Sans son organisation politique, le prolétariat ne peut
mener la lutte idéologique et faire aboutir ses luttes de classe
LA VOIX DES COMMUNISTES, no 6, mars 2012 – p. 14-15
Pour connaitre un mouvement ou un parti politique, on examine le contenu de ses actes, ses prises de positions théoriques et politiques, et on examine quels intérêts de classe il exprime dans tel ou tel évènement. On peut faire des constats justes et interpréter correctement la réalité. Mais cela ne suffit pas pour développer une ligne juste et changer cette réalité dans l’intérêt du prolétariat. Pour être efficace, toute classe doit avoir sa propre organisation pour suivre ses propres objectifs.
Même si individuellement, un ouvrier peut être sous l’influence de la bourgeoisie au point de défendre la bourgeoisie et inversement un bourgeois défendre les intérêts du prolétariat, on n’a jamais vu une classe organisée et consciente défendre les intérêts d’une autre classe.
L’histoire progresse avec ses propres lois. Les intérêts respectifs de classes différentes ne peuvent coexister que dans certaines périodes particulières. En revanche, la naissance du nouveau est toujours violente. Comme le disait Lénine, « à une époque révolutionnaire, les discussions théoriques sur des thèmes sociaux sont tranchées par l’action déclarée des différentes classes sociales »[1].
Une révolution, une crise révolutionnaire ne se présente pas chaque jour. Dans les périodes ordinaires, les classes ne se mobilisent pas autour de leurs programmes. Pour les prolétaires, cela se traduit par divers types d’illusions, en particulier quand il manque un parti communiste marxiste-léniniste. Telle est la raison pour laquelle les communistes ont pour tâche, quelles que soient les circonstances, et donc dès aujourd’hui, de construire une organisation unique et centralisée pour maitriser les évènements de manière ferme et murie.
Quelques observations et remarques pour illustrer notre théorie :
Aujourd’hui, bien qu’elles soient révoltées par les effets de l’exploitation capitaliste aggravés par la crise, la classe ouvrière et les couches populaires sont loin d’être organisées autour de leur programme de classe. Cette situation a ses racines dans la trahison du révisionnisme moderne et les déviations du mouvement communiste depuis cinquante ans, avec comme résultat la disparition du Parti Communiste en tant que parti marxiste-léniniste.
Parallèlement à ce phénomène politique, la réorganisation de la société capitaliste notamment dans les pays impérialistes a produit de nouveaux conflits ces dernières décennies. En face de la réorganisation du capitalisme à l’échelle mondiale, une partie des couches moyennes et petites de la bourgeoisie a perdu et continue de perdre certains de ses avantages passés. C’est pourquoi ces couches font entendre leurs revendications : rétablir l’industrie française, sauver les PME, taxer les grands groupes…
Mais tout ce programme est incapable de résoudre le pourrissement du capitalisme, la crise, le chômage, la misère, la guerre.
Toute l’histoire du capitalisme est faite de destructions. Il suffit de regarder : destruction de la petite exploitation agricole, destruction des petites et moyennes entreprises au bénéfice d’une concentration régulière dans de grandes entreprises de caractère monopoliste. Depuis le début du vingtième siècle, Lénine a caractérisé notre époque comme celle du capitalisme monopoliste, l’impérialisme. Nous ne sommes pas sortis de cette époque, même si l’impérialisme a développé de nouvelles formes de domination du monde par les monopoles multinationaux.
Le capitalisme ne peut pas revenir en arrière. La petite bourgeoisie voudrait revenir en arrière, au temps de ses privilèges, mais elle rêve, et elle ne peut que rêver. Une partie d’entre elle écoute les sirènes du réformisme altermondialiste, une autre les sirènes de l’extrême droite. Mais elle n’a pas d’avenir en tant que classe dans le développement de la société. Le prolétariat au contraire peut envisager l’avenir avec optimisme. Il peut aussi rêver mais son rêve de classe à lui, est historiquement réalisable : c’est la société communiste.
Aussi longtemps que les moyens de production et de distribution des biens produits seront entre les mains d’une poignée d’individus possesseurs du capital, aucun problème de société ne pourra trouver de solution : ni la crise économique, ni le chômage, ni les conflits et guerres réactionnaires, ni la lutte des classes sous toutes ses formes (de la pétition à la guerre civile et la prise du pouvoir).
Les difficultés économiques, les licenciements, les fermetures d’usines, les désastres écologiques ne sont pas le résultat de l’incompétence des dirigeants politiques, mais caractéristiques de la société capitaliste.
C’est ce que ne veulent pas voir ou comprendre des mouvements comme ATTAC ou plus récemment, le mouvement des Indignés. Ce mouvement pris dans sa globalité au niveau mondial est le reflet d’une prise de conscience naïve de la réalité. Comme le remarquait Lénine, en 1915 au sujet de la guerre, « l’état d’esprit des masses en faveur de la paix exprime souvent le début d’une protestation, d’une révolte et d’une prise de conscience du caractère réactionnaire de la guerre »[2].
On ne remet pas en cause ouvertement la société capitaliste. On cherche la solution dans la société. On demande à ceux-là même qui sont en charge de veiller aux intérêts de la classe exploiteuse, aux dirigeants politiques, d’agir pour la réguler, la « civiliser ». Dans un tract d’appel pour un rassemblement le 15 octobre 2011, il est proclamé :
« Unis d’une seule voix, nous allons faire savoir aux politiciens, et aux élites financières qu’ils servent, que c’est à nous, le peuple, de décider de notre avenir. Nous ne sommes pas des marchandises entre leurs mains, ni entre celles des banquiers, qui ne nous représentent pas. Ces exigences sont incontournables et toute perspective de changement devra les exprimer et garantir leur mise en oeuvre! Le pouvoir financier, le capitalisme, ça suffit…! Les indignées du monde entier continuent à montrer leur détermination à défendre leurs droits face à la finance. Ils exigent une démocratie réelle face aux politiques qui leur sont imposées sans tenir compte de leurs choix et de leur vie. »
Ce mouvement même s’il est resté très marginal en France, montre que des milliers de jeunes chômeurs et travailleurs de par le monde se rebellent contre cette société capitaliste mais restent victimes des illusions « démocratiques » qu’elle propage. Et l’indignation seule est bien impuissante devant les forces puissamment organisées et armées du capital.
Pour faire face à ces forces, les combattre d’abord et les vaincre ensuite il n’y a pas d’autre voie que l’édification d’une force politique puissante porteuse des intérêts des exploités et opprimés. Depuis deux ou trois décennies, toutes les tentatives de forme « nouvelle » d’organisations dont ATTAC a été le représentant typique ont été disqualifiées par la réalité.
Leur position de classe intermédiaire entre la bourgeoisie et le prolétariat les amène à rechercher une voie vers la conciliation avec la bourgeoisie. Ils ne comprennent pas que la conscience de classe se développe à travers les actions, se renforce ou décroit selon les divers moments de la lutte et s’affirme avec force dans les situations révolutionnaires. C’est une des raisons pour laquelle la bourgeoisie n’a pas intérêt à la continuité dans le temps de la mobilisation des masses qui suppose une organisation solide, un état-major qui dirige les opérations. Ces mouvements, sans direction et sans organisation, ne font pas peur à la bourgeoisie. Elle les encourage même, car ainsi face à sa force économique, à son État (bureaucratie, police, armée, prison, justice…) les prolétaires et tous les travailleurs se présentent les mains nues. Les mobilisations pour la retraite en 2010, sont là pour le démontrer.
Stéphane Hessel, dans son livre « Indignez-vous » publié en janvier 2011, écrit: « L’immense écart qui existe entre les très pauvres et le très riches ne cesse de s’accroître. C’est une innovation des XXe et XXI e siècle. Les très pauvres dans le monde d’aujourd’hui gagnent à peine deux dollars par jour. On ne peut pas laisser cet écart se creuser encore. Ce constat seul doit susciter un engagement. » (Indignez-Vous, p. 14.) On cherchera vainement dans le texte de Mr l’ambassadeur Hessel[3] une explication de ce phénomène contre lequel il faut s’engager!
Et pour cause, tenant pour acquis immuable la société capitaliste, il ne peut aller chercher l’explication dans la logique même du développement du capitalisme. Il ne dit pas un mot de l’exploitation de l’homme par l’homme. Jamais il ne met en cause l’impérialisme. Par contre il se complimente pour avoir été le co-auteur du texte des « droits de l’homme » en 1948. Il passe sous silence que dans la réalité ce texte est un chiffon de papier, les peuples, Palestinien, Tamoul, Kurde… et beaucoup d’autres peuples ne jouissent pas de tous leurs droits. Et bien sûr en bon démocrate il est non-violent mais est obligé d’admettre du bout des lèvres la violence populaire : « Je pense bien évidement que le terrorisme est inacceptable, mais il faut reconnaître que lorsque l’on est occupé avec des moyen militaires infiniment supérieurs aux vôtres, la réaction populaire ne peut pas être que non-violente.» (page 18.)
Pour conclure brièvement, le mouvement des indignés, pas plus que son prédécesseur ATTAC, n’a de chances de se développer et de durer dans le temps. Les contradictions du système capitaliste-impérialiste qui s’aggravent balayeront toutes les illusions pacifistes et démocratiques.
Elles montreront de plus en plus la nécessité d’un Parti Communiste Révolutionnaire Prolétarien.
« Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, mais ce qui importe, c’est de le transformer. » (K. Marx, "Thèses sur Feuerbach", Thèse XI.)
[1]. Lénine, "Le programme agraire des libéraux" (1905); Oeuvres, tome 8, p. 317, ici p. 318.
[2]. Lénine, "Le socialisme et la guerre" (1915); Oeuvres, tome 21, p. 305; ici: chapitre I – Les principes du socialisme et la guerre de 1914‑1915, p. 327.
[3]. En 1993, Stéphane Hessel représente la France à la Conférence mondiale des Nations Unies sur les Droits de l’Homme, à Vienne.