Du mot d’ordre "Sortir de l’Union Européenne"
LA VOIX DES COMMUNISTES, no 5, automne 2011 – p. 19-20
(Texte disponible sous forme de fichier PDF)
La profonde crise sociale qui secoue l’ensemble des pays européens a fait apparaitre dans ces pays des revendications désignant l’UE comme la source de tous les maux et prônant la sortie de la zone euro et de l’Union Européenne.
Remarquons tout de suite que le retour à une monnaie nationale ne remettrait pas en cause le fondement de la crise, puisqu’il ne s’agit pas d’une crise monétaire mais d’une crise générale du système capitaliste. En France, cette revendication du retour au Franc est l’expression d’un sentiment nationaliste chauvin, désignant les "autres" comme cause des difficultés de la société.
Quant au mot d’ordre "Sortir de l’Union Européenne" de portée plus large, sur quelle réalité repose‑t-‑il et qu’implique‑t‑il?
L’UE est un cartel de pays impérialistes, c’est une machine servant à favoriser les impérialistes d’Europe dans leurs rivalités envers les autres impérialistes (US, russes, chinois, etc.). Le mythe de l’Europe Unie s’est brulé les ailes depuis bien longtemps : le "rêve" des fédéralistes tombe devant la réalité matérielle du capitalisme et de l’inégalité de développement du capitalisme qui font que dans le cadre de ce système, aucune union harmonieuse ne peut exister durablement, les bourgeoisies gardant une base nationale et restant en concurrence les unes avec les autres. Malgré les discours, les ententes entre pays capitalistes ne sont possibles que si chacun peut y trouver son compte !
Se retirer de l’Union Européenne est une revendication très naturelle pour les peuples engagés malgré eux dans cette structure. Et nous, communistes sommes pour la destruction de toutes les structures dont la raison d’existence est de permettre la domination de classe de la bourgeoisie, que ces instances soient nationales ou supranationales. Nous sommes donc pour la destruction de l’Union Européenne.
Pour autant cette seule revendication n’est absolument pas suffisante. Comme dans la question de l’euro, s’en tenir au retrait de l’UE ce serait revenir à un "capitalisme national" historiquement dépassé, à la fois réactionnaire et utopique.
Certains courants politiques en France notamment, adoptent sur cette question une position chauvine : ils voient l’UE comme un outil d’asservissement de la France, alors que c’est le contraire ‑ l’UE est un outil des puissances impérialistes, dont la France. Plutôt que de réduire, elle sert à accroitre sa force (et si ce n’était pas le cas, cela ferait bien longtemps qu’on n’en parlerait plus!). Ces positions chauvines conduisent à entretenir le sentiment national des travailleurs, leur soumission à la bourgeoisie au nom de l’intérêt national, en affaiblissant la conscience de classe. De ce point de vue chauvin, la sortie de l’Union Européenne, de ce cartel des impérialistes, perd donc son caractère progressiste pour devenir un des moyens d’une visée réactionnaire.
Pour que cette revendication de sortie de l’UE ne soit pas marquée de chauvinisme mais soit en accord avec les principes internationalistes, il faudrait la considérer comme une voie pour détruire l’UE et affaiblir les pays impérialistes qui la constituent. Mais pour cela le seul moyen est la révolution socialiste. C’est pourquoi seuls ne versent pas dans le chauvinisme ceux qui considèrent la nécessité de la sortie et de la destruction de l’Union Européenne comme conséquence de la révolution socialiste dans chaque pays!
Cette lutte pour le socialisme, qui entrainera l’éclatement de l’UE dirigée par et pour les pays impérialistes qui la constituent, n’est pas une lutte purement nationale mais internationaliste : elle vise à détruire le capitalisme non seulement dans un pays, mais partout! Elle vise à ce que la classe ouvrière prenne possession du pouvoir et transforme la société dans un pays et partout! C’est une lutte solidaire de la classe ouvrière et des peuples du monde entier.
Cette analyse, qui différencie les communistes des chauvinistes quant à la question de la sortie de l’Union européenne avait été faite dès 1994 par une organisation grecque du nom de S.A.K.E. Dans leur brochure "Hors de l’UE impérialiste, Pour une Grèce socialiste" ils y disent notamment que, si l’adhésion de la Grèce a l’UE a été bénéfique pour la bourgeoisie à qui elle a donné "un parapluie protecteur", cela s’est traduit pour le prolétariat par la restriction des droits, des reculs sociaux et la montée du chômage.
Concernant la lutte pour la sortie de l’Union Européenne il est dit : "La lutte pour le désengagement de la Grèce de l’UE, la lutte pour la victoire de la révolution populaire socialiste n’est pas une lutte purement nationale. C’est une lutte internationaliste, non seulement contre le capitalisme grec mais contre le capitalisme mondial (…). La lutte pour le désengagement de la Grèce de l’UE n’est pas une lutte pour une Grèce capitaliste indépendante, qui ne peut exister, et qui même si elle existait serait aussi antiouvrière et antipopulaire qu’une Grèce membre de l’UE (…)."
Peu avant dans le texte, précédant ces explications, l’idée énoncée était : "Au cours du processus de développement du mouvement révolutionnaire, il se peut qu’un membre de la CEE devienne le maillon faible de la chaine et que les conditions révolutionnaires y murissent. La classe ouvrière victorieuse, appuyée par les classes ouvrières des autres pays, doit alors sortir le pays de l’UE, ce qui constituera un coup décisif contre la coalition impérialiste et accélèrera le processus de décomposition et de dissolution, en aidant ainsi le développement du climat révolutionnaire dans les autres pays."
Voilà qui rétablit la position de l’internationalisme à l’heure où se développent des discours tentant de remettre au gout du jour la farce du "produisons français" que le PCF révisionniste a déjà essayée dans le passé de vendre vainement aux ouvriers de France.
La croyance en un retour salvateur à un espace national "protégé" participe à la tentation de chercher des "solutions" dans le cadre du capitalisme "national". Cassant les reins à ces inepties, écartant les freins à la conscience révolutionnaire, la tâche actuelle des communistes est la formation de partis communistes marxistes-léninistes véritables et la préparation de la classe ouvrière, du prolétariat et des masses populaires en général à la révolution socialiste.
Abattre le système capitaliste pourrissant ou supporter des souffrances encore plus grandes dans l’implosion du système (guerres, famines, destructions de la force de travail…) ‑ capitalisme ou socialisme ‑ tel est, en définitive, le seul choix qui est posé aux prolétaires.
Voilà pourquoi les communistes rejettent ce mot d’ordre "Sortir de l’Union Européenne" : Parce qu’il sème des illusions chauvines parmi travailleurs et parce que sa réalisation ne constituerait en rien un pas en avant vers la révolution socialiste.