Premiers enseignements de la lutte contre la loi Travail
La lutte contre la loi El Khomri a démarré difficilement mais s’est maintenue sur une base régulière, dans la continuité. Au‑delà des faiblesses du mouvement, la construction de lieux de débats (comme Nuit Debout), la richesse des débats dans le mouvement, l’existence d’un collectif Stop État d’urgence, la construction du comité anti‑guerre, tout cela montre que le "mouvement social" cherche une nouvelle issue pour vaincre la politique du capital. Ce contexte social émerge depuis le début de l’année. En février par exemple, la manifestation contre l’état d’urgence avait été plus importante que celle des salariés territoriaux et d’État qui se déroulait la même semaine.
Il est important d’analyser ce dynamisme, cette recherche d’issues nouvelles pour le mouvement face à la politique du capital.
La situation politique face au mouvement El Khomri
Les médias et les intellectuels de la bourgeoisie évoquent les points faibles du mouvement. Cependant, c’est ce mouvement soi‑disant "faible" qui divise le camp de la bourgeoisie !
Le PS est très divisé. Même si ce parti est parvenu à un compromis de dernière minute en son sein puisque les frondeurs n’ont pas voté la censure du gouvernement, le renforcement de la lutte des classes actuellement a joué un rôle essentiel dans sa division. Une rupture se crée entre les masses et le PS. À ce titre, le congrès de la CGT a été un miroir du début de rupture avec la "gauche de gouvernement". La prise de conscience de l’impasse du réformisme progresse.
La droite aussi est en conflit. Elle se ridiculise par ses manœuvres bassement politiciennes. Au départ pour la réforme, elle se retrouve "contre" avec le Medef car la loi ne serait pas assez libérale. Bien sûr il s’agit d’une surenchère politicienne face à un gouvernement en difficulté devant le mouvement social.
Comme d’habitude lorsqu’il se produit d’importants mouvements ouvriers, le FN disparait de la scène. On n’en entend plus parler. Et même si les médias nous ont arrosés de la bisbille de papa et de sa fille Marine pour tenter d’éclipser les manifestations du 1er mai, la feinte médiatique n’a pas prise.
Quant au PCF et au PG, politiquement, ils ont été absents et se sont contentés d’un accompagnement du mouvement. Ils trainent derrière le mouvement. Ils n’offrent pas de perspectives politiques à ce mouvement.
Le retour de la classe ouvrière dans l’histoire
Les intellectuels de la bourgeoisie clamaient depuis les années 90 la disparition définitive de la classe ouvrière. Ce mouvement leur offre un démenti concret. La lutte de la classe ouvrière, avec ses moyens, ses méthodes de luttes, existe. Certes, cette lutte reste encore spontanée, idéologiquement influencée par les fausses solutions réformistes, cependant les ouvriers se défendent face aux attaques de classe du gouvernement.
La classe ouvrière, dans cette lutte, montre le dynamisme qui existe dans la société même si elle n’a pas réussi à mobiliser toutes les couches opprimées derrière elle. La force de classe, on l’a vu dans le mouvement, est encore et toujours liée à la production. Les blocages économiques des raffineries, des lieux de production et de communication stratégiques, l’attaque des piquets de grèves par la police nationale, "milice du capital", montrent que les travailleurs s’en prennent justement à ce qui fait mal à la bourgeoisie : le profit. C’est par ces méthodes que le mouvement peut gagner.
Toutes les critiques contre les syndicats sont à double tranchant. Ceux qui critiquent les syndicats présentent leur méfiance mais en même temps aimeraient pouvoir utiliser la force de la classe ouvrière car sans elle, le mouvement n’est rien. Mais d’où vient la force de la classe si ce n’est en grande partie par le biais de l’organisation dans les syndicats?
C’est la première fois qu’un mouvement de cette ampleur se déroule durant un gouvernement dit de gauche. Ce mouvement a pris une dimension politique car il organise autour de son mot d’ordre de retrait de la loi travail, il organise des convergences avec les jeunes, d’autres couches sociales, la lutte contre l’état d’urgence et la guerre. Ce mouvement commence à briser les illusions réformistes, notamment au sein de la CGT.
Progrès et faiblesses de nos organisations
Les communistes ne doivent compter que sur eux‑mêmes et la classe ouvrière. La révolution n’est ni un seul acte, ni un coup d’État, ni le fait d’une poignée qui va trainer la classe ouvrière derrière elle. C’est ce qu’on entend souvent par ceux qui n’ont pas confiance dans la classe. Ils en rajoutent sur les mouvements : "le mouvement de 1995 est spontanéiste", "la lutte de 2010 est un échec et on a perdu à cause de la confédération". Certes, la direction de tel ou tel syndicat a des responsabilités. Mais, l’erreur principale de 2010 fut d’essayer de sauver l’unité intersyndicale en sacrifiant la revendication principale.
Dans la lutte contre El Khomri, dès le début, le mouvement s’est opposé à l’unité à n’importe quel prix. La CGT a été obligée de corriger sa position initiale avec la CFDT car elle était sous le feu des critiques de diverses fédérations et UDs. Les syndicats de bases (UD, UL, syndicats d’entreprises) ont joué un rôle important dans ce mouvement. Ils ont interpelé les directions confédérales pour pousser le mouvement en avant. La pression des congressistes de la CGT au 51e Congrès est aussi significative.
Tous ces éléments montrent que la lutte va se développer. La classe ouvrière est désorganisée face à la nouvelle réorganisation du capitalisme depuis 30‑40 ans. Certaines formes et modes d’organisation ne sont plus adaptés. Un exemple : Au moment où on a plus que jamais besoin des UL et des UD au sein de la CGT, le congrès crée le statut d’adhérent national ce qui a pour conséquence d’affaiblir ces institutions importantes que sont les ULs et UDs. Aussi, on ne cherche pas à créer les liens, à créer d’autres formes pour organiser tous les travailleurs sur un même site, chantier, usine ‑ qu’ils soient intérimaires, sous-traitants, cotraitants, salariés détachés, etc.
Critiques de certaines conceptions du mouvement
Nombreux sont ceux qui mettent en avant l’idée de "grève générale" dans le mouvement. Cette conception est souvent portée par les couches petites-bourgeoises qui n’ont pas confiance dans la capacité de la classe ouvrière d’organiser la lutte. D’ailleurs, la plupart ne savent pas ce qu’est une grève. Ils ne veulent pas d’organisation mais pourtant voudraient gagner la lutte d’un seul coup. C’est contradictoire. Comment peut‑on gagner contre l’organisation capitaliste (politique, économique, médiatique…) sans développer des organisations de lutte? Au nom du rejet de la politique politicienne, certains courants propagent la dépolitisation. Ils empêchent la revendication principale de la classe ouvrière et ses mots d’ordres mobilisateurs de se propager. Avec ces conceptions, tout est fait pour que la classe ouvrière reste désarmée. Sans construire une organisation qui corresponde aux nécessités de la lutte, il sera impossible de vaincre le capital.
Toutes ces attitudes, ces problèmes sont connus des marxistes-léninistes. Ces couches petites bourgeoises contestataires du capitalisme disent faire la révolution. Elles en raccourcissent le chemin. Dans la révolution, il y a un rôle important pour la volonté mais la révolution n’a rien à voir avec du volontarisme. C’est une grande maladie qui pèse sur le mouvement mais le danger principal reste aussi le réformisme. Pour cette raison, les communistes ne vont pas perdre leur temps avec la critique pour la critique, concernant le réformisme. Le devoir essentiel des communistes est de construire l’organisation communiste et comme disait Marx, aider la classe ouvrière à s’organiser. Si les communistes critiquent ces courants, c’est pour nettoyer le chemin de la construction du parti, c’est‑à‑dire lever les illusions réformistes chez les éléments avancés de la classe ouvrière.
Aujourd’hui, la classe ouvrière balance entre l’envie de lutter et le manque de confiance en elle-même à cause de sa faiblesse et certains échecs qu’elle a pu avoir dans le passé. C’est logique, la classe ouvrière n’aime pas l’aventurisme. Même si les organisations sont faibles aujourd’hui, n’oublions pas qu’il y a tout de même eu plus d’un siècle de continuité et d’expériences de la classe ouvrière, notamment avec la CGT. Attaquer ce syndicat, comme l’ont fait des autonomes dans le mouvement actuel, c’est affaiblir la classe, devenir des ennemis des travailleurs.
Le rôle des communistes est donc de chercher le dynamisme pour avancer, pour gagner la lutte. Ce dynamisme est dans la lutte, présent tous les jours. Aucune guerre, aucune lutte n’a été gagnée avec une seule bataille. Quand la lutte se prolonge dans la durée, c’est une torture permanente pour les petits bourgeois.
Le mouvement actuel montre aux communistes que pousser à la lutte par la violence, chercher des formes de luttes folkloriques est inefficace. Il existe mille moyens de mener la lutte de classe : dans la classe ouvrière, les jeunes, les chômeurs, les retraités, les immigrés, etc. Si on n’arrive pas à trouver les formes de luttes adaptées, c’est qu’on ne connait pas assez la société capitaliste.
Un dernier point. Quand le mouvement ouvrier prend de l’ampleur, certains communistes se réveillent et disent qu’il faut l’unité des communistes. Oui, mais malheureusement, ce n’est pas comme cela que ça marche. L’unité communiste ne sera pas une fusion dans la spontanéité ni une simple affaire pratique. L’unité des communistes est avant tout un travail permanent théorique, politique et surtout idéologique. Les communistes doivent faciliter la lutte de classe de la classe ouvrière et des couches opprimés en distinguant la ligne prolétarienne juste des illusions réformistes. Nous marxistes-léninistes du ROCML ne sommes pas contre l’unité des communistes. Nous nous unirons avec les communistes qui participent à développer la lutte de classe et la révolution pour renverser la dictature de la bourgeoisie.