La classe capitaliste est confrontée à la crise économique
La classe ouvrière doit affronter le pouvoir de la bourgeoisie
LA VOIX DES COMMUNISTES, no 28, 1er semestre 2021 – p. 24-33
Avant l’irruption de la pandémie due au coronavirus, le capitalisme mondial se trouvait depuis des années en un état proche de la stagnation. Effectuant un regard en arrière, on peut constater qu’à partir de 1977 le taux annuel de croissance de l’économie mondiale, mesurée selon l’indicateur statistique dit "produit intérieur brut" (PIB), ne dépassait pas 4,7 %, qu’avec la crise de 2008 ce taux chutait de 4,324 % en 2007 à 1,853 % en 2008 et à -1,674 % en 2009, et qu’après avoir retrouvé une valeur de 4,301 % en 2010, il a évolué entre environ 2,5 % et 3,3 %. En 2019 le taux de croissance était de 2,475 % [1].
En 2020, à cette situation s’est superposé l’effet du coronavirus. En lui-même, cet évènement est de nature tout à fait différente par rapport aux crises économiques qui affectent régulièrement l’économie dans le cadre des rapports de production capitalistes. Mais, étant donné que la valeur des produits-marchandises a pour source le travail humain, la propagation de la maladie et les mesures qu’il a fallu prendre tant bien que mal ont engendré les mêmes facteurs de perturbation de l’économie et ont ainsi considérablement accentué les manifestations des maux qui étaient déjà à l’œuvre auparavant. En 2020, le PIB mondial subit une chute d’environ 4 %, et pour la suite les prévisions sont diverses et incertaines, mais ne vont guère au-delà d’un retour à la situation d’avant 2020.
Ainsi nous subissons les phénomènes "habituels" dans ces circonstances, de façon particulièrement sévère : dégradation générale des conditions de travail et de vie, chômage, pauvreté, exploitation poussée à l’extrême des personnes en situation précaire. Dans un premier temps les capitalistes se laissaient guider par l’espoir de pouvoir faire comme si de rien n’était. Mais face à l’évidence ils ont quand-même été contraints de tenir compte, dans une certaine mesure, des réalités. Le gouvernement a assumé les tâches qui lui incombent naturellement, du fait qu’il représente le pouvoir de la bourgeoisie : il a organisé la mise en œuvre de mesures appropriées, censées, à la fois, parer au plus urgent en matière d’endiguement de l’épidémie et soutenir au mieux la "reprise" de l’économie de façon à revigorer la génération de bénéfices pour les capitalistes.
En période de crise le capital souffre des conséquences qui résultent des contradictions inhérentes aux rapports de production capitalistes. Les capitalistes ne peuvent pas éliminer ces contradictions, puisqu’elles sont indissolublement liées à l’existence de deux classes opposées, la classe ouvrière et la classe capitaliste. Quant à l’épidémie du coronavirus, le capital en souffre au même titre, puisque les effets concrets se confondent avec celles d’une crise "normale". Précisons que nous parlons du capital au sens général, comme forme de mise en œuvre des moyens de production en tant que propriété privée. En ce qui concerne les propriétaires – les capitalistes individuels -, ils "souffrent" à des degrés divers; pour les plus importants – et pour les dé- brouillards à tous les niveaux -, leur bonheur peut même rester plus ou moins intact.
Cette superposition entre deux facteurs – une crise économique ordinaire, et la mise en sommeil à de degrés différenciés de l’économie due à des facteurs extérieurs à celle-ci – donne lieu à quelques phénomènes particuliers. Il est certain que dans ce contexte les employeurs ont constamment agi pour limiter les mesures ayant un impact négatif sur les bénéfices des entreprises. Et il est vrai aussi que les capitalistes peuvent trouver que, sous certains aspects, les conséquences de l’épidémie génèrent des circonstances favorables. Mais il serait erroné d’insinuer que les responsables politiques et économiques – gouvernements et institutions nationales, organismes internationaux – auraient délibérément favorisé la propagation du coronavirus pour pouvoir "justifier" des modifications structurelles qui paraissaient souhaitables aux fractions dominantes du capital, dans le but de remédier aux difficultés économiques qui prévalent depuis des années. Voici quelques cas de figure pour illustrer la variété des situations.
General Electric
dans le domaine de l’énergie, en France
En novembre 2015, General Electric (GE) a intégré les activités d’Alstom dans le domaine de l’énergie. Dès lors, le groupe disposait dans ce secteur de 126.000 employés, dont 65.000 venant d’Alstom. Pour la France GE compte alors un effectif global de 16.000 dont un peu moins de 9.000 pour l’énergie. L’accord déterminant les modalités de cette opération incluait l’engagement à la création de 1.000 emplois net en France. Mais un revirement n’a pas tardé à se produire. En janvier 2016 GE annonce la décision, toujours concernant l’énergie, de supprimer 6.500 emplois en Europe. Pour la France il s’agit de 765 postes, en Allemagne d’environ 1.700, et d’environ 1.400 en Suisse. Globalement dans le monde environ 10.000 suppressions de postes sont planifiées. La direction estime pouvoir atteindre une réduction des couts structurels d’un milliard de dollars en 2018.
Ces mesures sont mises en œuvre au cours des années 2016-2017. En 2018 un nouveau plan portant en France sur plusieurs centaines de suppressions de postes est lancé. Le 1er janvier 2019 GE, qui n’a pas créé les emplois prévus, a dû payer une compensation de 50 millions d’euros au gouvernement français. En septembre 2019, une annonce chiffre des suppressions d’emplois à venir à 1.225 dans le monde, dont plus de 600 en France. En octobre un accord est conclu pour le site de Belfort où GE emploie 4.300 salariés, dont 1.570 dans l’entité "Steam Power" (ex "Alstom Power"), laquelle fabrique des alternateurs et turbines à vapeur pour centrales nucléaires/centrales à charbon. Il prévoit pour cette dernière entité la suppression de 307 postes de là à la fin 2020.
Un récapitulatif effectué en novembre 2020 par le secrétaire adjoint du comité de groupe présente les données suivantes [2]. Fin 2014, GE employait 11.000 personnes, Alstom Énergie 9.000; par la suite 4.000 salariés sont sortis du groupe avec la vente des activités de GE Capital et GE Oil & Gas; six ans plus tard, l’effectif n’est plus que de 13.000.
Toutes les restructurations mentionnées ci-dessus ont été effectuées ou du moins planifiées et validées en dehors de la période actuelle marquée par l’épidémie du coronavirus. Puis fin mai 2020 de nouveau, dans le cadre d’un plan de restructuration de ses activités en Europe, le groupe GE annonce des réductions d’effectifs. Des négociations à ce sujet se déroulent en décembre. Notamment GE projette une réorganisation de son entité GE Steam Power en Europe. Il en sera question plus loin. Dans l’ensemble, en ce qui concerne les activités dans domaine de l’énergie, autant les mesures récentes comme celles mises en œuvre depuis 2015 constituent une tentative de remédier aux difficultés résultant pour GE de la "conjoncture" défavorable sur ce "marché". Il n’y a pas d’éléments qu’on pourrait interpréter dans le sens que la gestion de la pandémie par le recours à des "plans de relance" massifs et autres mesures de soutien aurait déterminé les décisions prises. Et malgré certains progrès dans le sens voulu rien n’indique que GE pourrait prochainement "grâce à la pandémie" retrouver la "bonne santé" à laquelle aspirent les capitalistes.
Le secteur de l’ habillement
Selon l’Institut français de la mode (IFM), le marché de la mode a perdu 15 % de sa valeur depuis 2008. Les acteurs du milieu de gamme ont subi une baisse de leurs ventes de 5 % par an depuis 10 ans du fait de l’érosion du trafic dans les boutiques et de la pression concurrentielle. Seuls les très grands acteurs du secteur parviennent à faire face. Ainsi pour les cinq premiers mois de l’année 2020, les chiffres d’affaires des distributeurs (hors vente à distance) ont accusé un retrait de 29,6 % par rapport à la même période de 2019. Selon la Direction générale des entreprises, le secteur de la mode et du luxe, en y intégrant les produits de beauté et de maroquinerie, représente plus que "l’aéronautique et la construction automobile réunis" avec un chiffre d’affaires atteignant les 150 milliards d’euros. Les chaines de vêtements qui faisaient travailler 180.000 personnes ont perdu plus de 4.000 emplois en France entre avril et octobre 2020 [3].
Les deux grandes marques de l’habillement sont le groupe suédois H&M et le groupe espagnol Inditex (principale marque Zara). D’avril à juin plusieurs enseignes ont été placées en redressement judiciaire : André; Naf Naf et La Halle; Camaïeu. En juin, Célio est placée en procédure de sauvegarde. Malgré cette difficile situation, le secteur n’a pas obtenu de prêt garanti par l’État (PGE). "Bercy a fait le choix de l’industrie, en soutenant Renault, Air France, l’aéronautique. Pas celui du commerce. Cette absence de soutien nous achève", dénonce Yohann Petiot, directeur général de la fédération Alliance du commerce [4].
En juin Naf Naf est reprise par le groupe industriel Sy Corporate France. En juillet, le groupe Beaumanoir, propriétaire des marques Morgan, Cache Cache, Bonobo, reprend la quasi-totalité de l’activité mode de La Halle. En aout, Camaïeu trouve un repreneur, la société Financière Immobilière Bordelaise (FIB). En octobre Célio, toujours en procédure de sauvegarde, présente un plan de rationalisation. Toutes ces opérations impliquent des fermetures de nombreux magasins ainsi que des réductions d’effectifs considérables.
Pour résumer, on peut constater que dans le secteur traité ici, l’épidémie a opportunément précipité des restructurations qui tardaient à être mises en œuvre auparavant, et qu’en l’occurrence le gouvernement, en toute connaissance de cause, a fait le choix de s’abstenir à modifier le cours des évènements.
Commerçants
L’Alliance du commerce représente 450 enseignes et 27.000 points de vente dont les grands magasins, correspondant à plus de trois millions d’emplois et 10 % à 15 % de la valeur ajoutée créée dans le pays [5]. La question du commerce a suscité des remous considérables, notamment à cause du clivage entre les "petits commerces" et la grande distribution. Le sentiment qui plane depuis longtemps au sujet de la disparition progressive du commerce individuel de proximité s’est trouvé accentué. Cette tendance est un fait, mais il ne s’agit pas d’une "mise à mort" qui ciblerait délibérément et sélectivement les petits commerces.
Dans le cadre des politiques économiques que peuvent mettre en œuvre les gouvernements au service du capital pour stimuler l’économie, se présente une alternative entre une "relance" soit "par l’offre" soit "par la demande". La relance de la consommation consisterait à assurer à la grande masse de la population, d’une manière ou d’une autre, un pouvoir d’achat à hauteur de ce qui est nécessaire pour créer les débouchés qui permettent aux entreprises de produire en étant "rentables". Actuellement le gouvernement privilégie la relance par l’offre : il s’agit de soutenir les entreprises pour qu’elles puissent éviter la paralysie et reprendre au mieux le chemin de la production à plein régime; de ce point de vue, la question des débouchés n’est pas abordée explicitement. Le point de départ de la situation actuelle était marqué par des restrictions imposées aux processus de production pour des raisons "indépendantes de la volonté" des entrepreneurs. Du point de vue des économistes bourgeois le choix de la relance par l’offre n’est donc pas dépourvu de logique, mais elle implique toutes sortes d’effets "collatéraux".
Notamment il y a sélectivité à l’égard des "offres" concernées. L’offre de livres par l’intermédiaire des petites librairies ne préoccupe pas le gouvernement. Il ne s’agit pas d’une volonté délibérée de "tuer" celles-ci, seulement de les laisser se débrouiller, puisqu’il y a des secteurs et des "acteurs" considérés comme plus importants.
Magouilles
À côté des manœuvres plus ou moins grandes, il y aussi des arrangements de moindre envergure, appuyés sur des dispositifs mis en place par le gouvernement. Voici un exemple [6].
Au début du premier confinement, les 102 employés de L’Amy – lunetier jurassien créé en 1810 qui produit et commercialise des lunettes sous licences – sont placés en chômage partiel. Le 28 mai, L’Amy demande auprès du tribunal de commerce sa mise en cessation de paiement. Des administrateurs sont nommés. Les salaires sont pris en charge par le régime de l’assurance garantie des salaires (AGS), puis le 19 aout, le tribunal autorise le licenciement de 59 salariés. Le déficit de L’Amy s’élève alors à 5,5 millions d’euros. ILG, actionnaire suisse de L’Amy depuis 2015, présente une offre de reprise, qui est acceptée par le tribunal.
ILG a ainsi utilisé l’ordonnance du 20 mai qui facilite, en raison de la crise sanitaire, la reprise d’une société par les actionnaires qui l’ont mise en faillite. Cela a permis à ces derniers de conserver l’entreprise mais purgée de ses dettes, tout en faisant financer par l’État ce qu’elle devait à ses salariés.
L’anarchie propre au système capitaliste
Le Conseil d’analyse économique (CAE), un groupe de réflexion rattaché au gouvernement, a publié une étude au sujet de la manière dont les Français ont consommé et épargné depuis le confinement, selon leur niveau de richesse [7]. Les 20 % de ménages les plus aisés ont thésaurisé 70 % de la croissance du patrimoine financier accumulé entre mars et aout 2020. À l’inverse, les 20 % de Français les plus modestes se sont globalement endettés sur la même période. Au total, la hausse du patrimoine financier net des ménages, c’est-à-dire le surcroit d’épargne accumulé depuis le confinement, était de près de 50 milliards d’euros à la fin aout 2020. Le constat est sans surprise, et reflète une réalité universelle dans le cadre du capitalisme. Au vu de cette réalité, la proposition de procéder à une répartition plus juste des richesses afin d’améliorer ainsi le fonctionnement du capitalisme, bénéficie d’une popularité considérable. Il arrive que des gouvernements adoptent effectivement certaines mesures visant à influer sur la répartition des sommes dont disposent les individus, mais bien évidemment dans des proportions strictement limitées de sorte à ne pas être résolument désavoués par les entrepreneurs et les investisseurs, personnages indispensables pour obtenir la croissance du produit intérieur brut du pays. Et même en imaginant qu’à un instant donné soit atteinte la "justesse" recherchée de la répartition des richesses, des perturbations ne tarderaient pas à s’imposer jusqu’à défaire à nouveau l’harmonie.
Ci-dessous sont évoqués quelques cas de figure qui illustrent les manifestations des discordances entre le volume global de revenus et celui des dépenses, étant donné que, du point de vue des capitalistes, les revenus non dépensés ne doivent pas rester "oisifs" mais être investis pour les faire "fructifier".
Production/consommation de luxe
En mi-avril 2020, LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton annonce une baisse de 15 % du chiffre d’affaires, à 10,6 milliards d’euros, pour le premier trimestre de l’année. La Chine avait été placée en quarantaine fin janvier, puis la réouverture des magasins en Chine continentale s’est faite progressivement en mars. Ainsi depuis fin mars dans ce pays se manifeste une reprise de la demande pour les produits de LVMH. Par contre en Europe la situation reste défavorable puisque la moitié de la clientèle est touristique. Sur l’ensemble du premier semestre, le bénéfice net de LVMH s’est écroulé de 84 %, à 522 millions d’euros. Au troisième trimestre les ventes de maroquinerie et de prêt-à-porter de LVMH renouent largement avec la croissance, grâce au rétablissement du marché asiatique.
Capitaux transitant en Bourse
En rapport avec le fonctionnement du circuit global de création et de valorisation de plus-value, le commerce de ces objets de luxe ne joue qu’un rôle accessoire. À l’opposé il y a l’extorsion de plus-value vis-à-vis des travailleurs dans les sphères de production de moyens de grande consommation d’une part, de moyens de production de l’autre. Mais sur ce champ de déploiement les noyaux individuels de capitaux agissent en fonction de l’objectif d’accumulation à échelle toujours plus élargie. Rien ne garantit que l’harmonie de l’ensemble puisse être maintenue dans le temps, bien au contraire. Pratiquement, les voies empruntées pour faire fructifier les fonds résultant de la création de plus-value sont multiples. Tout ne passe pas par la Bourse, loin de là, mais les investissements boursiers introduisent un degré particulièrement accentué d’incertitude. Selon une coutume très répandue, on utilise le mot "spéculation" pour résumer la caractéristique essentielle de la Bourse comme intermédiaire pour la collecte de capitaux. C’est sans doute un facteur important, mais pas exclusif, et les délimitations entre les opérations spéculatives et les décisions d’investissement ou désinvestissement basées sur des objectifs de développement économique réel sont floues.
Airbnb et Tesla
Les cas abordés ici ont en commun le fait que le succès fulgurant dont ils bénéficient en Bourse est en bonne partie dû à des individus qui sont riches au point que leur fortune dépasse largement les sommes qu’ils peuvent dépenser et qui donc "placent" leur épargne.
Airbnb a été fondé en 2008. Actuellement le groupe a quatre millions d’hôtes inscrits et plus de 825 millions de clients. Le chiffre d’affaires des neuf premiers mois de 2020 a plongé de 32 % sur un an. L’entreprise a dû récolter 2 milliards de dollars pour faire face à la crise, et a licencié environ 25 % de ses salariés. Mais de juillet à septembre, la plateforme a gagné 219 millions de dollars. Le simple fait qu’Airbnb parvienne à dégager des bénéfices trimestriels peut représenter un atout à la Bourse de New York, où nombre de sociétés relevant de l’économie du partage, comme Uber, se sont inscrites sans avoir été rentables auparavant. En décembre, Airbnb a été introduit à la cotation. Le prix de départ de l’action avait été fixé à 68 dollars, l’opération s’est terminé à 144,71 dollars (+113%) par action; la société a ainsi récupéré 3,4 milliards de dollars. À ce niveau, la capitalisation boursière (le nombre d’actions multiplié par le cours en Bourse) de Airbnb atteint environ 100 milliards de dollars.
La mention du nom de Tesla est en général associée à celle de son fondateur Elon Musk. Celui-ci, avant la création des deux sociétés SpaceX en 2002 et Tesla en 2003, a construit sa carrière d’entrepreneur en participant à la constitution d’entreprises et à des opérations de cession qui augmentaient progressivement les fonds dont il disposait. Ce n’était pourtant pas de la spéculation en Bourse, du moins pas dans le sens d’une série d’achats et reventes d’actions. Ainsi il s’est trouvé être cofondateur de PayPal, puis Ebay ayant acquis cette société en échange d’actions d’Ebay, Musk est devenu propriétaire de 165 millions de dollars en actions Ebay.
Outre SpaceX (Space Exploration Technologies Corp., dont il est le directeur technique et PDG) et Tesla, il a constitué SolarCity et The Boring Company dont l’activité a trait au transport et l’électricité non polluants.
Tesla a été introduit en Bourse à New York en 2010. Jusque-là, la société n’avait jamais été bénéficiaire. Le 6 janvier 2021 Tesla a terminé avec une valorisation en Bourse de 717 milliards de dollars. Il se rapproche ainsi de la capitalisation de Facebook, qui valait 750 milliards de dollars le même jour. Les chiffres de ventes du groupe restent pourtant modestes : en 2019 moins de 400.000 voitures, comparés à environ 10 millions pour Toyota ou Volkswagen. Mais Tesla bénéficie du fait qu’il a été bénéficiaire pendant cinq trimestres consécutifs. Sa capitalisation boursière dépasse actuellement celle de tous les constructeurs d’automobiles réunis.
En comparant Tesla à Airbnb, en laissant de côté l’aspect lié aux motivations spéculatives de l’investissement, on peut noter que les traits caractéristiques dans le domaine des activités économiques respectives sont assez différents. Airbnb se base sur les services de médiation pour la location d’hébergements temporaires. C’est une activité de type plutôt banal. Et qui permet la flexibilité nécessaire pour s’adapter à des contextes mouvants : dernièrement Airbnb a notamment profité de l’intérêt pour les longs weekends et les vacances à proximité, ainsi que du souhait des gens d’effectuer du télétravail depuis un autre lieu que leur domicile. Par opposition, Tesla et SpaceX produisent et exploitent des équipements intégrant des technologies avancées et qui sont destinés à des clients loin de la consommation courante. Les voitures de Tesla, à moteur électrique, sont des modèles du haut de gamme, du moins pour l’instant, et SpaceX produit et exploite des fusées porteuses de capsules spatiales transportant des astronautes. Pour promouvoir ses entreprises, Musk peut attirer l’intérêt d’investisseurs ayant un faible pour l’écologie en général et la dénommée transition énergétique en particulier.
Il faut noter que cette dernière perspective est à la fois un slogan propagandiste pour mobiliser des électeurs, et une voie de développement tout-à-fait sérieuse pour permettre à certaines fractions du capital de sortir du marasme régnant. Les grands esprits se rencontrent… (au bord du précipice?) Ainsi en mai 2020 est publiée dans le journal Le Monde une tribune intitulée "Mettons l’environnement au cœur de la reprise économique" [8]. À l’initiative de Jean-Laurent Bonnafé, administrateur directeur général de BNP Paribas et président de l’Association Française des Entreprises pour l’Environnement (EpE), plus de quatre-vingt-dix dirigeants d’entreprises françaises et internationales appellent à une mobilisation collective pour faire de la relance économique un accélérateur de la transition écologique.
Macron et les capitalistes
Dans leur grande majorité, les dirigeants des entreprises cotées à la Bourse de Paris dans le cadre de l’indice CAC 40 et d’autres grands groupes qui ont connu Macron à ses débuts, avaient d’abord une appréciation favorable [9]. Lorsqu’il s’est déclaré candidat à l’élection présidentielle, son programme convenait aux entrepreneurs. Certes, une bonne partie souhaitait initialement la candidature de Fillon, mais sous l’effet des déboires que connut celui-ci, ils se sont rabattus sur Macron. Toujours est-il qu’une fois Macron élu, la méfiance s’installait. À la différence de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande, qui voyaient régulièrement les dirigeants des grands groupes, Macron n’a pas pratiqué le contact personnel avec eux. Cette attitude de Macron a perduré. À la présidence de la République, existe un partage des rôles : au président, les grands patrons étrangers. Macron est très actif pour entretenir de liens avec les représentants du capital international. "Avec le président Macron, il n’y en a que pour les étrangers!" s’exaspère un entrepreneur français en 2018.
Mais, dans sa relation avec les patrons, Macron est protégé pour l’instant par l’absence actuelle d’alternative politique favorable aux milieux d’affaires. "Il n’y a pas d’autre choix que Macron", juge le président d’un grand groupe, alors que le Rassemblement national (ex-FN) reste fort et que le Parti socialiste comme le parti Les Républicains sont très affaiblis. Mais, affirme un communicant, "si un recours émerge, les patrons n’hésiteront pas à lâcher Macron".
Rivalités interimpérialistes
L’accentuation de la situation de crise à l’échelle mondiale implique aussi une amplification des phénomènes de concurrence entre les groupes monopolistiques ainsi qu’entre les puissances impérialistes.
Dès la phase initiale de la pandémie, les États se montraient pressés d’abord à limiter au maximum le ralentissement de l’économie puis à retourner rapidement à un fonctionnement sans entraves. En se référant aux données concernant le taux de croissance du PIB entre 2010 (année de reprise après la crise de 2008) et 2019, on constate en résumé l’évolution suivante [10]. Pour l’Union Européenne : dans une fourchette entre 2,2 et 1,5 (-0,7 et 0 pour 2012-2013, 1,5 pour 2019); USA : entre 2,9 et 1,6 (2,3 pour 2019); Japon : entre 4,2 et 0,3 (-0,1 en 2011, 0,7 pour 2019); Chine : entre 10,6 et 6,1 (6,1 pour 2019). Pour les pays impérialistes, l’enjeu dépasse la question élémentaire de la croissance du PIB; il s’agit d’une lutte où chaque pays vise à s’assurer au mieux sa place dans la hiérarchie du système capitaliste impérialiste mondial. À cet égard des faiblesses quantitatives peuvent entrainer des conséquences qualitatives décisives. Pour l’instant il semble que la Chine ait pu se placer avantageusement dans ce contexte. Première économie à faire face au choc de l’épidémie, la Chine est aussi la première à en sortir [11]. Selon les données officielles pour 2020, après un effondrement de 6,8 % au premier trimestre le PIB a rebondi de 11,5 % au deuxième trimestre, et comparée au deuxième trimestre de 2019, il a progressé de 3,2 %. Néanmoins ce serait un raisonnement fictif que de dire : "Voilà la preuve que la Chine a causé intentionnellement la pandémie pour handicaper ses concurrents".
Selon les données publiées par le fournisseur d’informations financières Mergermarket, les rachats et ventes d’entreprises dans le monde en 2020 ont totalisé 3.200 milliards de dollars (2.600 milliards d’euros), dont 2.200 milliards réalisés entre juillet et décembre [12]. Soit un recul de seulement 6,6 % par rapport à 2019, grâce au dynamisme des secteurs de la technologie et de l’énergie. Le marché européen progresse même de 5,6 % d’une année à l’autre, avec 847 milliards de dollars de transactions. Quelques commentaires à ce sujet sont significatifs. Hubert Preschez, coresponsable de la banque de financement et d’investissement chez HSBC France constate : "Les fonds de capital-investissement se montrent à l’offensive. Ils disposent de beaucoup d’argent et peuvent s’endetter bon marché". En 2020, ces fonds ont représenté près du quart des fusions-acquisitions annoncées en Europe. Et François-Xavier de Mallmann, président de la banque d’investissement de Goldman Sachs explique : "Les interventions massives des banques centrales ont eu pour conséquence de faire grimper les prix des actifs. La hausse de leur cours de Bourse alimente la confiance des patrons en l’avenir, malgré les lourdes incertitudes". Du point de vue d’un travailleur préoccupé par le cout de la vie au jour le jour, cela semble paradoxal. Mais les capitalistes, eux, peuvent raisonner ainsi : plus les investissements reviennent chers, plus ils se vendent comme de petits pains.
Les opérations de fusion/acquisition peuvent constituer des rapprochements souhaités de part et d’autre des groupes qui s’accordent pour se réunir, l’objectif étant d’obtenir en commun un rang plus favorable dans la hiérarchie des concurrents au niveau global. Par contraste, des situations existent où des groupes de taille mondiale évoluent séparément selon une compétition assumée dans la durée. Le cas de Boeing et Airbus est significatif, à la fois en ce qui concerne les décennies depuis la création d’Airbus Industrie en 1970 [13], et le tournant amorcé par la situation actuelle. Jusqu’à récemment, il était admis que ces deux groupes constituaient, en matière d’avions commerciaux, un duopole dominant de façon quasi absolu le secteur. Sur la décennie 2009-2018 le nombre de livraisons débute et termine à peu près à égalité, suivant une courbe en augmentation pour les deux : en 2009 498 pour Airbus et 481 pour Boeing, en 2018 respectivement 800 pour Airbus et 806 pour Boeing; l’écart maximal en pourcentage se situe en 2015 : 20 % de plus pour Boeing comparé à Airbus [14]. Mais après 2018 se produit une brusque modification. D’abord en 2019 suite aux déboires de Boeing en rapport avec les accidents ayant frappés deux appareils 737 : 863 livraisons pour Airbus, 380 pour Boeing (127 % de plus pour Airbus comparé à Boeing). Puis en 2020 : respectivement 566 et 157 (260 % de plus pour Airbus). Ce décalage quantitatif se combine avec un autre facteur. Avant cette chute de la quantité de livraisons les capacités de production d’Airbus étaient saturées, la société n’était pas en mesure d’augmenter ses cadences. Maintenant par contre il y a la marge qui permet de récupérer des clients amenés à se détourner de Boeing. Les opinions des analystes en la matière varient, mais un des scenarios plausibles est que la situation de duopole d’autrefois soit fortement perturbée en faveur d’Airbus, avec d’ailleurs un troisième intervenant qui peu à peu gagne de l’importance, à savoir la société chinoise Comac (Commercial Aircraft Corporation of China).
Le réformisme
Indépendamment des circonstances actuelles, on rencontre depuis longtemps des critiques de la part des travailleurs et des syndicalistes qui accusent certains employeurs comme "patrons voyous". Au-delà des individus, peuvent être visés des représentants de l’économie qui agiraient en quelque sorte en tant que membres d’une "bande organisée". La vision réformiste n’est pas aussi abrupte, mais elle tend à sa manière à considérer que, pour améliorer le fonctionnement de la société, il faut mettre hors d’état de nuire certains individus ou groupes d’individus.
L’application du terme voyou – homme sans scrupules ni moralité – peut être justifiée plus ou moins selon les cas, mais elle ne fait qu’obscurcir la compréhension fondamentale de la nature du système capitaliste. Les employeurs sont des êtres humains et, selon la personnalité de chacun, ils ressentent dans une mesure variable des "scrupules" et des élans de "moralité". Quoi qu’il en soit, les capitalistes ainsi que les employeurs à leur service sont des exploiteurs de par la nature des rapports de production capitalistes. D’un point de vue général, il est tout-à-fait logique que les capitalistes s’adaptent à la baisse de consommation dans un contexte de crise : ils réduisent la production et donc le volume de force de travail utilisé. Et puisque l’objectif qui détermine l’embauche d’un travailleur est de mettre en œuvre sa force de travail, il est logique également que le capitaliste s’en sépare quand il n’en a pas l’utilité.
Quand nous insistons sur le fait qu’il est important de discerner clairement la nature du système capitaliste, c’est une question qui ne se limite pas à la théorie. La vision qui consiste à s’indigner au sujet du comportement de certains employeurs, a pour contrepartie l’espérance illusoire que les tares du capitalisme pourraient être éliminées en écartant les individus malfaisants de la gestion des affaires.
Le réformisme dans la propagande
Dans le contexte de l’épidémie du coronavirus, a été déclenché un grand élan propagandiste en faveur d’un réformisme visionnaire. La CGT est cosignataire d’une "Tribune" publiée le 27 mars 2020 sur Franceinfo intitulée "Plus jamais ça! Préparons le “jour d’après”" [15]. La CGT la diffuse sous le titre "Pour que le jour d’après soit en rupture avec le désordre néolibéral" [16]. Selon ce texte, la situation actuelle offrirait une "opportunité historique d’une remise à plat du système". Voici un extrait.
En mettant le pilotage de nos sociétés dans les mains des forces économiques, le néolibéralisme a réduit à peau de chagrin la capacité de nos États à répondre à des crises comme celle du Covid. […] Emmanuel Macron, dans ses dernières allocutions, appelle à des "décisions de rupture" et à placer "des services […] en dehors des lois du marché". Nos organisations […] n’attendent pas des discours mais de profonds changements de politiques […].
Autrement dit, selon cette interprétation : 1) les États – c’est-à-dire les gouvernements – aurait à tort appliqué des politiques renonçant à tout intervention à l’égard des "forces économiques" – c’est-à-dire de la classe capitaliste; 2) Macron aurait admis que c’était une erreur auquel il faudrait remédier; et 3) il serait possible, en insistant, de faire en sorte que Macron passe des paroles aux actes.
Or la réalité est toute autre. Les gouvernements et l’ensemble des représentants politiques intégrés dans l’appareil d’État participent en permanence au "pilotage de nos sociétés" et ceci en étroite interaction avec les "forces économiques" en question, dont ils contribuent par vocation à assurer le pouvoir. Les contorsions de langage au sujet des "lois du marché", même suivies par des mesures concrètes correspondantes n’y changeraient rien.
Le 2 avril, la démarche de la tribune est prolongée par une pétition "#PlusJamaisCa, signons #PourLeJourDapres". Dans la prolongation de cette initiative, les signataires élaborent un "Plan de sortie de crise" .
[…] Ensuite, notre but est de faire la démonstration qu’il y a des alternatives au capitalisme néolibéral, productiviste et autoritaire, et que ces alternatives sont crédibles, désirables et réalisables, à condition que la volonté politique et les moyens financiers soient enfin mis au service des objectifs de transformation sociale et de préservation de l’environnement, au lieu de les soumettre aux pressions et désidératas des lobbies. Du reste, un grand nombre de ces alternatives relèvent d’un déjà-là qu’il s’agit de conforter, de rénover et de généraliser, que ce soient les grands systèmes collectifs mis en place dans le cadre de l’État social (protection sociale, services publics, etc.) ou les alternatives concrètes qui sont souvent autant de possibles si leur généralisation est envisagée. […] les semaines à venir seront décisives et le gouvernement doit urgemment changer de logiciel, pour répondre aux objectifs qui s’imposent et que nous nous fixons dans les deux premières parties de ce plan de sortie de crise.
De cette argumentation, certains points ressortent clairement. Est affirmé l’objectif de mettre en œuvre "des alternatives au capitalisme néolibéral, productiviste et autoritaire", ce qui ne peut signifier que des formes du capitalisme qui ne soient pas "néolibéral, productiviste et autoritaire" – sinon, il aurait fallu écrire "des alternatives au capitalisme", tout court. Par ailleurs la formulation – très à la mode – qu’il faut "changer de logiciel" exprime à merveille l’approche que tentent d’appliquer les réformistes : amener le gouvernement qui incarne la sphère politique, à outrepasser les exigences des lobbies et à prescrire aux entrepreneurs qui constituent la sphère économique, des règles de comportement convenables et civilisées.
Allant dans le même sens que ce "Plan de sortie de crise", la CGT élabore son propre document : "Le progrès social et environnemental c’est possible et urgent!" Philippe Martinez, Secrétaire général de la CGT, signe la préface "Plus jamais ça".
Le réformisme dans la pratique le cas General Electric
Dans l’ensemble les restructurations mises en œuvre par General Electric en France concernent essentiellement le domaine de la production d’énergie, mais sous des aspects variés. Selon une vieille tradition, les syndicats se sont employés à présenter à la direction du groupe des projets de réorientation industrielle pour certaines entités en fonction des compétences spécifiques. De telles démarches ont été entreprises selon deux axes : la connexion avec les moteurs d’avion, et les débats en cours en matière de la dite "transition énergétique".
GE et Safran (société constituée en 2005 par le rapprochement de Snecma et Sagem) coopèrent depuis 1974 dans le cadre d’une société commune, CFM International. Cette entreprise est le principal producteur mondial de moteurs d’avion. En rapport avec les plans de suppressions de postes à Belfort, des délégués syndicaux et des élus du Territoire militaient pour accueillir Safran dans une logique de diversification de GE vers l’aviation. Mais en juin cette éventualité est finalement abandonnée.
Du côté de la production d’énergie, plusieurs voies sont envisagées. À Belfort existe dans la partie "Steam Power" une activité provenant d’Alstom, qui touche la filière nucléaire. Elle emploie environ 3.000 personnes en France, dont près de 1.300 à Belfort. L’État français y a gardé une participation spécifique au capital qui lui accorde un droit de véto sur certaines décisions de l’entreprise, pour ce qui concerne l’activité nucléaire (une vente de la société, notamment, ne peut pas se réaliser sans son accord). En recherche de liquidités, GE est engagé dans la vente d’une bonne partie de ses actifs, dont potentiellement les activités nucléaires ex-Alstom. Des investisseurs français sont sur les rangs.
En été 2020 le Parti communiste a lancé une campagne nationale. "L’État doit empêcher la casse, suspendre les suppressions d’emplois et s’engager dans le rachat des activités de GE implantées sur le territoire français. C’est vital. Il y va de l’avenir d’un secteur stratégique et de notre souveraineté énergétique. L’État doit reprendre la main", avancent à Belfort Muriel Ternant et Bertrand Chevalier, pour le PCF. En septembre 2020 est constituée l’Association de défense du patrimoine nucléaire et du climat; parmi les membres fondateurs se trouvent pour le PCF André Chassaigne et Sébastien Jumel.
Cette approche en termes de "patrimoine national" et "souveraineté" est foncièrement erronée. Nous avons exposé notre analyse au sujet des nationalisations comme mesure permettant prétendument de contrer les méfaits du capitalisme, dans divers textes, entre autres la brochure "À propos du mot d’ordre de nationalisation" [17]. Dans un sens plus large, une vision similaire se retrouve souvent dans les luttes menées par les travailleurs pour se défendre contre les licenciements. Quand les directions d’entreprises annoncent des difficultés et, pour y remédier, décident des réductions d’effectifs, les syndicats, couramment, se lancent dans des contre-argumentations qui tentent de démontrer que les problèmes qu’exhibe la direction seraient dus à des "stratégies erronées" et "des mauvaises choix" appliqués par cette dernière. Cela revient indirectement à la même idée que celle rattachée à la revendication de nationalisation : le syndicat croit pouvoir se mettre à la place de la direction, c’est-à-dire potentiellement, la remplacer.
Voici un exemple dans ce sens, dans le contexte actuel. En redressement judiciaire depuis le 26 mai 2020, le groupe Camaïeu semble néanmoins rester intéressant pour de potentiels investisseurs : sept offres de reprise ont été déposées, mais d’une manière ou d’une autre elles impliqueraient de sévères mesures de restructuration. L’avocat des salariés de l’enseigne dénonce "une casse sociale importante". Il amène l’argumentation selon laquelle, comme de nombreuses autres enseignes, Camaïeu souffrirait de la crise liée à la pandémie de coronavirus qui a fait chuter son chiffre d’affaires déjà fragilisé auparavant. Le syndicat CGT croit pouvoir balayer ce raisonnement. Selon lui la crise a "bon dos" : "la société a fait ces dernières années de mauvais choix stratégiques" [18]. Il s’accroche ainsi à une vision qui est devenue depuis longtemps un réflex des syndicalistes, déclenché quand ils se sentent désemparés face à la difficulté de stopper les attaques des employeurs.
Pas de fatalité, mais lutte de classe jusqu’ au bout
Ni les crises qu’a connues la société capitaliste dans le passé, ni celle que nous vivons actuellement, ni celles à venir tant que dominent les rapports de production capitalistes, amèneront par elles-mêmes le remplacement de cette société par une autre, meilleure. Parmi les capitalistes il y a des gagnants et des perdants, certains gouvernements sont déstabilisés plus que d’autres. Les travailleurs, de leur côté, résistent, se révoltent, parfois désespèrent ou se consolent avec des espoirs illusoires. Entre les deux, de larges couches de la population sont affectées de différentes manières, désorientées par leur situation matérielle objective qui les place entre les deux classes fondamentales de la société capitaliste; ces personnes sont tiraillées et penchent vers des réactions individuelles au gré des évènements et des états d’esprit subjectifs.
Seule la classe ouvrière pourra faire avancer le cours de l’histoire. Mais il faudra que les travailleurs prennent conscience de leur appartenance commune à une classe, la leur. Au demeurant, cette prise de conscience ne se produira pas par une fatalité automatique. Bien au contraire de multiples facteurs sont à l’œuvre qui retardent les progrès en ce sens. En particulier, les idées et les forces réformistes constituent un frein nuisible qu’il faut surmonter.
Ainsi la tâche des militants communistes révolutionnaires est double : contribuer à développer la conscience de classe authentique parmi les travailleurs, et œuvrer à la création du parti d’avant-garde de cette classe afin d’impulser la lutte pour le renversement du pouvoir de la bourgeoisie.
[1]. https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.KD.ZG?locations=1W&name_desc=false&view=chart
[2]. https://www.estrepublicain.fr/economie/2020/11/21/general-electric-a-supprime-3-000-postes-en-cinq-ans
https://www.estrepublicain.fr/social/2020/11/26/general-electric-va-supprimer-pres-de-300-postes-en-france
[3]. https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/gap-ou-lincroyable-hecatombe-des-enseignes-de-pret-a-porter-1257826
[4]. https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/10/habillement-l-angoisse-de-15-000-salaries_6042360_3234.html
[5]. https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/les-commercants-sestiment-sacrifies-sur-lautel-de-la-lutte-anti-covid-1260268
[6]. https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/12/14/de-la-faillite-a-la-reprise-la-bonne-affaire-des-actionnaires-du-lunettier-jurassien-l- amy_6063316_3234.html
[7]. https://www.cae-eco.fr/dynamiques-de-consommation-dans-la-crise-les-enseignements-en-temps-reel-des-donnees-bancaires
[8]. https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/03/mettons-l-environnement-au-c-ur-de-la-reprise-economique_6038523_3232.html
[9]. https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/02/13/macron-et-les-patrons-de-l-admiration-au-mariage-de-raison_5422933_823448.html https://www.latribune.fr/economie/france/macron-et-les-patrons-une-histoire-d-amour-contrariee-855607.html
[10]. https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=National_accounts_and_GDP/fr
[11]. https://www.lesechos.fr/monde/chine/la-chine-premiere-grande-economie-a-renouer-avec-la-croissance-1223916
[12]. https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/01/07/2020-un-tres-bon-millesime-pour-les-fusions-acquisitions_6065492_3234.html
[13]. Le consortium de constructeurs aéronautiques européens à l’origine d’Airbus est constitué en 1970, sous forme d’un groupement d’intérêt économique (GIE). Il comprend alors l’Aérospatiale (France) et la Deutsche Airbus (Allemagne). Aérospatiale résultait de la fu- sion, en 1970, de Sud-Aviation, de Nord-Aviation, et de la SEREB, tandis que Deutsche Airbus regroupait Messerschmitt-Bölkow- Blohm et VFW-Fokker. Construcciones Aeronauticas SA. (CASA, Espagne) a rejoint le GIE en 1971. Enfin, British Aerospace (BAe) (formé en 1977 par la fusion de Hawker Siddeley Aircraft avec la British Aircraft Corporation) adhéra au consortium en 1979. Aerospa- tiale et Deutsche Airbus participait à 38 % chacun, Hawker Siddeley à 20 % et CASA à 4 %. Belairbus (Belgique) et Fokker (Pays-Bas) participent à certains programmes Airbus.
En 2001 le consortium devient Société Airbus Intégrée (AIC), détenue à 80 % par EADS et à 20 % par BAe. EADS (European Aero- nautics Defense and Space Company) avait été constituée en 2000 par la fusion de Aérospatiale Matra, la branche aéronautique de Lagardère, de DASA (DaimlerChrysler Aerospace AG) et de CASA. En septembre 2006, EADS a racheté à British Aerospace ses 20 % détenus dans le capital d’Airbus. EADS a été rebaptisé Airbus Group en 2014.
Airbus est filiale à 100 % du groupe industriel EADS, il conçoit, développe, construit, vend et assure la maintenance des avions du même nom.
[14]. https://www.aerobuzz.fr/industrie/boeing-menace-de-decrochage-par-airbus/
[15]. https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/tribune-plus-jamais-ca-18responsables-d-organisations-syndicales-associatives-et-environnementales-appellent-a-preparer-le-jour-dapres_3886345.html
[16]. https://www.cgt.fr/actualites/international/pour-que-le-jour-dapres-soit-en-rupture-avec-le-desordre-neoliberal
[17]. https://rocml.org/wp-content/uploads/2014/12/ROCML_nationalisation.pdf
[18]. https://www.businessinsider.fr/en-redressement-judiciaire-camaieu-aurait-recu-sept-offres-de-reprise-184863