Élections européennes :
comprendre l’hypocrisie de la rhétorique d’extrême-droite
LA VOIX DES COMMUNISTES, no 32, 2e semestre 2024 – p. 15-20
Du 6 au 9 juin derniers se sont tenu les élections européennes au sein des 27 États membres de l’Union européenne. Malgré le fait que ce scrutin est un des moins "populaires" (particulièrement en France) et des moins mobilisateurs pour les travailleurs, il n’en reste pas moins un moment particulier, ou l’activité politique et les débats sont stimulés par la campagne électorale, relayée par les médias. En effet à cette occasion, comme lors des autres scrutins électoraux, les "citoyens" sont courtisés de toute part par les partis politiques de la bourgeoisie, qui leur promettent tous monts et merveilles s’ils leurs accordent leurs voix.
Ainsi il nous parait important d’intervenir à cette occasion pour attaquer sous plusieurs angles les arguments et positions des partis politiques français dans ces élections, et plus particulièrement ceux du Rassemblement national (RN). Celui-ci réalise une fois de plus une poussée électorale significative en finissant en tête avec plus de 34 % des voix, en mystifiant toujours plus les masses qu’il inonde de propositions toutes plus hypocrites, racistes et démagogiques les unes que les autres. Si cette propagande mérite notre attention, c’est qu’un nombre considérable de travailleurs français se laisse berner par le mirage "populaire" qu’incarne aujourd’hui l’extrême droite face aux représentants du libéralisme et aux représentants du réformisme, lesquels en France forment les principaux courants politiques (et que Macron a tenté de faire coexister bras dessus bras dessous avec sa recette du "ni droite ni gauche"). Parmi les groupes au Parlement européen on peut mentionner, selon la composition du Parlement issu des élections de juin : Renew (avec Macron), Parti populaire européen (PPE, avec Francois-Xavier Bellamy, de LR, et Ursula von der Leyen, du CDU allemand), Groupe des Socialistes et Démocrates (S&D, avec Gabriele Bischoff, du SPD allemand), Conservateurs et réformistes européens (CRE, avec Marion Maréchal).
Il faut préciser ce que nous entendons par "libéralisme" et "réformisme". Concernant le libéralisme, le concept s’applique à la fois au domaine politique et au domaine économique, mais ici nous nous intéressons principalement au libéralisme économique : il s’agit de l’idée que l’économie capitaliste doit être basée sur la liberté pour les capitalistes de gérer leurs capitaux et leurs activités, sans subir des contraintes ou ordres de la part de l’État (des gouvernements). Par contre le réformisme emploie divers procédés et moyens pour influer sur l’économie ‑ sans pour autant préconiser un dirigisme complet et rigide. En principe les deux notions sont en opposition entre elles, mais en pratique elles font l’objet de toutes sortes de mélanges éclectiques.
Ces élections européennes, malgré une progression constante de l’extrême droite au niveau de l’UE, n’ont pas changé la donne, à savoir la domination du bloc PPE/SD/Renew. Néanmoins leur déroulement exerce une influence pernicieuse. Car même avec une faible participation, notamment des ouvriers et employés, le tapage constant des commentateurs et des acteurs politiques sur toutes les chaines de télévision, à la radio et ailleurs permet l’expression des idées politiques de la bourgeoisie et des thèmes qu’elle juge bon de mettre au premier plan. De cette manière se distillent les conceptions et les idées, les principes politiques des différents partis politiques, qui cultivent ainsi les idées qui restent dans les esprits d’une élection à la suivante. C’est un moyen de contrer le mécontentement, réel ou potentiel, des travailleurs en les noyant sous une multitude de sujets, programmes et analyses qui ont tous pour but de masquer la véritable origine des maux de nos sociétés, à savoir le capitalisme/impérialisme.
Si ces élections sont "européennes", les débats et les positions des différents partis qui y participent sont en général bien plus nationaux, et ne diffèrent pas significativement des positions et/ou clivages existant lors des scrutins nationaux.
Rappel des principes de fonctionnement des institutions européennes
Il est tout de même intéressant de se pencher un peu sur le fonctionnement du Parlement européen et sur son organisation. En effet ces aspects en disent beaucoup plus qu’on ne pourrait le croire.
La France a droit, au Parlement européen, à 81 sièges sur 720 au total, le nombre de sièges étant en corrélation avec le nombre d’habitants que compte chaque État membre. Ainsi l’Allemagne, étant le pays le plus peuplé de l’UE, a droit d’après ce mode de calcul à 96 sièges, tandis que par exemple la Hongrie, pays plus petit, dispose de 21 sièges. Mais la composante nationale passe en réalité au second plan, car les députés s’organisent en groupes parlementaires conformes à leurs orientations politiques et dépassant le simple cadre d’une délégation nationale. Les trois principaux groupes parlementaires qui détiennent ensemble la majorité au parlement européen sont le PPE, SD et Renew avec, à l’issue des élections de juin 2024, respectivement 188, 136 et 77 élus originaires de différents pays membres. Ces trois groupes sont les représentants du libéralisme, liés à la grande bourgeoisie capitaliste et impérialiste au pouvoir dans les grands États de l’UE, et qui domine à la Commission européenne. Ils servent de ce fait de manière tout à fait logique les intérêts de cette classe, et sont les artisans de toutes les politiques réactionnaires et anti-ouvrières de l’UE, ceux que l’on appelle souvent à gauche de manière péjorative "maastrichtiens", en référence au Traité de 1992 signé à Maastricht et qui pour les partisans du réformisme constitue le début du "tournant néolibéral" de la construction européenne. L’utilisation du terme "néolibéral" considère implicitement qu’il y a eu une période précédente pendant laquelle les préceptes appliqués en matière d’économie se démarquaient du libéralisme en faveur du réformisme. C’est une déformation de la réalité, puisque le PS et le PCF avaient déjà antérieurement, notamment avec le "Programme commun de la gauche", prudemment mais méthodiquement entamé l’abandon des apparences réformistes. L’extrême droite européenne également, et plus particulièrement le RN en France, s’en prennent aux forces politiques qui ont mis en place le Traité de Maastricht, lequel constitue un document fondamental pour l’UE.
Malgré le caractère "international" de ces groupes parlementaires, l’aspect national du Parlement, c’est-à-dire le rapport de forces entre les États membres apparait assez clairement.
Sur 720 députés composant le Parlement européens, le partage par nationalité accorde 468 sièges aux pays d’Europe de l’Ouest (en incluant la Scandinavie), contre seulement 252 sièges pour les pays d’Europe de l’Est (Pologne, Rep. Tchèque, Slovaquie, Croatie, Slovénie, Roumanie, Bulgarie, Lituanie, Lettonie, Estonie, Hongrie). De même au niveau de la direction politique des principaux groupes parlementaires on trouve (pour la législature sortante) l’Allemand Manfred Weber, président du groupe PPE, l’Espagnole Iratxe Gárcia Pérez présidente du groupe S&D et la Française Valérie Hayer présidente du groupe Renew Europe. Il est donc intéressant de constater que la présidence des trois principaux groupes parlementaires, qui disposent de la majorité des sièges au Parlement européen, revient exclusivement aux représentants des puissances européennes "de l’ouest", dont l’Allemagne et la France, et que chacun de ces présidents de groupe est un représentant non seulement de son pays d’origine, mais aussi dans le cas de la précédente mandature, du parti et du gouvernement au pouvoir dans son pays.
De la même manière le groupe d’extrême droite Conservateurs et réformistes européens (CRE), bien que plus marginal, est lui aussi dirigé par des partis de gouvernement : le PiS de Pologne et Fratelli d’Italia.
En tenant compte de ces informations (en omettant les facteurs économiques qui vont dans le même sens) on peut dégager deux grands principes directeurs dans la politique de l’UE.
Premièrement l’UE est dirigée par les représentants de la grande bourgeoisie capitaliste financière et industrielle, par l’intermédiaire de ses représentants politiques du PPE, SD et Renew. Dans ces conditions la politique de classe de l’UE ne saurait être autre chose que la politique dite "néolibérale" actuelle, qui sert les intérêts de classe des grands groupes transnationaux et des gros financiers et actionnaires capitalistes. C’est donc une politique logiquement antipopulaire, anti-ouvrière et impérialiste.
Deuxièmement, la direction politique de même que les orientations économiques de l’UE représentent comme nous l’avons dit, non seulement les intérêts de classe de la grande bourgeoisie financière et industrielle "européenne" au sens large, mais en premier lieu les intérêts de la grande bourgeoisie financière et industrielle d’Europe de l’Ouest : c’est-à-dire les intérêts de l’Allemagne et de la France en priorité, et dans une moindre mesure ceux de l’Italie, de l’Espagne, de la Belgique et autres. La domination de ces pays (Allemagne et France principalement) au sein de l’UE résulte de leur puissance économique, mais aussi ‑ dans une moindre mesure ‑ diplomatique et militaire, qui les place en position supérieure par rapport aux autres États membres. Cet état de fait se retrouve consacré dans le fonctionnement et dans la composition des institutions de l’UE, où ce sont principalement des Allemands et des Français qui occupent les postes clés. En témoigne le fait que la présidente de la Commission européenne depuis 2019 soit l’Allemande Ursula Von der Leyen (CDU-CSU), la présidente de la BCE la Française Brigitte Lagarde, ou encore le Français Thierry Breton, qui occupe le poste stratégique de Commissaire européen au marché intérieur.
De ces quelques données l’on peut donc conclure que l’ensemble des institutions de l’UE ‑ exécutives, législatives, financières ‑ sont contrôlées par les représentants politiques de la grande bourgeoisie de l’ensemble de l’Union (domination de classe), parmi lesquels le rôle dirigeant est joué par les représentants de l’Allemagne et de la France (domination nationale).
Que valent les arguments des "eurosceptiques" et autres souverainistes de droite et d’extrême droite?
En tenant compte des quelques données que nous avons énumérées plus haut il apparait assez clairement qu’un certain nombre de discours et d’argument politiques de nos "amis du peuple et de la nation" perdent toute consistance. En effet lorsque l’on analyse bien les forces qui dirigent l’UE l’on voit que le rôle dirigeant est joué par l’Allemagne en premier lieu, puis par la France. Refuser de voir cela, ce serait comme rater un éléphant dans un couloir, c’est-à-dire que soit l’on est un idiot soit l’on est un menteur. Et c’est bien dans un de ces deux cas de figure que se placent les politiciens du RN et autres "souverainistes" à droite, mais aussi les réformistes et un certain nombre de "communistes" à gauche.
Quand on sait que l’UE n’est rien d’autre qu’un conglomérat, qu’une structure économique et politique servant les intérêts du grand capital européen dans sa course au profit et dans sa lutte pour conserver et/ou accroitre son influence à travers le monde (et c’est cela et a toujours été le fondement de l’UE, ni plus, ni moins), quand on connait le poids économique de l’Allemagne et de la France au sein de l’UE où ces deux pays représentent à eux deux 40 % du PIB total de l’UE (respectivement 4.122 et 2.803 milliards d’euros sur un total de 16.970 milliards en 2023), la rhétorique chauvine au sujet d’une "UE contre la France" et qui serait la seule cause des malheurs des Français perd toute crédibilité.
Pourtant l’argumentation de l’opposition au gouvernement s’articule, entièrement ou en grande partie, autour d’arguments anti-UE. Il faut cependant noter que contrairement à ce qui était le cas 10 ou 15 ans en arrière, une évolution notable a eu lieu dans le positionnement des formations politiques (d’extrême-droite en particulier) sur ce sujet. Si en 2012 le programme du Front National en France prônait la sortie de l’UE et le retour au Franc comme monnaie, il n’en est plus rien aujourd’hui. Ce qui fait que divers partis ou organisations gravitant autour du RN ou de la droite conservatrice et se disant "souverainistes" reprochent au RN de 2024 son discours "européen" et se placent en opposition vis-à-vis de ce dernier.
Mais l’ensemble des programmes des organisations et des partis politiques de droite et d’extrême droite comporte en substance un point commun caractéristique de leur position sur le sujet, et cela indépendamment de l’alternative que la France reste dans l’UE ou qu’elle en sorte : "la grandeur et la puissance de la France", voilà ce qu’il faut défendre face à une Europe qui voudrait détruire les nations en général, et la Nation française en particulier. En réalité l’analyse ne peut pas faire abstraction du caractère de classe de ce discours, à savoir de quelles classes sociales de la société française et/ou européenne (compte tenu des alliances politiques existantes entre les formations politiques des divers pays membres) la position du RN et de ses alliés européens est-elle représentative.
En premier lieu il faut noter le caractère nationaliste des revendications et programmes de l’extrême droite au sujet de l’UE. Sous couvert de défendre "le pouvoir d’achat" des masses populaires, ou la "souveraineté énergétique/agricole" de la France, ils ne défendent en fin de compte que les intérêts du grand capital français face à ses alliés et concurrents européens dans le cadre du "marché unique".
La différence avec les forces appliquant le libéralisme, au pouvoir depuis des décennies, c’est qu’ils (le RN et consorts) s’adressent à des couches de la bourgeoisie pour lesquelles l’orientation stratégique actuelle de la politique économique française et européenne comporte des facteurs moins profitables, voir nuisibles. Toujours est-il que, lorsque le RN propose dans son programme des mesures telles que la suppression de la TVA sur les carburants, ou la remise en cause d’interdiction des véhicules thermiques au niveau de l’UE en 2035, il se pose en réalité bien plus comme un soutien à l’industrie automobile et pétrolière, de même que des entreprises de transports routiers et autres, qu’en défenseur du "pouvoir d’achat" des travailleurs. L’ensemble des mesures dites "protectionnistes" ont pour but de favoriser les grandes entreprises françaises au détriment de leurs concurrents européens, en dopant ces entreprises avec l’argent des marchés publics qui leur seraient garantis. En cela on voit de grandes similitudes avec la politique de Donald Trump aux USA durant la mandature 2016-2020, résumé par le fameux slogan "make America great again". Ainsi il n’y a rien à attendre de positif pour les travailleurs d’une telle politique économique qui n’aurait pour effet que de réorienter certaines mesures afin de favoriser tel ou tel secteur de l’économie au lieu d’un autre, le tout ayant pour but de consolider, voire de renforcer les grands groupes capitalistes français au niveau européen et mondial sur le dos des travailleurs. C’est le cas sous deux aspects : d’une part au travers d’une aggravation continue de l’exploitation au travail afin d’augmenter le taux de plus-value des entreprises françaises; d’autre part en dépensant une quantité encore accrue du budget de l’État dans le soutien aux gros groupes capitalistes nationaux, au détriment des services publics déjà sous régime strict. Aujourd’hui le RN ne demande plus la sortie de l’UE comme condition première à la réalisation de son programme politique et économique. La bourgeoisie française n’a aucun intérêt à se priver elle-même d’un marché ouvert dans lequel se trouvent les principaux débouchés pour la vente des biens et des services de ses entreprises. Du reste seuls quelques petits partis très marginaux placent encore la sortie de l’UE au coeur de leur programme.
Le constat commun aux "souverainistes", qu’ils se positionnent à l’intérieur ou en dehors de l’UE, est qu’ils déplorent une perte de puissance de la France, un "déclassement" économique et politique préjudiciable dans la concurrence interimpérialiste au niveau mondial. Ils accusent l’UE d’être la principale raison de ce déclassement, tandis que les députés de tendance libérale, au contraire, présentent l’UE comme le seul salut possible. Il y a une part de vérité dans les deux points de vue si l’on regarde cela depuis les classes possédantes. Si le travailleur accepte d’être cloisonné dans un cadre politique purement capitaliste, à la remorque de la bourgeoisie, il verra tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre vision de l’UE un mirage qui se proposera de résoudre ses problèmes, d’améliorer ses conditions d’existence.
Mais la vérité c’est que dans ou en dehors de l’UE le travailleur français de même que ses autres camarades européens n’ont rien à gagner tant que subsistera le système de production capitaliste, comme base de l’organisation de la société dans laquelle il vit, que ce soit au niveau national, en Europe au sein de l’UE ou au niveau mondial.
Il faut bien comprendre la signification historique de la construction européenne à notre époque pour comprendre l’impasse totale dans laquelle conduisent des idées bourgeoises telles que le souverainisme. L’UE est née, non pas du désir de sauvegarder la paix comme la propagande bourgeoise voudrait nous le faire croire, mais de la nécessité de rebâtir l’économie des puissances européennes, et en premier lieu la France, ruinées par la Seconde guerre mondiale. Pour ne pas devenir des puissances de seconde zone, l’union économique et le développement quantitatif et qualitatif de la production industrielle puis plus tard agricole sont la base du projet européen. En parallèle à la décolonisation qui voit disparaitre les débouchés quasiment infinis offerts jusque‑là aux puissances coloniales (encore une fois la France est la première concernée), le recentrage économique sur l’Europe et la création d’un marché commun sont aussi des moyens de compenser cela en partie. Chaque pas en avant de la construction européenne aura pour but de consolider la position économique puis politique de "l’Europe" vis-à-vis des autres puissances internationales.
L’inégalité de développement des différents pays au niveau mondial, propre au développement du capitalisme, puis de l’impérialisme induit nécessairement une tendance à l’hégémonie et au monopole chez les grandes puissances se partageant le monde. Cette tendance se manifeste par une lutte continue entre les puissances pour le partage et/ou le repartage des sphères d’influences. Dans cette lutte à mort aucune alliance ou amitié entre telles et telles nations, ni aucun destin national, racial, ou civilisationnel n’a de valeur autre que fortuite, circonstancielle. Tous les récits nationaux et arrangements diplomatiques n’ont pour seul but que d’assurer une position favorable à tel impérialisme face à tel autre à un moment donné. Aujourd’hui, alors que les tensions interimpérialistes n’ont jamais été aussi fortes depuis 1945, alors que se dessine une remise en cause profonde de l’ordre impérialiste mondial établis depuis 1991, l’UE représente plus que jamais le moyen pour la bourgeoisie impérialiste européenne de peser de tout son poids dans cette lutte de titans dans laquelle les deux principaux protagonistes actuels, les USA et la Chine, dominent incontestablement.
Cependant les nations qui composent l’UE subissent, elles aussi, les contradictions inhérentes au système capitaliste, et en premier lieu les inégalités de développement entre les États membres de même que la lutte d’influence entre les deux principales puissances économiques de l’Union : l’Allemagne et la France, mais aussi entre les différentes branches économiques et industrielles au sein même de ces États et de l’UE. De ce fait il n’y a rien d’étonnant qu’une partie de la bourgeoisie voit d’un mauvaise oeil l’UE lorsque la politique communautaire lèse ses intérêts tandis qu’une autre partie en soit le soutien indéfectible car ses intérêts sont défendus. Les nationalistes, les "souverainistes" ne sont dans ce grand échiquier politique que les représentants d’une partie de la bourgeoisie qui considère être insuffisamment associée au pouvoir politique, en France et aussi dans le cadre de l’UE. Le RN et ses semblables ne sauraient être en aucun cas une force de salut pour les travailleurs dont ils ne représentent pas les intérêts. Comme pour tout parti politique, l’enjeu est double : défendre les intérêts de certains groupes de la population, et pour être en mesure de ce faire, disposer d’élus dans les instances nationaux et supranationaux. Le fait est qu’à cette fin, le RN plus que d’autres forces politiques, fait intervenir des éléments de propagande idéologique. Du côté des capitalistes, cet aspect peut d’ailleurs suffire, comme par exemple pour Vincent Bolloré, décrit comme "catholique affirmé".
Pour nous communistes, le débat sur les élections européennes est avant tout un débat qui doit nous permettre d’avoir une vision et une position claires sur l’UE au sens large. Aujourd’hui une grande partie de militants et d’organisations se réclamant communistes se positionnent ouvertement contre l’UE, mais par manque de connaissance théorique du marxisme-léninisme, par défaut d’une analyse sérieuse de la question, ils se retrouvent sur ce sujet à la remorque des opposants bourgeois à l’UE. Ils utilisent la même rhétorique nationale "souverainiste" adaptée dans le sens "progressiste". Selon leurs slogans propagandistes, la casse des services publics, la contreréforme des retraites, la hausse des tarifs de l’électricité, c’est Bruxelles qui les impose à la France, en sortir (de l’UE) serait donc pour certains communistes la première des conditions pour aller de l’avant dans la lutte. C’est ignorer le caractère de classe de l’État français, c’est oublier la faiblesse du niveau de conscience politique de la classe ouvrière et le rapport de force nettement défavorable à toute "sortie" progressiste de l’UE.
L’UE en tant qu’union politique et économique impérialiste, représente une question politique de première importance et de ce fait mérite de notre part une étude rigoureuse et approfondie, condition nécessaire pour mener la lutte contre elle de la meilleure des manières, dans l’intérêt du prolétariat. Mais aujourd’hui en parallèle à cela il nous faut travailler en priorité sur la construction d’un véritable Parti communiste en France, afin de pouvoir mener un travail politique méthodique et suivi au sein des travailleurs, qui les élève à un niveau de conscience de classe suffisant pour que le mot d’ordre de "sortie de l’UE", d’une position petite bourgeoise, devienne un mot d’ordre authentiquement prolétarien.