La Chine peut‑elle constituer un exemple
d’économie "antilibérale" ?

On peut trouver sur Internet la traduction d’un texte provenant de la Russie qui annonce : "La campagne menée par la Chine pour enquêter et annuler les privatisations et les réformes du marché réalisées dans les années 1990 est officiellement terminée."

Voir ici :

"Interrogations concernant le “capitalisme” en Chine"

En lisant ce texte traduit[1], on se dit qu’il est en décalage total par rapport à ce qu’on sait à propos de la Chine actuelle. Les affirmations qu’il amène sont cependant moins paradoxales qu’il n’y parait.

L’article cite un juge chinois qui à l’issu d’un procès déclare à propos du condamné que "personne n’a le droit de posséder les moyens de production et d’exploiter les gens ordinaires de cette manière". Le qualificatif "de cette manière" n’apporte aucune précision sur ce en quoi l’action de l’accusé était condamnable. Toutefois il semble que le terme "privatisations" apparaissant dans l’article désigne des transactions effectuées d’une façon considérée comme "malhonnête" (contournement de la loi, falsification de documents, à l’insu des autorités…). On peut donc comprendre qu’il soit question d’une "campagne pour annuler les privatisations réalisées dans les années 1990".

Par contre, quand la même phrase inclut aussi "les réformes du marché réalisées dans les années 1990", elle émet une contrevérité, du moins dans la mesure où on peut supposer que sont visées entre autre les réformes d’introduction de propriété privée dans la sphère des entreprises.

En 1993, une session du Comité central du Parti communiste de Chine a décidé, selon un communiqué publié à l’occasion, d’"accélérer le processus d’instaurer un système économique de marché socialiste"[2]. Cette orientation est toujours en vigueur, elle est guidée par le double objectif de promouvoir le secteur privé de l’économie tout en améliorant l’efficacité des entreprises contrôlées par l’État. La mise en oeuvre est passée par des étapes successives.

Par exemple, en 2015 est émise par les autorités chinoises une "Ligne directrice pour approfondir les réformes des entreprises publiques". Elle stipule[3] :

Les entreprises propriété d’État devraient attirer plusieurs types d’investisseurs et le gouvernement devrait les encourager à entrer en bourse. […] Les entreprises non étatiques seront encouragées à se joindre au processus de diverses manières, notamment en achetant des participations et des obligations convertibles auprès d’entreprises d’État ou en procédant à des échanges de droits sur actions. Les entreprises propriété d’État seront aussi autorisées à expérimenter la vente d’actions à leurs employés. En outre, un système salarial flexible et basé sur le marché sera mis en place. Les salaires des employés d’entreprises propriété d’État seront conformes aux niveaux du marché et déterminés par les performances de l’entreprise. […] Selon la directive, les entreprises propriété d’État seront divisées en deux catégories, les entités à but lucratif et celles dédiées au bienêtre public. Les premières seront basées sur le marché et s’en tiendront aux opérations commerciales, et devraient viser à augmenter les actifs appartenant à l’État et à stimuler l’économie, tandis que les secondes existeront pour améliorer la qualité de vie des personnes et fournir des biens et services publics.

Selon la Commission du Conseil d’État pour le contrôle et l’administration des biens de l’État (SASAC selon les initiales en anglais), à la fin de 2018, pour les entreprises propriété d’État au niveau central, plus des deux tiers de toutes leurs filiales étaient de propriété mixte (d’État et privée)[4]. Les principales industries concernées sont : l’électricité, le pétrole et le gaz, les chemins de fer, le fer et l’acier, les métaux non ferreux, le charbon et la construction.

Si l’on considère, pour la Chine, les 10 plus grandes introductions en bourse par an entre 2015 et 2019, les entreprises propriété d’État représentaient 70 % des opérations et 63 % du total des fonds levés[5]. En date du 25 février 2021, pour les sociétés chinoises cotées en bourse, les proportions relatives par type de propriété (État/privée, selon l’actionnariat majoritaire) sont les suivantes : 1.463 sociétés d’État, 3.799 sociétés privées; les capitalisations boursières totales (milliards de dollars US) respectives s’élèvent à 7.494 pour les sociétés d’État et 10.829 pour les sociétés privées.

Concernant l’importance des entreprises privées, le ministère chinois de l’Industrie et des Technologies de l’information fournit quelques données pour l’année 2021 [6]. Les entreprises privées représentaient plus de 97 % du total des entités du marché, ils ont contribué à environ 50 % des recettes fiscales du pays, 60 % du produit intérieur brut, 70 % de l’innovation technologique et 80 % de l’emploi urbain. Selon une information de presse concernant les exportations en 2018, la part de celles générées par le secteur privé s’élevait à 88 % [7].

En Chine, les capitalistes "travaillent à l’édification du socialisme"

Jiang Zemin, secrétaire général du PC de Chine, explique dans un discours prononcé en juillet 2001 que de "nouvelles couches sociales" ‑ dont font partie notamment les entrepreneurs du secteur privé ‑ participent à "l’édification d’un socialisme aux caractéristiques chinoises"[8] :

Depuis que la Chine a adopté la politique de réforme et d’ouverture, la composition des couches sociales chinoises a quelque peu changé. Il y a, entre autres, des entrepreneurs et du personnel technique employé par des entreprises scientifiques et techniques du secteur non public, des équipes de direction et techniques employés par des entreprises à capitaux étrangers, les entrepreneurs privés indépendants, des employés d’ateliers-relais et des professionnels indépendants. […] Guidés par la ligne, les principes et la politique du Parti, la plupart de ces personnes dans les nouvelles couches sociales ont contribué au développement des forces productives et d’autres entreprises dans une société socialiste par le biais d’une activité et d’un travail honnêtes ou d’une opération commerciale légale. […] Ils travaillent aussi à l’édification d’un socialisme aux caractéristiques chinoises.

Il annonce ainsi que les capitalistes seront désormais admis au Parti. Le fait est que déjà au moment de cette décision officielle, selon des estimations provenant du Parti, environ 113.000 membres géraient des entreprises, pour la plupart ayant débuté leur activité postérieurement à leur adhésion[9]. En 2002 le 16e Congrès national du PC de Chine adopte une modification des statuts[10]. Au sujet de la qualité de membre il est stipulé : "Tout ouvrier chinois, agriculteur, membre des forces armées, intellectuel ou tout élément avancé d’autres couches sociales […] peut régulièrement demander à devenir membre du Parti communiste chinois." Auparavant le libellé était : "Tout ouvrier chinois, paysan pauvre, paysan moyen-inférieur, militaire révolutionnaire ou tout autre élément révolutionnaire […]."

Membres ou non du Parti, certains de ces "éléments avancés d’autres couches sociales" se trouvent aussi à des rangs très avancés de l’échelle de fortunes capitalistes.

À titre d’exemple, quelques indications ressortent d’une liste des plus riches chinois publié en 2017. La Chine continentale compte alors 647 milliardaires (en dollars US), ce qui correspond à 36 % des milliardaires au niveau mondial. 209 entrepreneurs sont membres du Congrès populaire national (le Parlement) ou de son Comité consultatif, leur fortune combinée s’élève à 500 milliards. Voici quelques milliardaires qui en 2017 étaient délégués au 19e congrès du Parti[11] : Li Denghai (Shandong Denghai, l’un des plus grands fournisseurs de semences en Chine); Wu Shaoxun (Jing Brand, production de spiritueux à base de plantes); Pan Gang (Yili Industrial Group, produis laitiers). D’autres participaient cette même année au Congrès populaire national[12] : Pony Ma (Tencent Holdings), Zong Qinghou (Hangzhou Wahaha Group, production de boissons), Lei Jun (Xiaomi, fabricant de téléphones), Victor Li (CK Hutchison Holdings, conglomérat intervenant dans les domaines des ports, vente au détail, infrastructure, télécommunications), Wan Long (Groupe WH, services de transformation de viande, membre du Parti)[13].

Il y a des "mauvais" capitalistes, mais ce sont des "brebis galeux"

Selon l’article cité :

Depuis 2012, les autorités chinoises ont annoncé une politique "anticapitaliste au profit du peuple"[14] et intensifié la persécution des exploiteurs de la classe ouvrière.

Cette affirmation est tout simplement fantaisiste. En Chine comme ailleurs, dans le cadre des rapports de production capitalistes, les capitalistes exploitent les travailleurs. Qui plus est, en Chine le prolétariat est en bonne partie mis au service du capital étranger (exemple : Foxconn qui assemble entre autre les téléphones intelligents de Apple).

Pour ce qui est d’une prétendue orientation anticapitaliste ‑ ne serait-ce qu’en tant qu’intention subjective ‑, les déclarations officielles démentent cette vision des choses (d’ailleurs les faits sont de toute façon une preuve évidente en ce sens).

Quelques paroles du Président Xi Jinping, durant une réunion du comité pour les affaires financières et économiques du Parti communiste de Chine en aout 2021 [15] :

Nous pouvons permettre à quelques personnes de devenir riches d’abord, puis guider et aider les autres à devenir riches ensemble. […] Nous pouvons soutenir des riches entrepreneurs qui travaillent dur, opèrent légalement et ont pris des risques pour démarrer des entreprises […]

Un article développe largement la vision officielle[16] :

Pour animer la prospérité commune, nous devons adopter les principes suivants :

[…] Nous devons […] améliorer la capacité des gens à trouver un emploi et à créer des entreprises, et renforcer leur capacité à devenir riches. Nous devons […] ouvrir des canaux de mobilité ascendante, créer des opportunités pour que davantage de personnes deviennent riches […].

[…] nous devons maintenir le système de propriété publique comme pilier et développer simultanément l’économie d’une variété de systèmes de propriété. Tout en faisant jouer pleinement le rôle important de l’économie du secteur public dans l’animation de la prospérité commune, nous devons également promouvoir le développement sain de l’économie du secteur non public et la croissance saine de ses membres. Bien que nous devions permettre à certaines personnes de devenir riches en premier, il convient de souligner que ceux qui deviennent riches en premier [doivent] diriger et aider ceux qui ne sont pas encore riches. Nous nous concentrerons à encourager l’assiduité, les opérations commerciales légales, et les leaders dans l’acquisition de richesse qui osent être pionniers. […]

Nous devons établir un système de politique publique scientifique, bien partager le gâteau, et former un modèle de distribution raisonnable pour le bénéfice de tous. Nous devons redoubler d’efforts et prendre des mesures plus concrètes pour donner aux masses un plus grand sens du gain. […]

Les propriétaires de petites et moyennes entreprises et les propriétaires individuelles constituent un groupe important de personnes qui sont devenues riches grâce à l’entrepreneuriat. Nous devons améliorer l’environnement des affaires [pour eux], réduire leur fardeau d’impôts et de taxes, et leur fournir davantage de services financiers basés sur le marché. Il s’agit de les aider à gérer leur entreprise de manière stable et à continuer d’augmenter leurs revenus. […] Nous devons augmenter les revenus des résidents urbains et ruraux provenant du logement [en propriété], des terres rurales, des actifs financiers et d’autres types de propriété. […]

Nous devons protéger les droits de propriété et les droits de propriété intellectuelle, et protéger la création légitime de richesse. […] nous devons aussi mobiliser les initiatives des entrepreneurs et faciliter le développement régulé et sain de tous les types de capitaux.

Et les déclarations visant à rassurer les capitalistes ne manquent pas. Par exemple, comme le précise Han Wenxiu, membre de la Commission centrale des affaires financières et économiques, l’impulsion de la Chine en faveur de la "prospérité commune" ne signifie pas "tuer les riches pour aider les pauvres"[17].

Ceux qui en France ou ailleurs s’accrochent à l’idée qu’en Chine une politique de construction du socialisme serait en oeuvre, fondent leur conviction sur une appréhension doublement erronée de la réalité.

D’une part, ils font valoir que le Parti communiste de Chine et ses représentants, par leurs paroles et leurs écrits, se réfèrent au marxisme-léninisme ainsi qu’au socialisme comme objectif.

En effet, par exemple Xi Jinping au 20e Congrès du PC de Chine, en octobre 2022 [18] :

Ces dix dernières années, nous avons, en maintenant le marxisme-léninisme, la pensée de Mao Zedong, la théorie de Deng Xiaoping, la pensée importante de la "Triple Représentation" et le concept de développement scientifique, appliqué intégralement la pensée sur le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère.

Or, si ‑ parait‑il ‑ l’Univers a été créé par la Parole de Dieu, les paroles de Xi Jinping n’ont en elles‑mêmes pas plus de valeur probante intrinsèque que par exemple l’énoncé d’une "chanson" de Bertold Brecht selon laquelle "la pluie tombe de haut en bas"[19]. Que ce soit Xi ou Brecht, il faut vérifier la pertinence des discours en examinant la réalité. Conclusion : Brecht dit manifestement vrai. Mais Xi?

Le capitalisme monopolistique n’exclut pas l’intervention de l’État

Justement, en examinant la réalité, on constate qu’elle n’est pas en conformité avec les affirmations officielles. Il faut dire que les avis erronés reposent en bonne partie sur des raisonnements formels, abstraits. Une idée typique consiste à opposer schématiquement deux modes de fonctionnement concernant les rôles respectifs de l’économie privée et celle public : soit l’État restreint son intervention dans l’économie en considérant que le développement doit reposer essentiellement sur les entreprises privées, soit au contraire l’État s’attribue le pouvoir prépondérant dans tous qui concerne l’économie et impose de fortes contraintes aux entreprises privées. Ainsi il suffirait de comparer d’un côté les pays capitalistes tels que la France à économie "libérale" et secteur public très limité, et de l’autre côté la Chine, pays à économie de marché avec un secteur public large et un contrôle étendu exercé par l’État ‑ et voilà on conclurait que la Chine est un pays socialiste.

En effet, en Chine l’emprise de l’État sur l’économie est considérable, et les grands capitalistes du secteur privé y sont confrontés. Concrètement, par exemple, en Chine le groupe Alibaba a subi en 2020 des mesures de rétorsion d’envergure[20].

En septembre 2020, l’administration en Chine édicte de nouvelles règlementations concernant les sociétés holdings financiers. Le groupe dénommé Ant ("Ant" en anglais : fourmi) se trouve parmi les sociétés visées. Ant est lié au groupe Alibaba (ce dernier est côté à la Bourse de Hong Kong), les deux ayant été constitués par Ma Yun (Jack Ma). À cette époque, Ant prépare son introduction aux bourses de Shanghai et Hongkong. Il obtient l’autorisation en octobre, et s’assure l’appui d’investisseurs stratégiques, parmi lesquels l’État de Singapour, des fonds souverains de Singapour et d’Abu Dhabi, ainsi que des sociétés importantes d’assurance et de fonds mutuels chinoises. Cependant les autorités de régulation s’intéressent de près aux risques financiers que représentent les activités de Ant. La Bourse de Shanghai, craignant des complications, suspend l’opération en novembre, et Ant annule également celle de Hongkong.

Les investigations se poursuivent. En avril 2021 Alibaba est condamné à payer une amende de 2,75 milliards de dollars US. Le montant correspond à 4 % de ses revenues domestiques en 2019. La Banque centrale chinoise annonce que le groupe Ant sera restructuré en tant que holding financier, de façon notamment à couper les liens entre le service de paiement Alipay, les services de carte de crédit, ainsi que celles de crédit à l’achat. La Banque centrale a également demandé à Ant de contrôler les risques liés à sa politique de financement, ainsi que d’abaisser le volume de son fonds intervenant sur le marché monétaire. Les liens entre Alibaba et Ant seront allégés, néanmoins selon les commentaires dans les médias, les mesures règlementaires n’auraient pas d’impact significatif sur les activités des deux groupes.

Donc, la carrière de Ma Yun en tant que représentant éminent du capital monopoliste en Chine a été fortement contrariée ces dernières années. (On peut noter qu’il est membre du Parti communiste depuis ses études universitaires durant les années 1980 [21].) Mais ces péripéties ne relèvent nullement d’une orientation "anticapitaliste" ni d’une volonté d’imposer une planification de l’économie au bénéfice des masses travailleuses exploitées. Les rapports de production propres au capitalisme monopoliste restent en place et poursuivent leur oeuvre. Ma Yun avait été la personne la plus fortunée en 2020, avec 58,8 milliards de dollars US, en 2022 il est recalé à la 9e place avec 25,7 milliards[22]. Cependant en 2022 à la première place se trouve Zhong Shanshan avec 65 milliards ‑ plus que Ma Yun en 2020.

Il est vrai que les conditions pour la domination de la bourgeoisie en Chine sont favorables en ce qu’elle dispose d’un appareil d’État qui couvre une étendue géographique et une ampleur de la population largement supérieures à ce qui est le cas pour les puissances impérialistes occidentales. Néanmoins, il n’y a pas de différence de principe en ce qui concerne l’intervention des États dans le domaine économique.

Un résumé de quelques épisodes en la matière, dans le cadre de l’Union européenne, le montre. Au sein de la Commission européenne, c’est la direction générale (DG) de la concurrence qui assume principalement les pouvoirs d’exécution dans ce domaine. Parallèlement intervient le Tribunal rattaché à la Cour de justice de l’Union européenne. La stratégie adoptée ces dernières années par les instances de l’Union européenne est ponctuée par quelques cas de sanctions financières importantes à l’encontre de plusieurs représentants du secteur des technologies d’information et de communication : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Intel, Qualcomm[23]. Sont mises en cause les pratiques anticoncurrentielles, les stratégies fiscales, la faible rémunération des médias traditionnels dont ils utilisent les contenus, ainsi que les failles dans la protection des données de leurs utilisateurs.

En 2004, la DG de la concurrence impose à Microsoft (groupe US) de payer une amende de 497 millions d’euros pour abus de position dominante et exige du groupe qu’il prenne des mesures permettant d’assurer l’interopérabilité de ses logiciels avec ceux de ses concurrents. Mais Microsoft tarde à agir. Alors en 2006, la société est condamnée à une nouvelle amende, de 280,5 millions d’euros. En 2007, les deux mesures sont confirmées par le Tribunal. En 2008 s’y ajoute une autre amende, de 899 millions d’euros. Microsoft maintient des procédures pour contester les décisions.

En 2009 la DG condamne Intel (groupe US, fabricant de microprocesseurs), à verser une amende de 1,06 milliard d’euros pour avoir abusé de sa position dominante au détriment de son concurrent direct Advanced Micro Devices (AMD). En 2012, le Tribunal décide de réduire l’amende à 860 millions d’euros, tout en confirmant les griefs de la DG.

En 2013, la DG inflige à Microsoft une amende additionnelle de 561 millions d’euros pour non‑respect de ses engagements en matière de choix de navigateur pour son système d’exploitation Windows 7.

En 2016, la DG condamne Apple (groupe US, téléphones intelligents et ordinateurs) à rembourser à l’Irlande 13 milliards d’euros d’impôts impayés, une pratique fiscale qui, selon elle, fausse la concurrence avec les autres entreprises qui ne bénéficient pas du même traitement. Apple saisit le Tribunal.

En 2017, Facebook est sanctionné par une amende de 110 millions d’euros pour avoir fourni à la DG des renseignements inexacts lors de l’enquête sur le rachat de WhatsApp (une opération à 22 milliards de dollars, que la Commission avait approuvée en 2014). Facebook décide de ne pas contester l’amende en justice.

En 2017 également, Google est condamné à une amende de 2,42 milliards d’euros. La DG lui reproche d’abuser de sa position dominante dans la recherche en ligne pour favoriser son comparateur de prix Google Shopping. En 2018, la DG prononce une deuxième amende, de 4,3 milliards d’euros, pour abus de position dominante. C’est le système d’exploitation pour téléphone mobile de Google, Android, qui est ciblé. Google est accusé de s’en servir comme d’un véhicule pour consolider la position dominante de son moteur de recherche.

En 2018 la Commission sanctionne Qualcomm (groupe US, fabricant de composants électroniques basés sur des microprocesseurs) par une amende de 997 millions d’euros pour pratiques anticoncurrentielles.

En mars 2019, Google fait l’objet d’une troisième amende, de 1,5 milliard d’euros, pour des pratiques anticoncurrentielles en rapport avec sa régie publicitaire AdSense.

En 2020 la DG inflige à Apple une amende de 1,1 milliard d’euros pour entente illicite avec des distributeurs et abus de dépendance économique. Apple fait appel de cette décision auprès du Tribunal.

En 2021, la CNPD (Commission Nationale pour la protection des données) du Luxembourg inflige à Amazon une amende de 746 millions d’euros pour non‑respect du règlement général en la matière. Amazon annonce qu’il conteste cette décision.

En 2021, le Tribunal de l’Union européenne valide l’amende imposée à Google en 2017.

En janvier 2022 Tribunal annule la décision de 2009 sanctionnant Intel.

En juin 2022 le Tribunal invalide la sanction prononcée à l’encontre de Qualcomm en 2018.

La Chine est un pays capitaliste, impérialiste

Manifestement, les tentatives de l’Union européenne de soumettre les groupes monopolistiques à des règlementations entravant leur liberté d’entreprendre son timides, laborieuses, elles trainent en longueur et sont freinées par le contrepoids d’un tribunal dont le sens de la "justice" peut camoufler des influences partiales. Mais seule une vision pro-capitaliste et chauvine peut justifier l’idée que l’efficacité ‑ relative ‑ des autorités chinoises dans leur pays pourrait être un idéal que le capitalisme impérialiste de la France et de l’Union européenne devrait imiter pour défendre sa "souveraineté" face à la puissance impérialiste dominant que constituent les USA.

Croire qu’en Chine le Parti communiste soit en mesure de "dompter" le pouvoir nocif des groupes capitalistes monopolistiques n’est non seulement un fantasme, mais conduit aussi à des interprétations aberrantes concernant la France. Voici un spécimen provenant d’un des promoteurs au sein du PCF de l’idée que la Chine soit socialiste[24] :

Rompre avec le capitalisme est notre mot d’ordre. Mais en réalité, la grande rupture à opérer est celle avec le capital monopoliste et donc avec l’impérialisme, et non avec le capitalisme. Construire le socialisme en France suppose de rompre avec l’impérialisme mais ne suppose pas de liquider le capitalisme dans notre pays. Les entreprises capitalistes ont leur place dans une société socialiste tant que la conduite du profit privé y est bénéfique socialement.

 

Novembre 2022



[1]. La publication en français indique que "l’information provient de Elena Veduta, Directrice de la chaire de cybernétique (et planification socialiste) à l’université Lomonosov de Moscou", mais ne précise pas la source de l’article d’origine en russe, en tant que tel.

On trouve une publication sur Internet (datée de juin 2019) qui correspond au texte traduit :

https://pikabu.ru/story/imushchestvo_vernut_narodu_v_kitae_sud_otpravil_v_lagerya_poslednego_uchastnika_privatizatsii_1990kh_6757878

Le contenu de cette publication est intégré dans un texte qui circule en 2021 dans des publications liées au Parti communiste de la fédération de Russie (KPRF) et qui présente la "déprivatisation" mise en oeuvre en Chine comme exemple à suivre en Russie. Voici un lien parmi d’autres :

http://kprf121.ru/pora-by-i-nam-kitajskie-sudy-provodyat-deprivatizaciyu/

[2]http://www.china.org.cn/china/18th_cpc_congress/2012-11/11/content_26760088.htm

[3]http://www.bjreview.com/se/txt/2015-09/14/content_704062.htm

[4]https://www.china-briefing.com/news/chinas-soe-reform-process/

[5]https://www.seafarerfunds.com/prevailing-winds/soe-reform-in-china-implications-for-policymakers-and-investors/

[6]https://www.chinadaily.com.cn/a/202209/08/WS631945f8a310fd2b29e769a5.html

[7]https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/10/20/en-s-eloignant-du-soutien-au-secteur-prive-les-autorites-chinoises-risquent-de-tuer-la-poule-aux-ufs-d-or_6099119_3232.html

[8]https://www.chinadaily.com.cn/en/doc/2001-07/01/content_241281.htm

[9]https://www.washingtonpost.com/archive/politics/2001/07/02/china-allows-its-capitalists-to-join-party/98c51d3e-590c-4f1b-a52a-132b3def1281/

[10]https://irp.fas.org/world/china/docs/const.html

[11]https://www.nytimes.com/2017/10/12/business/china-richest-billionaires.html

[12]https://www.nytimes.com/2017/03/02/business/china-wealth-rich-parliament.html

[13]https://www.bloomberg.com/profile/person/3707790

[14]. Selon le texte en russe, l’expression littérale employée est "dékabalisation populaire".

[15]https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/3145439/chinas-wealthy-urged-xi-jinping-give-back-society-ensure

[16]https://www.neican.org/to-firmly-drive-common-prosperity/

[17]https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/3146438/chinas-common-prosperity-push-does-not-mean-killing-rich

[18]https://www.fmprc.gov.cn/fra/zxxx/202210/t20221026_10792097.html

[19]. Bertold Brecht, "La chanson sur l’ennemi de classe".

http://321ignition.free.fr/pag/fr/art/pag_002/brech_05.htm

[20]https://www.reuters.com/article/us-ant-group-ipo-suspension-events-timel-idUSKBN27K19P

https://www.theguardian.com/business/2021/apr/12/alibaba-shares-jump-after-record-anti-monopoly-fine

https://www.scmp.com/tech/article/3195083/alipay-loses-its-place-shanghais-high-tech-company-list-potential-setback

[21]https://www.reuters.com/article/us-alibaba-jack-ma-idUSKCN1NW073

[22]https://www.hurun.net/en-US/Rank/HsRankDetails?pagetype=rich&num=QWDD234E

https://www.hurun.net/en-US/Rank/HsRankDetails?pagetype=rich&num=YUBAO34E

https://www.hurun.net/en-US/Rank/HsRankDetails?pagetype=rich&num=ZT6UR32M

[23]https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/les-5-plus-grosses-amendes-infligees-par-lue-aux-gafam-1362733

https://theconversation.com/droit-de-la-concurrence-larret-intel-marque-t-il-une-rupture-177086

https://www.reuters.com/article/ue-google-concurrence-idFRKBN2HV1AW-OFRIN

https://www.lesechos.fr/2009/05/bruxelles-inflige-a-intel-une-amende-record-455836

https://www.generation-nt.com/actualites/qualcomm-amende-pratiques-anticoncurrentielles-europe-2002286

[24]https://lepcf.fr/L-imperialisme-aujourd-hui