Sous le système mondial du capitalisme impérialiste
il ne peut y avoir la paix,
seulement des accalmies passagères et localisées

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 32, 2e semestre 2024 – p. 21-28

Dans le monde, les conflits plus ou moins violents se multiplient et s’accentuent. Parmi les organisations et les individus engagés politiquement et se considérant "progressistes", persiste une illusion tenace : la paix comme objectif. Pourtant, en observant deux parmi les principaux champs de bataille actuels, l’Ukraine et la Palestine, la vanité de cette attitude apparait clairement.

Concernant l’Ukraine, pour atteindre une situation de "paix" apparente, il faudrait que soit tranché le litige à l’origine des évènements évoluant depuis 2013 : le régime ukrainien se trouve-t-il arrimé à l’Union européenne ou à la Russie. Dans les deux cas il ne s’agirait pas pour la population ukrainienne d’un retour à une vie "paisible", mais d’une soumission à des forces au pouvoir qui représentent certaines fractions du capital monopoliste impérialiste. En France la population a en grande partie le sentiment que le régime sous lequel nous vivons soit plus "civilisé" que celui établi en Russie. Pourtant, la France et l’Union européenne sont au même titre que Vladimir Poutine les acteurs du scénario guerrier en cours.

Tenter de se persuader que, dans l’affaire, Poutine soit le seul fauteur de guerre ne changera rien à la réalité. Certes, c’est lui qui a pris l’initiative de l’affrontement militaire direct et ouvert. Mais quand il "renvoie la balle" au camp ennemi, il a aussi des bonnes raisons d’accuser les USA et l’OTAN de toutes sortes d’hostilités. Et une supposée défaite de l’un ou de l’autre camp ne signifiera nullement la "paix". La défaite infligée, à l’issue de la 1re Guerre mondiale, par la "Triple entente" (Russie, France et Grande-Bretagne) à la "Triple alliance" (Autriche-Hongrie, Allemagne et Italie) n’a pas empêché le déclenchement de la 2e Guerre mondiale. La question de fond se pose en termes différents. Concernant le conflit actuel qui se déroule sur le territoire de  l’Ukraine, nous considérons qu’il oppose deux forces réactionnaires, ennemis des travailleurs et des populations des pays belligérants. Dans d’autres circonstances il peut être vain de se demander qui soit l’agresseur et qui l’agressé : par exemple lors de la guerre d’Indochine, les peuples du Vietnam, du Laos et du Cambodge se battaient à juste titre pour leur indépendance nationale.

Quant à la Palestine, il faut dire que le Moyen Orient est au carrefour de conflits multiples, plus ou moins ouverts. Le monde se trouve soumis à la domination du système capitaliste qui englobe autant les puissances impérialistes ‑ telles que les USA, l’UE, la Chine, la Russie ‑ que l’ensemble des autres pays sans exception. Compte tenu de la configuration actuelle des rapports internationaux, il n’existe pour le peuple palestinien aucune perspective de paix qui puisse satisfaire ses aspirations à l’indépendance nationale de façon réelle. La situation actuelle préoccupe fortement les grandes puissances de tous bords, non pas au vu du sort que subissent les Palestiniens, mais à cause des difficultés économiques qui en résultent, notamment le fait que les routes commerciales internationales sont considérablement perturbées. Les "solutions" que les USA, l’UE, la Chine, la Russie… cherchent fébrilement à bricoler sont d’une façon ou d’une autre guidées par les intérêts du grand capital impérialiste international. Et il n’y a évidemment pas de concorde dans les démarches, mais concurrence, puisque chacune des parties prenantes cherche à "tirer la couverture à soi", et cela non seulement par la négociation, mais aussi par la force militaire.

L’impossibilité de déconnecter le cadre national du cadre international

Au niveau national, la vision réformiste embrouille les esprits. Selon diverses modalités, elle prétend que la France pourrait s’extraire au contexte belliciste international. Les évènements actuels prouvent le contraire et mettent en évidence le fait que, économiquement et politiquement, le capitalisme impérialiste prévaut universellement.

La France dépend de la Russie pour la conversion de l’uranium de retraitement appartenant à EDF, issu des combustibles nucléaires usés dans ses centrales, et il n’y a pas d’autre perspective. De nombreuses sociétés françaises sont implantées en Russie. Le capital peut combiner deux options. Certaines sociétés choisissent de poursuivre leurs activités en Russie afin de ne pas entamer leurs profits : Leroy Merlin, Auchan, L’Oréal, Lactalis; dans le cas de Sanofi la situation implique des problèmes sérieux concernant l’approvisionnement du marché de l’Union européenne en provenance de son site en Russie. D’autres assument la suspension de leurs activités, mais si elles sont intéressées au retour de la "paix", c’est à la condition de reprendre le cours normal ‑ profitable ‑ de leurs affaires.

Quand des sociétés envisagent d’abandonner la Russie, elles cherchent une manière d’éviter une transaction en pure perte. Le dilemme peut être plus ou moins marqué selon les cas. Depuis décembre 2022 s’applique une règlementation russe selon laquelle les sociétés qui cherchent à se défaire de leurs implantations voient leurs actifs évaluées par le gouvernement russe et doivent les céder avec un rabais de 50 %[1]. Ce qui fait que par exemple le groupe Philip Morris déclare qu’il "garderait plutôt" ses affaires en Russie afin de ne pas léser les intérêts des actionnaires; et que Carlsberg, en quittant la Russie, a connu des difficultés pour trouver un acquéreur.

Le groupe TotalEnergies (nouvelle désignation de Total adoptée en 2021) s’est trouvé, compte tenu de ses liens avec le gisement de gaz sibérien de Termokarstovoye, impliqué dans la production d’un condensat de gaz qui ravitaille les avions russes bombardant l’Ukraine[2]. L’entreprise Terneftegaz, qui exploite ce gisement, était détenue à 49 % par TotalEnergies et à 51 % par Novatek. TotalEnergies détient également près de 20 % de Novatek, ce qui conférait à l’entreprise française une participation économique majoritaire dans Terneftegaz et lui permet également de bénéficier des ventes de condensats provenant d’autres champs gaziers appartenant à Novatek. Au moment de l’invasion de la Crimée par la Russie en 2014 Termokarstovoye était encore en chantier. À l’époque l’Union européenne a imposé des sanctions sur les relations commerciales avec la Russie, mais TotalEnergies a reçu l’autorisation du gouvernement français de poursuivre les travaux sur Termokarstovoye, mis en service en mai 2015. En mars 2022 TotalEnergies a annoncé qu’il mettrait fin à ses achats de pétrole et produits pétroliers en provenance de Russie d’ici la fin de l’année et qu’il engageait la suspension progressive de ses activités dans le pays[3]. En aout 2022 le groupe annonçait avoir cédé à Novatek sa participation dans Termokarstovoye[4]. Néanmoins TotalEnergies reste présent en Russie. Le groupe détient 19,4 % des actions de Novatek, le numéro deux du gaz russe, plus de 20 % de Yamal LNG, qui exploite la station de production de gaz naturel liquéfié (GNL) du même nom, et plus de 10 % de l’usine de liquéfaction du GNL, Arctic LNG 2, actuellement en construction[5].

Concernant Novatek la situation s’explique par le fait que l’un des actionnaires est Guennadi Timtchenko, un personnage visé depuis 2014 par des sanctions de la part des USA et de l’Europe. Or, les règles de cette coentreprise comportent un droit de préemption accordé aux autres actionnaires, au cas où TotalEnergies décidait de vendre ses parts. Quant aux participations de TotalEnergies dans Yamal LNG et Arctic LNG 2, le groupe TotalEnergies s’en tient à des principes qu’il a publiés en mars 2022 : "Abandonner ces participations sans contrepartie financière contribueraient à enrichir des investisseurs russes", ce qui reviendrait à "inverser l’objectif des sanctions". La situation est d’ailleurs similaire pour la compagnie britannique BP, qui reste actionnaire de Rosneft, l’entreprise d’État russe dans le pétrole.

Les gouvernements gouvernent, mais leur champ d’action est encadré par les capitalistes

La question des guerres peut être envisagée de deux points de vue : celui des États, celui de la classe ouvrière. Dans le cadre du système mondial actuel, les États sont dominés par la bourgeoisie à travers des appareils d’État au service de la classe capitaliste. (Il faut entendre ici le terme "appareil d’État" dans un sens très large, dans la mesure où il s’agit aussi de régimes comme les juntes militaires actuelles dans la région africaine du Sahel. De même, la classe capitaliste concernée se compose diversement de capitalistes autochtones et de capitalistes étrangers.) Des situations d’oppression nationale persistent, comme en Palestine ou dans les régions de population kurde. À l’égard de ces derniers cas, le point de vue de la classe ouvrière est de soutenir les luttes de libération des peuples opprimés, y compris sous la forme de luttes armées, comme actuellement en Palestine. Des appels à la "paix", même quand ils émanent d’individus de bonne volonté, implique fatalement une complicité avec les forces d’oppression. En ce qui concerne les États dominés par la bourgeoisie, la classe ouvrière est en opposition à la classe capitaliste et ne peut en aucun cas coopérer avec la bourgeoisie, quel que soit le prétexte : "unité nationale", "souveraineté nationale", ou autre.

C’est pourtant à ce sujet que les approches réformistes prônent des recettes trompeuses pour le moins inefficaces. Ils prétendent pouvoir appliquer aux guerres la même attitude que celle appliquée à la lutte de la classe ouvrière contre l’exploitation qu’elle subit au niveau national par le capital. Une lutte revendicative pour des augmentations de salaire, par exemple, oppose les travailleurs à leur employeur et ils peuvent obtenir des succès. Par contre l’opposition à une guerre entre des pays capitalistes nécessite de dépasser le cadre de revendications adressées au gouvernement et de se placer ouvertement sur le terrain de la lutte contre le système capitaliste impérialiste mondial.

Or c’est ce que les réformistes refusent, explicitement ou implicitement.

En particulier à l’égard du secteur de l’armement, les réformistes ont recours à des raisonnements acrobatiques[6] : "De l’argent, il y en a pour la guerre, pas pour la vie, […]. D’autres choix sont possibles."

Qu’un quelconque gouvernement fasse le "choix" de donner "moins d’argent pour la guerre" afin d’en affecter à d’autres secteurs, cela ne changera rien aux réalités objectives qui s’imposeront à travers la concurrence interimpérialiste, laquelle se produit fatalement de façon plus ou moins exacerbée, et est susceptible d’aboutir à des actions violentes, voire guerrières, exigées par telle ou telle fraction du grand capital.

Certaines formulations frisent le ridicule[7] : "[…] la paix est une condition indispensable à l’amélioration des conditions de vie et de travail des salariés du monde entier. […] Le droit à la paix et à la sécurité de tout être humain et des populations doit constituer une obligation fondamentale des États et des institutions internationales." Conclusion[8] : "Il est urgent de mobiliser les salariés et plus largement les opinions publiques […] pour la promotion  […] d’une culture du dialogue et de la paix."

La CGT se sent confortée en ce sens par la prestigieuse organisation représentant la bourgeoisie mondiale au plus haut niveau, l’ONU, en citant le message du Secrétaire général de celle-ci[9] :

Aujourd’hui plus que jamais, la paix doit régner dans le monde. Pourtant, les conflits, les inégalités croissantes, les injustices perpétuelles, la guerre de l’humanité contre la nature et le caractère obsolète, dysfonctionnel et injuste du système financier mondial sont autant d’obstacles qui se dressent sur le chemin de la paix. […] Ensemble, agissons sans plus attendre pour bâtir un monde plus inclusif, plus durable et plus pacifique pour toutes et tous.

Force est de constater que ce ne sont que des belles paroles. Les gouvernements bourgeois, en France et ailleurs, réagissent selon la formule "cause toujours, tu m’intéresse", et appliquent leurs propres lignes directrices orientées par les intérêts des capitalistes. Dénoncer, même violemment, les effets sans s’attaquer aux causes relève de l’hypocrisie et de la trahison. Lénine[10] : "L’essence du réformisme est d’atténuer le mal et non pas de le supprimer."

Par exemple un secrétaire général de la Fédération CGT des travailleurs de l’État, à l’occasion de l’exposition européenne des matériels de défense terrestre Euro Satory[11], demande "au gouvernement et au président de la République que ce Salon soit le dernier", et propose qu’en lieu et place soit organisée "une exposition internationale sur les diversifications civiles dans l’industrie de l’armement"[12].

Systématiquement, au lieu de dénoncer directement l’ensemble des fauteurs de guerre que sont les forces du capital monopoliste du monde entier, la CGT tourne autour du pot avec des formulations de "oui… mais". Par exemple, dans le contexte de l’épidémie du coronavirus[13] :

Depuis plus de trois semaines, la CGT demande l’arrêt des activités non-essentielles à la satisfaction des besoins vitaux de la population. […] Si la CGT reconnait le rôle spécifique de l’industrie de défense dans le maintien de la souveraineté nationale, et estime que les réponses aux besoins essentiels de soutien des forces soient assurées en cette période est acceptable, elle affirme que les développements et la production de matériel neuf peuvent attendre.

Il faut souligner que l’argumentation au sujet de la défense nationale fait intervenir une position critique à l’égard de l’OTAN et des USA, avec d’ailleurs des variations pour les autres possibilités mises en avant.

Le secrétaire général de la Fédération CGT des travailleurs de l’État déjà cité plus haut dénonce la volonté d’insérer la défense française, et notamment son armement, "dans un consortium américano-allemand". Une contribution des fédérations FTM/FNTE CGT (affiliées à la Fédération Européenne de la Métallurgie) situe sa prise de position au niveau non pas de la France, mais de l’Europe[14] :

N’est-il pas temps de faire entendre notre volonté de voir s’affirmer une Europe indépendante, autonome dans sa capacité à exercer sa propre sécurité? Le maintien, voire le renforcement actuel de l’OTAN […] est assurément un handicap majeur pour que l’Europe puisse faire valoir sa propre démarche de résolution des conflits […]. Cela nécessite l’émergence d’une Europe pleinement indépendante des USA sur le plan politique et militaire, pour contester cet hégémonisme et unilatéralisme américain dans la gouvernance mondiale, imprimer une conception du monde fondée sur le progrès social, le codéveloppement et la paix.

Donc, d’une façon ou d’une autre ‑ sur des positions nationalistes à périmètre variable ‑ une bonne partie des directions de la CGT restent à la remorque de la bourgeoisie en ce qui concerne les enjeux de rivalité interimpérialiste.

Le nationalisme bourgeois est incompatible avec les intérêts de la classe ouvrière

Le cas de l’Ukraine montre comment se concrétise cette vision angélique de la "paix".

Un tract intersyndical datant de février dernier[15], signé notamment au nom de la CGT, apporte son soutien à l’Ukraine dès le départ de l’invasion russe, dans le domaine "humanitaire" et dans la "lutte contre les réformes qui portent atteinte aux droits sociaux et syndicaux en Ukraine". Mais il insiste ouvertement sur les motivations plus fondamentales :

L’Intersyndicale de solidarité avec l’Ukraine porte avec force depuis deux ans les exigences suivantes :

•   La reconnaissance de la responsabilité de la Russie de Poutine dans la guerre d’agression conduite contre l’Ukraine,

•   La reconnaissance de la légitimité du peuple Ukrainien à se défendre contre cette agression,

•   La revendication d’une paix juste et durable dont le préalable doit être le retrait des troupes Russes d’Ukraine.

Les analyses exposées par des communistes ‑ authentiques et pas seulement de nom ‑ ukrainiens sont tout à fait différentes. Voici quelques explications concernant en particulier la situation dans les régions russophones du Donbass (Donetsk) et de Lougansk [nous mettons en italique quelques phrases particulièrement importantes][16] :

Résumons aujourd’hui les "succès" du gouvernement bourgeois de la Fédération de Russie dans sa prétendue "lutte contre le fascisme" et la "protection" du Donbass. Le soulèvement populaire, parti d’en bas, comme une confrontation avec les forces nationalistes extrémistes de l’Ukraine bourgeoise, a été étouffé. […] l’initiative des masses a été interceptée par les forces de sécurité et militaires de la Fédération de Russie. […] des administrations bourgeoises furent implantées partout; la propriété a été redistribuée en faveur du capital de la Fédération de Russie. […] Était-ce le genre de libération qu’attendaient les habitants du Donbass, et des dizaines de milliers de personnes ont-elles donné leur vie sur le champ de bataille, et des centaines de milliers ont-elles sacrifié leur santé pour échanger un exploiteur contre un autre?

[…] selon l’enseignement de Lénine, les guerres de libération nationale à l’ère de l’impérialisme et en l’absence d’un sujet international socialiste perdent leur signification indépendante : elles agiront toujours dans l’intérêt de l’un des prédateurs capitalistes adverses. […] Prolétaires de tous les pays, unissez-vous à l’échelle mondiale et des deux côtés des conflits militaires! Sabotez la production militaire, perturbez les approvisionnements militaires, fraternisez sur le front et à l’arrière!

Le conflit actuel en l’Ukraine oppose deux regroupements de pays impérialistes. Souhaiter la défaite de l’un par la victoire de l’autre revient à choisir ce que l’on considère être le "moindre mal" ‑ parmi les maux qu’impose d’un côté ou de l’autre la domination de la classe capitaliste exploiteuse. Du point de vue de la classe ouvrière le seul objectif valable, au bout du compte, c’est le renversement du pouvoir de la classe capitaliste et l’instauration d’une société sans classes.

Les rivalités interimpérialistes ne se réduisent pas à un face à face entre deux "camps"

Pour certains, il faudrait opposer à la politique agressive du regroupement USA-UE-OTAN une coalition rassemblant tous les autres pays. Cette représentation fictive de la réalité suppose, d’un côté, l’existence d’un bloc impérialiste durablement structuré (USA-UE-OTAN) et, de l’autre, la perspective d’un regroupement large aggloméré autour de l’objectif de faire barrage à la domination "universelle" de ce bloc impérialiste. Or la réalité est multiforme et changeante : son analyse ne permet pas de répartir une fois pour toutes les pays dans des cases prédéfinies arbitrairement.

En premier lieu il faut noter que selon les promoteurs de ce projet, la Chine et la Russie sont incluses dans le "camp de la résistance". Et pour de justifier cette aberration, ils qualifient frauduleusement la Chine, non pas d’impérialiste ‑ ce qu’elle est ‑, mais de socialiste ‑ ce qu’elle n’est pas ‑  et la Russie de pays capitaliste pacifiste mais obligé de se défendre.

Fondamentalement, ce projet n’est qu’une construction artificielle à des fins de propagande. Le système capitaliste impérialiste mondial n’est pas uniforme, mais traversé de secousses et fissures nombreuses. Par exemple, après les prochaines élections présidentielles aux USA, une éventuelle victoire de Donald Trump pourrait modifier le positionnement des USA au niveau international. Trump pourrait se focaliser prioritairement sur la rivalité entre les USA et la Chine, et laisser l’Europe seule faire face au conflit concernant l’Ukraine. Mais par ailleurs, les relations entre USA et Chine pourraient ne pas montrer d’hostilité exacerbée[17]. À ce sujet il parait que le gouvernement du Japon est préoccupé par l’éventualité que Trump, élu président, puisse trouver un arrangement avec la Chine au lieu de la contrer ouvertement[18]. Et il se peut que…, etc.

Quant aux relations entre la Chine et la Russie, il est simpliste de supposer qu’il existe entre elles une alliance et qu’elles formeraient tout naturellement le noyau du "camp" censé s’opposer au bloc USA-UE-OTAN. Pour la Chine, ses préoccupations géopolitiques concernent Taïwan et la mer de Chine, plutôt que le conflit autour de l’Ukraine. Et l’une et l’autre, en tant que puissances impérialistes, sont elles-mêmes rivales. C’est le cas, entre autre, en Afrique dans le secteur de l’exploitation minière. On trouve une appréciation significative dans un article du journal ukrainien Kyiv Post, intitulé "Qui sont les alliés de la Russie? Une liste de pays soutenant l’invasion de l’Ukraine par le Kremlin"[19]. Concernant la Chine, on lit :

La Chine n’a jamais condamné l’invasion russe de l’Ukraine, ni ne l’a approuvée […]. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mao Ning, a appelé à la désescalade, ajoutant que "tous les pays méritent le respect de leur souveraineté et de leur intégrité territoriale" et que "un soutien devrait être apporté à tous les efforts propices à une résolution pacifique de la crise." La Russie a demandé à plusieurs reprises des armes à la Chine, mais d’après ce que l’on sait, Pékin a hésité. […] En octobre 2023, le ministre russe des Finances Anton Siluanov a admis que "pratiquement tous" les drones civils provenaient de Chine. […] Mais la Chine reste réticente à en faire davantage au cas où elle s’exposerait à la colère de sanctions occidentales qui l’affaibliraient.

La "paix" ne peut être un objectif en elle-même

"Guerre" et "paix" ne sont pas des situations qui s’excluent mutuellement. Le député Joseph Cambon, dans son rapport présenté à la Convention nationale, au nom des comités des finances, militaire et diplomatique, à la séance du 15 décembre 1792 avait raison en prononçant les paroles suivantes[20] :

Quel est l’objet de la guerre que vous avez entreprise? […] Guerre aux châteaux, paix aux chaumières, voilà les principes que vous avez posés en la déclarant [la guerre].

Et voici une phrase attribuée à Jean Jaurès[21] : "Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage!". Il se trouve qu’elle est fréquemment citée, pour deux raisons au moins. D’une part, le personnage de Jaurès bénéficie d’une certaine aura entre autre pour avoir fondé le journal "L’Humanité", et pour ses positions pacifistes à l’approche de la 1re Guerre mondiale. D’autre part, répéter des phrases toutes faites est une façon commode de se dispenser d’un effort de réflexion.

Toutefois, citation ou pas, les raisonnements pacifistes hors des réalités persistent à notre époque. Par exemple[22] :

Les altermondialistes d’aujourd’hui poursuivent le combat de Jean Jaurès et de ses camarades pour la démocratisation des relations internationales, sous l’égide d’une ONU et d’une CPI (Cour pénale internationale) libérées des pressions impérialistes. C’est la condition de la souveraineté des peuples, de la paix civile et de la promotion des acquis sociaux et républicains. Les dirigeants français, qui commémorent l’oeuvre de Jean Jaurès, doivent respecter et faire respecter les conventions onusiennes et le droit international, avant le droit du commerce international.

Quant à nous, sur la base du marxisme-léninisme, notre analyse nous amène au constat qu’en ce qui concerne l’établissement d’une société sans guerre

‑ il est vain d’espérer l’atteindre en demandant aux gouvernements de "faire la paix", ou en portant au gouvernement, dans le cadre de la société capitaliste, des personnalités prétendant vouloir oeuvrer en ce sens;

‑ il sera atteint uniquement à travers la lutte dirigée par la classe ouvrière contre la classe capitaliste, jusqu’au renversement de la classe capitaliste dominante et l’abolition des rapports sociaux de production capitalistes; ce changement de société devra être réalisé à l’échelle mondiale;

‑ ce processus s’étalera sur une longue époque de combats sous de formes diverses, mais traversée fatalement de périodes répétées de confrontations armées.

L’ennemi des travailleurs, ce sont la classe capitaliste et ses gouvernements

Les alliés des travailleurs, ce sont les populations opprimées par les forces économiques et politiques du système capitaliste impérialiste mondial

 



[1]https://www.ft.com/content/7eee035c-b182-4e04-a3c6-541a7ddf3da0

[2]https://www.globalwitness.org/en/campaigns/stop-russian-oil/total-russian-jet-fuel/

[3]https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/totalenergies-pas-menace-par-la-suspension-de-certaines-activites-en-russie-pouyanne-1857589

[4]https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/sous-pression-totalenergies-cede-sa-participation-dans-un-champs-gazier-russe-928657.html

[5]https://www.latribune.fr/climat/energie-environnement/pourquoi-totalenergies-ne-cede-pas-ses-actifs-russes-992859.html

[6]. Appel à une manifestation le 19/3/2024.

https://cgt-aphp.fr/416-milliards-pour-la-guerre-rien-pour-les-salaires/

[7]. Appel à la mobilisation pour la Journée internationale de la paix le 21/9/2023.

https://equipementcgt.fr/spip.php?article9698

[8]https://www.cgt.fr/actualites/international/solidarite/quelle-economie-de-la-paix

[9]https://www.un.org/fr/observances/international-day-peace/message

[10]. V.I. Lénine, "Bilan d’une discussion sur le droit des nations à disposer d’elles-mêmes", Chapitre 7.

https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/07/19160700h.htm

[11]. Depuis 1967 le Salon international de la défense terrestre et aéroterrestre réunit bisanuellement les acteurs des filières industrielles pour l’équipement des forces armées et de sécurité, sur le camp militaire de Satory.

[12]. 23/6/1994.

https://www.humanite.fr/-/-/la-cgt-demande-la-suppression-du-salon-de-larmement

[13]. 9/4/2020.

https://www.cgt.fr/comm-de-presse/production-et-commerce-des-armes-loin-des-urgences-loin-des-besoins-essentiels

"Si la CGT […] estime que les réponses […] soient assurées […] est acceptable […]" : la phrase figure ainsi dans l’original, il faut sans doute lire "Si la CGT […] estime qu’il est acceptable que […] soient assurées".

[14]https://www.fnte.cgt.fr/sites/default/files/2020-04/Industries%20d%27armement%20en%20Europe%20et%20paix%20dans%20le%20Monde.pdf

[15]https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2024-02/20240219_communique_intersyndical_8_mars_2024_2024-02-19_14-05-12_58.pdf

[16]. Discours au nom de l’Union des Communistes d’Ukraine (SKU) à la 23e Rencontre internationale de Partis communistes et ouvriers, à Izmir en Turquie, 20-22 octobre 2023.

https://rocml.org/imcwp-wap-2022-2023-discours-sku/

[17]https://www.heidi.news/explorations/si-trump-revient/quel-candidat-a-la-maison-blanche-a-la-preference-de-xi-jinping

"Après quatre ans de Joe Biden, il est probable que les dirigeants chinois seraient soulagés de voir l’ancien locataire faire son retour à la Maison-Blanche."

[18]https://www.marketscreener.com/quote/index/MSCI-TAIWAN-STRD-107361484/news/Japan-s-message-for-Donald-Trump-don-t-cut-a-deal-with-China-45869505/

"La principale préoccupation de Tokyo est que si Trump revient au pouvoir, il pourrait rechercher une sorte d’accord commercial ou de sécurité entre les deux plus grandes économies mondiales, qui pourrait saper les efforts récents du Groupe des Sept (G7) pour contrer la Chine."

[19]https://www.kyivpost.com/post/13208

[20]https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k131926x/f1

[21]. Jean Jaurès, discours à la Chambre des députés de l’Assemblée nationale, le 7 mars 1895.

http://www.jaures.eu/ressources/de_jaures/le-capitalisme-porte-en-lui-la-guerre-1895/

Telle que citée, la phrase figure dans le résumé du discours. Voici le passage concerné du discours selon la transcription officielle :

Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre, comme la nuée dormante porte l’orage. Messieurs, il n’y a qu’un moyen d’abolir enfin la guerre entre les peuples, c’est d’abolir la guerre entre les individus, c’est d’abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie, qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille, un régime de concorde sociale et d’unité.

[22]https://blogs.attac.org/groupe-societe-cultures/articles-cultures-anthropologie/article/le-combat-de-jean-jaures-reste-d