À propos de la "valeur des civilisations"
Nous publions ici un article de 2012 qui contestait le prétendu "choc des civilisations". Dans le contexte actuel où la question de l’immigration est mise en avant dans les médias, cet article est une mine d’or pour trouver des arguments à opposer à ceux qui souhaitent diviser la classe ouvrière par la xénophobie ou encore à ceux qui veulent que la France intervienne militairement dans le monde.
Septembre 2015
(Texte disponible sous forme de fichier PDF)
À propos de la "valeur des civilisations"
Devant l’UNI (organisation étudiante de la droite à l’extrême droite), Claude Guéant a affirmé que "contrairement à ce que dit l’idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas". Sous-entendant par là que la civilisation occidentale, euro-atlantique, chrétienne, serait supérieure aux autres. Ces termes ne nous étonnent pas de la part de Claude Guéant qui s’est fait le spécialiste des " petites phrases" fascisantes destinées entre autres, dans le contexte électoral actuel, à ratisser une partie de l’électorat du Front National.
La source des inégalités ne réside pas dans la culture, mais dans les rapports économiques
Derrière les affirmations de Claude Guéant se cache une idéologie profondément réactionnaire qui vise à travestir la réalité pour mobiliser les peuples dans des guerres. Samuel Huntington, un théoricien américain, annonçait il y a quelques années le choc des civilisations, comme inévitable.
Certes, il existe des inégalités de développement à travers le monde, et il existe des contradictions entre les pays, qui peuvent mener à des guerres. Mais leur origine et leurs enjeux ne sont pas culturels. Ils sont économiques et politiques.
Le capitalisme ne s’est pas développé partout à la même vitesse. Certains pays sont longtemps restés des pays féodaux. Aujourd’hui, le capitalisme est partout mais les inégalités de développement subsistent. En effet, les premiers pays où les marchés intérieurs sont arrivés à saturation ont commencé dès la fin du 19e siècle à se lancer dans une course pour aller à la conquête de nouveaux marchés dans les pays qu’ils pouvaient ‑ plus ou moins ‑ facilement battre militairement. Le développement des pays conquis a été entravé par les pays impérialistes ‑ dont la France. En effet, dans les colonies africaines, maghrébines, antillaises, asiatiques, la France a organisé la production de façon à exporter des matières premières ensuite transformées en France. Ainsi, certains pays étaient destinés à la production de cacao, d’autres de bananes, etc., ce qui empêchait tout développement économique indépendant.
Aujourd’hui, les capitalistes délocalisent la production dans les pays dominés pour surexploiter les ouvriers de ces zones. Mais cela permet un développement de l’économie des pays dominés qui deviennent des pays émergents et des concurrents potentiels.
Le "choc des civilisations", c’est une justification aux guerres de rapines des impérialistes pour obtenir les ressources de pays étrangers.
La prétention universaliste de la culture française et la culture prolétarienne
La culture nationale française, depuis la Révolution française, a une prétention universaliste. La France aurait pour mission d’apporter au reste du monde les lumières de la civilisation, de la démocratie, de l’égalité, de la fraternité. Quelle prétention!
Cette prétention universaliste a servi en réalité de prétexte à l’impérialisme français, qui, sous couvert d’exporter ces valeurs, a mené une lutte acharnée pour détruire les cultures nationales de nombreux peuples, à l’intérieur de ses frontières, dans ses colonies de peuplement comme l’Algérie, le Maroc, en Afrique et en Asie, et partout où il s’est imposé par la force et la ruse.
Comme support idéologique, mais pas seulement, les institutions de promotion de la francophonie, les écoles françaises à l’étranger, par exemple, sont encore un élément central du dispositif impérialiste français.
En France même, dans le cadre des luttes de classe, cette idéologie de la supériorité de la civilisation occidentale développe la division dans les rangs du prolétariat de France, la bourgeoisie française tentant de faire croire à la supériorité culturelle des classes populaires d’origine européenne sur les classes populaires d’origine maghrébines et africaines.
Nous ne rejetons pas toute culture nationale française dans ses apports progressistes. En outre, les prolétaires et le peuple de France portent d’autres valeurs, une autre histoire, une autre culture que celles de la bourgeoisie française. Notre culture, elle, est faite des luttes des ouvriers et des classes populaires françaises, la Commune, 1936, la résistance antifasciste, les grèves de 1947, Mai 1968. Elle rejette le colonialisme, l’impérialisme, est solidaire des peuples dominés. Elle s’enrichit et se construit au contact de la main-d’œuvre immigrée, dans les usines, dans la rue. La culture des peuples dominés par la France est un élément vivant de la culture prolétarienne française.
L’impérialisme occidental et la barbarie
Les racines d’une culture sont à chercher dans les rapports économiques. Nous sommes en plein dans la phase de pourrissement du capitalisme : l’impérialisme. Le monde a été partagé depuis la fin du 19e siècle et, dans les conditions de la crise mondiale actuelle, les puissances économiques sont prêtes à tout pour le repartager et s’accaparer les richesses et les marchés des pays mis sous leur domination. Elles sont aussi prêtes à jeter leurs propres peuples dans de nouvelles guerres meurtrières comme elles le firent lors des deux grandes guerres mondiales.
Les peuples du monde entier ont payé un lourd tribut humain dans la construction des nations européennes. Des rivières de sang ont coulé au Proche-Orient pendant les croisades. A suivi le génocide des peuples indiens d’Amérique. Ensuite, les européens ont mené la conquête sanglante de l’Afrique et de l’Asie, réduisant à l’esclavage et déportant en Amérique des millions d’Africains. L’Histoire européenne, c’est par le sang qu’elle s’est faite. Guéant le sait. Mais pour lui, cela n’a pas d’importance.
La France, pas plus qu’aucune autre puissance occidentale, n’a de leçon à donner aux peuples du monde arabe et aux peuples d’Asie et d’Afrique. L’impérialisme français est prêt à soutenir et à mettre en place les pires tyrannies pour servir de gardes chiourmes à l’égard des peuples qu’il surexploite. Et lorsque les peuples veulent se débarrasser de son joug, il est capable d’intervenir directement et de commettre les actes les plus barbares pour faire taire la révolte. Les massacres qui ont accompagné les guerres de conquête coloniale en Amérique, en Afrique et en Asie et toutes les répressions armées contre les luttes de libération sont là pour en témoigner.
Non, la civilisation occidentale n’est pas supérieure aux autres!
La seule supériorité qu’elle a montré ces derniers siècles, c’est sa capacité à dominer le monde par le sang et le feu.