Construire l’unité des travailleurs dans la lutte de classe
LA VOIX DES COMMUNISTES, no 12, avril 2015 – p. 3-4
Le début de l’année 2015 a été marqué par des attaques terroristes meurtrières les 8 et 9 janvier à Paris, contre la rédaction de CHARLIE HEBDO et une épicerie cacher. La condamnation de ces actes a été générale et l’émotion et la réprobation collective fut immédiatement mise à profit par le pouvoir politique pour lancer et développer une campagne politique et idéologique massive, relayée en boucle et amplifiée par les médias, autour des concepts de république, des valeurs de la république, de la démocratie, des libertés, de l’ordre public, du soutien aux forces de police et de l’armée.
Le message martelé par les chefs du gouvernement et l’ensemble des partis politiques de gauche, de droite et d’extrême droite était celui-ci : face à un ennemi terroriste intérieur, lié aux réseaux islamistes les plus radicaux agissant dans le monde entier, la NATION, c’est-à-dire l’ensemble des français, toutes classes, toutes catégories sociales, de toutes origines et de toutes opinions philosophiques confondues doivent oublier leurs conflits et faire bloc autour de l’Etat en place censé représenter l’intérêt et la volonté collective.
La manifestation parisienne du 11 janvier autour du mot d’ordre JE SUIS CHARLIE fut le point culminant de cette entreprise réussie de récupération politique et idéologique. Il n’y manqua même pas la participation internationale au travers du cortège éclectique des chefs d’État étrangers ou de leurs représentants groupés autour de François Hollande en signe de soutien (ou d’allégeance).
Quels sont les buts de cette campagne
orchestrée magistralement au plus haut niveau de l’État
Il y a bien sûr le profit politique immédiat tiré par un gouvernement Hollande-Valls en difficulté.
Décrédibilisé par la non tenue de ses promesses électorales dont la fameuse inversion de la courbe du chômage avant le 31 décembre 2013, au plus bas dans les sondages, Hollande avait bien besoin de rehausser sa cote de popularité en apparaissant comme l’homme de la situation, le garant de l’État, celui autour de qui on se rassemble en cas de catastrophe nationale.
Les tueries de Paris lui auront fourni une aide providentielle. Mieux, il aura rangé derrière lui l’ensemble des partis bourgeois de droite, de gauche ou d’extrême droite, dans son rôle efficace de gardien de l’État. Opération réussie.
Mais, ce succès ponctuel de politique politicienne à court terme n’est pas l’essentiel.
La crise se prolonge et s’approfondit, sans perspective de sortie en vue. La dégradation de la situation économique et sociale, les lois anti-ouvrières et antipopulaires prises par le gouvernement laissent prévoir des luttes de plus en plus radicales et des remises en cause des règles de l’ordre bourgeois. Le pouvoir le sait et fourbit ses armes.
En même temps, le pouvoir politique d’État est toujours prêt à se lancer dans de nouvelles aventures militaires pour défendre les monopoles français à l’étranger, dont le cout va retomber sur les contribuables, c’est-à-dire les couches supérieures de la classe ouvrière, la petite et moyenne bourgeoisie. La base politique du gouvernement risque donc de s’effriter.
Dans la perspective de désordres sociaux et politiques, l’idéologie de l’unité nationale fournira les principaux arguments de propagande des gérants de l’ordre bourgeois. Elle fournira la justification de la répression contre ceux qui remettent en cause cet ordre.
Au nom de l’unité nationale, des prétendues valeurs de la république bourgeoise, des libertés et de l’ordre public, de la sécurité intérieure et extérieure de la « France », ce gouvernement « de gauche » entreprend, mieux que ne l’aurait fait un gouvernement de droite, de formater les esprits pour casser les reins aux luttes ouvrières qui « divisent la nation », pour isoler les ouvriers qui ne marchent pas dans les combines du partenariat capital-travail, qui dénoncent et combattent les cadeaux faits au patronat et les sacrifices imposés aux travailleurs, français ou non, avec ou sans « papiers ».
Au nom de l’unité nationale et de la sécurité de la « France », ce gouvernement formate les esprits pour briser tout mouvement opposé à ses interventions militaires extérieures actuelles et à venir. Dans l’histoire du XXe siècle, les Blum, Moch et Mollet ont montré de quoi les social-démocrates étaient capables dans ce domaine.
Au nom de la sécurité et de l’ordre public, ce gouvernement prépare l’opinion à la mise au pas de la jeunesse et au nettoyage (au karcher?) des quartiers ghettos.
Que faire devant cette offensive idéologique réactionnaire du pourvoir?
Partout où ils sont, les communistes doivent expliquer à leurs camarades de travail et aux militants progressistes la nocivité des idées martelées par les médias aux ordres du capital et du pouvoir après les attentats du mois de janvier, en particulier celles de nation et d’unité nationale.
Dans un pays capitaliste impérialiste comme le nôtre, il n’y a pas d’unité nationale possible. Un ouvrier français et un patron français font peut-être partie de la même nation, mais ils n’ont aucun intérêt en commun, ni économique, ni social. En revanche, entre un ouvrier français et un ouvrier d’origine émigrée qui n’a pas la nationalité française, l’unité est possible et nécessaire car ils subissent tous deux la même exploitation. C’est l’unité de classe. C’est celle que les communistes construisent dans l’intérêt de toute la classe. Le drapeau rouge est le drapeau du prolétariat, quelle que soit l’origine de ses membres. Il est le seul à être porté par les prolétaires du monde entier. Le drapeau Bleu Blanc Rouge, lui, est celui de la bourgeoisie française et des conquêtes coloniales. Comment un prolétaire émigré venu d’une ex colonie française pourrait-il adopter ce drapeau?
Les communistes doivent aussi combattre toutes les autres mystifications sur les valeurs de la république, les libertés, la sécurité, la police, l’armée, dans un État bourgeois. Mais nos explications ne pourront progresser que dans la réalité des luttes de notre classe. Toute prise de conscience politique prend en effet ses racines dans le combat concret classe contre classe. Les militants communistes qui agissent dans les syndicats ont un rôle central dans ce combat. Ils doivent y associer les syndicalistes anticapitalistes. C’est ainsi que se construira pas à pas le Parti Communiste qui fait aujourd’hui défaut à la classe ouvrière.
Le Rassemblement Organisé des Communistes Marxistes-Léninistes
mars 2015