I. V. Staline
La Révolution d’Octobre et la question nationale [1]

Pravda [La Vérité], n° 241 et 250,
6 et 19 novembre 1918

 

Il ne faudra pas croire que la question nationale se suffise à elle-même, ni qu’elle soit donnée une fois pour toutes. Constituant simplement une partie de la question générale posée par la transformation du régime existant, elle est déterminée dans son entier par les conditions sociales, par le caractère du pouvoir établi dans le pays et, d’une façon générale, par tout le cours du développement social. C’est ce qui apparait avec une netteté particulière dans la période de la révolution en Russie, quand la question nationale et le mouvement national de la périphérie changent le contenu, rapidement et aux yeux de tout le monde, en fonction de la marche et de l’issue de la révolution.

1.
La révolution de février et la question nationale

À l’époque de la révolution bourgeoise de Russie (février 1917), le mouvement national de la périphérie revêtait le caractère d’un mouvement bourgeois de libération. Pour la première fois, les nationalités de Russie, opprimées et exploitées depuis des siècles par l’"ancien régime", sentaient leur force et se lançaient dans la bataille contre leurs oppresseurs. "Liquidation de l’oppression nationale", tel était le mot d’ordre du mouvement. Les régions périphériques de la Russie se couvrirent en un clin d’œil d’institutions "nationales". Les intellectuels nationaux, des démocrates bourgeois, étaient à la tête du mouvement. "Conseils nationaux" en Lettonie, Estonie, Lituanie, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, dans le Caucase du Nord, en Kirghizie et dans la région de la Moyenne-Volga; "Rada" en Ukraine et en Biélorussie; "Sfatul-Tsari" en Bessarabie; "Kouroultaï" en Crimée et en Bachkirie; "gouvernement autonome" au Turkestan : telles étaient les institutions "nationales" autour desquelles la bourgeoisie nationale groupait ses forces. Il s’agissait de s’affranchir du tsarisme, "cause essentielle" de l’oppression nationale, et de créer des États nationaux bourgeois. Le droit des nations à disposer d’elles-mêmes était interprété comme le droit, pour les bourgeoisies nationales de la périphérie, de prendre le pouvoir en ses mains et de mettre à profit la révolution de février pour fonder "leurs" États nationaux. Les calculs des institutions bourgeoises ci‑dessus mentionnées ne faisaient pas et ne pouvaient pas faire état d’un développement ultérieur de la révolution. De plus on perdait de vue qu’un impérialisme sans fard ni masque succédait au tsarisme, que cet impérialisme était pour les nationalités un ennemi plus fort et plus dangereux, et qu’il constituait la base d’une nouvelle oppression nationale.

L’abolition du tsarisme et l’avènement de la bourgeoisie ne firent pas disparaitre l’oppression nationale. La forme brutale qu’elle revêtait auparavant fut remplacée par une forme d’oppression nouvelle, raffinée, mais plus dangereuse. Loin de rompre avec la politique d’oppression nationale, le gouvernement Lvov-Milioukov-Kerenski organisa une nouvelle campagne contre la Finlande (dissolution de la Diète dans l’été de 1917) et l’Ukraine (suppression des institutions culturelles ukrainiennes). Bien plus : ce gouvernement, d’essence impérialiste, exhorta la population à poursuivre la guerre afin de conquérir de nouveaux territoires, de nouvelles colonies et nationalités. Ce n’était pas seulement la nature même de l’impérialisme qui l’y incitait, mais encore l’existence en Occident de vieux États impérialistes qui visaient à soumettre, coute que coute, de nouveaux territoires, de nouvelles nationalités et qui menaçaient de réduire sa sphère d’influence. La lutte des États impérialistes pour asservir les petites nationalités, comme condition d’existence de ces États : tel est le tableau qui se dévoila au cours de la guerre impérialiste. L’abolition du tsarisme et l’entrée en scène du gouvernement Milioukov-Kerenski n’apportèrent absolument aucune amélioration à ce triste tableau. Dans la mesure où les institutions "nationales" de la périphérie manifestaient une tendance à l’indépendance politique, elles se heurtaient naturellement à l’opposition irréductible du gouvernement impérialiste de Russie. Mais dans la mesure où elles sanctionnaient le pouvoir de la bourgeoisie nationale et restaient sourdes aux intérêts vitaux de "leurs" ouvriers et paysans, elles provoquaient les protestations et le mécontentement de ces derniers. Les "régiments nationaux" ne faisaient que verser de l’huile sur le feu : impuissants contre le danger d’en haut, ils ne pouvaient qu’accentuer et approfondir le danger d’en bas. Les institutions "nationales" restaient sans défense contre les coups portés du dehors et contre l’explosion intérieure. Les États nationaux bourgeois naissants s’étiolaient, à peine éclos.

Ainsi, la vieille interprétation démocratique bourgeoise du principe de la libre disposition devenait une fiction, elle perdait son sens révolutionnaire. Il était clair que dans ces conditions, on ne pouvait même pas parler de supprimer l’oppression nationale et de rendre indépendants les petits États nationaux. Il devenait évident que la libération des masses travailleuses des nationalités opprimées et l’abolition de l’oppression nationale étaient inconcevables sans une rupture avec l’impérialisme, sans que les masses laborieuses renversent "leur propre" bourgeoisie nationale et prennent elles-mêmes le pouvoir.

C’est ce qui est apparu en toute netteté après la Révolution d’Octobre.

2.
La Révolution d’Octobre et la question nationale

La révolution de février renfermait des contradictions internes insolubles. Elle avait été accomplie par les efforts des ouvriers et les paysans (soldats); or, elle avait eu ce résultat que le pouvoir était passé non pas aux ouvriers et aux paysans, mais à la bourgeoisie. En faisant la révolution, les ouvriers et les paysans voulaient en finir avec la guerre, obtenir la paix, alors que la bourgeoisie parvenue au pouvoir entendait mettre à profit l’enthousiasme révolutionnaire des masses pour continuer la guerre, contre la paix. La ruine économique du pays et la crise des subsistances imposaient l’expropriation du capital et des entreprises industrielles au profit des ouvriers, la confiscation des terres des propriétaires fonciers au profit des paysans, alors que le gouvernement bourgeois Milioukov-Kerenski veillait aux intérêts des propriétaires fonciers et des capitalistes et protégeait résolument ces derniers contre toute atteinte de la part des ouvriers et des paysans. C’était une révolution bourgeoise faite par les ouvriers et les paysans au profit des exploiteurs.

Cependant le pays continuait à gémir sous le fardeau de la guerre impérialiste, du délabrement économique et de la désorganisation du ravitaillement. Le front se désagrégeait, se disloquait. Les fabriques et les usines s’arrêtaient. La famine s’aggravait dans le pays. La révolution de février, avec ses contradictions internes, s’avérait de toute évidence insuffisante pour "sauver" le pays. Le gouvernement Milioukov-Kerenski se révélait notoirement incapable de résoudre les problèmes fondamentaux de la révolution.

Une nouvelle révolution, une révolution socialiste, était nécessaire pour tirer le pays de l’impasse de la guerre impérialiste et du délabrement économique.

Cette révolution fut le résultat de l’insurrection d’Octobre.

En renversant le pouvoir des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie et en le remplaçant par un gouvernement des ouvriers et des paysans, la Révolution d’Octobre résolut d’un coup les contradictions de la révolution de février. Abolition de la toute-puissance des propriétaires fonciers et des koulaks, et remise de la terre en jouissance aux masses travailleuses de la campagne; expropriation des fabriques et des usines, qui furent remises en gestion aux ouvriers; rupture avec l’impérialisme et liquidation de la guerre de rapine; publication des traités secrets et dénonciation de la politique de conquête; enfin, proclamation du droit pour les masses travailleuses des peuples opprimées à disposer d’elles-mêmes et reconnaissance de l’indépendance de la Finlande : telles sont les mesures essentielles que le pouvoir des Soviets a prises au début de la Révolution soviétique.

Ce fut une révolution véritablement socialiste.

La Révolution, commencée au centre, ne pouvait demeurer longtemps dans ce cadre territorialement restreint. Victorieuse au centre, elle devait forcément gagner la périphérie. Et en effet, la vague révolutionnaire venant du Nord se répandit dès les premiers jours dans toute la Russie, gagnant l’une après l’autre les régions périphériques. Mais là, elle se heurta au barrage des "conseils nationaux" et "gouvernements" régionaux (Don, Kouban, Sibérie), formés dès avant Octobre. Car ces "gouvernements nationaux" ne voulaient pas entendre parler d’une révolution socialiste. Bourgeois par essence, ils n’avaient nullement l’intention d’abolir le vieux régime bourgeois; ils estimaient, au contraire, qu’il était de leur devoir de tout faire pour le sauvegarder et l’affermir. De nature impérialiste, ils n’avaient nullement l’intention de rompre avec l’impérialisme; ils étaient, au contraire, toujours prêts à accaparer et asservir, si la possibilité s’en présentait, des pièces et morceaux de territoires appartenant à d’"autres" nationalités. Rien d’étonnant dans le fait que les gouvernements nationaux" de la périphérie ont déclaré la guerre au gouvernement socialiste du centre. Mais ce faisant, ils sont devenus naturellement des foyers de réaction, groupant autour d’eux tout ce que la Russie comptait de contrerévolutionnaires. Ce n’est un secret pour personne que tous les contrerévolutionnaires boutés hors de Russie se sont hâtés de rejoindre ces foyers, et qu’autour d’eux, ils se sont constitués en régiments "nationaux" de gardes blancs.

Mais, outre les "gouvernements nationaux", il y a à la périphérie les ouvriers et les paysans nationaux. Organisés dans leurs Soviets révolutionnaires de députés, créés dès avant la Révolution d’Octobre, à l’instar de ceux du centre de la Russie, ils n’ont jamais cessé d’être en contact avec leurs frères du Nord. Eux aussi s’appliquaient à vaincre la bourgeoisie, eux aussi luttaient pour le triomphe du socialisme. Rien d’étonnant dans le fait que leur conflit avec "leurs propres" gouvernements nationaux s’est aggravé de jour en jour. La Révolution d’Octobre n’a fait que consolider l’alliance des ouvriers et des paysans de la périphérie avec ceux de Russie, en leur communiquant la foi dans le triomphe du socialisme. Et la guerre faite par les gouvernements nationaux" au pouvoir soviétique a exaspéré le conflit des masses nationales avec ces "gouvernements" jusqu’à la rupture totale avec eux, jusqu’à l’insurrection ouverte contre eux.

C’est ainsi que se constitua l’alliance socialiste des ouvriers et des paysans de toute la Russie, opposée à l’alliance contrerévolutionnaire des "gouvernements" nationaux bourgeois des régions périphériques.

D’aucuns présentent la lutte des "gouvernements" de la périphérie comme une lutte pour l’émancipation nationale contre le "centralisme sans entrailles" du pouvoir des Soviets. Mais cela est absolument faux. Aucun pouvoir au monde n’a admis une décentralisation aussi large, aucun gouvernement ou monde n’a accordé aux peuples une liberté nationale aussi complète que le pouvoir des Soviets en Russie. La lutte des "gouvernements" de la périphérie a été et reste une lutte de la contre- révolution bourgeoise contre le socialisme. C’est uniquement pour tromper les masses qu’on arbore en l’occurrence le drapeau national, qui est populaire et très commode pour couvrir les desseins contrerévolutionnaires des bourgeoisies nationales.

Mais la lutte des "gouvernements" nationaux et régionaux était une lutte inégale. Attaqués de deux côtés à la fois, de l’extérieur par le pouvoir des Soviets de Russie et de l’intérieur par "leurs propres" ouvriers et paysans, ils durent battre en retraite dès les premiers combats. Le soulèvement des ouvriers et des torpari[2] finlandais, et la fuite du "Sénat" bourgeois; le soulèvement des ouvriers et des paysans d’Ukraine, et la fuite de la Rada bourgeoise; le soulèvement des ouvriers et des paysans du Don, du Kouban et de la Sibérie, et l’effondrement de Kalédine, de Kornilov et du "gouvernement" de Sibérie; le soulèvement de la population pauvre au Turkestan et la fuite du "gouvernement autonome"; la révolution agraire au Caucase et l’impuissance totale des "conseils nationaux" de Géorgie, d’Arménie et d’Azerbaïdjan : autant de faits connus de tout le monde et qui ont démontré que les "gouvernements" de la périphérie étaient complètement isolés de "leurs" masses travailleuses. Battus à plate couture, les gouvernements nationaux ont été "obligés" d’appeler à la rescousse contre "leurs" ouvriers et paysans, les impérialistes d’occident, oppresseurs et exploiteurs séculaires des nationalités du monde entier.

Ainsi commença la période de l’intervention étrangère et de l’occupation des territoires de la périphérie, période qui a dévoilé une fois de plus le caractère contrerévolutionnaire des gouvernements "nationaux" et régionaux.

Alors seulement il devint évident pour tous que la bourgeoisie nationale aspire non pas à affranchir "son peuple" de l’oppression nationale, mais à s’assurer la liberté de lui faire suer des profits, la liberté de conserver ses privilèges et ses capitaux.

Alors seulement il apparut que la libération des nationalités opprimées est inconcevable sans la rupture avec l’impérialisme, sans le renversement de la bourgeoisie des nationalités opprimées, sans le passage du pouvoir aux mains des masses travailleuses de ces nationalités.

C’est ainsi que l’ancienne conception, la conception bourgeoise du principe de la libre disposition, avec son mot d’ordre : "Tout le pouvoir à la bourgeoisie nationale", fut dénoncée et rejetée par le cours même de la révolution. La conception socialiste du principe de la libre disposition, avec son mot d’ordre : "Tout le pouvoir aux masses travailleuses des nationalités opprimées", reçut tous les droits, toutes les possibilités d’application.

Ainsi, la Révolution d’Octobre, qui a mis fin à l’ancien mouvement bourgeois de libération nationale, a inauguré l’ère d’un nouveau mouvement socialiste des ouvriers et des paysans des nationalités opprimées, mouvement dirigé contre toute oppression, ‑ donc contre l’oppression nationale également, ‑ contre le pouvoir de la bourgeoisie, "nationale" et étrangère, contre l’impérialisme en général.

3.
Importance mondiale de la Révolution d’Octobre

Victorieuse au centre de la Russie et maitresse d’un certain nombre de régions périphériques, la Révolution d’Octobre ne pouvait se limiter au cadre territorial de la Russie. Dans l’ambiance de la guerre impérialiste mondiale et du mécontentement général des masses, elle ne pouvait manquer de gagner les pays voisins. La rupture avec l’impérialisme et l’affranchissement de la Russie de cette guerre de rapine; la publication des traités secrets et l’abolition solennelle de la politique de conquête; la proclamation de la liberté des nationalités et la reconnaissance de l’indépendance de la Finlande; la proclamation de la Russie comme "Fédération de Républiques soviétiques nationales" et le vibrant appel à une lutte résolue contre l’impérialisme lancé à travers le monde par le pouvoir des Soviets : tout cela ne pouvait manquer d’exercer une sérieuse influence sur l’Orient asservi et sur l’Occident ensanglanté.

En effet, la Révolution d’Octobre est la première révolution au monde qui ait rompu la torpeur séculaire des masses travailleuses des peuples opprimés d’Orient et les ait entrainées dans la lutte contre l’impérialisme mondial. La formation de Soviets ouvriers et paysans en Perse, en Chine et en Inde, à l’instar des Soviets de Russie, l’atteste d’une façon assez convaincante.

La Révolution d’Octobre est la première révolution au monde qui ait servi d’exemple vivant et salutaire aux ouvriers et aux soldats d’Occident, qui les ait poussés dans la voie de l’affranchissement véritable du joug de la guerre et de l’impérialisme. C’est ce qu’attestent avec assez d’éloquence le soulèvement des ouvriers et des soldats en Autriche-Hongrie et en Allemagne, la formation de Soviets des députés ouvriers et soldats, la lutte révolutionnaire engagée contre l’oppression nationale par les peuples d’Autriche-Hongrie tenus en état d’infériorité.

L’important n’est pas du tout que la lutte en Orient, et même en Occident, n’ait pu encore s’affranchir des influences nationalistes bourgeoises; l’important, c’est que la lutte contre l’impérialisme a commencé, qu’elle continue et ne peut manquer d’aboutir à son terme logique.

L’intervention étrangère et la politique d’occupation pratiquée par les impérialistes "du dehors" ne font qu’accentuer la crise révolutionnaire, en entrainant dans la lutte des peuples nouveaux et en élargissant sans cesse le champ des batailles révolutionnaires contre l’impérialisme.

Ainsi, la Révolution d’Octobre, en mettant en contact les peuples de l’Orient arriéré et de l’Occident avancé, les groupe en un seul et même camp de lutte contre l’impérialisme.

Ainsi, la question nationale, d’une question particulière posée par la lutte contre l’oppression nationale, se transforme en une question générale relative à l’affranchissement des nations, des colonies et semi-colonies du joug de l’impérialisme.

Le péché capital de la 2e Internationale et de son chef Kautsky, c’est, entre autres, d’avoir dévié constamment vers la conception bourgeoise de la libre disposition, de n’avoir pas compris le sens révolutionnaire qui s’y attachait, de n’avoir pas su ou pas voulu poser la question nationale sur le terrain révolutionnaire d’une lutte déclarée contre l’impérialisme, pas su ou pas voulu rattacher la question nationale à celle de la libération des colonies.

La stupidité des social-démocrates autrichiens du type Bauer et Renner consiste proprement en ceci, qu’ils n’ont pas compris le lien indissoluble qui existe entre la question nationale et celle du pouvoir, qu’ils s’efforcent de séparer la question nationale de la politique et de l’enfermer dans le cadre des problèmes culturels et éducatifs, en oubliant l’existence de "bagatelles" comme l’impérialisme et les colonies qu’il asservit.

On dit qu’avec la montée de la révolution socialiste, les principes de libre disposition et de "défense de la patrie" sont abolis par la marche même des évènements. En réalité, ce qui est aboli, ce ne sont pas les principes de libre disposition et de "défense de la patrie", mais leur interprétation bourgeoise. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les régions occupées, qui gémissent sous le joug de l’impérialisme et brulent de se libérer; il suffit de jeter un coup d’œil sur la Russie, qui fait une guerre révolutionnaire pour défendre la patrie socialiste contre les rapaces de l’impérialisme; il suffit de réfléchir aux évènements qui se déroulent à l’heure actuelle en Autriche-Hongrie; il suffit de jeter un coup d’œil sur les colonies et les semi-colonies asservies, qui ont déjà organisé chez elles des Soviets (Inde, Perse, Chine); il suffit de jeter un coup d’œil sur tout cela pour comprendre toute l’importance révolutionnaire du principe de la libre disposition dans son interprétation socialiste.

L’immense portée mondiale de la Révolution d’Octobre consiste surtout en ceci, qu’elle a :

1. élargi le cadre de la question nationale, l’a transformé d’une question particulière posée par la lutte contre l’oppression nationale en Europe, en une question générale relative à la libération des peuples opprimés, des colonies et semi-colonies du joug de l’impérialisme;

2. ouvert de larges possibilités et des voies efficaces pour cette libération, en facilitant ainsi, dans une mesure considérable, la libération des peuples opprimés d’Occident et d’Orient, en les entrainant dans la voie commune d’une lutte victorieuse contre l’impérialisme;

3. jeté par là même un pont entre l’Occident socialiste et l’Orient asservi, en créant contre l’impérialisme mondial un nouveau front de révolutions, qui s’étend des prolétaires d’Occident aux peuples opprimés de l’Orient, en passant par la Révolution russe.

C’est, à vrai dire, ce qui explique l’enthousiasme indescriptible que les masses travailleuses et exploitées d’Orient et d’Occident manifestent aujourd’hui pour le prolétariat de Russie.

C’est ce qui explique surtout la fureur avec laquelle les rapaces impérialistes du monde entier se sont à présent jetés sur la Russie des Soviets.

 

Signé : J. Staline.

 

Notes



[1]. Source : I. V. Staline, Oeuvres, tome 4 (novembre 1917‑décembre 1920); Paris, Éditions sociales, 1955; p. 142‑151.

[2]. Les torpari : paysans sans terre de Finlande. Ils louaient la terre aux propriétaires qui leur imposaient des contrats léonins. (IMEL.)