Macron, l’économie et le communisme
Le 12 mars dernier, Emmanuel Macron était l’invité de « Des paroles et des actes », sur France 2. À cette occasion, le ministre de l’Économie a défendu la politique de la bourgeoisie française. Face à un Ph. Martinez trop peu revendicatif, il a pu défendre, sans contestation aucune, les idées du capital.
Macron intimide la CGT
Tout d’abord, le ministre a lancé la suspicion sur la CGT lors de l’arrivée sur le plateau de son dirigeant, affirmant que ce syndicat rencontrait souvent le gouvernement et travaillait bien avec lui.
Le but pour lui était d’éloigner des syndicats les téléspectateurs révoltés en disant : regardez, les syndicats sont contre nous mais ils cogèrent avec nous.
Faut‑il donc repousser les syndicats? Non, aujourd’hui encore, même si la CGT est engluée dans le réformisme, et donc dans la conciliation de classe, elle reste un instrument vers lequel les travailleurs peuvent et doivent s’organiser pour se défendre au quotidien contre le patronat et les réformes du gouvernement. Le syndicat est la base même de l’organisation des travailleurs. Sans eux, aucune chance de s’opposer aux réformes d’austérité. Macron le sait, la collaboration de classe des dirigeants de la CGT ne le dérange pas. Ce qui le dérange davantage, c’est que les travailleurs trouvent dans les syndicats une arme pour résoudre leurs problèmes et améliorer leurs conditions de vie.
La politique : ce n’est pas pour les pauvres
Macron est un éminent représentant de la bourgeoisie française. Contrairement à la plupart des politiciens professionnels, il n’est pas très à l’aise avec la langue de bois et dit tout haut ce que les dirigeants des partis bourgeois pensent tout bas. Après s’en être pris à l’« illettrisme » des ouvrières des abattoirs Gad[1], il s’en est pris cette-fois aux chômeurs affirmant que :
« Si j’étais chômeur, à mon avis, je ne me poserais même pas la question de savoir ce qu’il s’était passé hier. (…) Je m’occuperais d’abord de mon quotidien ».
Et Pujadas, récemment décoré journaliste le plus servile de France[2], d’acquiescer : la politique commence donc d’abord par soi! Ainsi, pour notre élite bourgeoise, les chômeurs, ceux qui ont des problèmes sociaux et économiques dans leur quotidien comme l’ensemble de la classe prolétarienne (active ou au chômage) devrait d’abord s’occuper d’elle avant de faire de la politique. Bien sûr, les chômeurs et les travailleurs ne doivent pas comprendre les causes du chômage, que celui‑ci est inscrit dans l’ADN du capitalisme. Bien sûr ils ne doivent pas comprendre que dans ce système, les partis politiques bourgeois ne peuvent pas résoudre ce problème.
Le capitalisme ne demande qu’une chose aux travailleurs, leur force de travail, afin d’accroitre ses profits. Occupez-vous d’abord de vous et de vos basses affaires, dit le bourgeois. Nous, nous gérons les grandes affaires du pays, pour votre « bien ».
Bien entendu, les communistes ont un discours opposé à ce paternalisme bourgeois. Les travailleurs peuvent prendre en main leur avenir politique. Les prolétaires unis ont milles yeux et compétences acquises par l’expérience pour gérer les problèmes et la société. Débarrassés des entraves du capitalisme qui freinent l’émancipation scientifique et intellectuelle de la société, les travailleurs pourront bâtir une société où chacun aura sa place.
Le « fétichisme de l’argent »
Si on relie Marx, dit le ministre, « le problème c’est ceux qui prennent l’argent comme un fétiche d’or (…). Avec l’argent (…), il ne faut pas l’adorer, ni le détester ». Donc pour lui, ça n’est pas un crime de gagner de l’argent. Il est vrai que Marx affirme que l’argent (au sens de la monnaie) en tant que tel ne vaut rien. Il est seulement un moyen d’échange des marchandises entre elles[3]. Les travailleurs reçoivent du capitaliste un salaire qui leur permet de se procurer des marchandises. Mais les travailleurs en échange de la possibilité d’acquérir des marchandises ont vendu une autre marchandise au capitaliste : leur force de travail. L’argent, sous forme de salaire, est le moyen de permettre cet échange. Il n’y a donc pas lieu de l’aduler. C’est le travail, un acte créateur de valeurs nouvelles qui créé la richesse. L’argent ne créé par l’argent. Le capitaliste ne peut s’enrichir qu’en participant à des rapports sociaux créant de la richesse, qu’en exploitant et pillant le travail de l’ouvrier.
Que dit Macron? Qu’il ne faut pas lui en vouloir car il gagne beaucoup d’argent, et que les jeunes doivent devenir milliardaire[4]. Mais comment font‑ils pour accumuler autant de richesses? Est‑ce par leur travail productif? Non, il est clair que Macron laisse toute explication réelle de côté. Il ne pourrait jamais expliquer rationnellement, à moins de révéler la nature exploiteuse du capitalisme, comment lui-même ou les magnats du capital font pour être 1.000 fois plus productifs que l’ouvrier.
D’où vient leur accumulation de richesse alors? Elle provient du fait que sous le capitalisme, n’en déplaise aux réformistes, la répartition de la richesse se fait en fonction de la propriété des moyens de production. C’est parce que le bourgeois dispose des moyens de production (usines, machines…) qu’il peut s’enrichir alors que le travailleur salarié dépend du bourgeois qui ne lui verse qu’un salaire ne lui permettant jamais de devenir à son tour propriétaire des moyens de production. C’est pourquoi, la société actuelle est divisée en deux pôles essentiels : ceux qui jouissent de tout, dans le luxe et l’excédent (une minorité), et ceux qui chaque jour doivent travailler pour un salaire qui se réduit de jour en jour (la majorité).
Facteurs de la richesse et marxisme
Nous en arrivons au dernier point de notre analyse, la polémique entre Macron et Martinez autour des facteurs de la richesse et du cout du capital. Malgré leur opposition dans ce débat, Macron et Martinez ont un point en commun : ils reconnaissent la théorie des facteurs qui affirme que capital et salaires sont les facteurs essentiels de la création de richesse. Ph. Martinez par exemple ne souhaite pas abolir le capital et les profits mais seulement obtenir un repartage de la rémunération des facteurs principaux (capital/travail). Non seulement cette théorie des facteurs est fausse mais de plus, la solution du « cout du capital » est une fausse alternative pour les travailleurs comme nous l’avons déjà évoqué dans notre journal (VDC n°10 [5]).
Macron reconnait que le travail est essentiel pour la création de richesse mais nécessite avant tout un investissement afin d’acheter les machines et la main d’œuvre qui les fait fonctionner : le capital. Comment marche l’économie? « En mettant du capital » répond‑il. Il est donc normal pour lui que ceux qui prêtent du capital en soient rémunérés (que le capital injecté au départ soit supérieur à la fin du processus). Pourquoi? Parce que le capitaliste aurait pris des risques en prêtant son argent : l’entreprise peut faire faillite car ne vendant plus ses produits ou n’étant pas assez compétitive dans le cadre de la concurrence. Très bien. Mais ce que ne dit pas notre magicien, c’est d’où vient le capital de celui qui investit?
Il ne peut venir en réalité que de l’exploitation du travail salarié antérieur. Si le capitaliste dispose d’une somme d’argent pour investir, c’est parce que dans le cycle économique précédant, il a exploité des travailleurs, ce qui lui a permis de s’enrichir et d’investir à nouveau. Sous le capitalisme, la reproduction élargie du capital est le seul but en soi. Bien entendu, Macron, en bon représentant bourgeois ne dira jamais que le capital est en fait le fruit de l’exploitation de la classe ouvrière par les capitalistes. Ce qui est plus inquiétant, c’est que le dirigeant de la CGT, qui fut jadis un grand syndicat de classe, ne lui réponde rien du tout sur ce terrain et lui ressorte la théorie inconséquente du cout du capital… qui reconnait au capital sa légitimité.
Le seul risque auquel s’expose le capitaliste lorsqu’il investit est de développer objectivement le prolétariat dans le monde entier. Ce risque se transforme au fil de l’histoire en lutte à mort entre d’une part ce capitaliste qui souhaite exploiter davantage le prolétariat mondial et celui-ci, toujours plus nombreux et toujours privé de l’abondance, qui se lève pour réclamer justice.
Face à Macron qui unit derrière lui le capital pour mener son offensive, le prolétariat doit répondre par la mobilisation et la lutte classe contre classe. Les revendications prolétariennes doivent se faire entendre partout. La lutte contre Macron et le capital doit devenir politique. Ce ne sont pas seulement les mesures du PS ou de Macron, c’est le capitalisme qui nous impose le retour au 19e siècle.
[1]. Macron sur Europe1, 16/9/2014 : "Cet abattoir. Il y a dans cette société une majorité de femmes. Il y en a qui sont, pour beaucoup, illettrées."
[2]. Voir la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=O8i5oYvbTfg
[3]. Voir Marx, "Contribution à l’économie politique".
[4]. Le Parisien, 7/01/2015.
http://www.leparisien.fr/economie/macron-et-les-jeunes-milliardaires-la-phrase-qui-consterne-la-gauche-07-01-2015-4425649.php
[5]. "Le thème favori de la propagande réformiste : Le partage des richesses", La Voix des communistes, no 10, avril 2014, p. 15-19.
https://rocml.org/vdc-no-10-2014-04-p-15-19/