments d’avant-garde de la classe afin d’unir la classe, il faut d’abord que les communistes soient eux-mêmes unifiés dans l’organisation qui construit le Parti en construisant en même temps dialectiquement son programme et son organisation.. S’ils sont divisés ou s’ils pensent qu’il n’est pas nécessaire d’être organisés de manière centralisée, ils resteront extérieurs et sans efficacité dans le processus de construction de ce Parti et dans celui de la révolution.
Le ROCML s’est donné pour tâche de convaincre les éléments avancés du mouvement ouvrier et populaire de même que les militants révolutionnaires isolés ou organisés localement de rallier son organisation pour avancer dans la construction du Parti communiste marxiste-léniniste. Sans ce Parti en effet, aucune victoire de classe à court ou long terme ne pourra être atteinte car le prolétariat restera sans direction autonome et restera en fait sous la direction du réformisme et du révisionnisme.
Le ROCML lance donc un appel aux communistes marxistes léninistes, aux ouvriers conscients de l’impasse politique et syndicale des partis et directions syndicales réformistes, et aux jeunes révoltés, pour qu’ils viennent renforcer ses rangs et ceux de la JCML afin qu’ils apportent toutes leurs capacités dans la construction du Parti Communiste Marxiste Léniniste de France.
Le secrétariat national du ROCML
20 novembre 2010