Déclarations de Yasmin Porat,
qui était captive le 7 octobre 2023, au Kibboutz Be’eri
(suite)

Depuis le 7 octobre tous les représentants officiels et officieux de l’État sioniste d’Israël, accompagnés de toutes sortes de propagandistes stipendiés ou bénévoles, diffusent la vision selon laquelle tous les victimes israéliens des affrontements survenus ce jour-là auraient été massacrés par les combattants du Hamas, et que les destructions massives qui ont ravagées les localités aux environs de Gaza auraient été causées également par ces attaquants. Ils tissent ainsi une toile étendue de contrevérités.

Un cas particulier ‑ parmi d’autres, nombreux ‑ met en évidence la façon dont les sionistes diffusent des mensonges. Voici un récit concernant Liel Hatsroni, fille âgée de 12 ans. Il s’agit d’un entretien datant du 15 novembre, avec Yasmin Porat, une Israélienne qui avait participé le 7 octobre à la rave party[1] organisée au Kibboutz Kfar Azza. Elle avait fui de l’attaque et s’était réfugiée dans le Kibboutz Be’eri voisin, où elle s’est trouvée retenue en otage dans une maison en même temps qu’un groupe d’autres personnes. Parmi celles-ci, se trouvaient Liel Hatsroni ainsi que son frère jumeau Yanai, son grand-père Aviyah, sa tante Ayala. Eux tous sont morts le 7octobre. Des funérailles ont été organisées pour la famille Hatsroni le 15 novembre, également pour Liel, bien qu’à l’époque l’État l’ait toujours inscrite comme disparue en absence de traces concernant son sort. Trois jours plus tard, la famille Hatsroni a été informée que la dépouille de Liel avait finalement été identifiée dans la maison de Be’eri.

Un premier entretien avec Yasmin Porat avait été réalisé en octobre.

Nous l’avons reproduit précédemment ().

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Pour rappel, voici le passage du premier entretien qui explique la situation au point où débute le deuxième entretien :

Yasmin Porat : Vrai. Mais au bout de deux heures, bref, au départ il n’y avait aucune force de sécurité [israélienne] avec nous. C’est nous qui avons appelé la police ensemble avec les ravisseurs parce que les ravisseurs voulaient que la police arrive. Parce que leur objectif était de nous kidnapper vers Gaza. Pas pour nous assassiner.

Aryeh Golan [animateur à Kan 11, principale chaine de la Société de Radiodiffusion Publique Israélienne] : Mm hm.

Yasmin Porat : Et après avoir passé deux heures avec les ravisseurs, la police arrive. Une fusillade a lieu, déclenchée par notre police. Une fusillade très très difficile, au regard de la quantité de munitions qui y volaient. Et à la fin… non, pendant [la bataille], un des terroristes décide de se rendre, le terroriste avec qui j’ai établi un lien. Au cours de ces deux heures, j’ai établi un lien avec certains des ravisseurs, ceux qui gardaient les otages.

Aryeh Golan : Oui

Yasmin Porat : Et il décide de m’utiliser comme bouclier humain. Il décide de se rendre. Je n’en ai pas conscience à ces moments-là, c’est rétrospectivement. Il commence à se déshabiller, il prend – il m’appelle et il commence à quitter la maison avec moi, sous le feu. À ce moment-là, j’ai crié au YAMAM[2] [unité de la police israélienne] alors que nous étions déjà – quand ils peuvent m’entendre, d’arrêter de tirer.

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Et voici la transcription de l’entretien consécutive, présenté par Kalman Liebskind et Asaf Liberman sur KanRadio (une unité de la Société de Radiodiffusion Publique Israélienne)[3].

Yasmin Porat : Nous sommes sortis et soudain, c’était un cessez-le-feu très tendu. Toutes les armes étaient pointées sur nous. Tous les Hamas pointaient sur moi et lui. Il commence à se déshabiller en marchant, il enlève ses sous-vêtements, ses chaussettes et son maillot de corps, le laissant nu comme au jour de sa naissance. C’est comme ça que nous commençons à marcher en face de tout le monde, avec lui nu et moi devant lui comme bouclier humain. À ce moment-là, lorsque nous passons par le salon et le porche vers la salle à manger, où nous nous trouvions auparavant, puis je sors dans la cour. Et là, je reconnais mon [partenaire] Tal, Hadas, Adi Dagan et un autre Tal, le fils d’un couple, et un autre couple de personnes âgées, allongés par terre, sur la pelouse, vous ne pouvez pas imaginer à quoi ça ressemblait. Simplement étendus là dehors. Et plein d’éclats d’obus. Des tirs incessants et ils gisent sur la pelouse, comme des cadavres, mais ils étaient tous encore vivants, ça se voit. J’ai réussi en partant à demander à mon Tal : "Tal, ça va?" et il a levé la tête, et il était très effrayé, parce qu’ils n’ont même pas réalisé que je sortais, parce que leurs têtes étaient contre terre. Tout le monde a mis la tête contre terre pour se protéger.

Kalman Liebskind : Vous sortez avec lui, et où allez-vous?

Yasmin Porat : Et nous parcourons toute la cour, nous arrivons aux deux rochers des terrasses, nous grimpons dessus comme ça, et puis nous nous tenons debout juste sur la route. Nous sommes juste séparés du YAMAM par la route et c’est une petite route, une route étroite. Beaucoup de policiers pointant leurs fusils sur nous. Ils lui crient par le mégaphone, j’imagine c’était : "Laissez-la partir! Laissez-la partir!" Nous les approchons un peu plus, il me pousse, je cours vite vers la police, ils l’arrêtent rapidement. C’est l’histoire comment j’ai été sauvée. C’est là que j’ai été sauvée et détenu par la police. Je reste avec eux pour encore trois heures de combat. J’ai simplement traversé du côté de la police, mais je suis resté sur place à Be’eri et lors de cet incident jusqu’à 20h30.

Asaf Liberman : Et le terroriste qui vous a lâchée, que lui ont-ils fait?

Yasmin Porat : Ils l’ont arrêté. Ils l’ont arrêté et interrogé. Et d’ailleurs, aujourd’hui, je sais grâce aux gens qui étaient là avec moi qu’il a donné beaucoup d’informations, ils ont obtenu de lui beaucoup d’informations qui, rétrospectivement, ont sauvé beaucoup de gens, ce que – nous pouvons dire – est encourageant.

Kalman Liebskind : Lorsque vous êtes sauvé, il traverse du côté de la police, tous ceux que vous avez laissés derrière vous, nos gens, sont en vie?

Yasmin Porat : Ils restent exactement dans la même situation, ils sont tous vivants. Vous savez, je n’ai pas compté. Si vous aviez environ 40 terroristes, vous vous retrouvez toujours avec 40 terroristes, car sur 40, un seul s’est rendu. Cela ne change donc pas le rapport de force. Vous restez dans la même situation.

Kalman Liebskind : Mais il  y avait environ 15 de nos gens.

Yasmin Porat : Génial. Alors maintenant, ils sont 14 avec 39 terroristes, seul deux personnes sont parties. Et il y avait beaucoup de monde. Et puis je traverse vers la police. Et tout de suite je leur dis que je peux parler et qu’ils peuvent m’interroger et me demander tout ce qu’ils veulent. En fait je me suis assis là avec le commandant de l’unité, et je lui décris à quoi ressemble la maison et où se trouvent les terroristes et où se trouvent les otages. En fait, je dessine pour lui : "Regardez, ici, sur la pelouse, il y a quatre otages qui gisent ainsi sur la pelouse. En voici deux qui sont allongés sous la terrasse. Et dans le salon, il y a une femme allongée comme ça, et une femme allongée comme ça." Et je leur parle des jumeaux [Yanai et Liel Hatsroni] et de leur tante [Ayala Hatsroni], je ne les ai pas vus. Vous savez quoi, vraiment, quand je pars, ce sont les seuls que je ne vois pas. J’ai entendu Liel tout le temps, donc je sais avec certitude qu’ils étaient là. Je crois qu’ils étaient à ma gauche – peux importe. J’ai essayé de leur expliquer que c’est de quelque part près de la cuisine que j’ai entendu les cris venir. Je ne la vois pas, mais je l’entends, et j’entends d’où viennent les cris. J’ai essayé de leur expliquer où se trouvaient tous les otages. Manifestement, il y avait plus de terroristes dans la maison que d’otages. Les terroristes étaient dans le local sécurisé renforcé, ils étaient dans la salle de bain, ils étaient répartis sous toute la terrasse, sous une fenêtre du salon qui offrait une protection. Il y avait une fenêtre qui protégeait de balles, donc de nombreux terroristes étaient assis dessous. Disons qu’ils ont saisi les meilleurs endroits pour se cacher.

Je reste là pendant ces trois heures, ils m’interrogent au moins trois à quatre fois pour comprendre à quoi ressemble la maison et quoi faire, et combien il y a d’otages. Et vous voyez qu’ils n’en comprennent tout simplement pas l’ampleur. La première fois que je leur dis qu’il y a une quarantaine de terroristes, ils me disent : "Ce n’est pas possible. On dirait que vous exagérez." Ils ne le disent pas [comme ça]. Je leur dis, "Regardez-nous, nous sommes quarante". "Ils sont plus nombreux que vous." Ils ne m’ont pas cru! Notre armée était également encore naïve.

Kalman Liebskind : Donc même à ce stade, la police n’avait pas pris la mesure de l’ampleur de l’évènement.

Yasmin Porat : Elle n’a pas saisi l’ampleur de l’évènement. Quand je dis 40, ils pensent que j’exagère peut-être un peu, que je suis hystérique.

Asaf Liberman : Wow.

Yasmin Porat : C’est ça. Et maintenant je vous amène vers une petit part du témoignage de Hadas Dagan. Ce n’était pas un témoignage, je veux dire que je lui ai parlé personnellement, pour comprendre ce qui était arrivé à mon partenaire. Parce qu’à la fin, il a été tué à côté d’elle, et je voulais comprendre. Et puis, à travers cette histoire, j’ai aussi entendu la réponse à propos de Liel, plus ou moins. En tout cas, je pars. Comprenez, tous [les autres] restent là. Une bataille a lieu. Maintenant ils connaissent plus de détails que moi. Et la bataille ne finit pas. Il y a eu des tentatives de négociation. Même ce terroriste qui s’est rendu a parlé au mégaphone avec ses amis, pour essayer de les convaincre peut-être.

Kalman Liebskind : Pour la police [israélienne], cette fois.

Yasmin Porat : Oui, pour la police [israélienne], il parle au mégaphone en arabe, tout nu. Il leur crie dessus. C’était vraiment… Vous savez. Et ils ne sont pas convaincus.

Kalman Liebskind : Puis-je dire quelque chose ici entre parenthèses, Yasmin? Nous devons supposer que si ce large groupe qui était avec vous, ce groupe de terroristes, avait su à quel point sa position était bonne dans le kibboutz – si c’était ailleurs dans le kibboutz, cette histoire se serait terminée différemment, n’est-ce pas?

[Il pose ainsi la question du cours que les évènements auraient pris si les soldats du Hamas serait repartis plus tôt vers Gaza au lieu de rester retranchés dans cette maison.]

Yasmin Porat : Vous voulez dire s’ils avaient su…

Kalman Liebskind : Qu’ils auraient pu simplement vous prendre et vous kidnapper!

Yasmin Porat : Ah oui, oui, oui.

Kalman Liebskind : Ils n’ont pas besoin de négocier avec qui que ce soit, ils n’ont pas besoin d’appeler la police au 100. Rien!

Yasmin Porat : Regardez, le premier… Aujourd’hui, nous voyons toute l’histoire du kidnapping. Vous voyez que la plupart des enlèvements ont eu lieu le matin, à 10, 11, 12 heures. Vers 15 heures, comme tout citoyen [israélien] le pouvait, ils pensent que l’armée est déjà partout. Ils auraient pu partir avec nous 10 fois. Mais ils ne croyaient pas que c’était la situation, alors ils ont demandé à appeler la police. Quoi qu’il en soit, je vais résumer pour vous. Pendant encore trois heures, j’assiste à une bataille très intense. Mais maintenant, je suis du côté des bons, soi-disant. Mais tout le monde est sous des tirs croisés très, très intenses, avec des terroristes qui, d’après ce que j’ai compris, ne coopéraient pas et disaient : "si vous ne nous laissez pas repartir vivants, alors tout le monde mourra". Et à un moment donné, un char arrive en face de la maison. Je pense qu’il était 19h ou 19h30. Comprenez, c’était encore l’heure d’été et il commençait à faire nuit. Et je me suis demandé, pourquoi ils tirent des obus de char sur la maison. Et j’ai demandé à l’une des personnes qui étaient avec moi : pourquoi tirent-ils? Alors ils m’ont expliqué que c’était pour briser les murs, afin de contribuer à purifier la maison[4]. Je vais maintenant revenir un peu sur ma conversation avec Hadas. Je connais Hadas Dagan, qui, comme je l’ai expliqué, était l’une des quatre personnes allongées dehors les unes à côté des autres. Et deux autres étaient allongées sous la terrasse.

Kalman Liebskind : Je vous rappelle que Hadas était la maitresse de la maison [où ils ont été capturés par des combattants du Hamas].

Yasmin Porat : Oui. La maitresse de la maison, Hadas Dagan. Elle pense qu’il y a eu deux booms. Je sais que ce sont là les deux obus tirés par le char. Elle ne le savait même pas, car encore une fois, ils ne voient rien. Ils sont à plat sur le sol. Elle m’a dit en ces mots : "Yasmin, quand les deux gros booms ont fait impact, j’ai eu l’impression de voler dans les airs." Elle avait la sensation qu’elle était morte et qu’elle revenait à la vie. Brièvement, elle a l’impression d’avoir volé dans les airs et d’atterrir, même si je ne pense pas que cela se soit produit. Elle m’a dit : "Il m’a fallu 2-3 minutes pour ouvrir les yeux, je ne sentais pas mon corps. J’étais complètement paralysée. Quand j’ai ouvert les yeux, j’ai vu que mon Adi [Dagan] était en train de mourir. Son artère principale a été coupée et il saigne partout. Elle me dit qu’elle a mis son pouce sur son artère principale, mais qu’il était déjà mort. Et puis elle m’a dit : "Ton Tal aussi a arrêté de bouger à ce moment-là", parce qu’ils gisaient de chaque côté d’elle. Aujourd’hui, je crois qu’ils étaient pour elle des boucliers humains, naturellement. C’étaient deux grands gars et elle est une petite femme. Ils étaient allongés à ses côtés, et ils ont juste…

Asaf Liberman : Yasmin, il y a deux choses qui nécessitent une clarification pour l’un moment.

Yasmin Porat : Ouais.

Asaf Liberman : À quelle étape et comment sont morts tous les otages encore détenus dans la maison? Et comment Hadas s’en sort-elle vivant?

Yasmin Porat : Exact.

Kalman Liebskind : La seule. Il faut dire que de tout cet évènement, seules vous et Hadas êtes sorties vivantes.

Yasmin Porat : Vrai. Comprenez tout l’incident – je suis partie de là à 20h30. Je sors [de la maison], à 17h30 je suis avec la police. Et je reste jusqu’à 20h30 alors qu’il y a une folle bataille. Des heures de bataille entre les deux camps. Ils sont tous là! Comprenez. Il y avait 4 personnes allongées les unes à côté des autres sur la pelouse du jardin. Ils sont donc toujours là, exposées vulnérables aux centaines de milliers de balles et d’éclats d’obus en l’air. Il n’y a aucun moyen d’éviter les dommages qui en résultent. Pour vous dire finalement qui est mort par la balle de qui? Il n’y a aucun moyen de le savoir. C’était dû à des tirs croisés. Selon ce que je comprends. Parce que Hadas s’en est sortie vivante. Et elle dit qu’il n’y a pas eu d’exécutions, ou quoi que ce soit de ce genre. Du moins, pas les gens qui l’accompagnaient. Parce qu’elle me dit qu’après s’être reprise des deux explosions, elle a levé la tête, ou quelque chose comme ça, elle a senti que son mari saignait sur elle. Elle était couverte de son sang. Je l’ai également rencontrée par la suite. Et elle m’a aussi dit que mon Tal qui était allongé – il avait arrêté de bouger à ce moment-là. Et puis, comme je me souviens, elle me dit ceci, elle me dit : "La fille [Liel] n’a pas arrêté de crier pendant toutes ces heures. Elle n’arrêtait pas de crier. Alors j’ai dit : "Je me souviens, quand j’étais là pendant la première heure, elle n’arrêtait pas de crier." Et puis elle m’a dit : "Yasmin, quand ces deux obus ont touché, elle a arrêté de crier. Il y eut alors un silence." Alors qu’en retirez-vous? Qu’après cet incident très massif, la fusillade, qui s’est terminée par deux obus, c’est autour de ce moment-là que tout le monde est mort. C’est du moins ce que je sais de ma conversation avec Hadas, qui le décrit. Et elle, pour une certaine raison, peut-être parce qu’elle est une petite femme, et que tous les éclats d’obus ont volé sur son mari et mon partenaire, d’une manière ou d’une autre, elle – écoutez, elle n’avait pas l’air normale quand elle est sortie. Elle avait l’air – je l’ai rencontrée le matin, et si vous aviez vu à quoi elle ressemblait le soir, ce n’est pas la même personne. Mais d’une manière ou d’une autre, elle a survécu. Aucun éclat d’obus ne l’a touchée. Elle a également été touchée par des éclats d’obus, mais aucun éclat d’obus ne l’a touchée là où –

Asaf Liberman : Donc tous les terroristes ont été simplement tués là-bas ?

Yasmin Porat : Ils ont tous été tués. Tous les otages et tous les terroristes. Une maison pleine de corps. Comprenez…

Asaf Liberman : Et Hadas d’une manière ou d’une autre…

Yasmin Porat : D’une manière ou d’une autre, malgré tous ces tueries, c’est comme si Dieu voulait qu’elle soit avec nous et l’ait sauvée. Elle s’en va quittant tout cet enfer. Quand je l’ai vue, elle était… comprenez, quand je l’ai rencontrée le matin, elle était bien habillée, ses cheveux étaient peignés, vous savez, une personne normale. Quand elle est sortie de là, tous ses cheveux étaient hérissés, pleins de poussière.

Asaf Liberman : Comprenez-vous pourquoi il n’y a eu aucun constat que Liel était mort, jusqu’à hier?

Yasmin Porat : J’ai compris qu’à ce jour, ils n’ont retrouvé aucun de ses restes. Je pense que certains des explosifs là-bas, ils ont lancé des grenades et – je ne connais pas grand-chose en munitions. Certaines étaient plus grosses que des balles de fusil. Je sais qu’ils prennent feu – et je vois aussi maintenant sur les photos qu’une partie de la maison est incendiée. La maison de Hadas et Adi n’existe plus. Je ne sais pas comment c’est arrivé. Je ne peux pas décrire à quoi ressemblent ces maisons. D’accord, vous le voyez. Si vous me le demandez, j’estime que, d’après ce qui s’est passé dans d’autres maisons, elle [Liel] a apparemment complètement brulée. Elle n’a pas fui de là. Ils ne l’ont pas kidnappée. Je vous le dis, ils ne sont pas sortis de là. Ce n’était plus la scène où tout le monde serait sorti de là. Non. Nous parlons de 20h30, obscurité totale, la maison est incendiée, pleine de – à ce moment-là, il y avait beaucoup d’armée là-bas. YAMAM et MATKAL[5] et ils ont encerclé la maison. Cela signifie que Liel n’aurait pas pu sortir de là. Et Hadas, qui était là pendant les quatre heures de la bataille, se souvient qu’elle n’arrêtait pas de crier, la fille [Liel]. Et soudain, elle s’arrête.

Asaf Liberman : D’accord.

Kalman Liebskind : Yasmin Porat. Yasmin, merci beaucoup pour le…

Yasmin Porat : Merci à vous.

Kalman Liebskind : – pour avoir partagé avec nous cette histoire vraiment folle.

Yasmin Porat : [Soupirs]. Oui. Merci, et puissions-nous seulement connaitre des jours meilleurs.

Kalman Liebskind : Seulement des jours meilleurs.

Asaf Liberman : Merci Yasmin. Merci beaucoup.

 

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On peut tirer de ce récit les éléments essentiels concernant la mort de Liel.

"Je sors [de la maison], à 17h30 je suis avec la police. Et je reste jusqu’à 20h30 alors qu’il y a une folle bataille." "Hadas […] dit qu’il n’y a pas eu d’exécutions, ou quoi que ce soit de ce genre. Du moins, pas les gens qui l’accompagnaient." […] "Elle me dit : “La fille [Liel] n’a pas arrêté de crier pendant toutes ces heures.”" […] "Et puis elle m’a dit : “Yasmin, quand ces deux obus ont touché, elle [Liel] a arrêté de crier. Il y eut alors un silence.”" […] "Après cet incident très massif, la fusillade, qui s’est terminée par deux obus, c’est autour de ce moment-là que tout le monde est mort."

"Et je me suis demandé, pourquoi ils tirent des obus de char sur la maison. Et j’ai demandé à l’une des personnes qui étaient avec moi : pourquoi tirent-ils? Alors ils m’ont expliqué que c’était pour briser les murs, afin de contribuer à purifier la maison."

Pourtant, les autorités sionistes persistent à débiter la rhétorique préétablie. Ainsi Naftali Bennett, qui était Premier ministre de juin 2021 à juin 2022, publie le 14 novembre un message sur X/Twitter[6] :

 

Liel Hetzroni, 12 ans, du kibboutz Beeri, a été assassinée chez elle par des monstres du Hamas le 7 octobre.

Son corps est désormais identifié.

Son frère et son grand-père ont également été assassinés.

Regardez son doux sourire.

Liel n’a fait de mal à personne.

Elle a été assassinée simplement parce qu’elle est juive.

Nous menons la guerre la plus juste : pour garantir que cela ne puisse plus jamais se reproduire.

Personne ne devrait nous demander d’arrêter, et nous ne le ferons pas non plus, avant d’avoir atteint cet objectif.

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Novembre 2023

 



[1]. Ce type d’évènements avait été importé en Israël des plages de Goa, en Inde, dans les années 1990. En hébreu, ils sont surnommés "fêtes nature".

[2]. L’Unité centrale spéciale pour la guerre antiterroriste (initiales YMM, acronyme YAMAM) a été créée en 1974. Elle fait partie de la Police israélienne et est subordonnée au Commandement général de la Police des frontières.

Le 16 mars 2023, quatre agents infiltrés du YAMAM, soutenus par les renseignements du Shin Bet, l’agence de renseignement israélienne, ont mené une attaque en plein jour au milieu d’une rue résidentielle de Jénine, ciblant et tuant deux hommes palestiniens, Nidal Khazem, 28 ans, et Yousef Shreim, 29 ans, qui auraient été impliqués dans des attaques contre des soldats israéliens. En plus des deux cibles, des agents israéliens ont tué Omar Awadin, 14 ans, et un autre civil, Luay Al-Zughair, qui ont tous deux été abattus lorsque les agents israéliens ont tiré en direction des cibles dans la rue bondée. Des séquences vidéo montrent que Khazem a été touché par la première grêle de balles, tandis que Shreim a réussi à s’enfuir avant que les agents du YAMAM ne lui tirent dessus et ne le tuent. Des séquences vidéo montrent ensuite un agent israélien tirant à bout portant sur Khazem dans la tête alors qu’il était déjà allongé face contre terre, un cas évident d’exécution extrajudiciaire.

[3]. Source : The electronic Intifada, 25/11/2023 (l’entretien est en hébreux, la transcription présentée par The electronic Intifada est en anglais, nous l’avons traduite en français).

https://electronicintifada.net/content/israeli-child-burned-completely-israeli-tank-fire-kibbutz/41706

[4]. Le terme "purifier" renvoie aux écrits bibliques. Dans le troisième des cinq livres de la Torah, intitulé "Livre du Lévitique", il est écrit :

Le Seigneur parla à Moïse et à Aaron, et leur dit : "Lorsque vous serez entrés dans le pays de Canaan que je vous donne en propriété, si je mets une tache de lèpre dans une maison de ce pays dont vous avez la propriété, le maitre de la maison ira annoncer au prêtre : “Il me semble qu’il y a comme une tache dans ma maison.” Avant que le prêtre entre pour examiner la tache, il ordonnera de vider la maison, afin que rien de ce qui s’y trouve ne devienne impur. […] Si la tache prolifère à nouveau dans la maison le prêtre entrera pour l’examiner et, s’il constate que la tache s’est étendue, c’est une lèpre maligne dans la maison; celle-ci est impure. On démolira la maison, ses pierres, sa charpente et tout le crépi; on portera le tout hors de la ville dans un lieu impur.

[https://www.aelf.org/bible/Lv/14]

[5]. Sayeret Matkal (ce qui signifie "Forces d’élite") est une unité de l’armée israélienne. Elle est chargée d’effectuer des reconnaissances derrière les lignes ennemies, et également de la lutte contre le terrorisme ainsi que du sauvetage des otages au-delà des frontières israéliennes.

[6]https://twitter.com/naftalibennett/status/1724419046123164135