Lutte de classes et crise du capitalisme

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 29, 2e semestre 2021 – p. 4-9

Depuis plusieurs décennies, les crises secouant l’économie capitaliste n’ont pas suivi un rythme régulier. La crise de 2008 a été profonde et s’est répercutée mondialement. Des situations de crise se manifestent en Europe (Grèce, Portugal), au Moyen-Orient (Liban), en Amérique du Sud (Argentine, Chili, Venezuela)… Des différends se développent sur le plan politique, allant jusqu’à des conflits militaires régionaux. La concurrence entre les grandes puissances impérialistes s’accentue, particulièrement en ce qui concerne les USA, la Chine et la Russie, ce qui se manifeste aussi sous la forme de l’opposition entre pays occidentaux et de l’Est. Dans de nombreux pays la situation intérieure est instable, des mouvements contestataires apparaissent, comme au Chili, au Liban, en Pologne, Bolivie… Dans le présent article, nous examinons la situation en France.

Au niveau international, la France subit des revers dans ses opérations impérialistes, néocoloniales : Syrie, Libye, Tchad, Mali. Les affrontements militaires qui sévissent dans ces régions imposent aux populations les massacres, la misère, jusqu’à la ruine. En France, du point de vue économique, on peut observer l’interdépendance internationale : les crises ne restent pas limitées à l’intérieur des frontières d’un pays. Les ramifications et subdivisions rendent les processus de production vulnérables, comme par exemple pour les automobiles ou les équipements électroniques, résultats d’un assemblage de pièces de provenances diverses. Cela a été le cas suite au confinement de 2020, pour les masques, les voitures, les matières premières pour le secteur du bâtiment…

Selon la mise en scène électorale, Emmanuel Macron est "ni droite ni gauche". En réalité, comme déjà pour François Hollande, il est clair que dans le cadre de l’économie capitaliste, les prétendues politiques de "gauche" relèvent de la fiction. Et plus précisément, Macron représente les intérêts des grandes bourgeoisies néolibérales, des groupes multinationaux. Et c’est sous cette apparence du "ni, ni" qu’une grande partie de la petite bourgeoisie apporte à la grande bourgeoisie une base sociale. Mais l’incohérence objective de cette constellation n’a pas manqué d’engendrer des fissures dans l’alliance, et des conflits sociaux.

La crise sanitaire a eu un double effet : elle a pu dans une certaine mesure dissimuler l’existence d’une crise économique, mais a finalement approfondi cette dernière. La loi de développement inégal du capitalisme a eu son impact aussi pendant cette période. Ainsi la crise sanitaire a fourni au grand capital l’occasion pour tenter de sortir du marasme préexistant, voire à prendre de la force en absorbant des morceaux d’entreprises en difficulté. Certains secteurs, comme l’informatique, le commerce de grande surface, les produits alimentaires, les produits de luxe, ont amélioré leur situation, du moins partiellement. D’autres ont reculé globalement, avec des difficultés même pour les principales sociétés, voire des faillites : le tourisme, l’hôtellerie, le transport aérien…

L’opposition fondamentale entre capital et travail, qui est de toute façon permanente, s’est manifestée continuellement. Le contexte difficile a entravé le dynamisme du mouvement ouvrier, mais le gouvernement et les employeurs n’ont pas pour autant réussi à faire prévaloir toujours et partout leurs tentatives de bloquer toute contestation sous prétexte des "nécessités" imposées par l’épidémie. D’ailleurs, la petite bourgeoisie et même des parties de la bourgeoisie de niveau plus élevé ont aussi été atteintes dans leur situation matérielle. Il faut préciser que la bourgeoise comme composante de la société capitaliste ne se limite pas aux capitalistes entrepreneurs qui exploitent les ouvriers directement dans la sphère de production, mais inclut toutes sortes d’autres acteurs associés au pouvoir. La profondeur de la crise fait que les mécontentements atteignent aussi ces sphères, y compris l’appareil d’État (hauts fonctionnaires, armée, etc.) Ainsi les facteurs qui déstabilisent le pouvoir sont multiples : la lutte de classe ne se réduit pas mécaniquement à un simple face à face entre classe ouvrière et classe capitaliste – elle est marquée par un ensemble de phénomènes complexes.

On constate que le pouvoir n’a pas réussi à préserver sa crédibilité quant à la politique mise en oeuvre. En témoigne le niveau d’abstention aux dernières élections régionales. Le phénomène n’est pas nouveau, mais l’ampleur est révélatrice en ce qui concerne l’incapacité de la bourgeoisie de former une force de domination politique stable autour de laquelle elle pourrait se rassembler. L’instabilité économique se répercute sur le domaine politique.

Les acteurs politiques, adhérents de divers partis, traversent une période de dispersion et de tentatives de reconstruction. Macron a pu prendre la relève à la suite des échecs de Sarkozy et Hollande, mais il n’a pas réussi à construire réellement son propre parti politique. Il a pourtant rallié de plus en plus ouvertement le terrain de la droite libérale traditionnelle, seulement il n’a pas pu s’adjoindre le personnel nécessaire pour structurer l’appareil de son mouvement, LREM. D’un autre côté, les forces politiques rivales qui pourraient offrir une alternative à la bourgeoisie sont divisées profondément. L’incertitude règne quant à la candidature qui pourrait convenir aux fractions dominantes du capital.

L’importance du système électoral pour assurer la stabilité du pouvoir bourgeois dans la république démocratique constitue un enjeu fondamental pour la bourgeoisie. Le maintien en fonctionnement de ce mécanisme n’est pas garanti d’office. Ces quatre à cinq dernières années la population a exprimé certaines revendications de façon appuyée, des mouvements de contestation se sont durcis. En face, la bourgeoisie n’a pas hésité à employer tous les moyens pour marginaliser la lutte des travailleurs et manipuler les mobilisations interclassistes comme celle des "gilets jaunes". C’est que la division de la société en classes sociales a pour conséquence la lutte de classes – pas besoin d’être marxiste pour observer cette réalité. En dehors de la révolution prolétarienne, aucune classe ou couche sociale ne peut constituer une force politique alternative au pouvoir actuel de la grande bourgeoisie. Cette dernière peut être amenée à adapter sa domination aux circonstances changeantes. Différents gouvernements peuvent se succéder, les méthodes d’exercice du pouvoir peuvent varier, mais le pouvoir restera celui de la grande bourgeoisie, de la classe capitaliste exploiteuse, jusqu’à ce que la classe ouvrière abatte ce pouvoir et instaure son propre pouvoir.

Certes, la petite bourgeoisie et les dites "couches moyennes", ainsi que les fractions moyennes de la bourgeoisie qui sont en position de faiblesse sur le terrain de la concurrence entre capitalistes, sont en mesure de mobiliser et de faire entendre leur voix (parfois en prétendant s’exprimer au nom du prolétariat). La classe travailleuse, le prolétariat, est inexistante politiquement – les partis qui se disent ses représentants sont en fait des partis de la bourgeoisie ou de la petite bourgeoisie. Du point de vue des communistes marxistes-léninistes, c’est là que réside la difficulté fondamentale actuelle. La conscience politique du prolétariat est faible et ses luttes sont loin de correspondre aux nécessités objectives de la lutte de classe. Divers facteurs sont à la base de cette situation. L’influence du réformisme est considérable. Elle est portée par la petite bourgeoisie et les organisations qui la représentent, mais elle persiste également parmi les travailleurs à travers la tradition social-démocrate. Celle-ci est véhiculée par le PCF et aussi par la "gauche de la gauche" (trotskistes) et elle est présente parmi des organisations qui se considèrent comme marxistes-léninistes mais n’ont pas surmonté les déviations révisionnistes. Sur le plan pratique, des aspects objectifs compliquent la situation : l’éclatement résultant des subdivisions selon lesquelles sont organisés les lieux de travail; les rôles et positions respectives du prolétariat autochtone et d’immigration; les nouvelles divisions du travail mises en place en rapport avec les forces productives (internationalisation, groupes monopolistiques et sous-traitants…).

Quant à la petite bourgeoise, il est clair qu’elle se trouve dans l’impossibilité de réussir toute seule un mouvement social dans la durée, et encore plus, de porter au pouvoir une force politique en son nom. Cependant la petite bourgeoise et une partie de la bourgeoisie qui subit les conséquences de la crise (directement en France et aussi sous l’effet des contraintes venant de l’appartenance à l’Union européenne, dominée par des grands groupes monopolistiques internationaux), jouent un rôle important pour la stabilité du pouvoir bourgeois. L’importance de la petite bourgeoisie et des dites "couches moyennes" ne se mesure pas principalement par le nombre, elle est qualitative. C’est qu’elles entretiennent en direction des travailleurs et des couches populaires un contact proche et une influence sociale que la bourgeoisie au pouvoir peut utiliser à son avantage. Les mobilisations des "gilets jaunes" ont mis en évidence l’ampleur de ce phénomène, et le fait que ce lien idéologique bénéficie au pouvoir bourgeois, contre les travailleurs. Les éléments ayant contesté le gouvernement à certains moments évoluent de façon différenciée. Une partie des petits bourgeois s’en désolidarisent aujourd’hui (voir l’évolution des "gilets jaunes"). Certains réassument à nouveau la fonction d’appui direct à la bourgeoisie (p. ex. à travers La France insoumise), d’autres continuent à penser pouvoir élargir leur influence en entretenant les illusions électoralistes (les trotskistes) ou s’isolent dans le rejet de tout État (les anarchistes).

Pour nous, la nécessité première est de faire comprendre l’état de la lutte de classe du point de vue des travailleurs, de pointer les principales difficultés qu’il faut surmonter, afin de renforcer chez ceux qui agissent la confiance en la possibilité et la capacité d’avancer, sans se laisser décourager par les questions de nombre. Malgré la division de la classe ouvrière sur les plans idéologique, politique et organisationnel, la dernière décennie est très riche en luttes et expériences. La classe ouvrière n’a pas lâché la lutte sur plusieurs fronts, qui restent d’actualité. Des luttes sociales se sont développées dans la durée, certaines à l’échelle nationale ont fait reculer le gouvernement dans la mise en oeuvre de ses projets : le mouvement des cheminots, la lutte contre la modification du régime de retraite, la lutte contre les lois sécuritaires. D’autres actions, au niveau local ou d’entreprises, ont aussi pu contrer les prétentions des administrations et des employeurs. Mais la classe ouvrière n’est pas encore à la hauteur pour passer à la riposte face aux attaques de la bourgeoisie.

Cependant des facteurs positifs apparaissent. À l’encontre de la tendance qui s’est manifestée pendant les actions des "gilets jaunes", la propagande anti-organisation et anti-syndicat a reculé sous l’effet des luttes ouvrières. Les luttes sociales et ouvrières ont aussi conduit à forcer les organisations de la classe ouvrière à discuter et chercher la solution à l’égard du problème fondamental que représente la division de la classe dans la production, comme CDI, CDD, intérimaires, sous-traitants, salaries détachés. La conscience émerge quant à la nécessité d’adapter la structuration des syndicats, les formes de la lutte. C’est ce qu’exprime la formulation imagée : celui qui bouge commence à sentir le poids des chaines qui l’entravent.

Évidemment on est très loin de la lutte politique telle que devra la mener la classe ouvrière en assumant une position indépendante de la bourgeoisie. Cependant, parallèlement aux succès obtenus, compte aussi l’expérience apportée par des échecs : les résultats souvent insatisfaisants des luttes partielles, les limites globales qui caractérisent la lutte économique, le constat de la capacité de la bourgeoise de récupérer chaque fois par la suite ce qu’elle a cédé. Se fait jour peu à peu la recherche d’une alternative politique propre au sein de classe ouvrier. En ce sens on observe un rapprochement de certains syndicalistes à tel ou tel parti ou courant politique. Notre rôle doit être de persévérer à mener la lutte idéologique et politique sur une base de classe, celle de la classe ouvrière. Des potentialités se dessinent dans la pratique.

Nos positions doivent se distinguer et se démarquer ouvertement par rapport à toutes les organisations de la petite bourgeoisie, nous ne luttons pas seulement en faveur de telle ou telle orientation politique ou mesure gouvernementale, ni contre une fraction particulière du capital, telle que la grande bourgeoisie libérale. Nous luttons contre le système capitaliste, pour l’instauration du pouvoir prolétarien dans l’objectif de la construction du socialisme.

Pour construire un tel mouvement, il faut disposer d’une organisation politiquement indépendante de toutes les composantes de la bourgeoisie, et il ne faut pas confondre l’organisation syndicale avec une organisation politique. L’histoire a montré à diverses occasions que sans disposer d’une organisation solide (sous les aspects idéologique, politique et organisationnel), on ne peut conduire un mouvement révolutionnaire ni prendre la direction d’un mouvement surgi dans la spontanéité. Ainsi, en l’état actuel des choses, ces mouvements se désagrègent d’eux-mêmes, où alors ils perdent ce qu’il pouvait y avoir d’authentique et positive dans leurs contestations, à mesure qu’ils sont déviés soit par les réformistes soit par des forces politiques carrément réactionnaires (ou les deux à la fois, moyennant des scissions).

Aussi il est très important d’examiner les revendications avancées par les mouvements auxquels nous assistons.

Chaque classe ou couche sociale poursuit ses propres intérêts. La réalisation du socialisme comme un système opposé au capitalisme, pour mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, ne sera jamais l’oeuvre de tout le monde réuni, ni même des opprimés "tous ensemble". Parfois, durant une période donnée, selon la stratégie ou tactique adoptées, certaines revendications peuvent être partagées par telles ou telles couches sociales. Par exemple dans la lutte contre un régime fasciste, ou contre une société féodale, les marxistes-léninistes partagent avec d’autres – en tant que tâche provisoire – la défense de la démocratie (bien qu’elle puisse avoir un caractère bourgeois). En effet les libertés, en particulier la liberté d’expression sont importantes pour l’activité militante de propagande et d’organisation en direction du prolétariat. Mais les marxistes-léninistes ne doivent à aucun moment abandonner leur indépendance politique vis-à-vis de la bourgeoisie dans son ensemble, ils ne doivent pas, au nom d’intérêts communs, fondre leur organisation au sein d’un front ou d’un organisme unitaire. Pour assurer la poursuite de leur objectif, les marxistes-léninistes doivent travailler, agir, au sein de la classe ouvrière, afin d’organiser la classe ouvrière en tant que telle et de constituer son parti d’avant-garde.

Pourquoi aujourd’hui nous insistons sur ce thème ? Nous répondons à cette question par une citation de Lénine, écrit en 1900 alors que la classe ouvrière cherchait à fonder son parti politique[1] :

La social-démocratie (le mouvement communiste à l’époque – VdC) est la fusion du mouvement ouvrier et du socialisme; son rôle n’est pas de servir passivement le mouvement ouvrier à chacun de ses stades, mais de représenter les intérêts de l’ensemble du mouvement, de lui indiquer son but final et ses objectifs politiques, de sauvegarder son indépendance politique et idéologique. Coupé de la social-démocratie, le mouvement ouvrier dégénère et s’embourgeoise inévitablement : en se cantonnant dans la lutte économique, la classe ouvrière perd son indépendance politique, se traîne à la remorque des partis, trahit la grande devise : "L’émancipation de la classe ouvrière doit être l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes".

Pour comprendre le caractère d’un mouvement donné, il faut examiner à quelle couche ou quelle classe sociale correspondent les revendications exprimées, et à travers de quels moyens organisationnels elles sont poursuivies. Certes, cette question n’est jamais simple. Un mouvement déclenché en rapport avec une revendication particulière, limitée, peut prendre de l’ampleur; à partir d’un conflit mineur, il peut s’étendre à des enjeux plus fondamentaux. Rien n’est automatique ni prévisible à l’avance. Quoi qu’il en soit, il est vain de vouloir exercer une influence un tant soit peu effective sur les évènements, si les conditions nécessaires du point de vue de la prise de conscience et de l’organisation font défaut. Comme le disait Lénine : Le degré de conscience de la classe ouvrière et sa capacité d’organisation constituent un élément décisif. Pour les communistes marxistes-léninistes, il est essentiel de n’oublier à aucun moment l’objectif stratégique de la prise du pouvoir. Quelle que soit l’envergure d’un mouvement, modeste ou large, la solution proprement dite ne peut être trouvée dans le cadre de la société capitaliste. La lutte de classe se poursuivra, le mouvement ouvrier connaitra des avancées et des revers, mais les effets de l’exploitation capitaliste et des crises économiques – qu’elles soient successives ou quasi permanentes – ne pourront être éliminés que par la révolution prolétarienne, socialiste.

Les marxistes-léninistes ne refusent jamais par principe la lutte pour certaines réformes. En revanche il faut bien analyser et prendre en compte les composantes du mouvement et les implications des revendications partielles. Qu’il s’agisse des "gilets jaunes", des "bonnet" rouge", de "nuit debout", de la contestation contre le "passe sanitaire", il faut examiner quelles classes se mobilisent, sous quelle forme, autour de quelle politique de classe. On ne peut mener une lutte simplement au nom de la "liberté individuelle", ou selon un slogan qui prétend s’adresser à tout le monde. De fait, la liberté de chacun est liée à un contexte ayant des caractéristiques déterminées de classe. Entre un bourgeois et un prolétaire, la vision des libertés auxquelles il aspire, et les moyens dont il dispose pour les réaliser, diffèrent notablement. Les mobilisations actuelles mettent en évidence la confusion qui prévaut. Il est fortement nuisible de penser naïvement – ou de faire semblant de penser – que la dénonciation "unanime" de la "dictature de Macron" serait un pas vers la prise de conscience au sein de la classe ouvrière au sujet de la nature de la démocratie parlementaire. Ceux qui se placent selon cette optique ont d’ailleurs tendance à se fourvoyer justement dans le sens opposé[2] : "Gilets rouges, gilets jaunes, travailleurs de tous les secteurs, personnels soignants désormais soupçonnés, menacés, vaccinés et non vaccinés, nous avons tous intérêt à stopper le rouleau compresseur macro-patronal! Ils n’auront pas la “guerre civile” qu’ils veulent, ils auront face à eux un coude à coude massif de lutte de classe et de masse pour défendre nos conquêtes sociales et imposer une véritable démocratie dans laquelle l’intérêt collectif est débattu et décidé collectivement." Ce raisonnement considère que l’alternative à Macron serait celle d’une "véritable démocratie", mais il escamote totalement la question de fond : que Macron incarne le pouvoir de la bourgeoisie, pouvoir qui se matérialise pour l’instant sous la forme de la république parlementaire – laquelle quant au fond exerce la dictature de la bourgeoisie -, et que pour mettre fin à ce pouvoir il faut y substituer le pouvoir de la classe ouvrière, la dictature du prolétariat.

Dans le contexte donné il y a – comme toujours – un point essentiel à examiner : dans quelle mesure et sous quel aspect les revendications sont-elles justes et s’accordent avec l’intérêt de la classe ouvrière ou le sens du progrès social. On ne peut se positionner simplement selon l’alternative : contre le gouvernement, oui ou non. Les luttes spontanées en elles-mêmes, qui se développent en dehors des structures organisationnelles classiques (syndicales et politiques) ne peuvent aboutir à une victoire. C’est un constat confirmé par l’expérience historique du mouvement ouvrier.

Ceux qui pensent trouver chez Lénine la confirmation de leur vision erronée concernant le lien entre révolution et spontanéité, se trompent lourdement. Une fois de plus ils arborent une citation de Lénine qui commence par la phrase suivante[3] : "La révolution socialiste en Europe ne peut pas être autre chose que l’explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce." Et voici à titre d’exemple une "conclusion" qui prétend être conforme à ce qu’expose Lénine[4] : "La gauche […] ne peut faire autrement que se remettre à faire de la politique dans et avec le peuple […] son milieu “naturel”, c’est-à-dire social et politique."

Que ce soit à la création du Parti bolchevik (1903), ou pendant la révolution de février 1917 et le passage à la révolution d’octobre 1917, Lénine et le Parti bolchevik ont suivi une même attitude de principe. À aucun moment les communistes n’ignorent le mouvement spontané de la classe ouvrière ou de couches populaires. Mais ils n’ont jamais cru comme un Don Quichotte, qu’avec quelques militants sans coordination large et solide ils pourraient influencer un mouvement qui n’a pas une orientation encrée dans la classe ouvrière. Les marxistes-léninistes refusent une attitude suiviste à l’égard de ce type de mouvements, ils considèrent que ceux-ci ne correspondent nullement à ce que doit être l’aspiration centrale. Voir les textes de Lénine, "Que faire" et "Thèses d’avril". Les marxistes-léninistes orientent leurs moyens, leurs interventions vers la classe ouvrière et déploient leur travail militant au sein de celle-ci.

Un certain mode de pensée veut croire que tous ce qui bouge c’est "bon à prendre". C’est une variante du réformisme qui peut être basée sur la paresse mentale qui ne se donne même pas la peine de tenter une compréhension concrète des évènements; ou alors, il s’agit d’un opportunisme calculé toujours à l’affut d’occasions pour des manoeuvres politiques. D’une façon ou d’une autre, l’idée peut convenir à la petite bourgeoisie, mais certainement pas à la classe ouvrière.

Pour certains militants cet état d’esprit peut s’expliquer comme une réaction subjective face au constat de la faiblisse du mouvement communiste et du mouvement ouvrier. Néanmoins, objectivement ils empruntent sur cet aspect une voie étrangère aux communistes. Ils adoptent un mélange, premièrement entre la vision propre au mouvement ouvrier et le populisme, et deuxièmement entre le rôle d’une organisation syndicale et celui d’une organisation politique. Il s’en suit une position incohérente. Il y a la critique que le syndicat est réformiste, que les dirigeants sont embourgeoisés, et parallèlement de façon irréaliste on voudrait que ce syndicat fasse un travail révolutionnaire. Surtout il y a incompréhension quant à la nature d’une organisation communiste. Actuellement il n’y a pas de parti communiste organisé au sein de la classe ouvrière, ayant la capacité de diriger les mouvements de travailleurs. Prétendre agir en fermant les yeux devant cette réalité amène fatalement à être à la remorque d’autres acteurs et forces politiques. Tant que l’avant-garde de la classe ouvrière et les courants communistes marxistes-léninistes n’ont pas fusionnés, il n’y aura pas un véritable parti ou une organisation communiste marxiste-léniniste. Le processus pour atteindre le niveau nécessaire n’aboutira pas du jour au lendemain. Le mouvement communiste se trouve dans une phase difficile, dans une crise aussi au niveau international. Les tâches fondamentales pour le mouvement communiste consistent à créer l’unité des communistes autour de la théorie et les principes marxistes-léninistes, à se doter des moyens pour porter ces positions aux classes ouvrières. Au stade actuel, où ces groupes se disant "ml" ou "révolutionnaires" sont très loin de cette perspective, on ne peut intervenir de manière valable en direction des mouvements à caractère spontané. Ainsi les quelques mouvements cités plus haut sont ballotés entre cheminements variés dont aucun n’est porteur d’un avancement effectif du point de vue de la classe ouvrière : dans l’ensemble ils ne contribuent nullement à développer une structuration organisationnelle durable pour des luttes progressistes, et dans les détails ils peuvent faire gagner quelques partisans aussi bien aux forces politiques de "gauche" ou même révolutionnaires qu’à celles de droite ou d’extrême droite.

Nous avons toujours été présents dans les mouvements ouvriers – luttes au sujet de régime de retraite, défense de la sécurité sociale, rejet des lois sécuritaires…, et contre la répression policière visant aussi bien les mouvements ouvriers que les jeunes de quartier. Mais pour atteindre la victoire finale – la priorité, notre priorité, est d’organiser politiquement la classe ouvrière autour de son parti d’avant-garde, le parti communiste marxiste-léniniste.

Vive le socialisme prolétarien !

Vive l’organisation marxiste-léniniste !

Vive l’unité sur la base du marxisme-léninisme !

 

 

 



[1]. V. I. Lénine : "Les objectifs immédiats de notre mouvement"; Oeuvres, tome 4; Paris, Éditions sociales, 1959; p. 383.

[2]. Rassemblement communiste, juillet 2021.

http://cercles.communistes.free.fr/rcc/publi.php?idArticle=2021_07_29_pass

[3]. V. I. Lénine : "Bilan d’une discussion sur le droit des nations à disposer d’elles-mêmes"; Oeuvres, tome 22; Paris, Éditions sociales, 1960; p. 344, ici p. 384.

Nous avons traité cette question précédemment. Voir l’article "Au sujet de certains aspects des révolutions russes de 1905 et 1917", La Voix des Communistes, no 25, mars 2019.

[4]. Antoine de Montpellier – Cogestionnaire du blog : http://npaherault.blogspot.fr/

"Pour une gauche immunisée contre le virus antimanifs!", 29/7/2021.

https://blogs.mediapart.fr/antoine-montpellier/blog/290721/pour-une-gauche-immunisee-contre-le-virus-antimanifs