La guerre d’Ukraine et la révolution socialiste
La lutte impérialiste pour l’hégémonie mondiale
et comment la classe ouvrière peut empêcher la troisième guerre mondiale
Présentation Nous présentons ici la traduction d’un texte publié par l’organisation allemande Kommunistischer Aufbau (Construction communiste). Le site Internet de l’organisation se trouve là : https://komaufbau.org/ Le texte provient du périodique intitulé Kommunismus, no 23, paru en aout 2022. Le périodique en format PDF est consultable là : et le texte séparément là : L’analyse du capitalisme impérialiste constitue un élément essentiel pour toute activité révolutionnaire basée sur le marxisme-léninisme, autant sur le plan théorique que celui pratique. Les aspects à examiner sont multiples. Le texte qui suit apporte à la fois des réflexions et des constats de faits significatifs, sur les caractéristiques actuelles du système capitaliste impérialiste en général, ainsi que sur l’état concret des rapports entre les États composant ce système. Dans le cadre de notre propre activité nous accordons une place importante à ces questions. Concernant l’impérialisme en général, quelques textes et documents sont rassemblés là : et plus particulièrement en rapport avec l’actualité et aussi l’histoire de l’Ukraine, là : ROCML |
L’attaque de la Russie contre l’Ukraine et l’agressivité avec laquelle les États impérialistes occidentaux répondent ont inauguré une nouvelle phase de conflits inter-impérialistes. Déjà depuis 2014 une guerre ouverte se déroule dans le sud-est du pays. Dans le même temps, depuis des années la guerre hybride à basse intensité fait partie du quotidien dans la lutte entre les impérialistes. En font partie des sanctions mutuelles et des guerres commerciales, des cyber-attaques, des campagnes de désinformation et des actions armées de la part de forces supposées non étatiques. Dans la phase actuelle, nouvelle, la probabilité augmente considérablement que de grandes guerres ouvertes se produisent plus fréquemment. En cela, la situation présente certains traits similaires à la situation d’avant la Première Guerre mondiale. Et en conformité avec des lois objectives le développement différencié des pays capitalistes, actuellement aussi, pousse les contradictions de ce système vers une grande lutte pour le repartage du monde, vers la troisième guerre mondiale.
Dans l’article qui suit, nous allons examiner plus en détail cette nouvelle phase des conflits impérialistes. Pourquoi conformément à des lois objectives les contradictions du système impérialiste conduisent-elles à des guerres, même entre les grands pays impérialistes? Comment les contradictions impérialistes se sont-elles développées concrètement ces trente dernières années, depuis la désagrégation de l’Union soviétique[1] et de l’ancien bloc de l’Est? Comment est née la guerre en Ukraine et quel rôle y jouent les différentes puissances impérialistes? Quelle est la probabilité du déclenchement d’une troisième guerre mondiale dans les prochaines années? Quel rôle l’impérialisme allemand joue-t-il à cet égard? Et quelles tâches en découlent pour la classe ouvrière en Allemagne et pour le mouvement communiste?
1. La conformité des guerres à des lois objectives sous l’impérialisme
Le monopole comme tendance conforme aux lois du capitalisme
Les conflits actuelles entre les puissances impérialistes ne peuvent être bien comprises que si l’on prend en compte leurs fondements économiques, c’est‑à‑dire les lois objectives fondamentales qui régissent le mode de production capitaliste dans sa phase impérialiste. Dans son étude fondamentale "L’impérialisme, stade suprême du capitalisme", Lénine a fait ressortir qu’avec le passage au 20e siècle le capitalisme a atteint un stade qualitativement nouveau[2]. Celui-ci se caractérise par le développement de monopoles capitalistes, qui contrôlent la totalité de la production et du capital d’un pays voire de régions entières du monde et qui sur cette base se répartissent les marchés entre eux[3].
Dans la concurrence capitaliste, des entreprises capitalistes sombrent continuellement et leurs adversaires s’approprient leur capital. En conséquence, la concentration et centralisation du capital entre de moins en moins de mains progressent. L’émergence de monopoles découle de cette concentration et centralisation dans la concurrence, en conformité avec des lois objectives, et conduit à son tour à ce que cette lutte se modifie qualitativement et s’intensifie au maximum[4] : "La concentration en arrive au point qu’il devient possible de faire un inventaire approximatif de toutes les sources de matières premières […] d’un pays […], voire du monde entier. Non seulement on procède à cet inventaire, mais toutes ces sources sont accaparées par de puissants groupements monopolistes. On évalue approximativement la capacité d’absorption des marchés que ces groupements “se partagent” par contrat."
En cela le partage du marché entre les associations monopolistiques ne s’opère pas pour des raisons aléatoires, subjectives, telles que la pure soif de pouvoir de leurs dirigeants ou détenteurs de capitaux, mais par nécessité économique. La baisse tendancielle du taux de profit, qui représente également une conformité à une loi objective de l’accumulation capitaliste[5], oblige les entreprises à la formation de monopoles afin qu’en premier lieu, compte tenu de la baisse des taux de profit, elles puissent maintenir de manière stable la reproduction élargie du capital[6]. Ils le font en utilisant leur position dominante dans la production pour exiger lors de la valorisation de leur capital une majoration sur le profit capitaliste moyen. Dans ce cas, nous parlons de profit maximum ou profit de monopole. Pour le formuler un peu plus librement, on peut dire : à partir d’un certain stade de son développement, le capital ne peut plus se valoriser de manière stable si les entreprises achètent et vendent des biens uniquement selon les conditions de libre concurrence et exploitent uniquement la force de travail de leurs propres salariés. Au lieu de cela, ils doivent ériger en tant que monopoles un pouvoir tel qu’ils puissent augmenter leurs profits par des moyens coercitifs, c’est‑à‑dire en spoliant toutes les autres parties de la société[7].
Les moyens coercitifs concrets les plus importants pour éliminer la libre concurrence et faire respecter les profits de monopole sont :
• L’assujettissement par les monopoles de petites et moyennes entreprises capitalistes (par exemple les entreprises fournisseurs et clientes), auxquelles ils dictent les prix d’achat et de vente et s’approprient ainsi une partie de la plus-value produite par les travailleurs de ces entreprises;
• l’imbrication de monopoles au-delà des différentes branches de l’économie ‑ et en particulier l’imbrication du capital industriel et bancaire ‑, formant ainsi le capital financier;
• la prise de possession, autant que possible, de sources de matières premières nombreuses et la conquête de territoires dans le but d’établir un monopole colonial, c’est‑à‑dire en vue de l’export de capitaux vers d’autres pays afin de les exploiter.
Ne serait‑ce que déjà pour les mesures mentionnées dans ce dernier point, il est nécessaire que les monopoles assujettissent l’État bourgeois et l’embrigadent pour organiser les profits monopolistiques. Au bout du compte, sous l’impérialisme, l’État revêt un rôle central dans l’organisation des profits monopolistiques, par exemple à travers la redistribution de la richesse sociale via le budget de l’État, en la transférant des mains de la classe ouvrière et d’autres couches laborieuses de la société vers le sommet formé par le capital financier. Les monopoles assujettissent finalement toutes les composantes de la société et mettent à leur propre disposition une part toujours plus grande de la richesse sociale totale (par exemple à travers les comptes bancaires des travailleurs, le marché boursier, le système d’assurance, le système de retraite, etc.).
Concurrence monopoliste et la nécessité de contrôle de territoires
L’élimination de la libre concurrence ne signifie pas que la concurrence capitaliste soit complètement éliminée par les monopoles. Au contraire, elle est rétablie à une échelle supérieure et sous une forme plus accentuée. En effet, les "contrats entre groupements monopolistes" sont orientés en fonction des rapports de forces entre les monopoles, rapports qui sont soumis à un mouvement constant. Quand, au cours du développement de la reproduction capitaliste, un certain nombre de monopoles sont affaiblis et d’autres monopoles se renforcent, tôt ou tard se produira une rupture des anciens arrangements et une redistribution des ressources, de la production et des marchés. Dans cette lutte constante pour la redistribution, les monopoles utilisent au bout du compte tous les moyens, de sorte que des phases relativement calmes, "pacifiques", de lutte économique entre les monopoles alternent avec des phases agressives de guerre économique.
Au niveau de l’État, cette lutte pour la redistribution de la production capitaliste et des marchés trouve son pendant dans la lutte pour des territoires, pour le contrôle politique et militaire d’économies nationales, de sources de matières premières, de débouchés, de marchés du travail et de domaines importants du point de vue géostratégique ‑ tels que par exemple des accès à la mer, des ports, des routes commerciales et des pipelines. À cela s’ajoute ce qu’on appelle des "États pivots", terme que les impérialistes utilisent pour désigner des territoires géographiquement centraux en tant que zones stratégiquement importantes sur la carte du monde. Les États impérialistes sont soumis ‑ en accord avec les monopoles qui les soutiennent ‑ à un développement économique, politique et militaire inégal. Quand quelques États impérialistes se renforcent face à leurs concurrents, à partir d’un certain point cela met à l’ordre du jour une lutte pour le repartage de certaines régions du monde. Ici également, selon les régions du monde, des phases "pacifiques", où l’accent est mis sur la pénétration économique et les méthodes diplomatiques de poursuite d’objectifs géostratégiques, alternent avec des phases guerrières, dans lesquelles les États impérialistes se livrent bataille pour le repartage des territoires par la force militaire. Cela se poursuit jusqu’à la redéfinition des frontières étatiques, comme en Europe après la Première et la Seconde Guerre mondiale, en Asie occidentale avec l’accord Sykes-Picot (1916)[8] et à la suite de la désagrégation de l’Union soviétique en 1991 et de la Yougoslavie à partir de 1992. Important ici est : La guerre est une partie omniprésente de l’impérialisme. Les guerres militaires constituent sous l’impérialisme un état permanent, cependant elles sont parfois limitées à des régions déterminées du monde. Et le fait que la guerre entre les grandes puissances impérialistes est menée principalement soit militairement, soit politiquement et économiquement, varie selon les États et leur rapports de force concrets à un moment donné.
Cela signifie que les guerres impérialistes ne se produisent pas simplement parce que, par exemple, le président d’un pays est devenu avide de pouvoir ou fou. Elles sont plutôt la continuation de la politique impérialiste par d’autres moyens, continuation qui à son tour résulte de la géostratégie des États impérialistes[9]. En poursuivant une telle stratégie visant à obtenir la prise de contrôle de territoires par des moyens militaires et non militaires, les États impérialistes agissent en premier lieu afin d’assurer aux monopoles capitalistes qui se tiennent derrière eux les conditions préalables pour l’obtention de profits monopolistiques. Ces conditions préalables consistent en l’accès aux matières premières, aux débouchés et à la force de travail, et les monopoles ont besoin de ces accès pour survivre dans la concurrence globale avec d’autres monopoles capitalistes. En relation avec les intérêts économiques directs des monopoles, la géostratégie revêt une certaine vie propre qui est influencée par des facteurs géographiques et autres (par exemple historiques et culturels).
Sur cette toile de fond, Staline a résumé les caractéristiques les plus importantes de la loi économique fondamentale du capitalisme à son stade impérialiste comme suit[10] : "C’est la nécessité de réaliser le maximum de profits qui pousse le capitalisme de monopole à des actes hasardeux comme l’asservissement et le pillage systématique des colonies et des autres pays arriérés, la transformation des pays indépendants en pays dépendants, l’organisation de nouvelles guerres qui sont pour les brasseurs d’affaires du capitalisme actuel le meilleur "business" leur permettant de tirer le maximum de profit; enfin, les efforts tentés pour conquérir la domination économique mondiale."
De là s’ensuit que les guerres sous l’impérialisme se produisent en conformité avec des lois objectives. Cela est un fait depuis la transition du capitalisme vers son stade impérialiste et reste valable à ce jour de façon inchangée, comme en témoignent les nombreuses guerres impérialistes des dernières décennies.
Le développement de l’impérialisme depuis les années 1970
Des aspects déterminés de l’impérialisme ont évolué au cours des dernières décennies, cependant cela ne change rien à ses lois objectives fondamentales. Nous avons déjà traité quelques aspects du développement ultérieur de l’impérialisme dans des articles précédents et allons présenter ceux-ci dans ce qui suit sous une forme succincte[11]. Les plus importants de ces aspects sont :
• La croissance de la reproduction capitaliste et du capital en général dépasse les frontières des États-nations, en se basant sur l’internationalisation du processus de production, qui s’organise aujourd’hui le plus souvent sous la forme de chaines d’approvisionnement globales. C’est la base de l’internationalisation du commerce et du secteur financier. Depuis les années 1970, les États impérialistes ont décloisonné toujours plus les barrières à la circulation internationale du capital de sorte qu’il peut se déplacer relativement librement à travers la planète à la chasse aux profits monopolistiques. Cette évolution est également désignée comme globalisation. Cependant, il est important de souligner ici qu’il s’agit d’une globalisation dans des conditions impérialistes.
• Sur la base de cette internationalisation du processus de production et du capital en général, les plus grands monopoles capitalistes se sont développés en monopoles mondiaux. Ceux-ci se caractérisent par le fait qu’ils contrôlent le processus de production internationalisé.
• Il apparait une tendance à la spécialisation des monopoles capitalistes dans l’industrie, le secteur financier et toutes les autres branches de l’économie, laquelle a remplacé la tendance antérieurement prédominante vers les conglomérats intégrant diverses branches. Dans le monde de la finance, cela se remarque par exemple en rapport avec la séparation des banques, des compagnies d’assurance, des sociétés de fonds, des sociétés de capital-investissement, des sociétés de gestion d’actifs, des family offices[12] et d’entreprises de plus en plus spécialisées qui sont étroitement imbriquées entre elles et avec les monopoles industriels et commerciaux. Il s’agit là d’un changement de forme dans l’organisation du capital en tant que monopoles. Cela étant, le contrôle de ce réseau de monopoles formellement indépendants reste entre les mains d’une couche infime de capitalistes, l’oligarchie financière.
• Aujourd’hui, la monopolisation couvre tous les niveaux de la production capitaliste, c’est‑à‑dire jusqu’aux petites et moyennes entreprises. En cela tous les monopoles capitalistes s’inscrivent dans une hiérarchie dominée par les monopoles mondiaux. Cela signifie que les petites et moyennes entreprises peuvent désormais être des monopoles dans leur domaine d’activité limité en tant que fabricants de certains produits spécialisés (tels que par exemple certains matériaux pour l’industrie automobile), mais en tant que fournisseurs des monopoles mondiaux, elles dépendent de ces derniers, et font donc partie de leur sphère de domination. En particulier, elles cèdent une partie de leur plus-value aux monopoles mondiaux et, en règle générale, ne peuvent poursuivre une stratégie d’entreprise indépendante des monopoles mondiaux. On parle alors de monopoles dépendants.
• Le développement de l’impérialisme à partir des années 1970 s’est accompagné d’une expansion massive du crédit ‑ en particulier du crédit gouvernemental ‑ et du capital fictif[13]. En 1973, le système monétaire de Bretton Woods entre les pays impérialistes a été aboli, qui prévoyait l’arrimage de la plupart des monnaies au dollar et du dollar à l’or ‑ c’est‑à‑dire aux valeurs réelles[14]. Il en a résulté l’introduction par les États impérialistes d’un système purement monétaire de crédit qui a permis l’explosion des transactions de capitaux transfrontalières dans les décennies qui ont suivi. Dans le même temps, la tendance identifiée par Lénine à l’émergence d’un surplus permanent de capital et à la "suprématie du rentier", c’est‑à‑dire la prédominance du capital financier sur toutes les autres formes de capital[15], s’est poursuivi et accrue. Le cycle des crises de l’impérialisme globalisé est constamment déformé par la domination des monopoles mondiaux et l’intervention des États impérialistes dans la reproduction capitaliste, et la solution aux déséquilibres économiques, qui auparavant était obtenue par les crises capitalistes, est de cycle en cycle supprimée à répétition. Le prix à payer est une bulle de crédit historique : en 2021, la somme de tous les crédits mondiaux s’élevait à environ trois fois le produit intérieur brut (PIB) mondial et a ainsi atteint un niveau qui a pour précédent seulement la situation à la fin de la Seconde Guerre mondiale[16].
Le système mondial impérialiste aujourd’hui
Nous devons souligner que la globalisation sous l’impérialisme ne conduit pas à une diminution de l’importance voire une dissolution des États-nations. Au contraire, comme nous l’avons déjà souligné plus haut, les États-nations ont une fonction très importante pour les monopoles mondiaux, à savoir celle de base de pouvoir pour la concurrence monopolistique internationale. Les États jouent un rôle fondamental pour contenir la classe ouvrière, placer toute la richesse sociale d’un pays sous le contrôle des monopoles mondiaux et organiser le profit monopolistique (par exemple via le budget de l’État). Vers l’extérieur, ils servent à faire respecter les intérêts stratégiques de leurs propres monopoles mondiaux sur la scène mondiale et en particulier à sécuriser des territoires, que ce soit par la conquête directe ou par la pénétration économique et politique envers d’autres pays.
Ce qui a changé à la suite du développement ultérieur de l’impérialisme avec la globalisation, c’est que la concurrence monopolistique internationale est devenue plus complexe et comprend davantage de relations de dépendance. Avec leur émergence, les monopoles mondiaux deviennent les acteurs décisifs de la concurrence mondiale, tandis que les monopoles qui en dépendent ne peuvent poursuivre une stratégie mondiale indépendante que dans une mesure limitée. Cela se reflète désormais également dans les relations entre les États-nations. La capacité d’un État capitaliste à poursuivre une stratégie de domination mondiale indépendante dépend fortement de la présence d’un soutien de la part de monopoles mondiaux, de leur nombre et de leur position dans le capitalisme mondial. Si les monopoles mondiaux d’un pays capitaliste possèdent aujourd’hui par exemple un certain nombre de monopoles dépendants dans un autre pays qui n’a pas ses propres monopoles mondiaux, ou si des filiales de monopoles mondiaux y sont les entreprises dominantes, il en résulte une relation de dépendance entre ce dernier État et le premier. De telles relations existent aujourd’hui, par exemple, entre les USA et la Turquie et entre l’Allemagne et quelques pays d’Europe de l’Est, comme la République tchèque et la Slovaquie[17]. Les relations complexes de dépendance entre les États du système impérialiste mondial s’expriment également dans l’importance croissante des organisations internationales du capital financier ‑ telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement ‑ et des alliances impérialistes telles que l’Union européenne, l’Union économique eurasiatique ou l’Organisation de coopération de Shanghai.
De plus, contrairement à la situation du début du 20e siècle, force est de constater aujourd’hui que dans le monde il n’y a plus d’États où le capitalisme ne soit le mode de production dominant. Partant, nous parlons d’un système mondial impérialiste qui inclut tous les pays du monde et, basé sur le développement des monopoles mondiaux, a une hiérarchie pyramidale.
Au sommet de la pyramide impérialiste se trouve une série d’États avec un nombre relativement important de monopoles mondiaux, une base économique établie largement, une production économique élevée et une position politique et militaire qui leur permet de poursuivre leur propre géostratégie dans le sens de participer dans la lutte pour l’hégémonie mondiale. Nous appelons ce groupe les États impérialistes, et nous incluons actuellement les USA et la Chine, ainsi que l’Allemagne, le Japon, la Russie, l’Inde, la France et le Royaume-Uni. Ces États diffèrent considérablement en termes de structure et de position de pouvoir. La lutte pour la domination impérialiste du monde apparait aujourd’hui, par exemple, principalement comme un duel entre les USA et la Chine, tandis que le Royaume-Uni et la France jouent encore un rôle dans les rangs inférieurs de ce premier niveau, principalement en raison de leur position de pouvoir historique. À son tour, l’économie de la Russie en général est nettement plus faible que celle des autres États impérialistes. Malgré cela, le pays peut aujourd’hui tout comme avant poursuivre une géostratégie impérialiste indépendante en raison de sa position de pouvoir historique, de sa taille territoriale, de sa force militaire (actuelle) et de son contrôle sur des matières premières stratégiquement importantes. En cela, au cours des deux dernières décennies, le pays a obtenu beaucoup plus de succès que ce que perçoit habituellement le grand public.
De plus, la crise économique mondiale de 2019/2020, en conjonction avec la pandémie du coronavirus, a conduit à un renforcement relatif de la Russie et de la Chine vis‑à‑vis des impérialistes occidentaux. La question de la position de l’impérialisme russe dans le monde sera discutée plus loin. Au total, il faut souligner que le rapport de force entre les pays impérialistes est dynamique et que cette dynamique s’intensifie considérablement en temps de crise et de guerre. Cela signifie que des États impérialistes supposément plus faibles peuvent acquérir une force considérable par rapport à leurs concurrents en ces temps‑là. En outre, cela signifie que des constellations d’alliances supposées fixes ‑ comme par exemple celles des impérialismes occidentaux contre la Russie et la Chine ‑ peuvent éclater et que la formation de nouvelles alliances peut se produire.
Derrière les principaux États impérialistes, il y a de nombreux pays, principalement en Europe, qui se situent un peu plus bas dans la pyramide. Il s’agit d’États adossés à un plus petit nombre de monopoles mondiaux et qui jouent tout au plus un rôle de premier plan dans un ou quelques secteurs économiques. La production économique de ces pays est nettement plus faible que celle des principaux impérialistes. Beaucoup de ces pays impérialistes plus faibles sont des puissances rentières et ex-coloniales qui exercent encore un certain contrôle sur leurs anciennes colonies. Mais à l’échelle mondiale, on trouve aussi parmi eux d’anciennes colonies. Tous ces pays sont trop faibles pour une géostratégie indépendante. Dans ce groupe, nous comptons l’Italie, l’Espagne, les Pays‑Bas, la Belgique, le Danemark, Suède, Autriche, Norvège et Suisse. En dehors de l’Europe, on peut placer dans cette catégorie des pays comme l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, le Brésil, le Mexique, la Turquie et quelques pays arabes (Arabie saoudite, Émirats arabes unis).
Ensuite, dans la hiérarchie impérialiste, viennent les États capitalistes de taille moyenne qui, bien qu’ils puissent afficher de fortes performances économiques, n’ont que peu ou pas de monopoles mondiaux derrière eux (par exemple, le Portugal, la Finlande, la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Grèce). Néanmoins, quelques-uns de ces pays peuvent assumer une certaine position hégémonique régionale sur d’autres États, comme la République tchèque en Bulgarie ou la Grèce dans les Balkans.
Au bas de la pyramide se trouvent les pays qui soit sont des colonies directes d’autres États (comme le Kosovo et la Bosnie-Herzégovine) soit, en tant qu’États formellement indépendants, sont dans une dépendance néocoloniale vis‑à‑vis des pays impérialistes. En Europe, il s’agit, par exemple, de l’Ukraine, de la Roumanie, de la Bulgarie, de la Croatie, de la Slovénie et d’autres pays d’Europe de l’Est. Ce qui caractérise ces pays, c’est que leurs sources de matières premières sont exploitées par des monopoles mondiaux étrangers, alors qu’ils sont largement privés de leur propre développement industriel. Les biens de consommation industriels et en partie agricoles sont généralement importés par ces pays de l’étranger, ou au mieux ils abritent des entreprises industrielles dans lesquelles essentiellement des produits préfabriqués ne sont qu’assemblés (comme c’est le cas par exemple dans quelques usines automobiles de VW en Afrique[18]). Quant à la vente de matières premières nationales aux pays impérialistes étrangers c’est surtout une petite couche, connue sous le nom de bourgeoisie comprador, qui s’en enrichit. Tout comme parmi les États impérialistes, il existe également des gradations nettes parmi les (néo)colonies. La structure économique de la Croatie ou de l’Ukraine, par exemple, diffère sensiblement de pays au développement capitaliste encore beaucoup moins prononcé comme Haïti, le Yémen, le Bangladesh, le Mali ou le Congo.
Bien entendu, cette classification ne peut être comprise qu’à titre indicatif. Les rapports de force impérialistes ont désormais atteint un niveau de complexité tel que les situations des pays de chacune des catégories évoquées peuvent être très fortement différenciés. En outre, il existe des États qui n’appartiennent à aucun des groupes mentionnés, comme de nombreux petits États rentiers qui dépendent des États impérialistes en tant que paradis fiscaux (comme le Luxembourg ou le Liechtenstein) et parmi lesquels il existe également de fortes dépendances mutuelles.
2. Le développement des contradictions inter-impérialistes depuis 1989/90
L’ordre actuel des États dans le système mondial impérialiste peut être considéré comme le résultat direct de trois développements historiques en particulier. Ceux-ci sont les suivants.
1. La victoire de l’alliance antihitlérienne pendant la Seconde Guerre mondiale, qui a conduit à une réorganisation des États européens. Cela comprend la redéfinition de la frontière orientale de l’Allemagne sur la ligne Oder-Neisse ainsi que les frontières de la Pologne et de l’Ukraine. La particularité de cette redistribution des territoires était qu’elle était négociée diplomatiquement entre un camp d’États socialistes dirigé par l’URSS et les États impérialistes au sein de l’alliance antihitlérienne. Au sein du camp impérialiste, cette évolution a conduit à l’émergence des USA comme première puissance dans tous les domaines (économique, politique, militaire, culturel).
2. La révolution chinoise de 1949 et les révolutions anticoloniales en Asie et en Afrique. Celles-ci ont conduit à la fin des anciens empires coloniaux européens, à l’indépendance formelle de nombreux États et à leur différenciation en fonction de leur position dans le système mondial impérialiste. En particulier, ces révolutions, ainsi que le mouvement opposé qui a suivi pour rétablir le mode de production capitaliste, ont finalement jeté les bases de l’émergence de la Chine et de l’Inde en tant que nouvelles puissances impérialistes.
3. L’annexion de la République démocratique allemande (RDA) par l’Allemagne de l’Ouest[19] (1990) et la désagrégation de l’Union soviétique par la sortie des États baltes, de l’Ukraine, de la Biélorussie, des républiques du Caucase et d’Asie centrale (1991). Cela a été précédé par la restauration du capitalisme dans la plupart des anciens pays socialistes à partir des années 1950 [20]. La structure spéciale de monopole d’État du capitalisme en Union soviétique y a conduit à des crises économiques chroniques[21], auxquelles le gouvernement de Mikhaïl Gorbatchev a répondu à partir des années 1980 par une introduction accrue des formes classiques d’organisation du capital (par exemple en assouplissant l’économie planifiée et en introduisant des entreprises privées)[22]. Néanmoins, la dissolution du Pacte de Varsovie et de l’Union soviétique n’a pas été le résultat d’une "faillite" ou d’une "implosion", comme aime à le décrire la propagande occidentale, mais d’un démantèlement ciblé qui a été préparé par une guerre hybride de la part des pays de l’OTAN. Dans les années à partir de 1992, la Yougoslavie a finalement été démantelée. Après la fin de l’Union soviétique, l’impérialisme US est devenu l’unique puissance hégémonique mondiale. Mais aujourd’hui, c’est surtout la Chine qui conteste ce rôle.
Le rôle de l’impérialisme russe
Après la désagrégation de l’Union soviétique en 1992, la Fédération de Russie a suivi ses traces en tant qu’État successeur. La plupart des autres anciennes républiques soviétiques ‑ par exemple la Biélorussie, l’Ukraine et les États d’Asie centrale ‑ ont fondé la Communauté des États indépendants (CEI) avec la Russie en 1991. En tant qu’États (en réalité) dépendants, ils ont d’abord conservé des liens étroits avec la Russie, dont certains perdurent encore aujourd’hui. Cependant, la CEI a rapidement perdu de son importance. En tant que néo-colonies, les États baltes d’Estonie, de Lettonie et de Lituanie sont promptement tombés dans la sphère d’influence des pays impérialistes occidentaux et ont rejoint l’OTAN et l’UE dès 2004.
Pour la Russie, la fin de l’Union soviétique a signifié un déclin spectaculaire par rapport aux pays impérialistes occidentaux et a inauguré une phase prolongée dans laquelle le capital et l’État russes se sont réorganisés en puissance impérialiste. Premièrement, le président Boris Eltsine et son vice-Premier ministre Egor Gajdar ont éliminé les derniers éléments restants de l’économie planifiée de l’ère soviétique dans une "thérapie de choc" économique et ont poussé à la privatisation des anciennes entreprises d’État. Les "certificats de participation" avec lesquels une grande partie de la propriété de l’État devait prétendument être offerte en cadeau à la population, se sont rapidement concentrés sur des parties de l’ancien appareil soviétique de l’État et du parti ainsi que des entreprises qui déjà à l’époque de Gorbatchev avaient accumulé du capital privé et entretenaient de bonnes relations avec le gouvernement Eltsine[23]. Beaucoup de ces nouveaux capitalistes s’étaient déjà "spontanément" appropriés les anciennes sociétés d’État sans aucun certificat. D’autres entreprises ont été vendues assez régulièrement dans les années qui ont suivi. La part des entreprises privées dans le produit intérieur brut russe est passée en quelques années de 5 % (1991) à 70 % (1997)[24]. C’est sur la base de cette politique de privatisation qu’est née l’oligarchie financière russe dans sa forme et sa composition actuelles. En 2008, la Russie comptait le deuxième plus grand nombre de milliardaires (plus de 100) après les USA et devant l’Allemagne[25] [26].
Alors que l’oligarchie financière s’enrichissait à une vitesse vertigineuse, l’économie russe dans son ensemble était en proie à une grave crise dans les années 1990. Le produit intérieur brut a chuté de 40 % entre 1990 et 1996. Lorsque, à la fin de l’Union soviétique le soir du Nouvel An 1991, le gouvernement Eltsine a en outre aboli du jour au lendemain le contrôle des prix par l’État, les prix des biens de consommation ont explosé. Le taux d’inflation en 1992 était de 1526 %[27], conduisant à un appauvrissement brutal, massif et permanent de la classe ouvrière russe. Cela a été encore exacerbé par la politique d’Eltsine consistant à réduire radicalement les dépenses publiques et à procéder à des coupes sociales. Dans une enquête menée en 1994 par l’institut de recherche d’opinion Centre Levada (russe mais orienté vers l’Occident), 94 % des personnes interrogées en Russie estimaient que leur revenu était "inférieur au niveau de subsistance nécessaire"[28].
La Russie, en raison de la crise en cours dans le pays, des couts élevés de la première guerre tchétchène de 1994 et de la crise asiatique de 1997, est devenue insolvable en 1998 et a contracté un prêt d’aide de 22,6 milliards de dollars US auprès du Fonds monétaire internationale (FMI) et de la Banque mondiale. En contrepartie, le gouvernement s’est engagé à prendre de nouvelles mesures en matière de politique d’austérité. La faillite de l’État de 1998 a marqué le point bas de la crise russe et le début de la fin du gouvernement Eltsine. Le soir du Nouvel An 1999, Eltsine a annoncé sa démission et a remis les fonctions à l’ancien Premier ministre et ancien agent du KGB Vladimir Poutine, qui en retour lui a assuré l’absence de poursuites pour corruption.
Dans les années qui ont suivi, sous le gouvernement Poutine, le capitalisme et l’État russes se sont stabilisés[29]. Après que le gouvernement Eltsine ait principalement permis l’accumulation rapide de capitaux privés et l’émergence d’une nouvelle oligarchie financière, la direction de Poutine a transformé la Russie en un État impérialiste moderne qui suit une stratégie claire et universelle dans l’intérêt de l’oligarchie financière. Cela comprend la concentration de secteurs stratégiquement importants de l’économie tels que les industries de l’énergie, des matières premières et de l’armement dans des monopoles d’État ‑ une stratégie qui résulte de la structure particulière du capitalisme russe. L’État russe est désormais propriétaire majoritaire de quelques-uns parmi les monopoles russes les plus importants tels que Gazprom (gaz), UES[30] (énergie), Sberbank (finance) et Rosneft (pétrole). La consolidation des monopoles russes sous Poutine s’est accompagnée de luttes de pouvoir féroces au sein de l’oligarchie financière, au cours desquelles un certain nombre d’oligarques ont été évincés ou emprisonnés. En Occident, par exemple, on a appris la dissolution de la deuxième plus grande compagnie pétrolière, Ioukos, en 2003. L’activité de Ioukos est revenue en grande partie aux monopoles d’État Gazprom et Rosneft.
Outre la consolidation des monopoles et de l’économie capitaliste dans son ensemble, l’un des principaux objectifs de l’impérialisme russe au cours des années 2000 était de parer à de nouvelles pertes de son propre territoire, notamment contre les séparatistes fondamentalistes islamiques en Tchétchénie, soutenus par les services de renseignement occidentaux[31]. La deuxième guerre tchétchène a duré de 1999 à 2009 et s’est terminée par la défaite des séparatistes.
Rétrospectivement, force est de constater que la Russie a pu défendre et finalement étendre sa position de pouvoir parmi les principaux États impérialistes après la désagrégation de l’Union soviétique, malgré la crise sévère et une longue phase de réorganisation de son capital financier. Aujourd’hui, la Russie est l’un des plus grands États impérialistes, même si l’impérialisme russe a des faiblesses structurelles particulièrement graves. Cela inclut surtout la relative faiblesse de son économie nationale : en termes de PIB, la Russie n’était que 11e au monde en 2020 [32]. À 9.013 euros, le PIB par habitant n’était qu’un quart du niveau de l’Allemagne et à égalité avec la Chine et des pays comme la Malaisie.
Cependant, les facteurs suivants sont décisifs pour l’évaluation de la Russie en tant que pays impérialiste.
1. La Russie dispose d’un nombre élevé de monopoles mondiaux. L’indice Forbes Global 2000, qui classe les 2000 plus grandes sociétés cotées en bourse au monde, peut servir d’indicateur à cet égard[33]. En 2021, 24 entreprises russes figuraient dans ce classement, emmenées par les banques Sberbank (rang 51) et VTB (597), les sociétés du domaine du pétrole, du gaz et de pipelines Rosneft (99), Surgutneftegas (309), Gazprom (367), LukOil (467), Transneft (513), Novatek (530) et Tatneft (751) ainsi que le groupe minier Nornickel (388), qui extrait des matières premières comme le nickel, le palladium et le platine. Cinq de ces entreprises appartiennent majoritairement à l’État. Par ailleurs, les monopoles mentionnés sont étroitement imbriqués, de sorte que l’on peut parler d’un complexe de monopoles d’État. De plus, avec le Russian National Wealth Fund, la Russie dispose d’un des 15 plus grands fonds souverains au monde, avec un volume de près de 200 milliards de dollars US. Dans la liste des plus grandes entreprises cotées en bourse, la Russie est nettement moins représentée que d’autres grands États impérialistes comme l’Inde (50), l’Allemagne (54), la France (53) ou le Royaume-Uni (66), et se situe plutôt au niveau d’autres pays comme l’Espagne (21) ou l’Italie (23). Cependant, l’orientation stratégique des monopoles russes susmentionnés fait du pays une puissance mondiale dans la production de matières premières et donc dans la production mondiale capitaliste en général, comme nous le verrons ci-dessous.
2. La caractérisation des entreprises mentionnées comme monopoles mondiaux ressort clairement lorsque l’on considère leur position de pouvoir dans la production mondiale capitaliste globalisée[34]. Le capital financier russe est principalement axé sur la production de matières premières. La Russie est le deuxième producteur mondial de gaz naturel (avec une part de 16,6 % de la production mondiale)[35], le troisième producteur de pétrole (12,5 %)[36] et le troisième exportateur mondial de houille (15 %)[37]. En outre, le pays est le quatrième producteur de métaux et de composés métalliques (après la Chine, l’Australie et le Brésil), et occupe notamment une position prépondérante dans la production d’aluminium (place 2, 6 %)[38], de nickel (place 3, 8,8 %)[39], palladium (1re place, 37 %)[40] et cobalt (place 2, environ 4 %)[41]. La Russie figure également parmi les 10 premiers au monde pour la production d’autres matières premières et métaux précieux d’importance stratégique (par exemple l’or, le cuivre et d’autres métaux non ferreux). La focalisation de l’économie russe sur les matières premières a conduit diverses forces politiques à attribuer à la Russie le modèle d’un "pays semi-développé du tiers monde"[42]. L’ancien chancelier fédéral Helmut Schmidt a un jour décrit la Russie comme "la Haute-Volta avec des missiles nucléaires"[43]. Et après tout, les sources d’énergie et les métaux représentent en fait 70 % du total des exportations russes[44], ce qui à première vue peut rappeler les colonies. Cependant, une telle évaluation ne reconnait pas que, premièrement, la Russie joue un rôle de premier plan pas simplement dans la production d’un nombre réduit de matières premières, mais dans toute la gamme des matières premières stratégiquement importantes pour la production mondiale (en particulier dans le secteur de l’énergie), deuxièmement, elle contrôle la production de ces matières premières elle-même par ses propres monopoles d’État, et troisièmement, en tant que l’un des fournisseurs les plus importants de ces matières premières pour de nombreux États impérialistes (comme l’Allemagne) elle a sans aucun doute construit une position de pouvoir vis‑à‑vis de ces États concurrents. Jusqu’à présent, la Russie a réussi à compenser partiellement ses faiblesses fondamentales dans d’autres domaines tels que l’industrie de haute technologie, les exportations de capitaux et le secteur bancaire. C’est précisément cette circonstance qui a été mise en évidence, en particulier en Allemagne, depuis l’escalade de la guerre en Ukraine et le débat sur la possibilité ‑ ou impossibilité ‑ d’arrêter les importations de matières premières russes. Et c’est précisément là la différence entre des pays néocoloniaux comme le Congo, dont l’économie dépend aussi de l’exportation de matières premières mais qui sont exploités par des monopoles étrangers, et un État comme la Russie. Le Handelsblatt résumait cette différence fin mars en se référant à d’éminents économistes ‑ bourgeois ‑ du développement[45] : "[…] des pays comme la République démocratique du Congo resteraient dans la pauvreté non pas malgré mais à cause de leur richesse en ressources naturelles. Les gisements tels que le pétrole, le gaz, l’or ou le cobalt sont une opportunité pour l’élite locale respective de s’enrichir et de mener une vie de luxe. Pour quelques pays cela peut être exact. Cependant, la Russie et la République populaire de Chine utilisent comme levier politique le pouvoir de disposer d’autant de matières premières."
3. La Russie n’est pas seulement l’un des principaux pays du monde dans la production de matières premières, mais aussi dans la production et la vente d’armements. L’impérialisme russe a hérité de l’Union soviétique aussi bien l’industrie d’armement avancée que son vaste arsenal d’armes. Avec une part de 20 %, la Russie est le deuxième exportateur d’armes au monde après les USA (37 %), la question étant cependant de savoir quelle part occupe ici la vente des anciens stocks soviétiques[46]. En 2019, la plus grande entreprise d’armement du pays, Almaz-Antei, était classée 17e parmi les plus grandes entreprises d’armement du monde en termes de ventes[47]. Dans l’ensemble, l’industrie de l’armement semble être la branche la plus innovante de l’économie russe, qui est par ailleurs considérée comme relativement arriérée. Par ailleurs, la Russie est fortement dépendante des importations de technologie étrangère. Une telle tendance existait déjà à l’époque de l’Union soviétique, lorsque les militaires réclamaient presque exclusivement la paternité des avancées techniques[48]. Dans le Global Innovation Index annuel, la Russie s’est classée à une modeste 45e place sur 132 pays interrogés en 2021 [49], même s’il existe désormais une certaine scène de sociétés "start-up" dans le pays[50]. Globalement, la reproduction élargie du capital fixe apparait comme l’un des talons d’Achille de l’impérialisme russe. En 2019, la Bundeszentrale für politische Bildung (Agence fédérale pour l’éducation politique) est parvenue à la conclusion qu’en Russie, avec "des investissements dans des actifs corporels d’un peu plus de 20 % du produit intérieur brut (…) les installations de production et les bâtiments [peuvent] certes être remplacés et modernisés", mais que le "stock de capital global" n’augmente "que légèrement"[51]. La Russie ne joue donc aucun rôle dans la production de produits de haute technologie en dehors des armements. Après les matières premières, les produits d’exportation les plus importants sont les produits chimiques, les machines et les véhicules, et les produits agricoles tels que le blé[52].
4. La Russie, héritière de l’Union soviétique, est toujours considérée comme la deuxième puissance militaire la plus puissante du monde après les USA[53] et continue de rivaliser avec eux dans les comparaisons numériques directes de l’armée de l’air, de la marine et des chars[54]. En particulier, la Russie possède le plus grand nombre d’ogives nucléaires au monde (6.255). Cependant, ce n’est que l’état actuel de la puissance de feu russe. En revanche, avec 61,7 milliards d’euros, la Russie ne dispose que du quatrième budget d’armement au monde (après les USA, la Chine et l’Inde), mais cela correspond à plus de 4 % du PIB russe. Sur le plan militaire, la Russie vit essentiellement de la force passée de l’Union soviétique et est limitée dans sa capacité à se développer en tant que puissance militaire par la faiblesse relative de son économie nationale et de son capital. C’est là qu’entre en jeu une conclusion avancée comme argument déjà dans les années 1920 par l’économiste communiste Eugen Varga au sujet de la faiblesse militaire du Japon[55] : "La puissance militaire d’un pays est déterminée par deux facteurs principaux : a) la force économique du pays, b) la solidité de son système social." Cela signifie que compter les canons et les roquettes aujourd’hui n’est pas le seul facteur décisif pour déterminer la puissance militaire d’un pays! Selon l’estimation de Vargas, le Japon par exemple devait, en tant que pays situé économiquement au même niveau que les pays les plus pauvres d’Europe, "heurter les barrières économiques de la guerre beaucoup plus vite […] que les autres, les pays riches, impérialistes[56]." Et c’est ainsi que ça a fini effectivement!
L’impérialisme russe est également confronté à ce danger, et sa puissance de feu actuelle ne peut le cacher. Le déroulement réel de la guerre en Ukraine a en outre révélé des lacunes dans l’organisation et la capacité opérationnelle de l’armée russe, qui n’avaient pas été remarquées dans la guerre syrienne beaucoup plus restreinte. Il est significatif et constitue une expression des contradictions internes de la puissance militaire russe, que de nombreux experts militaires aient dû admettre après le début de la guerre qu’au préalable ils avaient grossièrement surestimé la force de l’armée russe[57].
5. La Russie est le plus grand pays du monde en termes de territoire, devant le Canada, les USA et la Chine. L’immense étendue du pays et sa situation ne sont pas seulement la base géographique de la position de la Russie en tant que puissance de matières premières. De plus, ils prédestinent la Russie à la lutte pour la prépondérance en Eurasie. Dans le même temps, la Russie a un grave problème géographique, à savoir le manque d’accès à des ports libres de glace toute l’année. L’accès de la Russie au commerce maritime et sa capacité à être une puissance militaire en mer et par là une puissance mondiale dépendent donc fortement du contrôle de la péninsule de Crimée et plus particulièrement du port de Sébastopol en mer Noire. C’est le contexte de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, à la suite du coup d’État de Maïdan en Ukraine. Une nouvelle dynamique géostratégique se développe également dans la région polaire nord. La fonte des glaces de l’Arctique à la suite du réchauffement climatique permet à la Russie de développer de nouveaux gisements minéraux importants dans cette région. Dans le même temps, cela découvrira potentiellement les 24.000 km de côtes russes vers l’Arctique[58]. Cela crée de nouvelles routes maritimes pour la Russie, mais aussi une énorme cible pour les puissances ennemies. En fait, il devient déjà évident que le dégel de l’Arctique pourrait changer de manière significative la lutte impérialiste pour l’Eurasie. En tout cas, la lutte pour le contrôle de la région bat déjà son plein.
6. La Russie a toujours une sphère d’influence géostratégique qui s’étend aux anciennes colonies de l’Empire tsariste et de l’Union soviétique impérialiste en Europe de l’Est et en Asie centrale. La Russie tente de consolider cette sphère d’influence par le biais d’alliances économiques, politiques et militaires telles que l’Union économique eurasienne et l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), ayant pour centre la Biélorussie, les États d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan) et l’Arménie. À cela s’ajoute la politique d’alliances stratégiques du pays dans d’autres parties de l’Eurasie et du monde, surtout avec l’Iran et la Syrie ainsi qu’avec la Corée du Nord, Cuba, le Nicaragua et le Venezuela. En intervenant dans la guerre syrienne aux côtés du régime d’Assad, la Russie a pu étendre sa sphère d’influence en Asie occidentale et sécuriser l’accès militaire à la Méditerranée avec la base navale de Tartous. Outre l’Ukraine, l’armée russe est actuellement présente en Abkhazie et en Ossétie du Sud (Géorgie), en Arménie, au Kirghizistan, en Transnistrie (Moldavie), au Tadjikistan, en Biélorussie et en Syrie. En outre, l’armée de mercenaires russe officiellement non étatique "Wagner" est active dans de nombreux pays, dont le Mali, et y fait le sale boulot pour la Russie[59].
7. La Russie dispose d’un appareil d’État fort et politiquement mature et, en particulier, d’un appareil de renseignement expérimenté. Notamment, compte tenu de sa faiblesse relative par rapport aux autres impérialistes, l’État russe a accumulé une expertise considérable dans la guerre hybride et asymétrique et l’a utilisée à plusieurs reprises au cours des deux dernières décennies, avant tout dans l’annexion de la Crimée et la sécession des républiques du Donbass d’avec l’Ukraine en 2014. De plus, avec des stratégies de désinformation et de subversion, la Russie a joué un rôle important dans la formation de nouveaux partis d’opposition de droite dans de nombreux pays européens et dans le virage à droite du Parti républicain aux USA[60]. Enfin, la Russie joue un rôle de premier plan dans la cyberguerre.
8. Les faiblesses et les forces énumérées ci-dessus sont à la base de la contradiction interne caractéristique de l’impérialisme russe, d’une part se trouver en permanence le dos au mur et finalement menacé du partage par des États concurrents (surtout les USA et la Chine) ‑ et d’autre part être tout à fait en mesure de pouvoir poursuivre sa propre géostratégie. Cela a pour objectif avant tout de réviser les résultats des développements de 1989 à 1992 et de remettre le territoire de l’ex-Union soviétique et ses sphères d’influence clairement sous contrôle russe. Pour cette raison, Poutine ne se lasse pas de décrire la fin de l’Union soviétique comme la "catastrophe géopolitique du 20e siècle". Mais la géostratégie russe ne s’arrête pas là et vise à terme à devenir la première puissance de toute l’Eurasie. La Russie n’a pas renoncé à cette dernière ambition même au plus bas de sa phase de crise et de transition au milieu des années 1990. En 1997, donc encore quelques années avant la transition du gouvernement Eltsine au gouvernement Poutine, le politologue russe et maitre à penser fasciste Aleksandr Dugin[61] a publié son ouvrage Fundamentals of Geopolitics[62], dans lequel il développe sa vision de la Russie comme puissance dominante en Eurasie, et qui sert de manuel à l’Académie de l’état-major de l’armée russe depuis de nombreuses années[63]. Le livre peut être considéré comme la réponse russe au "grand échiquier"[64] du géostratège américain Zbigniew Brzezinski. Dans ce document, Dugin conçoit un "empire eurasien" dirigé par la Russie comme alternative à l’empire hégémonique des USA. La lutte entre la Russie et les USA est l’expression de la lutte des puissances terrestres ("tellurocraties") contre les puissances maritimes ("thalassocraties"), qui, dans l’imaginaire de l’auteur, a toujours constitué la base de tout ordre mondial. La résurgence de la Russie doit aller de pair avec un retour en arrière de l’idéologie "libéraliste" typique d’une puissance maritime comme les USA et de faire du modèle traditionnel de valeurs centré sur la famille, la nation et la religion (chrétien-orthodoxe) à nouveau la base de l’ordre social. Plus précisément, selon les idées de Dugin, sur la voie de la création de "l’empire eurasien" la Russie ne devrait compter sur des guerres ouvertes que dans une mesure limitée. Au contraire, les moyens d’étendre la sphère d’influence russe sont une politique d’alliance intelligente, la provocation de fissures dans le camp ennemi (dirigé par les USA), la fomentation de conflits ethniques, des annexions limitées ainsi que la subversion et la désinformation. De nombreux éléments stratégiques ainsi que les succès de la politique étrangère et de la subversion russe ultérieure sont déjà préfigurés par Dugin, tels que la décomposition de la Géorgie et l’annexion de fait de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud à la Russie (mise en oeuvre lors de la guerre de Géorgie de 2008); l’établissement d’une alliance stratégique avec l’Iran; les liens de l’Allemagne et de nombreux pays d’Europe de l’Est avec les exportations russes de matières premières; l’approfondissement des contradictions entre le Royaume-Uni et l’Europe continentale et entre la Turquie et l’OTAN, et la fomentation de conflits ethniques et sociaux aux USA. On pourrait dire que la géostratégie russe, telle que formulée idéologiquement par Dugin, s’appuie spécifiquement sur les forces de l’impérialisme russe (puissance des matières premières, potentiel de menace militaire, guerre hybride, influence idéologique) et tente d’enrayer la vulnérabilité de la Russie venant de ses faiblesses structurelles.
En résumé, on peut constater que la Russie est un bon exemple du fait que l’évaluation correcte de la position de puissance d’un État dans le système mondial impérialiste ne peut pas être basée sur des aspects isolés[65]. Au lieu de cela, tous les facteurs pertinents doivent être analysés et considérés dans leur contexte. Par exemple, il ne suffit pas de constater à l’aide de statistiques que l’économie russe est plus faible et moins productive que celle des autres pays impérialistes, que la Russie compte moins de grandes entreprises que l’Allemagne, la France et l’Inde, et qu’elle ne joue aucun rôle dans l’industrie de haute technologie, ‑ tout cela sans tenir compte en même temps du fait que la Russie contrôle une part importante de l’approvisionnement en matières premières du capitalisme mondial. Il ne suffit pas non plus de constater que la Russie est entourée à sa frontière occidentale par des États membres de l’OTAN, sans reconnaitre en même temps qu’elle a pu atteindre un certain nombre de jalons géostratégiques importants avec des moyens respectivement hybrides, ou militaires limités.
De par sa force militaire donnée, l’efficacité de ses services secrets et la combinaison de tactiques de guerre militaires et hybrides, l’État russe a sans aucun doute su faire progresser son capital financier dans la compétition internationale ces dernières années. À l’inverse, cependant, nous avons vu que la faiblesse économique de la Russie limite son potentiel militaire ‑ et cela a conduit à ce que justement au cours des dernières décennies, la Russie ne s’est pas principalement appuyée sur sa puissance militaire pour étendre son territoire hégémonique. Mais maintenant que le conflit sur sa frontière occidentale a tellement progressé que la Russie doit compter sur son armée, ses faiblesses se font sentir.
Les géostratégies des autres pays impérialistes en Eurasie et envers la Russie
Dans des articles antérieures, nous avons montré pourquoi la clé de l’hégémonie mondiale impérialiste réside dans le contrôle du supercontinent Eurasie, qui forme le plus grand massif terrestre contigu sur terre et, en tant qu’"ile mondiale", forme l’axe géostratégique central[66]. Cela signifie que toutes les puissances impérialistes doivent s’efforcer soit de dominer directement l’Eurasie, soit de veiller à ce qu’aucun empire concurrent n’y émerge. La Russie occupe à elle seule plus de 30 % de la superficie de l’Eurasie et la zone d’intérêt russe direct, qui correspond à peu près au territoire de l’ex-Union soviétique, un bon 40 %. Cela signifie que la Russie par la force des choses doit revêtir une place centrale dans la géostratégie de tout État impérialiste concurrent.
Du point de vue de l’ancienne puissance hégémonique impérialiste mondiale, les USA, dont le territoire se situe en dehors de l’Eurasie, le cas est clair : premièrement, toutes les puissances concurrentes en Eurasie ne doivent pas croitre au‑delà d’un certain point et deuxièmement, en Eurasie ne doit surgir aucune alliance entre elles qui pourrait défier l’hégémonie US. C’est pourquoi la géostratégie américaine en Eurasie vise principalement à contrôler l’Allemagne, la Russie et la Chine et à les monter les uns contre les autres. Pour cette raison les USA se concentrent sur le confinement de la Chine dans la région du Pacifique, notamment par le soutien à Taïwan et une politique d’alliance étroite avec le Japon, la Corée du Sud et l’Australie. En Europe, pour la même raison, les USA maintiennent des bases militaires en Allemagne et en Italie, entre autres, et entretiennent une étroite coopération politique et militaire avec les pays capitalistes de taille moyenne aux frontières nord et est de l’Allemagne (Danemark, Pologne), ce en quoi ils marchent sur les traces historiques du Royaume-Uni. Vis‑à‑vis de la Russie, ils ont poussé l’expansion de l’OTAN loin dans l’ex-sphère d’influence soviétique (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie) voire l’ex-territoire soviétique (Estonie, Lettonie, Lituanie). Depuis des années, ils déploient des efforts considérables pour retirer l’Ukraine de la sphère d’influence russe et la transformer en un avant-poste antirusse. Du point de vue US, cependant, cela ne doit pas incomber à l’Allemagne. La présence américaine dans les Balkans (surtout en Albanie et au Kosovo) vise à restreindre à la fois la Russie et l’Allemagne. La Russie, les USA et la Chine rivalisent également d’influence sur les États d’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Kirghizistan, Tadjikistan), qui, du point de vue des USA, sont essentiels au projet visant à déclasser définitivement la Russie au rang de puissance régionale et à bloquer l’expansion de la Chine vers l’ouest. Le but ultime logique de la stratégie US à l’égard de la Russie est une destruction territoriale de la Russie et son désarmement nucléaire. Cela éliminerait un important concurrent impérialiste. Les USA pourraient s’assurer le contrôle d’une partie des sources russes de matières premières et, par des politiques intelligentes dans les États émergents, alimenter davantage les conflits entre les pays eurasiens. Le plus important cependant est que les USA pourraient se concentrer pleinement sur le contrôle de la Chine en n’ayant plus à tenir compte des armes nucléaires russes.
Du point de vue de la Chine, il y a donc une ambigüité par rapport à la Russie. Tout d’abord, la Russie n’est pas pour la Chine un ami naturel ou un partenaire en vue d’un bloc, mais un concurrent impérialiste dans le voisinage immédiat et donc un obstacle sur la voie de l’hégémonie mondiale chinoise. Tout comme la destruction de la Chine est l’un des objectifs ultimes de la stratégie eurasienne de la Russie (voir Dugin), la Chine n’a aucun intérêt à long terme à ce que la Russie conserve sa forme territoriale et sa force militaire actuelles. En cela cependant, du point de vue chinois, l’influence sur le territoire russe ou sur des parties essentielles de celui‑ci ne doit en aucun cas revenir aux USA ou aux impérialistes européens. La Chine est donc actuellement principalement intéressée à subordonner une Russie affaiblie[67] et à la forcer à tolérer l’expansion chinoise vers l’Ouest. Pour son expansion, la Chine a besoin d’accéder aux matières premières russes (telles que le charbon) et l’arsenal d’armes russe ne doit pas viser la Chine. Ce sont les bases des alliances russo-chinoises actuellement existantes, qui ne doivent cependant pas masquer la concurrence impérialiste entre les deux États. Un ancien conseiller influent du gouvernement russe a résumé succinctement cette relation concurrentielle dans une récente interview : "Je suis très préoccupé par la domination économique écrasante de la Chine dans les dix prochaines années. Des gens comme moi ont toujours dit précisément qu’il fallait régler le problème de l’Ukraine, qu’il fallait régler le problème de l’OTAN, pour que nous [la Russie] soyons en position de force face à la Chine. Désormais, il sera beaucoup plus difficile pour la Russie de s’opposer à la puissance chinoise[68]." En fait, du point de vue chinois, c’est un avantage si la Russie s’empêtre maintenant dans un conflit avec les impérialistes occidentaux et immobilise ainsi également des forces américaines qui ne sont alors plus à leur disposition dans l’Indopacifique. La guerre en Ukraine pourrait donc encore favoriser l’essor de la Chine. Cependant, elle recèle également quelques risques : une défaite totale de la Russie au profit d’une expansion de la puissance américaine en Europe nuirait autant à la Chine que sa propre implication prématurée dans une guerre avec les USA.
L’Allemagne, à son tour, a fondé son ascension en Europe après la Seconde Guerre mondiale et surtout après l’annexion de la RDA sur un remarquable double jeu face à ses concurrents. Grosso modo, cela repose sur le principe de serrer au plus près les plus grands concurrents, à savoir la France et les USA. Du point de vue allemand, la connexion à l’Occident sous la forme d’une coopération franco-allemande dans l’UE et l’adhésion à l’OTAN étaient essentielles pour que les USA, le Royaume-Uni et la France tolèrent la puissance économique et politique croissante de l’Allemagne. En raison de la pénétration économique et politique d’autres pays, l’Allemagne est devenue la puissance prépondérante incontestée de l’UE et s’est assujetti la France. En fin de compte, cependant, les objectifs géostratégiques à long terme de l’Allemagne sont la révision de l’ordre d’après-guerre de 1945 et se situent principalement à l’est, à savoir au‑delà de la ligne Oder-Neisse, à partir de la Pologne et de la République tchèque le long de la route de la soie historique vers l’Asie. Si l’Allemagne veut faire de sérieux efforts pour redevenir une puissance mondiale, elle doit prendre le contrôle de parties importantes de l’Europe de l’Est et des Balkans, comme elle a tenté de le faire au cours des deux premières guerres mondiales. Cependant, par leur politique dans ces régions, les USA indiquent clairement qu’ils utiliseront tous les moyens pour empêcher une telle hégémonie allemande. Il en va de même pour le Royaume-Uni, qui veut également bloquer la volonté de suprématie de l’Allemagne en Europe de l’Est. Cela signifie que l’Allemagne a largement épuisé son potentiel d’expansion en tant que puissance impérialiste, tel qu’il est possible sur la base de sa connexion avec l’Occident. Cependant, elle ne peut pas s’en contenter. La seule façon réaliste pour l’Allemagne de briser le blocus à l’est de la part des USA serait par une alliance avec la puissance russe liée aux matières premières et le domaine militaire, ce qui à son tour devrait être toléré par la France. Pour la Russie, qui souffre des faiblesses structurelles susmentionnées sur le plan économique et subit la pression militaire de l’OTAN à l’ouest, un tel accord avec l’Allemagne ne serait rien de moins qu’une libération décisive : les deux pays auraient l’Europe de l’Est et les Balkans partagés entre eux et l’Allemagne pourrait fournir à la Russie des produits de haute technologie en échange de matières premières. Effectivement, une telle alliance germano-russe est l’objectif déclaré de la géostratégie russe depuis des décennies et a été non seulement présentée par Dugin dans son livre[69], mais aussi décrite comme une vision par Poutine dans son discours au Bundestag en 2001 [70]. Et de fait, les gouvernements allemands des dernières décennies ont prudemment initié une telle coopération interpartis avec la Russie, notamment en échangeant des matières premières russes contre des produits industriels allemands. Ce faisant, ils ont pris soin d’invoquer le "partenariat de valeurs" avec les USA, de critiquer la Russie sur le plan politique et, surtout, de poursuivre la coopération au sein de l’OTAN afin que les USA ne torpillent pas l’entente germano-russe de façon trop offensive et ne renforcent pas leur politique de confinement vis‑à‑vis de l’Allemagne. Le fait que "l’amitié" germano-américaine et le "partenariat de valeurs" n’est rien de plus qu’un mauvais spectacle politique, derrière lequel se cache en vérité un acte de corde raide politique de pouvoir, a été illustré, entre autres, par les années de bras de fer politique sur les gazoducs germano-russes "Nord Stream 1" et "Nord Stream 2", avec lesquels le gaz russe est ou devrait être transporté vers l’Allemagne en contournant les zones d’influence américaines (Ukraine et Pologne). Dans ce contexte, la guerre d’Ukraine a porté un sérieux coup à l’aspiration à la puissance mondiale de l’Allemagne, notamment parce qu’elle est désormais contrainte de renoncer pour une durée indéterminée à jouer son double jeu contre la Russie et les USA ‑ la connexion occidentale, tout en préparant l’alliance avec la Russie ‑- et donc se soumettre aux USA en tant que partenaire junior. La seule issue à cette impasse ne peut être que de devenir soi‑même une grande puissance militaire par un réarmement résolu. L’Allemagne montre clairement les conditions préalables à cela ‑ selon Eugen Varga, la force économique et la solidité du système social. Et quelques jours après l’attaque russe sur toute l’Ukraine, le nouveau chancelier du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD), Olaf Scholz, a solennellement annoncé la décision concernant le réarmement.
En résumé, on peut dire que la géostratégie des USA vise essentiellement à maintenir l’ordre mondial issu de la Seconde Guerre mondiale et de l’effondrement de l’Union soviétique, dont ils sont eux‑mêmes aux commandes, et à le développer davantage dans leurs propres intérêts : à savoir en contenant la Chine et l’Allemagne et en neutralisant la Russie, idéalement en la désarmant et en la détruisant territorialement. L’Allemagne, la Chine et la Russie, en revanche, s’efforcent de renverser cet ordre mondial dominé par les USA et de devenir elles‑mêmes des puissances hégémoniques. L’Allemagne veut reprendre ses plans d’expansion vers l’Est, bloqués depuis 1945. La Russie veut réviser l’évolution de 1989 à 1992 et devenir la première puissance eurasienne sur cette base. Et la Chine ne veut rien de moins que d’établir un tout nouvel ordre mondial, renverser la domination de 500 ans des puissances euro-américaines sur l’Eurasie et devenir elle‑même une puissance hégémonique mondiale. Tous ces États impérialistes sont ainsi poussés par la soif de leurs monopoles mondiaux de profits maximaux, qu’ils doivent atteindre dans la compétition internationale sous peine de leur propre disparition. Et l’un des points chauds sur la carte du monde où ces objectifs géostratégiques opposés des puissances impérialistes se rencontrent est l’Ukraine.
3. La guerre d’Ukraine comme prélude à la troisième guerre mondiale
L’Ukraine et son importance géostratégique
L’histoire de la guerre d’Ukraine remonte à 2014, 1991 ou même au Moyen Âge. Le pays de la côte nord de la mer Noire, qui compte aujourd’hui 40 millions d’habitants et qui, après la France, possède la plus grande superficie d’Europe, a toujours été combattu à maintes reprises entre des empires rivaux dans son voisinage. Entretemps, certaines parties du territoire actuel de l’Ukraine appartenaient à l’Empire romain, à l’Empire byzantin, au "Khanat mongol de la Horde d’Or", à la Pologne-Lituanie, à l’Empire ottoman, à l’Empire russe et à l’Autriche-Hongrie. L’empire médiéval de Kiev, qui existait jusqu’à l’invasion mongole au 13e siècle, s’étendait à certaines parties de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie et, du point de vue du grand chauvinisme russe, a toujours été considéré à côté de la religion chrétienne-orthodoxe commune comme la base de la légitimation d’une prétendue revendication russe au pouvoir en Biélorussie et en Ukraine[71].
Cependant, l’Ukraine a plusieurs centaines d’années de sa propre histoire[72] à présenter et a été divisée pendant de longues périodes de cette histoire. Dans l’histoire plus récente, cela s’applique en particulier à l’ouest de l’Ukraine (est de la Galice et nord de la Bucovine) avec la ville de Lviv/Lemberg, qui appartenait à l’Autriche-Hongrie jusqu’à la Première Guerre mondiale et en partie à la Pologne, la Roumanie et la Tchécoslovaquie entre les deux guerres mondiales. La région était le centre du nationalisme bourgeois ukrainien dans les années 1920 et plus tard de la célèbre "Organisation des nationalistes ukrainiens" (OUN) de Stepan Bandera, qui a collaboré avec les envahisseurs national-socialistes contre l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, et entre autre a fourni des volontaires pour la Division "Galice" de la Waffen-SS. Lviv a été le centre du mouvement de sortie de l’Ukraine de l’Union soviétique en 1991 et est aujourd’hui une sorte de "capitale" du fascisme ukrainien. L’Ukraine orientale, en revanche, a toujours été marquée par une forte influence russe.
Lors du dernier grand recensement de 2001, la majorité de la population de tout le pays était ukrainienne (78 %), suivie d’une importante minorité russe (17 %) et de petites minorités régionales comprenant des Roumains et des Moldaves, des Biélorusses, des Tatars de Crimée, des Bulgares, des Hongrois, Polonais, Juifs et Arméniens (tous en dessous de 1 %)[73]. Les langues les plus parlées dans le pays sont l’ukrainien et le russe, la répartition des langues maternelles étant très différente d’une région à l’autre. En 2011, une enquête a révélé que près de 43 % de la population parlait ukrainien à la maison et près de 39 % russe. Dans l’ouest de l’Ukraine, la proportion de locuteurs natifs ukrainiens est supérieure à 90 %, tandis que dans l’est des oblasts de Donetsk et Lougansk, environ 70 % de la population ont le russe comme langue maternelle[74]. Cependant, depuis 1991, la seule langue officielle en Ukraine est l’ukrainien.
Tels sont les faits historiques et démographiques qui sont à la base du conflit national en Ukraine et des positions du chauvinisme ukrainien et grand-russe. Alors que les gouvernements nationalistes-chauvins d’Ukraine ont intensifié l’oppression de la population russe et de la langue russe depuis le putsch de Maïdan en 2014 [75], en février 2022, le président russe Poutine a décrété que l’Ukraine n’était de toute façon rien d’autre qu’une créature artificielle que les bolcheviks autour de Lénine et de Staline avaient engendrée pour des motifs opportunistes[76].
Cependant, pendant la période de la Révolution d’Octobre et de la guerre révolutionnaire qui a suivi, ces derniers ont clairement souligné le caractère des Ukrainiens en tant que nation distincte et ont poursuivi à leur égard une politique fondée sur le principe du droit des nations à l’autodétermination. En 1921, lors du 10e Congrès du Parti communiste russe, Staline déclarait à ce sujet[77] : "Tout récemment encore ne disait‑on pas que la République ukrainienne et la nation ukrainienne étaient une invention des Allemands? Il est pourtant clair que la nation ukrainienne existe, et que le devoir des communistes est de développer sa culture. On ne peut aller à l’encontre de l’histoire. Il est évident que si les éléments russes prédominent encore dans les villes d’Ukraine, celles‑ci, avec le temps, ne peuvent manquer de s’ukrainiser."
Contrairement aux incantations idéologiques des chauvins ukrainiens et de leurs homologues de la Grande Russie, le coeur géostratégique du conflit ukrainien n’est nullement constitué par la fraternité de sang ou l’orthodoxie chrétienne, mais plutôt par des faits géographiques prosaïques. La majeure partie de l’Ukraine se trouve dans la plaine d’Europe de l’Est, qui s’étend au nord-ouest jusqu’à la Pologne et à l’est jusqu’à la Russie. Les seules frontières naturelles du pays sont les Carpates au sud‑ouest et la mer Noire avec la péninsule de Crimée au sud. Avec l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Biélorussie, l’Ukraine forme une ceinture de basses terres sur le flanc occidental de la Russie, qui s’étend de la mer Baltique jusqu’à la mer Noire, ce qui en fait une zone de transit entre l’Europe centrale et la Russie, le Caucase et les Balkans. Par conséquent, du point de vue des puissances d’Europe centrale, elle est essentielle pour l’expansion vers l’est, et du point de vue russe, c’est à la fois une zone tampon pour la défense de leur propre pays et la base stratégique d’opérations pour le contrôle de l’Europe centrale et orientale. Pour toutes les puissances, le contrôle de l’accès à la mer Noire est également d’une grande importance. Or, dans le cas de la Russie, ce contrôle, et surtout la souveraineté sur la Crimée, n’est rien de moins que le préalable indispensable à toute compétitivité économique et à toute capacité d’action géostratégique. La mer d’Azov et le détroit de Kertch à l’est de la Crimée forment la connexion entre la mer Noire (et donc les océans du monde) et un système de rivières et de canaux en Russie (dont le Don et la Volga) qui s’étend jusqu’à la mer Baltique et la mer Caspienne et constitue ainsi la bouée de sauvetage économique de la Russie[78]. Et, élément non des moindres, le secteur agricole en Ukraine joue un rôle important dans la stratégie impérialiste de divers États. Le pays est l’un des plus grands producteurs de blé et d’orge au monde.
Pour ces raisons, l’Ukraine est un pays géostratégique clé pour les impérialismes russe et allemand, qui veulent tous deux devenir la première puissance en Eurasie, et pour l’impérialisme américain, qui veut empêcher que cela ne se produise. Le géostratège américain Brzezinski a identifié l’Ukraine comme un État pivot pour les USA dans son ouvrage "Le grand échiquier" et décrit précisément l’importance d’une perte d’influence russe sur le pays[79] : "Rien qu’à elle seule l’existence d’une Ukraine indépendante aide à changer la Russie. Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire eurasien. Bien qu’elle puisse toujours revendiquer le statut impérial, elle serait alors impliquée dans des conflits avec les États d’Asie centrale. La Chine s’opposerait également à une nouvelle domination russe en Asie centrale. Mais si la Russie reprend le contrôle de l’Ukraine, elle redeviendrait une puissance impériale."
Enfin, l’aperçu général de l’Ukraine inclut le fait que le pays appartient à la partie la plus basse de la hiérarchie impérialiste, à savoir aux néo-colonies. Avec un PIB de 155 milliards de dollars US (2020), ce qui correspond à environ un dixième de la puissance économique de la Russie, l’Ukraine est l’un des pays les plus pauvres d’Europe[80]. Selon les chiffres officiels, le chômage est de 8,9 % et aurait été nettement plus élevé si des millions d’Ukrainiens n’avaient pas émigré à l’étranger pour travailler ces dernières années. Selon l’avis de l’historien économique britannique Adam Tooze, la désagrégation de l’Union soviétique n’était rien de moins qu’un "désastre économique" pour l’Ukraine. Le produit intérieur brut par habitant en parité de pouvoir d’achat a diminué de moitié entre 1990 et 1996 et n’a pu atteindre à ce jour que 80 % du niveau de 1990. Le pays est en stagnation économique depuis le début de la crise économique mondiale en 2007, ce qui est une énorme différence avec son voisin russe[81]. Les principaux produits d’exportation de l’Ukraine sont les produits agricoles, les matières premières et les produits industriels de première transformation, notamment le maïs, l’huile de tournesol, le blé, les boulettes de minerai de fer, les concentrés de fer et les câbles[82].
Le statut économique de l’Ukraine en tant que néo-colonie signifie également que le pays ne possède aucune des caractéristiques nécessaires pour être une puissance militaire. Sa force militaire repose uniquement sur les livraisons d’armements et l’aide financière des pays impérialistes occidentaux.
La lutte impérialiste pour l’Ukraine au 21e siècle
Dans le contexte géostratégique décrit ci‑dessus, l’impérialisme américain a fait d’énormes efforts depuis la désagrégation de l’Union soviétique pour finalement retirer l’Ukraine de la sphère d’influence russe. L’Allemagne, qui a un besoin urgent de l’Ukraine pour ses propres plans d’expansion, a travaillé avec les USA sur cette question, mais a toujours cherché simultanément à renforcer sa propre influence dans le pays face aux USA. Il s’agit donc d’une coopération tactique entre les deux États, qui s’accordent seulement à vouloir repousser la position de puissance de la Russie en Ukraine, mais poursuivent des plans à long terme contradictoires concernant le pays. Aujourd’hui, ce conflit d’intérêts se manifeste, par exemple, dans le fait qu’il y a des représentants de l’élite politique ukrainienne qui agissent comme représentants des intérêts des USA, comme par exemple le maire de Kiev, Vitali Klitschko, qui est une émanation de la Fondation Konrad-Adenauer[83]. Derrière eux, à leur tour, se trouvent divers groupes d’oligarques ukrainiens.
Depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, il y a eu plusieurs étapes dans la guerre secrète américaine et allemande contre la position de puissance de la Russie dans le pays. Les plus importantes d’entre elles étaient les suivantes.
• Pendant la "révolution orange" en 2004, un mouvement de protestation soutenu par les États impérialistes occidentaux a poussé le candidat présidentiel Viktor Iouchtchenko au pouvoir contre son adversaire pro-russe Viktor Ianoukovitch. Auparavant, il y avait eu un résultat électoral peu clair et des accusations mutuelles de fraude électorale. Après que Ianoukovitch ait été déclaré vainqueur par la commission électorale, Iouchtchenko a appelé à une grève générale et à des blocages. Après des semaines de protestations, la Cour suprême a déclaré invalide le premier résultat électoral. Iouchtchenko a remporté le second tour. Le processus est l’une des soi-disant "révolutions colorées"[84]. Dès 2003, un mouvement similaire en Géorgie, soutenu par l’Occident, a renversé l’ancien président Édouard Chevardnadze et l’a remplacé par Mikhail Saakashvili. En 2005, le président Arkan Akayev a été renversé au Kirghizistan de la même manière. En Ukraine, Viktor Iouchtchenko s’est efforcé durant sa présidence de rapprocher le pays de l’OTAN et de l’UE, dans le but de rejoindre les deux alliances. Il a également promu "l’ukrainisation" du système éducatif et la suppression de la langue russe. En 2010, il a perdu l’élection présidentielle suivante contre Ianoukovitch.
• En 2008, l’OTAN a accordé à l’Ukraine et à la Géorgie des perspectives d’adhésion. À l’instigation des USA, les deux pays étaient même initialement censés adhérer au "Plan d’action pour l’adhésion à l’OTAN", qui est considéré comme l’étape la plus importante dans le processus d’adhésion formelle d’un pays à l’alliance. Cependant, l’Allemagne et la France ont affaibli le résultat du sommet à cet égard comme une concession à la Russie, de sorte que la procédure en est restée à la vague "perspective d’adhésion". La même année, la guerre de Géorgie a éclaté entre la Géorgie et la Russie après que l’armée géorgienne a envahi la province séparatiste d’Ossétie du Sud. La guerre a conduit à la sécession de facto de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie de la Géorgie. L’armée russe est stationnée dans les deux pays à ce jour.
• En février 2014, le coup d’État de Maïdan en Ukraine a renversé le président sortant Viktor Ianoukovitch, dont la victoire avait été empêchée dix ans auparavant. Après quelques hésitations et pressions de Moscou, ce dernier avait auparavant refusé de signer un accord d’association négocié avec l’UE. Cela a conduit à une relance (majeure) du mouvement de protestation pro-occidental de 2004, dans lequel des forces fascistes telles que le "Secteur droit" ont pris le rôle d’avant-garde. Ianoukovitch a été contraint d’émigrer en Russie par des menaces flagrantes de violence. Après cela, un gouvernement intérimaire pro-occidental dirigé par Arseni Iatseniouk avec la participation du parti fasciste Svoboda a pris le relais et a annoncé de promouvoir l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN dès que possible. En outre il a évoqué la perspective de mettre fin aux accords russo-ukrainiens sur la flotte de la mer Noire, qui règlementent le stationnement de la flotte russe de la mer Noire sur la péninsule de Crimée[85]. La Russie a ensuite réagi en occupant la Crimée en février et en incorporant la Crimée à la Fédération de Russie en mars. En Ukraine, le Premier ministre Yatsenyuk et l’entrepreneur en armement Petro Porochenko, qui a été élu nouveau président en mai, ont mis en oeuvre des programmes d’austérité rigides au nom du Fonds monétaire international et, dans ce cadre, les attaques économiques les plus graves contre la classe ouvrière depuis l’indépendance du pays, à travers, par exemple, des licenciements massifs dans le secteur public, la réduction des pensions et des prestations sociales et l’introduction de nouveaux impôts indirects[86]. Politiquement, ces attaques ont été complétées par des mesures de "décommunisation" telles que l’interdiction des symboles communistes[87]. Dans la rue, les fascistes ont repris le volet terroriste de la politique anticommuniste et antiouvrière du gouvernement putschiste. Les forces du "Secteur droit" ont publié, entre autres, des vidéos de lynchages d’antifascistes et ont perpétré un massacre à la Maison des syndicats d’Odessa le 2 mai 2014 [88]. En guise de "remerciement", un certain nombre de forces fascistes ont été officiellement intégrées dans l’appareil répressif et militaire de l’Ukraine. Après le début de la guerre dans l’est de l’Ukraine, le "Secteur droit" a fondé le "Corps des volontaires ukrainiens", tandis que le "Régiment Azov" formé en 2014 pour combattre les séparatistes dans le Donbass était officiellement subordonné au ministère ukrainien de l’Intérieur en tant que unité spéciale.
• Après le coup d’État de Maïdan, il y a eu des manifestations de masse dans les régions russophones de l’est de l’Ukraine et la proclamation de "républiques populaires" dans les régions industrielles de Donetsk et Lougansk, qui ont déclaré leur indépendance vis‑à‑vis de l’Ukraine. Le gouvernement ukrainien a répondu par un effort de guerre sanglant de l’armée, qui a notamment assiégé les villes du Donbass et bombardé la population des républiques populaires, qui comptait environ 4 millions de personnes. Ce faisant, il a été dès le début massivement soutenu par les USA et d’autres impérialistes occidentaux avec des conseillers militaires, des armes et des milliards[89]. Après que la direction politico-militaire des républiques populaires, au moins au début, a agi de manière relativement indépendante et, selon divers rapports, s’est appuyé sur la propre population, au fur et à mesure que la guerre progressait, elle est passé de plus en plus sous la coupe des forces pro-russes[90]. Aujourd’hui, alors que la Russie se bat ouvertement dans le Donbass, les républiques populaires ont complètement perdu leur rôle parfois relativement indépendant et font partie de la guerre par procuration entre la Russie et l’OTAN. En revanche, du côté des forces armées des républiques populaires ‑ qui selon CNN comptent environ 35.000 soldats[91] ‑ de nombreux militaires russes se sont battus sans uniforme (CNN : environ 3.000). De plus, il y a de nombreux volontaires de différents pays, dont certains se considèrent comme communistes et sont allés à la guerre pour les républiques du Donbass. Dans le même temps, les forces fascistes d’autres pays se sont portées volontaires pour combattre d’un côté ou de l’autre[92].
La guerre d’Ukraine a ainsi commencé après le coup d’État de Maïdan en 2014 comme une guerre locale dans la région du Donbass, à l’est de l’Ukraine. Il s’agissait d’une guerre conventionnelle entre l’armée ukrainienne et les forces spéciales fascistes d’une part et les forces séparatistes des "républiques populaires" avec des membres de l’armée russe et des partisans internationaux d’autre part. Sous médiation franco-allemande, l’Ukraine et la Russie ont signé en février 2015 l’accord de Minsk, qui visait à établir un cessez-le‑feu permanent dans le Donbass. En outre, toutes les armes lourdes et les forces étrangères devaient être retirées de la région et les régions de Donetsk et de Lougansk devaient recevoir un statut autonome. La mise en oeuvre de l’accord de Minsk a échoué à plusieurs reprises au cours des années suivantes car le gouvernement ukrainien n’a pas mis en oeuvre l’autonomie du Donbass et les deux parties en faisant intervenir leurs armées ont tenté de gagner du terrain. En cela, les USA ont donné à l’Ukraine leur consentement. Selon les médias allemands, jusqu’à l’automne 2021 environ 13.000 personnes ont été tuées pendant la guerre[93].
L’histoire immédiate de l’escalade de février
Après que la guerre en Ukraine ait été limitée à la région du Donbass pendant des années depuis l’accord de Minsk et se soit limitée au niveau des violations continues d’un cessez-le‑feu, les combats se sont intensifiés à nouveau à partir du printemps 2021. Ceux-ci ont été accompagnés de préparatifs militaires intensifs pour une escalade majeure de la guerre des deux côtés. L’escalade a alors commencé avec l’attaque russe sur toute l’Ukraine le 24 février 2022.
Avant même l’attaque russe et plus encore après, la couverture médiatique occidentale était largement centrée sur le transfert d’environ 100.000 soldats russes à la frontière russo-ukrainienne près de la région du Donbass (et plus tard en Biélorussie) et la détérioration diplomatique de la situation à partir de l’hiver 2021. Cependant, cela fait partie de la propagande de guerre unilatérale, qui veut rejeter la responsabilité de la guerre uniquement sur le côté russe. En fait, l’Ukraine et les impérialistes occidentaux ont également pris des mesures importantes pour intensifier la guerre, à savoir, surtout, avec la décision de l’Ukraine de reconquérir la Crimée et les régions du Donbass annexées à la Russie et l’intensification simultanée des attaques ukrainiennes contre les républiques populaires. En fin de compte, en résumé la question était en fait de savoir quel côté attaquerait en premier : Soit l’Ukraine avec une attaque sur le Donbass et éventuellement la Crimée, soit la Russie en envahissant le Donbass comme une "petite option" ‑ ou alternativement une invasion complète de toute l’Ukraine. La Russie a ensuite franchi cette dernière étape le 24 février 2022.
Ce qui suit constitue une sélection de développements importants dans la préparation immédiate de cette escalade.
• Depuis le début de la guerre d’Ukraine en 2014, l’OTAN n’a cessé d’étendre sa sphère d’influence dans le sud-est de l’Europe en incluant le Monténégro (2017) et la Macédoine du Nord (2020). En outre, les contingents de troupes de l’OTAN en Europe de l’Est sont en cours d’élargissement, par exemple via le stationnement permanent de quatre bataillons (4.000 à 5.000 soldats), décidé en 2016. Les manoeuvres des pays de l’OTAN ont été doublées à partir de 2014 [94].
• En 2019, les USA ont annulé le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (traité FNI) avec la Russie, qui depuis 1988 interdisait le stationnement de missiles terrestres à courte et moyenne portée, comprise entre 500 et 5500 km. Cela ouvre la voie pour que de tels systèmes de missiles soient à nouveau stationnés en Europe. En novembre 2021 suit la réactivation du 56e commandement d’artillerie de l’armée US à Wiesbaden, dont la tâche est de coordonner les déploiements de missiles des forces armées américaines et de leurs alliés en cas de guerre. L’étape a une haute signification symbolique car ce commandement était responsable des missiles Pershing en Europe dans les années 1980 ‑ c’est‑à‑dire exactement le type de missile qui a été progressivement supprimé en vertu du traité FNI. La Russie critique alors ce pas comme un "signe indirect" que l’OTAN prévoit le stationnement de nouveaux missiles à moyenne portée. Les missiles hypersoniques font partie des systèmes d’armes dont le commandement de l’artillerie sera responsable à l’avenir. Les spéculations des médias selon lesquelles les missiles hypersoniques de type "Dark Eagle" devaient être stationnés à Wiesbaden ont été démenties par le quartier général de l’Europe et de l’Afrique de l’armée US[95]. Le "Centre d’information sur la militarisation" considère qu’il est plausible que les USA envisagent de stationner les systèmes de missiles en Europe, loin à l’est[96].
• En mars 2018, l’OTAN a officiellement reconnu que l’Ukraine s’efforçait d’adhérer à l’alliance. En février 2019, l’Ukraine a inscrit l’objectif de l’adhésion à l’OTAN dans la constitution. En juin 2020, il deviendra le "Enhanced Opportunities Partner" de l’OTAN[97]. En septembre 2020, le président ukrainien signera une nouvelle stratégie de sécurité nationale pour le pays. Il définit la Russie comme l’agresseur et la principale menace, à laquelle l’Ukraine entend répondre en intensifiant la coopération avec l’OTAN et l’UE[98]. La Russie répondra en juillet 2021 avec sa propre stratégie de sécurité nationale renforcée[99]. Depuis 2021, l’Ukraine a reçu un soutien accru de l’OTAN dans le cadre du plan d’action individuel pour le partenariat afin d’adapter ses structures militaires et politiques à l’alliance[100]. En novembre 2021, le secrétaire d’État américain Antony Blinken et son homologue ukrainien Dmytro Kuleba signent également la "Charte américano-ukrainienne de partenariat stratégique", qui vise à intensifier davantage la coopération militaire entre les deux pays[101].
• À partir d’aout 2020, il y aura un grand mouvement de protestation en Biélorussie contre la réélection prétendument falsifiée du président Aleksandr Loukachenko. Le processus correspond initialement au schéma des "révolutions colorées". Un mouvement de masse contre les revendications politiques dans le pays, qui était apparemment en partie spontané, a été rapidement dominé par les forces politiques pro-occidentales. En attendant, les choses menacent de se corser pour Loukachenko quand, avec les ouvriers de l’usine de tracteurs de Minsk, même des pans de son noyau politique se retournent contre lui lors d’une apparition devant la caméra. Dans les mois suivants, cependant, le gouvernement biélorusse, avec l’aide de la Russie et un mélange de répression et de concessions à la classe ouvrière, parvient à maitriser politiquement la situation.
• À partir de février 2021, c’est‑à‑dire peu de temps après l’arrivée de Joe Biden comme successeur de Donald Trump à la présidence aux USA, l’armée ukrainienne intensifiera à nouveau ses attaques dans l’est de l’Ukraine. En mars 2021, le gouvernement ukrainien a adopté le décret n° 117 annonçant des mesures pour mettre fin à "l’occupation temporaire" de la Crimée et du Donbass par la Russie[102]. Le gouvernement est chargé d’élaborer un plan d’action correspondant. En avril 2021, la Russie a déployé environ 100.000 soldats à la frontière avec l’Ukraine et en Crimée et envoyé 15 navires de guerre à des exercices en mer Noire. À partir de fin avril, une partie des troupes sera à nouveau retirée de la frontière.
• En mai et juin 2021, l’OTAN et ses États partenaires organiseront la grande manoeuvre "Defender-Europe 21". Au total, 28.000 soldats y participent. Les pays partenaires participants incluent également l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie. Les exercices Defender Europe 21 sont dirigés par les USA et se concentrent principalement sur les Balkans et la région de la mer Noire. En outre, 7.000 soldats s’exercent à l’utilisation des parachutistes en Estonie. Dans le cadre des autres manoeuvres "Steadfast Defender 2021" et "Sea Breeze 21", des exercices auront également lieu en mer Noire au même moment[103]. Là-bas et ailleurs, les incidents se multiplient lors des manoeuvres en mer de plus en plus fréquentes, des passages de navires de guerre et des exercices d’avions de combat, par exemple lorsqu’en juin 2021 un navire de guerre britannique pénètre dans les eaux souveraines de la Crimée revendiquées par la Russie et que la Russie lance des tirs d’avertissements. En septembre 2021, les USA et d’autres pays de l’OTAN entameront alors une manoeuvre militaire effectuée annuellement avec 6.000 soldats dans l’ouest de l’Ukraine. Une semaine plus tôt, la Russie et la Biélorussie avaient organisé les manoeuvres militaires "Sapad-21" avec 200.000 membres de l’armée en Biélorussie, dans l’ouest de la Russie et dans la mer Baltique[104].
• La crise diplomatique entre les USA et la Russie a atteint son premier pic au printemps 2021 lorsque les deux parties ont retiré leurs ambassadeurs de l’autre pays. Outre la situation en Ukraine, les cyberattaques mutuelles ont également joué un rôle à cet égard. La situation sera désamorcée lors d’une réunion au sommet entre le président américain Biden et Poutine en juin. Des troupes russes supplémentaires se retirent dans un premier temps de la frontière ukrainienne.
• À partir de novembre 2021, les tensions à la frontière russo-ukrainienne augmenteront à nouveau de manière significative. L’Ukraine accuse la Russie de masser environ 90.000 soldats à la frontière et dans les zones séparatistes de Donetsk[105]. La partie russe accuse l’Ukraine de tenir des troupes de même ordre d’importance prêtes à attaquer le Donbass et d’intensifier à nouveau les attaques contre les "républiques populaires". En décembre, comme l’année précédente, le gouvernement ukrainien a approuvé la présence de jusqu’à 4.000 soldats de l’OTAN dans son pays et a augmenté le nombre d’avions et de navires autorisés par les pays de l’OTAN[106]. Neuf manoeuvres avec participation étrangère sont prévues en Ukraine pour 2022. Selon l’appréciation de médias occidentaux, les unités de l’armée russe se préparent progressivement pour une invasion de la frontière orientale de l’Ukraine dans les semaines suivant novembre. Début février, environ 30.000 soldats russes sont arrivés en Biélorussie ‑ au nord de l’Ukraine ‑ et y ont mené une manoeuvre conjointe avec l’armée biélorusse. Celle-ci est prolongée le 20 février et culmine avec l’invasion russe.
• À partir de novembre 2021, la crise diplomatique entre les USA et la Russie s’aggravera à nouveau. La Russie formule un certain nombre d’exigences, notamment l’exclusion de l’Ukraine et d’autres anciennes républiques soviétiques (comme la Géorgie) de l’adhésion à l’OTAN, la fin des manoeuvres de l’OTAN dans ces pays et le retrait de l’OTAN sur les positions de 1997[107]. Les USA ne répondent pas à ces demandes et relègueront diplomatiquement l’Allemagne et la France, qui ont négocié l’accord de Minsk en 2015, à un rôle de spectateurs à partir de fin 2021. Le ministre russe des Affaires étrangères, Lavrov, a également déclaré que les USA étaient le "principal partenaire de négociation" de la Russie sur la question ukrainienne[108]. Les tentatives de l’Allemagne et de la France de relancer le format dit de Normandie depuis la Russie, l’Ukraine, l’Allemagne et la France en janvier 2022 se terminent sans résultat. Pendant ce temps, l’escalade dans le Donbass et les préparatifs russes pour une invasion progressent. Lors de la conférence de Munich sur la sécurité le 19 février, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé son pays à rejoindre immédiatement l’OTAN et a en même temps évoqué la perspective d’un retrait de l’Ukraine du "mémorandum de Budapest" de 1994. Ce traité stipule que l’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan renonceront à leurs propres armes nucléaires en échange d’une garantie de leur souveraineté. Zelensky pose alors la question du réarmement nucléaire ukrainien[109]. Deux jours plus tard, le président russe a réagi dans un discours télévisé avec la reconnaissance des "Républiques populaires" par la Fédération de Russie, déchirant ainsi littéralement l’accord de Minsk et laissant entendre l’invasion officielle de l’armée russe dans le Donbass dans les jours à venir. Trois jours plus tard, l’invasion russe de toute l’Ukraine a eu lieu, surprenant même les services d’information et les observateurs politiques occidentaux[110]. Le fait que le chef du service de renseignement extérieur allemand BND se trouvait à Kiev[111] au moment de l’attaque russe suggère que les États de l’OTAN ont également été pris par surprise par l’invasion.
Dans le déroulement de l’escalade il est frappant qu’il n’y avait pas besoin, comme déclencheur final de l’éclatement de la guerre, de coïncidences historiques telles que l’héritier du trône d’Autriche abattu. Autant la Russie que l’Ukraine et les USA qui se tenaient derrière cette dernière ont préparé l’escalade étape par étape et à la fin, il n’y avait que la question de savoir qui serait le premier à sortir le Colt et à appuyer sur la gâchette. La raison sous-jacente en est qu’il n’était plus acceptable ni pour les USA ni pour la Russie que la question ukrainienne reste non résolue, ce qui poussait à la recherche d’une solution.
Du point de vue américain, la question ukrainienne doit être résolue et la Russie chassée de la mer Noire afin que l’impérialisme russe ne constitue plus une menace pour les positions américaines en Europe et que les USA concentrent pleinement leurs énergies sur le conflit avec la Chine dans la région du Pacifique. Une escalade de la guerre en Ukraine renforcerait probablement la position de la Chine envers la Russie. En retour, cependant, une fusion de l’impérialisme russe avec les puissances européennes que sont l’Allemagne et/ou la France serait rendue impossible pour longtemps. Et c’est précisément le résultat du déclenchement de la guerre et de la politique de sanctions agressives qui a suivi, que les USA en particulier ont poussé en avant : le "partenariat des matières premières" entre l’Allemagne et la Russie est en ruine, l’Allemagne doit immédiatement chercher comment elle peut sortir de sa dépendance vis‑à‑vis notamment du gaz et des terres rares russes, et est contrainte de se soumettre plus ou moins aux USA dans un avenir prévisible[112]. Cela inclut également la distanciation de l’Allemagne vis‑à‑vis de la Chine, comme en témoigne le voyage du chancelier fédéral au Japon fin avril 2022 [113]. Quelle que soit l’issue de la guerre, l’impérialisme allemand est le grand perdant de l’escalade. Si la Russie perdait la guerre d’Ukraine, les USA auraient neutralisé de leur point de vue stratégique deux concurrents impérialistes dans l’ouest de l’Eurasie.
Du point de vue de la Russie, le printemps 2022 était un moment de "maintenant ou jamais" pour sécuriser définitivement le Donbass et conquérir une connexion terrestre avec la Crimée. En revanche, après seulement quelques semaines d’invasion, la Russie a dû enterrer l’autre objectif de guerre, celui d’un changement de régime à Kiev[114]. C’était un moment de "maintenant ou jamais" parce que l’équilibre international des pouvoirs entre les États impérialistes s’était décalé à la suite de la pandémie et la grave crise économique mondiale, au détriment des USA et des pays européens et en faveur de la Chine et de la Russie[115]. Début 2022, l’État russe était dans la meilleure situation financière possible pour prendre le grand risque d’une invasion[116]. Alors que les USA et les pays de l’UE avaient mis en place des montages financiers alimentés par voie de dette à hauteur de plusieurs milliards de dollars afin de soutenir leurs propres monopoles pendant la crise, les réserves de change de la Russie qui s’élevaient à 630 milliards de dollars contre une dette extérieure de 56 milliards de dollars étaient très élevée et la dette nationale très faible à moins de 15 % du produit intérieur brut (USA : 133 %, Allemagne : 69 %)[117]. De plus, la dépendance de nombreux pays européens vis‑à‑vis de l’approvisionnement russe en énergie et en matières premières ‑ surtout dans le contexte des conséquences toujours présentes de la crise ‑ serait un levier pour assouplir la politique attendue de sanctions occidentales et monter les États de l’OTAN les uns contre les autres. C’est exactement ce que la Russie a essayé de faire à plusieurs reprises au cours de la guerre jusqu’à présent, par exemple en annonçant qu’elle ne livrerait du pétrole et du gaz qu’en échange de paiements en roubles[118].
La guerre d’Ukraine est donc une guerre entre puissances impérialistes pour le contrôle d’une néocolonie et d’un hub géostratégique. Les conditions du début de la guerre ont été principalement créées par les changements dans l’équilibre des pouvoirs entre les puissances impérialistes à la suite de la pandémie du coronavirus et de la crise économique. C’est donc la crise capitaliste qui a conduit à la guerre.
Du point de vue de la classe ouvrière de tous les pays ‑ que ce soit l’Ukraine ou la Russie, les USA ou l’Allemagne ‑ il s’agit d’une guerre de rapine impérialiste dans laquelle il n’y a pas de juste camp. Pour cette question, peu importe qui a tiré en premier sur qui, ou qui a provoqué qui et comment. Peu importe également sur quel territoire la guerre impérialiste est menée. Uniquement importe de savoir quelles forces de classe ont commencé cette guerre et à partir de quels intérêts : à savoir, les oligarchies financières de Russie et des USA ainsi que les oligarques en Ukraine, qui se sont liés à une puissance impérialiste ou à une autre en vendant leur pays ‑ et qui se sont repliés à temps, avant le début de l’invasion russe, sur leurs domaines de luxe dans d’autres États. L’oligarchie financière allemande a également tiré profit de mille manières différentes de cette guerre, surtout par le biais du commerce des armements et des crédits de guerre. En outre l’impérialisme allemand essaie de toutes ses forces d’utiliser la guerre, malgré les conditions de départ défavorables pour lui, afin d’étendre sa sphère d’influence en Europe de l’Est.
Cela signifie qu’il ne peut y avoir de puissances impérialistes "meilleures" et "pires" pour la classe ouvrière. Quelques forces prétendument communistes ont critiqué cette position comme la "théorie de l’équidistance" tout en se concentrant sur l’encerclement militaire de la Russie par l’OTAN pour conclure que les communistes ne doivent pas se distancer au même titre autant des puissances de l’OTAN que de la Russie (ainsi que de la Chine), ou qu’il peut même parfois y avoir des intérêts communs entre la classe ouvrière et la bourgeoisie russe. Cette théorie est particulièrement courante dans le camp révisionniste[119]. En définitive, par là la question de classe est subordonnée à une évaluation politique des rapports de force entre États bourgeois, ce en quoi par exemple leur intégrité territoriale (comme dans le cas de la Syrie en relation avec la révolution du Rojava) ou le droit civil international sont élevés au rang de principe politique. Selon ce point de vue la seule option qui reste à la classe ouvrière consiste à choisir parmi les États bourgeois existants ceux auxquels s’accrocher, plutôt que de poursuivre sa propre stratégie révolutionnaire.
Toutes les positions politiques qui se concentrent sur le droit de l’Ukraine à l’autodéfense de son propre territoire dans la guerre actuelle passent finalement à côté de l’essentiel. Une telle position est représentée, par exemple, par quelques anarchistes ukrainiens, qui, au motif de lutter "pour la protection de la société plus ou moins libre" en Ukraine, se laissent envoyer au front par l’État ukrainien et là meurent côte à côte avec les nazis du régiment Azov pour les intérêts des impérialistes de l’OTAN et de leurs vassaux ukrainiens[120]. En revanche, la politique claire du mouvement communiste dans des situations comparables de l’histoire ‑ comme par exemple pendant la Première Guerre mondiale ‑ a toujours été qu’il devait pointer ses armes sur ses propres exploiteurs et son propre État oppresseur, que c’est une trahison des intérêts de la classe ouvrière, que de défendre les intérêts de son propre impérialisme ou de son propre État oppresseur. Aujourd’hui, ce principe doit aussi être défendu contre la position inverse, qui appelle à la lutte aux côtés des républiques populaires du Donbass. Depuis le 24 février 2022 au plus tard, celles-ci n’ont été qu’une partie prenante de la guerre de l’impérialisme russe.
Il est important de souligner à ce stade qu’à l’égard de cette guerre il ne s’agit pas d’un conflit purement ukraino-russe. Comme nous l’avons vu plus haut, l’Ukraine, en tant que néocolonie, ne serait pas en mesure de mener seule une guerre conventionnelle contre la Russie comme elle le fait actuellement. L’expansion massive du soutien à l’Ukraine par les États de l’OTAN depuis le début de la guerre dans les domaines militaire, logistique, financier et du renseignement, fait de l’armée ukrainienne davantage une armée par procuration pour l’OTAN et donc surtout pour les USA. Entre janvier et juin, les USA ont fourni à eux seuls à l’Ukraine des armes d’une valeur d’environ 4 milliards d’euros et 20 milliards d’euros supplémentaires d’aide financière à des fins militaires, suivis du Royaume-Uni (2,4 milliards d’euros au total), Pologne (1,7 Mrd.) et Allemagne (1,4 Mrd.)[121].
En avril 2022, Dmitry Suslov, conseiller du Kremlin, a correctement déclaré que le "feu ukrainien" était "organisé et ciblé" par l’Occident : "C’est l’OTAN qui tire sur les troupes russes avec ses armes, dont les Ukrainiens se servent[122]."
La raison en est que les USA veulent avant tout chasser la Russie de la mer Noire afin ‑ comme expliqué ci-dessus ‑ d’obtenir une meilleure position de départ pour la guerre avec la Chine. Cependant, ce qu’ils ne veulent pas maintenant et essaient donc d’éviter en déployant de grands efforts, c’est une guerre ouverte et directe entre l’OTAN et la Russie en Europe. Parce qu’une telle guerre directe lierait dans l’ouest de l’Eurasie les forces américaines dont elles ont un besoin urgent à l’est. C’est pourquoi ce sont l’armée ukrainienne et les milices fascistes qui doivent mener la guerre pour les USA et les oligarques ukrainiens.
Quelques jours seulement après le 24 février, compte tenu de la résistance ukrainienne féroce et de l’échec de la décapitation du gouvernement de Kiev, projetée par la Russie, il est devenu évident que cette guerre ne se terminerait pas en peu de temps, mais se transformerait en une guerre conventionnelle prolongée. Un facteur qui joue en ce sens est que la Russie ne peut en aucun cas se retirer de l’Ukraine sans avoir au moins sécurisé le Donbass et la connexion terrestre avec la Crimée[123]. Les USA et leurs alliés, à leur tour, enchainent depuis fin février les paquets de milliards de dollars pour l’Ukraine, afin qu’elle puisse enfin évincer la Russie des côtes de la mer Noire. Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a déclaré que les USA voulaient voir la Russie "affaiblie au point de ne plus pouvoir faire le genre de choses qu’elle a faites en envahissant l’Ukraine"[124]. À cette fin, les USA ont forgé une "coalition des volontaires"[125] de 40 États, qui s’est réunie pour la première fois à la base de l’US Air Force à Ramstein (Allemagne) fin avril. En outre, il ne peut être exclu que des États occidentaux tels que la Pologne ‑ en particulier dans le cas d’une guerre prolongée ‑ interviennent directement dans la guerre à un certain moment, par exemple pour s’assurer le contrôle de l’ouest de l’Ukraine[126].
Dans ce contexte, la guerre d’Ukraine peut être comprise comme le prélude à une troisième guerre mondiale imminente, c’est‑à‑dire une guerre pour redistribuer l’Eurasie et le monde entre toutes les grandes puissances impérialistes. La guerre d’Ukraine a inauguré une nouvelle phase plus agressive dans les conflits interimpérialistes. Selon toute vraisemblance, cette phase sera caractérisée par des guerres ouvertes, géographiquement limitées, plus fréquentes et à plus grande échelle que dans la phase historique à partir de 1989/90. À un certain moment, les conflits interimpérialistes menés dans des guerres limitées conduiront à nouveau à un saut qualitatif et conduiront à la troisième guerre mondiale.
Il existe un certain nombre de points nodaux géostratégiques à côté de l’Ukraine, où les tensions interimpérialistes se développent actuellement de manière très dynamique et où le déclenchement d’une guerre (initialement limitée) dans les mois ou années à venir est possible voire probable.
• Dans les Balkans, une sécession de la République serbe (Republika Srpska) de la Bosnie-Herzégovine pourrait rapidement conduire à une répétition de la guerre yougoslave des années 1990. Au printemps 2022, les dirigeants politiques de la Republika Srpska ont pris des mesures préparatoires concrètes pour une telle scission en retirant à l’État central bosniaque les pouvoirs fiscaux, judiciaires et de défense. L’objectif des dirigeants serbes de Bosnie de constituer leurs propres forces armées est particulièrement critique dans ce contexte[127]. Les États de l’UE autour de l’Allemagne et de l’Autriche, qui gouvernent de facto la Bosnie-Herzégovine en tant que puissances coloniales, ont réagi à ces plans en augmentant leur présence militaire[128]. La plupart des soldats d’occupation viennent d’Autriche, tandis que le gouverneur colonial de Bosnie-Herzégovine ("Haut-Représentant de l’ONU") est actuellement l’ancien ministre allemand de l’agriculture Christian Schmidt. Les Serbes de Bosnie, quant à eux, sont principalement soutenus par la Serbie et la Russie, mais entretiennent également de bonnes relations avec la Croatie et la Hongrie. Une escalade du conflit national en Bosnie-Herzégovine impliquerait potentiellement sa propagation rapide aux pays voisins tels que la Croatie, le Kosovo, la Macédoine, le Monténégro et la Serbie, où existent des conflits ethniques similaires. Dans les Balkans, aux côtés des États européens et de la Russie, les USA sont également présents avec leurs propres troupes. En outre, la Chine, la Turquie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis poursuivent des intérêts hégémoniques dans la région.
• À la suite de la guerre en Ukraine, les tensions entre la Russie et le Japon se sont également intensifiées. Depuis de nombreuses décennies, les deux États sont en conflit territorial dans le Pacifique Nord au sujet des iles Kouriles, qui sont désormais contrôlées par la Russie. Depuis l’escalade en Ukraine, le gouvernement japonais travaille sur des plans pour un programme de réarmement aussi drastique que celui de l’Allemagne, mais cela prendra probablement encore quelques années[129]. En cela il s’agit principalement d’un réarmement contre la Chine et la préservation des sphères d’influence dans le Pacifique Nord. Là‑bas, la péninsule coréenne constitue depuis des décennies la zone avec probablement le potentiel de guerre le plus élevé. Ici, il n’y a pas seulement le conflit entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, mais les intérêts de la Russie, de la Chine, du Japon et des USA se heurtent directement entre eux. La récente mise à niveau des systèmes d’armes conventionnels de la Corée du Nord a augmenté la probabilité d’escalades militaires limitées là-bas[130].
• La région de la mer de Chine méridionale, où sévissent des conflits territoriaux entre la Chine et d’autres États voisins tels que le Vietnam et les Philippines, présente également un fort potentiel d’escalade militaire[131]. Ces dernières années, il s’est produit à maintes reprises que des navires de guerre de différents bords y ont failli être directement confrontés. Les USA, à leur tour, ont fondé l’alliance militaire AUKUS avec l’Australie et le Royaume-Uni en 2021 [132], qui s’est fixé pour objectif de freiner les revendications hégémoniques de la Chine dans toute la région indopacifique. La coopération des USA avec le Japon, l’Inde et l’Australie dans le cadre du format dit "quadruple" sert le même objectif[133].
• L’ile de Taïwan, revendiquée par la Chine comme son propre territoire mais sur laquelle existe en fait un État indépendant sous la forme de la "République de Chine", est considérée comme le plus grand point de conflit dans la région du Pacifique. Ceci est soutenu par les USA, le Japon et d’autres concurrents impérialistes de la Chine. La situation géographique de Taïwan fait du contrôle de l’ile un facteur crucial pour déterminer si la Chine peut se développer en tant que puissance maritime dans le Pacifique, ou est menacée par un avant-poste ennemi au large de ses propres côtes. C’est pourquoi l’ile joue un rôle aussi critique pour la géostratégie de la Chine que l’Ukraine pour la Russie : le pays doit tôt ou tard prendre le contrôle de Taïwan afin de devenir une puissance mondiale, tandis que les USA ne doivent pas autoriser précisément cela s’ils ne veulent pas perdre l’hégémonie dans l’Indopacifique au profit de la Chine. Pour le Japon, en revanche, le contrôle chinois sur Taiwan équivaudrait à une menace existentielle pour son propre État. Dans ce contexte, il n’y a pas de scénario réaliste dans lequel la question de Taiwan pourrait être résolue entre les puissances impérialistes de manière non belligérante. Cependant, une guerre sur Taiwan serait très probablement menée directement entre la Chine et les USA plus leurs alliés et pourrait difficilement rester en dessous du niveau d’une guerre mondiale. Ici aussi, le développement conduira tôt ou tard à un moment de "maintenant ou jamais", bien qu’il semble pour le moment que la Chine veuille gagner du temps pour continuer à renforcer son armée.
• En plus de ce potentiel de guerre aux centres géostratégiques de l’ouest et de l’est de l’Eurasie, il existe bien sûr de nombreux autres conflits au coeur de l’Eurasie et sur d’autres continents. Il s’agit notamment des guerres en cours en Syrie et au Yémen, des conflits entre l’Iran et Israël ainsi que les États du Golfe, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans le Caucase, entre l’Inde et la Chine et l’Inde et le Pakistan et, enfin et surtout, de nombreuses guerres et conflits en Afrique (comme par exemple en Libye et au Mali). Ici aussi, de nouvelles escalades et interactions mutuelles peuvent survenir à tout moment. En outre, les grandes puissances impérialistes sont directement impliquées sur tous ces points sous une forme ou une autre.
• Le développement des contradictions impérialistes menant à la troisième guerre mondiale ne se fera pas simplement et linéairement, mais se déroulera à travers des contradictions dialectiques, qui sont causées, par exemple, par le cycle de crise capitaliste et de nouvelles dynamiques dans les rapports de force impérialistes, mais surtout par la lutte des classes. Car avec la guerre en Ukraine toutes les puissances impérialistes sont déjà confrontées au risque d’une escalade des contradictions de classe dans leur propre pays. Cela s’applique aussi bien aux USA qu’en Allemagne, où, après des années de pandémie et de crise, la classe ouvrière est en ébullition et où les augmentations massives des prix ont, avant même la guerre, entrainé une détérioration des conditions de vie des travailleurs. C’est d’autant plus vrai en Russie, où la classe ouvrière subit un faible niveau de vie depuis la fin de l’Union soviétique et où la pandémie et la crise ont également entrainé une hausse du chômage et une baisse des revenus réels (-3,5 % en 2020)[134].
La classe ouvrière est la seule force sociale qui peut contrer le bellicisme impérialiste en reprenant sans relâche la lutte contre le système impérialiste et pour la révolution socialiste. Il est donc d’une importance cruciale pour le mouvement révolutionnaire et communiste de comprendre correctement la nouvelle phase qui s’est maintenant ouverte dans les conflits inter-impérialistes et de développer une orientation correcte dans la lutte révolutionnaire face à celle-ci.
4. La lutte révolutionnaire dans la nouvelle phase
Tactiques plus agressives de l’impérialisme allemand à l’intérieur et à l’extérieur
Du point de vue de la classe ouvrière, la nouvelle phase des conflits interimpérialistes se caractérise concrètement par une agressivité croissante de l’impérialisme tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Elle s’accompagne d’attaques économiques et politiques accrues contre les travailleurs. Dans ce qui suit, nous allons concrétiser ce constat en référence avant tout à l’impérialisme allemand.
• Dans les 48 heures qui ont suivi le début de la guerre, l’impérialisme allemand a jeté par-dessus bord ses anciennes tactiques de retenue militaire et, avec le discours largement mis en scène du chancelier Scholz du 27 février devant le Bundestag, il a lancé un programme historique de réarmement. Cette année, la Bundeswehr sera dotée d’un fonds spécial de 100 milliards d’euros[135]. À l’avenir, l’Allemagne a l’intention d’investir chaque année 2 % de son produit intérieur brut dans l’armement ‑ un chiffre symboliquement important, car l’Allemagne s’était déjà engagée depuis des années dans le cadre de l’OTAN à des dépenses d’armement de cette ordre de grandeur, mais n’avait pas respecté cet engagement et a été mis sous pression par les USA à cet égard. L’industrie de l’armement était déjà dans les starting-blocks le premier weekend de la guerre et a annoncé qu’elle passerait au travail posté 24 heures sur 24 et ajournerait les livraisons à d’autres "clients" en donnant priorité à l’État allemand. Dans le même temps, l’Allemagne a abandonné sa réticence à fournir des armes à l’Ukraine et a commencé à livrer des missiles antiaériens et des grenades antichars au cours de la première semaine de la guerre. Sous la pression de l’escalade provoquée par les USA et la Russie, l’impérialisme allemand s’est senti obligé à une "fuite en avant" et à adopter des tactiques plus agressives ‑ au prix de devoir abandonner pour l’instant son option d’alliance stratégique avec la Russie et d’être rétrogradée au rang d’un "partenaire junior" des USA. À partir de cette situation, la seule possibilité à moyen terme de développer ses propres options d’action, même contre la volonté des USA, consiste à ce que l’Allemagne elle-même deviendra la première puissance militaire de l’UE dans les plus brefs délais. En outre, l’Allemagne doit profiter de la guerre pour atteindre la meilleure position de puissance possible en Ukraine. À cet égard, l’Allemagne est sévèrement limitée par sa dépendance continue vis‑à‑vis de la Russie pour les matières premières, qui s’est exprimée dans des débats nationaux et internationaux tenaces sur "l’attitude hésitante" du gouvernement fédéral, le boycott énergétique et la livraison "d’armes lourdes" à l’Ukraine. Néanmoins, la classe ouvrière ne doit pas se faire d’illusions sur le fait que l’Allemagne construira et déploiera rapidement sa puissance militaire à mesure qu’elle surmonte sa dépendance énergétique. Cependant, à cet égard l’impérialisme allemand est confronté au problème qu’il doit d’abord constituer des forces armées capables de mener par elles-mêmes une guerre conventionnelle. En effet, à ce jour, la Bundeswehr n’a été orientée que vers des missions étrangères et de défense limitées dans le cadre de l’alliance de l’OTAN, et elle n’a pas les capacités de guerre nécessaires à une guerre conventionnelle entre grandes formations militaires.
• Toutefois, le passage à des tactiques plus agressives et la réduction progressive de l’alliance des matières premières avec la Russie coutent à l’Allemagne un prix économique élevé, que l’État et les monopoles répercutent sur la classe ouvrière. À ce jour, il n’y a pas eu de scénarios extrêmes tels que les coupures d’électricité et de gaz, dont parlent les médias allemands depuis les premiers jours de la guerre. Cependant, les prix de l’énergie et des biens de consommation affichent des hausses qui n’ont pas été observées depuis des décennies. En avril, la hausse officielle des prix par rapport à l’année précédente était de 7,4 % et donc à un niveau jamais vu en 1981. Les prix de l’énergie (+ 35,3 %) et de l’alimentation (+ 8,5 %) en particulier ont fortement augmenté[136]. Les hausses de prix avaient en fait commencé bien avant l’escalade de la guerre d’Ukraine, principalement en raison des chaines d’approvisionnement perturbées lors de la pandémie et du début simultané de la phase de reprise dans le cycle de crise capitaliste. Une autre cause est la taxation indirecte de l’énergie et des carburants instaurée par l’État pour financer la transition de l’industrie allemande vers les énergies renouvelables.
• Au cours de la transition de l’Allemagne vers le réarmement militaire, les représentants du militarisme allemand sont rapidement passés à l’offensive politique. Au jour 4 de l’escalade de la guerre en Ukraine, un officier de la Bundeswehr a écrit un article d’opinion sur la plateforme d’information "The Pioneer" appelant à une militarisation complète de la politique intérieure et étrangère, y compris la création d’un Conseil de sécurité nationale, "l’imbrication de toutes les autorités de sécurité, des services de renseignement et de la Bundeswehr" et la réintroduction de la conscription[137]. Ce dernier point en particulier est rapidement repris dans le débat politique.
• Par ailleurs, l’impérialisme allemand passe aux mesures classiques de la politique de guerre interne, marchant au pas avec les autres puissances de l’OTAN : interdiction des "émetteurs ennemis" sous la forme des médias russes RT et Spoutnik, interdiction des symboles hostiles tels que la lettre "Z" que la Russie a utilisé pour marquer ses chars pendant la guerre d’Ukraine. Cela est associé de manière classique à l’anticommunisme, par exemple lorsque la police de Francfort assimile le port de drapeaux soviétiques à un "premier soupçon d’infraction pénale"[138]. En général, le gouvernement allemand utilise l’atmosphère de guerre pour démanteler davantage les droits démocratiques, par exemple par l’entrée en vigueur du paragraphe 140 du Code pénal, qui érige en infraction punissable l’apologie de crimes qui n’ont pas encore été commis, dans la mesure qu’ils menacent "l’ordre public".
• En même temps, l’impérialisme prend des mesures pour réhabiliter le fascisme qui auraient été inimaginables quelques semaines plus tôt. Les politiciens ukrainiens sont autorisés à dire chaque jour dans tous les médias allemands que Poutine est "pire que Hitler" et que les collaborateurs nazis ukrainiens historiques autour de Stepan Bandera sont des modèles patriotiques du "combat de résistance" actuel des Ukrainiens. Dans quelques médias les unités nazies ukrainiennes d’aujourd’hui comme le "régiment d’Azov" sont célébrées, comme si cela allait de soi, en tant que défenseurs de la population de Marioupol. Et ce n’est que dans très peu d’endroits que l’on trouve des informations qui contredisent la propagande unanime selon laquelle le peuple ukrainien s’est révolté dans un soulèvement héroïque contre les occupants russes[139]. Lors des manifestations pour la paix et à la télévision d’État, les salutations fascistes telles que "Gloire à l’Ukraine!" sont applaudies et normalisées. De plus, les consulats ukrainiens en Allemagne recrutent ouvertement des volontaires pour la guerre contre la Russie, ce que les autorités allemandes tolèrent. Ce faisant, ils permettent aux fascistes allemands de s’entrainer en Ukraine dans des conditions de guerre réelles. L’AfD[140], en tant que bras parlementaire de ces derniers, tente quant à lui de se positionner comme une opposition pacifiste, exigeant une position neutre de la part de l’Allemagne dans la guerre d’Ukraine et copiant les slogans du mouvement pacifiste historique pour ce faire[141].
Il faut noter que cette première vague d’attaques globales contre la classe ouvrière se déroule alors que l’Allemagne n’est même pas encore elle-même partie prenante à la guerre et n’a entrepris que les premiers pas vers des tactiques plus agressives. Dès que la nécessaire phase de réarmement et de restructuration de l’économie allemande aura atteint certains résultats, il faudra compter avec de nouvelles attaques probablement beaucoup plus sévères.
En tant que puissance impérialiste agressive, l’Allemagne par exemple n’hésitera pas à envoyer des soldats dans les zones de guerre si l’intensification des conflits interimpérialistes l’exige. C’est une réalité dans les Balkans depuis la fin des années 1990, et une intervention militaire plus forte de l’Allemagne dans l’ex-Yougoslavie si la situation politique s’y détériorait serait évidente. Il est également concevable que la guerre en Ukraine s’étende aux États voisins tels que la Moldavie, la Biélorussie, la Pologne, la Lituanie ou la Russie elle-même. Si cela entrainait une réorganisation militaire complète à moyen terme en Europe de l’Est, ce ne serait pas seulement la Pologne qui pourrait envahir l’ouest de l’Ukraine. Dans une telle situation, l’Allemagne pourrait revenir relativement ouvertement à des projets revanchards et faire valoir des revendications territoriales, par exemple sur l’enclave russe de Kaliningrad (Königsberg) ou sur d’autres parmi ses anciens territoires orientaux en Pologne, en République tchèque ou dans les États baltes ‑ par exemple avec des "troupes de maintien de la paix" et l’argument de la "responsabilité historique". Pour cela, il ne serait même pas nécessaire d’impliquer dans le gouvernement les forces politiques classiques du revanchisme allemand comme les associations d’expulsés et leurs représentants (notamment de la CDU, de la CSU et de l’AfD). Annalena Baerbock[142] et Robert Habeck[143] montrent déjà que la résurgence du militarisme allemand et du fascisme à l’intérieur peut aussi fonctionner avec une étiquette verte, en rajoutant quelques bonnes couches de "féminisme" et de "climat" (de manière tout à fait analogue d’ailleurs au gouvernement Biden aux USA).
Nous n’avons pas besoin de remonter à l’époque des deux premières guerres mondiales pour imaginer à quelles attaques internes la classe ouvrière serait confrontée dans le cas d’une telle résurgence de l’Allemagne en tant que puissance de guerre. Car pendant la pandémie du coronavirus, l’État allemand a pu tester toute une gamme de mesures répressives sur la population, des interdictions de manifestations aux couvre-feux nocturnes ‑ et ainsi la habituer à de telles mesures. On a déjà vu des étalages de supermarché vides pour quelques groupes de produits pendant la pandémie, ainsi que l’allongement des heures de travail du personnel soignant. À cet égard, l’étape mentale vers le rationnement des biens de consommation en temps de guerre ‑ peut-être avec des coupons alimentaires numériques sur le téléphone mobile ‑ n’est pas plus lointaine que le recrutement obligatoire de forces de travail pour des industries importantes en vue de l’effort de guerre. Il y a de toute façon déjà un débat public en cours sur les coupures d’électricité et de gaz pour les maisons individuelles, l’interdiction des saunas, et la conscription[144]. Et pour ce qui est de la propagande de guerre et du bourrage de crâne nécessaires en la matière, prétendant qu’une guerre civile se déroule maintenant en Ukraine entre les États respectivement "démocratiques" et "autoritaires", tous les médias bourgeois, de la presse Springer au "taz"[145], poussent dans le même sens. Le point crucial ici est que l’agressivité croissante de l’impérialisme et les conséquences économiques et politiques telles que décrites ici ne sont pas de simples spéculations, mais des réalités qui résultent des besoins du capital monopolistique en conformité avec des lois sociales objectives. Nous avons fait ressortir cela dans les trois premières parties de cet article. Il y a quelques mois ou quelques années, l’idée de l’intensification des contradictions impérialistes jusqu’à la troisième guerre mondiale aurait pu apparaitre comme phraséologie de gauche. Maintenant que, depuis la fin de 2021, tous les chefs de gouvernement des États impérialistes parlent soudainement ouvertement de la troisième guerre mondiale ou de l’échange de frappes nucléaires, il convient à nouveau de rendre très clair le sens du concept de conformité à des lois sociales objectives ou de nécessité historique.
Pour nous en tant que communistes, ce serait donc une erreur mortelle de nous installer dans la situation actuelle, où tout ne va "pas encore si mal", d’adopter une approche politiquement prudente et de rester dans les routines de travail habituelles. Au lieu de cela, nous devons penser notre approche politique de l’impérialisme du point de vue de l’aboutissement. En d’autres termes, dans tout notre travail politique, en théorie et en pratique, nous devons être guidés par le fait que les contradictions impérialistes conduisent finalement à une grande guerre pour le repartage du monde, et qu’il n’y a qu’une seule alternative pour le ouvriers pour mettre un terme à la poussée de l’impérialisme vers la guerre, le meurtre et la destruction ‑ à savoir par la révolution socialiste.
Les tâches des communistes
L’entrée de l’impérialisme mondial dans une nouvelle phase plus agressive, qui est une phase préparatoire à la troisième guerre mondiale, a deux conséquences principales pour notre travail en tant que communistes.
Comme première conséquence, la question de la construction du parti communiste acquiert une nouvelle urgence. Nous avons développé ci-dessus que l’intensification de la lutte des classes a déjà commencé avec l’escalade de la guerre d’Ukraine en février 2022 et nous avons fait quelques pronostiques pour de futurs développements. La classe ouvrière ne pourra contrer efficacement les attaques de la bourgeoisie impérialiste dans cette phase que si elle dispose de la direction politico-idéologique nécessaire et des structures organisationnelles pour le faire. Cependant, celles-ci ne peuvent être mises en place que par le Parti communiste. C’est aussi la leçon fondamentale de l’histoire du mouvement ouvrier allemand. Lorsque l’impérialisme allemand est entré dans la Première Guerre mondiale et a envoyé des millions de travailleurs à mourir au front pour les intérêts du capital monopoliste allemand, les communistes ne disposaient pas encore de leur propre parti, sans parler d’un parti de type bolchevik. En 1916, deux ans après le déclenchement de la guerre, les dirigeants du prolétariat révolutionnaire allemand autour de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht firent d’abord la rupture organisationnelle avec la social-démocratie et menèrent dans les années qui suivirent la lutte antimilitariste avec la Ligue Spartacus en tant qu’une organisation révolutionnaire rudimentaire. Le KPD a ensuite été fondé en 1918/19, au milieu des luttes de la Révolution de Novembre. Et le parti nouvellement créé était initialement un réservoir de divers courants et cercles politiques sans structure réellement démocratique et centralisatrice. Ce n’est que dans les années qui ont suivi que les communistes ont réussi à éliminer les pires lacunes politiques, idéologiques et organisationnelles et à faire des pas décisifs vers la création d’un parti de type léniniste, toujours au milieu des luttes de classe les plus féroces et de plusieurs tentatives pour réaliser la révolution. Cependant, c’était trop tard pour mener la révolution à la victoire et cela a conduit non seulement à la perte de nombreux combattants communistes tels que Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht et Leo Jogiches, mais finalement a aussi favorisé la défaite dans la lutte contre le fascisme au début des années 1930.
La situation actuelle diffère à bien des égards importants de la situation du mouvement communiste avant la Première Guerre mondiale, mais ni dans un sens purement positif ni dans un sens purement négatif. Même aujourd’hui, les communistes ne disposent pas de parti communiste et n’ont même pas une influence de masse comparable à celle de la Ligue Spartacus dans les années de la Première Guerre mondiale. Cependant, certaines questions politiques, idéologiques et organisationnelles sont beaucoup mieux clarifiées aujourd’hui qu’elles ne l’étaient en 1914, parce que les communistes, avec l’analyse de l’impérialisme et du concept de parti développés par Lénine, ont les bases théoriques nécessaires à l’élaboration d’une ligne révolutionnaire et à la construction d’un parti marxiste-léniniste pour mettre cette ligne en pratique. Ce sont là des éléments essentiels qui manquaient encore ou étaient contestés pour les communistes allemands dans les années 1914‑1918.
Par ailleurs, force est de constater que le mouvement communiste a fait des avancées significatives dans tous les domaines théoriques et pratiques au cours des vingt dernières années, par rapport à une phase de fragmentation avancée et d’ambigüité idéologique dans les années 2000.
[…][146]
Cela souligne d’autant plus le fait que les communistes en Allemagne lorsqu’ils travaillent à la construction du parti communiste dans la phase à venir de la lutte des classes ne doivent plus faire de compromis, par exemple en faveur du maintien des méthodes de travail traditionnelles dans les cercles locaux ou en se laissant absorber dans un pur travail de masse démocratique. L’évolution des conditions aujourd’hui nous montre clairement que la réalité de la lutte des classes punira sévèrement toute nouvelle hésitation sur la question de la création du Parti communiste. Ce faisant, elle pose tout communiste devant la nécessité de ne plus rester à l’écart, ne pas attendre et ne pas s’abstenir de prendre une décision, mais de participer concrètement à la construction du Parti communiste. De même, cette réalité de la lutte de classes montre pour le travail communiste dans les différents domaines de la société (usines, quartiers, écoles, etc.) la nécessité de s’adresser de façon offensive aux parties les plus avancées de la classe ouvrière et les gagner au communisme et à la construction du parti.
Comme deuxième conséquence, la phase à venir de la lutte des classes ne tolèrera plus de compromis concernant la nécessité que les communistes interviennent dans les luttes des masses avec une attitude et une position révolutionnaires claires. À cet égard, la lutte antimilitariste dans tous les domaines du travail ‑ que ce soit dans l’entreprise, dans le quartier ou à l’école ‑ jouera un rôle central. La lutte contre l’inflation, pour des salaires plus élevés ou contre la dégradation des conditions de travail doit être combinée avec la lutte politique contre les préparatifs de guerre, contre l’expansion de l’appareil répressif ou contre la réintroduction de la conscription. Ici aussi, il n’y a plus de place pour des compromis de fond à l’égard des courants politiques bourgeois, par exemple dans le sens que les communistes devraient cacher la question de la révolution et du socialisme parce que "les masses" n’en sont "pas encore là" ou parce qu’avec des revendications purement démocratiques on pourrait prétendument gagner plus d’influence.
Au contraire, le cours des évènements et les préparatifs de guerre des États impérialistes montrent que l’impérialisme n’offre plus aucune possibilité de préserver durablement la paix et les droits démocratiques. Du côté du mouvement de résistance politique, cette évolution s’exprime dans un processus d’effilochement et de décomposition inévitable : comme dans les moments historiques antérieurs de larges pans du mouvement, ensemble avec la social-démocratie et les syndicats, passent plus ou moins ouvertement du côté de leur propre impérialisme, ciblant la Russie comme principal agresseur dans la situation de guerre actuelle et adoptant la position selon laquelle la classe ouvrière doit faire des compromis face à la "menace Poutine". Les composantes traditionnellement prorusses du camp révisionniste se divisent à leur tour. Il y a d’une part une aile qui se prononce en faveur de l’attaque russe contre l’Ukraine (comme le DKP Brandebourg, qui la décrit comme une "mesure de politique de paix analogue à la sécurisation des frontières du 13 aout 1961"[147]). En revanche, une autre partie de ce camp tend à rejeter l’agression de la Russie, mais désespère à cause de l’identification de ce pays comme État impérialiste et a donc été plongé dans une crise politique par son entrée en guerre[148].
Par là se poursuivent le basculement du révisionnisme vers la droite[149] et le déclin et la nouvelle structuration du mouvement de résistance politique qui ont commencé déjà au cours des premiers mois de la pandémie du coronavirus. Pour les communistes, cette évolution souligne une fois de plus qu’eux seuls sont capables à assumer la direction politique et idéologique dans les luttes de résistance contre les préparatifs de guerre. Ce faisant, nous devons aussi gagner et rassembler autour de nous les parties du mouvement qui ne veulent pas accompagner la faillite de leurs courants et qui cherchent des réponses politiques. Cela signifie que nous devons lutter activement pour la coopération de toutes les forces antimilitaristes et révolutionnaires sérieuses dans la lutte contre l’impérialisme allemand. Ce qui nous aide dans cette tâche, c’est que la lutte communiste contre le militarisme allemand s’appuie sur une tradition de plus d’un siècle, résumée dans les mots de Karl Liebknecht "L’ennemi principal est chez nous" et dans "Le socialisme ou la barbarie" de Rosa Luxemburg.
Les communistes doivent donc mener la lutte contre les attaques impérialistes à l’intérieur et à l’extérieur, ils doivent la diriger et ils doivent la mener sous le drapeau communiste et avec un contenu communiste. Nous devons clairement faire comprendre aux masses notre point de vue selon lequel seule la lutte pour la révolution socialiste offre une alternative au meurtre de masse impérialiste. L’orientation politique de la lutte antimilitariste peut être uniquement celle consistant à ce que les ouvriers utilisent tout leur pouvoir pour mettre fin au bellicisme dans la pratique et concrètement, par exemple en refusant, comme les ouvriers grecs et italiens, de charger les armes, en bloquant des véhicules militaires, en incitant les soldats à déserter et en les aidant en ce sens ‑ et en prenant au bout du compte les armes et en les braquant sur leurs propres exploiteurs. Cette orientation de la lutte est exprimée par le slogan bien connu "Guerre contre la guerre impérialiste!". D’un autre côté, dans des conditions impérialistes l’illusion révisionniste, vieille de plusieurs décennies, d’une "lutte pour la paix" s’avère de plus en plus n’être que du vent.
Bien sûr, dans la lutte antimilitariste, il sera toujours nécessaire de forger des alliances tactiques plus larges avec d’autres forces politiques, là où cela est possible en termes de contenu, par exemple dans une action conjointe avec des pacifistes, qui s’opposent également au réarmement de l’impérialisme allemand, ou peut-être des anarchistes qui ont concrètement mis en pratique la lutte contre le réarmement. Dans de telles alliances tactiques, cependant, il est essentiel que nous affirmions clairement notre point de vue révolutionnaire, antiimpérialiste et que nous ne participions pas à la diffusion d’illusions démocrates-réformistes ou autres. Le fait que les communistes doivent prendre la tête politique de la lutte antimilitariste signifie aussi que là où notre travail est encore marqué par des compromis avec les positions et les méthodes de travail du mouvement de résistance politique, nous devons avancer avec audace et nous libérer de ces compromis. Cela signifie aussi que nous devons jeter notre "attachement émotionnel" à la "scène de gauche" et à ses pratiques habituelles, là où celles-ci nous empêchent d’avancer dans la lutte révolutionnaire.
Notre tâche centrale dans la lutte antimilitariste sera de nous connecter réellement avec les masses prolétariennes. Pour ce faire, nous devons surmonter toutes les peurs de contact que nous avons encore. En particulier, nous devons empêcher que les fascistes nous dépassent dans ce domaine et qu’ils parviennent à se saisir eux-mêmes des ferments parmi les masses face au danger de guerre et d’inflation, à étendre leur influence dans les masses et à les orienter dans des voies réactionnaires.
Enfin et surtout, les communistes, les forces révolutionnaires et antimilitaristes doivent également s’unir internationalement et se soutenir mutuellement dans leur lutte. Les grèves des dockers en Italie et en Grèce qui ont refusé de charger du matériel militaire destiné à l’Ukraine indiquent exactement la direction dans laquelle nous devons aller. En fin de compte, l’objectif doit être de soutenir des formes d’action telles que les grèves générales à l’échelle européenne, car c’est le seul moyen de s’opposer efficacement au bellicisme des États impérialistes.
En résumé, nous devons donc résolument construire le Parti communiste, entrer dans la classe ouvrière en mettant clairement l’accent sur la révolution socialiste comme seule alternative à la guerre impérialiste et jouer le rôle de premier plan dans la lutte contre le militarisme et toute sorte d’attaques impérialistes contre la classe ouvrière.
[1]. Bien entendu, le terme "Union soviétique" est employé tout au long de l’article dans le sens de l’intitulé formel qui est resté d’usage jusqu’à la désagrégation de l’union conduisant à sa transformation en "Communauté des États indépendants" (CEI). Le qualificatif "soviétique" était devenu une imposture suite à la destruction de la dictature du prolétariat et de la restauration des rapports sociaux capitalistes, mises en oeuvre par Khrouchtchev. [ROCML]
[2]. V. I. Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (avril 1917); Oeuvres, tome 22, Paris, Éditions sociales, 1960; p. 287.
[3]. Cf. "Der deutsche Imperialismus in Europa", Kommunismus (journal de l’organisation "Kommunistischer Aufbau"), no 16, p. 5.
https://komaufbau.org/wp-content/uploads/2020/01/Kommunismus_16.pdf
[4]. V. I. Lénine, op. cit., p. 222‑223.
[5]. Cf. Karl Marx, Le Capital – Livre troisième – Tome I; Paris, Éditions sociales, 1969; p. 225‑253.
https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-III/kmcap3_12.htm
https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-III/kmcap3_13.htm
https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-III/kmcap3_14.htm
[6]. Cf. I. V. Staline, Les problèmes économiques du socialisme en URSS; Paris, Éditions Sociales, 1952.
http://classiques.chez-alice.fr/staline/stal2.pdf (p. 17 du fichier)
[7]. Cf. Fred Oelßner, "Ein Beitrag zur Monopoltheorie", dans : Probleme der politischen Ökonomie, Band 3; Berlin, Akademie-Verlag, 1960; p. 67.
[8]. En 1914 l’Empire ottoman entre en guerre aux côtés de l’Allemagne. Le haut-commissaire britannique au Caire, Henry McMahon, entretient une correspondance avec Husayn, le chérif et émir de La Mecque et lui laisse entendre qu’il sera accordé à l’issu de la guerre une indépendance à un vaste État arabe, sous condition du soutien à la Grande-Bretagne face à l’axe germano-turc. François Georges-Picot pour la France et Mark Sykes pour la Grande-Bretagne entament des négociations à ce sujet. Le 16 mai 1916 est conclue une entente ‑ connu en France sous le nom d’"accord Cambon-Grey" ‑ qui envisage de créer des États arabes indépendants et définit les zones qui devront se trouver sous tutelle respectivement française et britannique. En outre les Britanniques s’octroient une zone d’administration directe en Mésopotamie; les Français en Syrie. [ROCML]
[9]. V. I. Lénine, op. cit., p. 273.
[10]. I. V. Staline, Les problèmes économiques du socialisme en URSS; Paris, Éditions Sociales, 1952.
http://classiques.chez-alice.fr/staline/stal2.pdf (p. 18 du fichier)
[11]. Cf. "Der deutsche Imperialismus in Europa", Kommunismus, no 16.
[12]. Family office : société privée de gestion de fortune, dont le rôle est de détenir et contrôler le patrimoine d’une famille, ou de superviser et contrôler le patrimoine de plusieurs familles. [ROCML]
[13]. Cf. "Wirtschaftskrise ‑ Entstehung, Folgen und Widerstand", Kommunismus, no 15, p. 16.
https://komaufbau.org/wp-content/uploads/2019/07/Ausgabe_15.pdf
[14]. Les accords conclus à la suite d’une conférence monétaire, tenue à Bretton Woods (New Hampshire, USA) en juillet 1944, entre 44 pays, instaurèrent un système monétaire basé sur la libre convertibilité des monnaies et la fixité des taux de change. L’hégémonie du dollar, dont la valeur était définie par rapport à l’or, y fut consacrée. De ces accords sont nés aussi le Fonds monétaire (FMI) et la Banque internationale de reconstruction et de développement (BIRD), plus connue sous le nom de Banque mondiale. Les accords de Bretton Woods furent remplacés, en janvier 1976, par les accords de la Jamaïque signés entre les pays membres du FMI. Remettant en cause le contenu des accords de Bretton Woods, ils légalisèrent le système des changes flexibles pratiqué depuis 1973, rendirent officielle la démonétisation de l’or et consacrèrent les DTS, "numéraire de référence" international.
[15]. V. I. Lénine, op. cit., p. 258.
[16]. "Rekord-Hoch: Fast 300 Billionen US-Dollar Schulden weltweit".
https://perspektive-online.net/2021/09/rekord-hoch-fast-300-billionen-us-dollar-schulden-weltweit/
[17]. Cf. "Der deutsche Imperialismus in Europa", Kommunismus, no 16.
[18]. "VW startet Produktion in Kenia", Deutsche Welle (média international de la République fédérale d’Allemagne), 21/12/2016.
https://www.dw.com/de/vw-startet-produktion-in-kenia/a-36863374
[19]. Cf. "Die Annektion der DDR und ihre Folgen", Kommunismus, no 10, p. 38.
https://komaufbau.org/wp-content/uploads/2017/10/Kommunismus-10v1.pdf
[20]. Cf. "Über die Zerstörung des Sozialismus und die Restauration des Kapitalismus in der Sowjetunion", Kommunismus, no 7, p. 12.
https://komaufbau.org/wp-content/uploads/2016/11/final_kom7.pdf
[21]. Numa Mazat, "Structural analysis of the economic decline and collapse of the Soviet Union", dans : Proceedings of the 43rd Brazilian Economics Meeting, 2016.
https://www.anpec.org.br/encontro/2015/submissao/files_I/i3-186e370d13d34b7043cb737da8d75390.pdf
[22]. Cf. "Perestroika ‑ Sowjetunion auf dem Weg zu westlichen Formen des Kapitalismus", dans : KPD, Die Sowjetunion ‑ ein kapitalistisches, imperialistisches Land; Dortmund, Verlag Roter Morgen, 1988; p. 40.
[23]. Ewa Dabrowska, "Voucher-Privatisierung".
https://www.dekoder.org/de/gnose/voucher-privatisierung-wirtschaftsreform
[24]. Hansjörg Herr, "Die Finanzkrise in Russland im Gefolge der Asienkrise", dans : Politik und Zeitgeschichte (Supplément au hebdomadaire Das Parlament, publié par la Bundeszentrale für politische Bildung); 26/5/2002.
www.bpb.de/shop/zeitschriten/apuz/25451/die-finanzkrise-in-russlandim-gefolge-der-asienkrise
[25]. "Billionaires boom as Putin puts oligarchs at No 2 in global rich list".
www.theguardian.com/world/2008/feb/19/russia
[26]. On peut trouver quelques biographies caractéristiques, par exemple d’anciens fonctionnaires du Komsomol qui sont devenus des oligarques financiers dans les années 1980 et 1990, dans :
H. J. Jakobs, "Wem gehört die Welt?", München, Albrecht Knaus Verlag, 2016; p. 264.
[27]. Hansjörg Herr, op. cit.
[28]. "Kennzahlen zur Armut in Russland", Bundeszentrale für politische Bildung.
https://www.bpb.de/themen/europa/russland-analysen/nr-382/305905/dokumentation-kennzahlen-zur-armut-in-russland/
[29]. En 2007, la Russie avait remboursé la totalité de sa dette publique de l’ère Eltsine, et stabilisé l’économie.
Cf. "Es geht um die Zusammenführung der einstigen Teile des Russischen Reiches", Interview avec Fiona Hill, Internationale Politik, mai-juin 2022, p. 27.
https://internationalepolitik.de/system/files/article_pdfs/ip_03-2022_hill_interview.pdf
[30]. RAO Unified Energy System (RAO UES), groupe spécialisé dans la production, la distribution et le négoce d’électricité. [ROCML]
[31]. "Deutsche Tschetschenen".
https://www.german-foreign-policy.com/news/detail/929
[32]. "Die größten Volkswirtschaften der Welt".
https://www.laenderdaten.info/groesste-volkswirtschaften.php
[33]. Différents critères peuvent être utilisés pour évaluer la taille des entreprises. Le magazine Forbes utilise pour cela une combinaison des volumes d’affaires, des revenus nets, des actifs et de la capitalisation boursière.
www.forbes.com/lists/global2000/#3cb374bf5ac0
https://www.forbes.com/sites/kerryadolan/2021/04/06/forbes-35th-annual-worlds-billionaires-list-facts-and-figures-2021/
[34]. L’historien économique britannique Adam Tooze, par exemple, voit justement en l’intégration mondiale de l’économie capitaliste le facteur que la Russie a pu utiliser pour construire sa propre position de pouvoir.
Adam Tooze, "Chartbook #68 Putin’s Challenge to Western hegemony ‑ the 2022 edition"
https://adamtooze.substack.com/p/chartbook-68-putins-challenge-to
[35]. https://www.capital.de/wirtschaft-politik/das-sind-die-groessten-gasproduzenten-der-welt
[36]. https://de.statista.com/statistik/daten/studie/233947/umfrage/anteil-an-der-weltweiten-erdoelproduktion-der-top-15-laender
[37]. https://www.produktion.de/wirtschaft/rohstoffe-russlands-machtbasis-und-europas-schwachstelle-232.html
[38]. https://www.technik-einkauf.de/rohstoffe/kritische-rohstoffe/diese-rohstoffe-kommen-aus-russland-215.html
[39]. https://www.technik-einkauf.de/rohstoffe/kritische-rohstoffe/die-groessten-produzenten-von-nickel-281.html
[40]. https://de.statista.com/statistik/daten/studie/194143/umfrage/minenproduktion-von-palladium-nach-laendern
[41]. https://de.statista.com/statistik/daten/studie/38452/umfrage/produktion-von-cobalt-in-ausgewaehlten-laendern/
[42]. Stansfield Smith, "Ist Russland imperialistisch?"
https://www.klassegegenklasse.org/ist-russland-imperialistisch/
[43]. Wolfgang Drechsler, "Der Fluch der Rohstoffe: Warum Russland ein Scheinriese ist".
https://www.handelsblatt.com/meinung/kommentare/essay-der-fluch-der-rohstoffe-warum-russland-ein-scheinriese-ist-/28253744.html
[44]. Roland Götz, "Russlands Volkswirtschaft"
https://www.bpb.de/themen/europa/russland/294707/russlands-volkswirtschaft/
[45]. Hans-Jürgen Jakobs, "Wie China und Russland den Rest der Welt von ihren Rohstoffen abhängig machen wollen", 25/3/2022.
https://www.handelsblatt.com/politik/international/rohstoffkrise-wie-china-und-russland-den-rest-der-welt-von-ihren-rohstoffen-abhaengig-machen-wollen/28195418.html
[46]. https://de.statista.com/infografik/24412/das-sind-die-groessten-waffenhaendler-weltweit/
[47]. https://de.statista.com/statistik/daten/studie/152177/umfrage/absatz-der-weltweit-groessten-ruestungsunternehmen
[48]. Numa Mazat, op. cit.
[49]. https://de.statista.com/statistik/daten/studie/1103182/umfrage/bewertung-russland-nach-dem-global-innovation-index/
[50]. https://www.ihk.de/dortmund/menue/international/startups/startup-szenen-weltweit/russland-hidden-champion-der-startup-welt/3971632
[51]. Roland Götz, op. cit.
[52]. Ibid.
[53]. https://www.globalfirepower.com/countries-listing.php
[54]. https://www.focus.de/politik/videos/serie-welches-land-hat-wie-viel-feuerkraft-1-usa-gegen-russland-die-beiden-maechtigsten-armeen-der-welt-im-direktvergleich_id_4120283.html
[55]. Eugen Varga, "Studien über Grundzüge der Entwicklung imperialistischer Hauptländer", dans : E. Varga, Ausgewählte Schriften, Band 2; Köln, Pahl-Rugenstein Verlag, 1982; p. 243.
[Les passages cités sont traduits par nous à partir du texte de Komaufbau – ROCML]
[56]. Ibid.
[57]. "Kriegsforscher O’Brien : “Natürlich kann die Ukraine diesen Krieg gewinnen”.", 11/4/2022.
https://www.handelsblatt.com/politik/international/interview-kriegsforscher-obrien-natuerlich-kann-die-ukraine-diesen-krieg-gewinnen/28244378.html
[58]. Rodger Baker, "Russia’s Emerging Arctic Maritime Frontier", 15/9/2020.
https://worldview.stratfor.com/article/russias-emerging-arctic-maritime-frontier
[59]. "What is the Wagner Group, Russia’s mercenary organisation?", 7/3/2022.
https://www.economist.com/the-economist-explains/2022/03/07/what-is-the-wagner-group-russias-mercenary-organisation
[60]. Le magazine du New York Times estime que la présidence de Donald Trump a signifié pour l’Ukraine un retard d’un an et demi dans sa préparation à la guerre avec la Russie.
Robert Draper, "This was Trump Pulling a Putin", 11/4/2022.
https://www.nytimes.com/2022/04/11/magazine/trump-putin-ukraine-fiona-hill.html
[61]. L’interview suivante fournit une impression de ce qu’est l’idéologie de Dugin, de type postmoderne et de nouvelle droite.
"Aleksandr Dugin: “”We have our special Russian truth”", BBC Newsnight, 18/11/2017.
https://youtu.be/GGunRKWtWBs
[62]. Aleksandr Dugin, The Foundations of Geopolitics: The Geopolitical Future of Russia; 1997, Réimpression: Moscou, T8 Publishing, 2019.
[63]. "Putin’s Playbook: #Reviewing Dugin’s Foundations of Geopolitics", 28/5/2020.
https://thestrategybridge.org/the-bridge/2020/5/28/putins-playbook-reviewing-dugins-foundations-of-geopolitics
[64]. Zbigniew K. Brzezinski, The grand chessboard : American primacy and its geostrategic imperatives; New York, NY, Basic Books, 2006.
[65]. Un exemple de cette approche méthodologique est l’article de Stansfield Smith cité plus haut.
[66]. Cf. "Der deutsche Imperialismus in Europa", Kommunismus, no 16, p. 10.
https://komaufbau.org/wp-content/uploads/2020/01/Kommunismus_16.pdf
[67]. "Officiellement, la Chine n’a pas soutenu la Russie ni en 2008, ni en 2014 ou aujourd’hui. Chacune de ces crises a davantage éloigné la Russie de l’Occident et alimenté sa politique de "se tourner vers l’Est". Et à chaque fois, la dépendance de Moscou vis-à-vis de Pékin s’est encore accrue. Dans le commerce des marchandises, la part de la Russie dans le commerce de la Chine est de 2,4 %, tandis que la part de la Chine dans le commerce de la Russie atteint 17,8 %."
Temur Umarow, "Freundschaft unter Vorbehalt", Internationale Politik, Mai / Juin 2022, p. 40.
https://internationalepolitik.de/de/freundschaft-unter-vorbehalt
[68]. "“Russia cannot afford to lose, so we need a kind of a victory”: Sergey Karaganov on what Putin wants", 2/4/2022.
https://www.newstatesman.com/world/europe/ukraine/2022/04/russia-cannot-afford-to-lose-so-we-need-a-kind-of-a-victory-sergey-karaganov-on-what-putin-wants
[69]. A. Dugin, op. cit.
[70]. Wortprotokoll der Rede Wladimir Putins im Deutschen Bundestag am 25/9/2001.
https://www.bundestag.de/parlament/geschichte/gastredner/putin/putin_wort-244966
[71]. Vladimir Poutine a également utilisé cet argument dans son discours du 21 février 2022, quelques jours avant l’attaque contre toute l’Ukraine : "Depuis des temps immémoriaux, les habitants du sud-ouest de ce qui a été historiquement la terre russe se sont appelés russes et chrétiens orthodoxes. C’était le cas avant le 17e siècle, lorsqu’une partie de ce territoire a rejoint l’État russe, et après."
Address by the President of the Russian Federation, The Kremlin, Moscow, 21 Février 2022.
http://en.kremlin.ru/events/president/news/67828
[72]. "Ukraine, Russland & die Nationale Frage".
https://www.klassenbildung.net/ukraine-russland-die-nationale-frage/
[73]. Comité d’État des statistiques de l’Ukraine – Recensement de la population ukrainienne, 2001
http://2001.ukrcensus.gov.ua/results/general/nationality
[74]. Ibid.
[75]. Kerstin Holm, "Das Russische abwürgen", 18/1/2022.
https://www.faz.net/aktuell/feuilleton/debatten/ukraine-neues-sprachgesetz-soll-das-russische-zurueckdraengen-17736397.html
[76]. Address by the President of the Russian Federation, op. cit.
[77]. I. V. Staline au 10e congrès du PC(b)R, Discours de clôture de la discussion (10 mars 1921); Oeuvres, tome 5 (1921‑1923); Paris, Nouveau Bureau d’Édition, 1980; p. 38‑50.
https://rocml.org/staline-1921-03-08-16-congres-pcbr-10e/
[78]. "Black Sea Geopolitics and Russia’s Control of Strategic Waterways: The Kerch Strait and the Sea of Azov".
https://southfront.org/black-sea-geopolitics-and-russias-control-of-strategic-waterways-the-kerch-strait-and-the-sea-of-azov
[79]. Zbigniew Brzezinski, op. cit., cité d’après:
https://www.deutschlandfunk.de/zbigniew-brzezinski-rueckblick-in-die-konflikte-der-zukunft-100.html
[80]. "Acht Fakten zur Wirtschaft der Ukraine".
https://www.capital.de/wirtschaft-politik/acht-fakten-zur-wirtschaft-der-ukraine-_31731168-31731510.html
[81]. A. Tooze, op. cit.
[82]. Site Web officiel de l’Ukraine, géré par le ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine et l’Institut ukrainien.
https://ukraine.ua/de/investieren/trade-with-ukraine/
[83]. https://www.tagesschau.de/ausland/klitschko216.html
https://deutsche-wirtschafts-nachrichten.de/2015/05/03/mit-deutschen-steuergeldern-adenauer-stiftung-mischt-in-der-ukraine-kraeftig-mit
Voici comment la Fondation Konrad Adenauer se présente elle-même: [ROCML]
"Liberté, justice et solidarité sont les principes fondamentaux qui guident le travail de la Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS). La KAS est une fondation politique proche de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (Christlich Demokratische Union Deutschlands, CDU). En tant que cofondateur de la CDU et premier chancelier fédéral allemand, Konrad Adenauer (1876-1967) a uni les traditions chrétiennes-sociales, conservatrices et libérales. Son nom est associé à la reconstruction démocratique de l’Allemagne, à l’ancrage du pays, en matière de politique étrangère, dans une communauté de valeurs transatlantique, ainsi qu’à la vision d’une entente européenne et à l’orientation vers l’économie sociale de marché."
https://www.kas.de/fr/web/frankreich/a-propos-de-nous
[84]. Anthony H. Cordesman, "Russia and the “Color Revolution” ‑ A Russian Military View of a World Destabilized by the US and the West", Center for Strategic and International Studies, 28/5/2014.
https://www.csis.org/analysis/russia-and-%E2%80%9Ccolor-revolution%E2%80%9D
[85]. Jürgen Wagner, "Der NATO-Prolog des Ukraine-Krieges", Informationsstelle Militarisierung e. V.
https://www.imi-online.de/2022/03/03/der-nato-prolog-des-ukraine-krieges/
Traité de partage relatif au statut et aux conditions de la flotte de la mer Noire
https://en.wikisource.org/wiki/Partition_Treaty_on_the_Status_and_Conditions_of_the_Black_Sea_Fleet
[86]. "Ukrainisches Parlament billigt Sparpaket", 28/3/2014.
https://www.faz.net/aktuell/politik/drohender-staatsbankrott-ukrainisches-parlament-billigt-sparpaket-12868155.html
[87]. Deutscher Bundestag – Verbot kommunistischer Symbole in der Ukraine.
https://www.bundestag.de/webarchiv/presse/hib/2015_06/379016-379016
[88]. Cf. Kommunistischer Aufbau, "Imperialistischer Kampf um die Ukraine", 1/9/2014.
https://komaufbau.org/imperialistischer-kampf-um-die-ukraine/
[89]. Jürgen Wagner, op. cit.
[90]. Appréciation d’un ancien militant du "Parti communiste ouvrier russe" révisionniste sur les républiques populaires de Donetsk et Lougansk.
https://youtu.be/jtMB-6c83H1o
[91]. Niko Vorobyov, "Ukraine crisis: Who are the Russia-backed separatists?"
https://www.aljazeera.com/news/2022/2/4/ukraine-crisis-who-are-the-russia-backed-separatists
[92]. Robert D. Meyer, "Nazis ziehen in den Krieg", 1/3/2022.
https://www.nd-aktuell.de/artikel/1161730.ukraine-krieg-nazis-ziehen-in-den-krieg.html
[93]. "Ukraine und NATO-Staaten starten Manöver", 20/9/2021.
https://www.zdf.de/nachrichten/politik/ukraine-nato-militaermanoever-100.html
[94]. Jürgen Wagner, op. cit.
[95]. "“Dark Eagle” über Mainz-Kastel?"
https://wiesbaden-lebt.de/dark-eagle-ueber-mainz-kastel
[96]. Ibid.
[97]. "Ce statut fait partie du programme de partenariat, qui vise à approfondir la coopération avec les partenaires qui ont apporté des contributions importantes aux opérations et missions dirigées par l’OTAN. En tant que partenaire de l’OTAN, l’Ukraine a fourni des troupes aux opérations alliées, notamment en Afghanistan et au Kosovo."
"Die Beziehungen der Ukraine zur EU und zur NATO".
https://www.lpb-bw.de/ukraine-eu-nato
[98]. "Ukraine’s New National Security Strategy", 30/10/2020.
https://pism.pl/publications/Ukraines_New_National_Security_Strategy
[99]. A. Tooze, op. cit.
[100]. "Die Beziehungen der Ukraine zur EU und zur NATO", op. cit.
[101]. US Department of State, "U.S.-Ukraine Charter on Strategic Partnership", 10/11/2021.
https://www.state.gov/u-s-ukraine-charter-on-strategic-partnership/
[102]. Berliner Zeitung, cité d’après: Jürgen Wagner, op. cit.
[103]. "Die NATO übt die Verteidigung Europas", 11/5/2021.
https://www.dw.com/de/die-nato-übt-die-verteidigung-europas/a-57498082
[104]. Hannes Adomeit, "Russisch-belarussisches Manöver Sapad-2021: Teil der Kriegsvorbereitungen gegen die Ukraine".
https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/sirius-2022-1007/html
[105]. Stefan Grobe, "Was steckt hinter dem russischen Truppenaufmarsch an der ukrainischen Grenze?", 29/11/2021.
https://de.euronews.com/my-europe/2021/11/29/was-steckt-hinter-dem-russischen-truppenaufmarsch-an-der-ukrainischen-grenze
[106]. "Ukraine lässt 2022 mehr Flugzeuge und Schiffe der Nato ins Land", 14/12/2021
https://www.swissinfo.ch/ger/ukraine-laesst-2022-mehr-flugzeuge-und-schiffe-der-nato-ins-land/47191876
[107]. "Russland veröffentlicht Forderungen an NATO", 17/12/2021.
https://www.tagesschau.de/ausland/europa/ukraine-konflikt-russland-ende-nato-osterweiterung-101.html
[108]. "Ukraine-Konflikt: USA und Russland kündigen Gespräche an", 28/12/2021.
https://perspektive-online.net/2021/12/ukraine-konflikt-usa-und-russland-kuendigen-gespraeche-an/
[109]. "Selenskyj sagt zwischen den Zeilen allen anderen: “ F… you!”", 20/2/2022.
https://www.berliner-zeitung.de/welt-nationen/selenskyj-sagt-zwischen-den-zeilen-allen-anderen-f-you-li.212916
[110]. "What to Watch for as the Russia-Ukraine Conflict Escalates".
https://worldview.stratfor.com/article/what-watch-russia-ukraine-conflict-escalates
[111]. "Vom russischen Angriff überrascht: BND-Chef musste Ukraine mit Auto verlassen", 25/2/2022.
https://www.rnd.de/politik/von-krieg-in-der-ukraine-ueberrascht-bnd-chef-musste-kiew-mit-auto-verlassen-2ORA4O7DBCNDX2COLYA7YNYBUI.html
[112]. Avec l’ancien chancelier fédéral et aujourd’hui lobbyiste Gerhard Schröder, l’impérialisme allemand dispose même une figure symbolique "tragique" de l’échec concernant son double jeu vis-à-vis de l’OTAN et la Russie.
"The Former Chancellor Who Became Putin’s Man in Germany", 23/4/2022.
https://www.nytimes.com/2022/04/23/world/europe/schroder-germany-russia-gas-ukraine-war-energy.html
[113]. "Scholz hofiert Japan, Ampelparteien drohen Peking: Berlin beginnt neue China-Politik", 28/4/2022.
https://www.handelsblatt.com/politik/deutschland/deutschlands-asien-strategie-scholz-hofiert-japan-ampelparteien-drohen-peking-berlin-beginnt-neue-china-politik/28287054.html
[114]. C’est ce que concède également Dmitry V. Suslov dans une interview au quotidien italien Corriere della Sera le 23 avril 2022. Suslov est Directeur adjoint du Center for Comprehensive European and International Studies à la National Research University Higher School of Economics, à Moscou.
Paolo Valentino, "Dmitrij Suslov: «Noi in guerra contro la Nato. Come proseguirà la guerra in Ucraina? Al Cremlino ci sono due scuole di pensiero»", 23/4/2022.
https://www.corriere.it/esteri/22_aprile_23/come-proseguira-la-guerra-in-ucraina-74b4d21a-c270-11ec-9ffc-d9c4202c6b45.shtml
On peut consulter un texte de Suslov datant d’avril 2019 :
"Le triangle stratégique États-Unis, Russie et Chine".
https://www.lettrevigie.com/blog/2019/04/05/le-triangle-strategique-etats-unis-russie-et-chine-d-suslov/
[115]. Comme le montre une analyse de "Germany Trade & Invest", la structure particulière du capitalisme russe s’est avérée être un avantage concurrentiel pendant la pandémie et la crise : "Le produit intérieur brut (PIB) [russe] a diminué de 3,0 % en termes réels en 2020 et donc modérément par rapport à la diminution moyenne mondiale de 3,5 % et celle pour l’UE de 6,1 %. […] Pour 2021, le ministère russe des Affaires économiques prévoit une croissance du PIB réel de 3,8 % […]. Si l’économie russe a relativement bien résisté à la crise, c’est principalement grâce à sa structure, moins caractérisée par les services et les entreprises de taille moyenne qu’en Europe occidentale, mais dominée par les entreprises industrielles et de matières premières, qui dépendent souvent de commandes gouvernementales et moins à la demande privée."
Gerit Schulze, "Russlands Wirtschaft zeigt sich robust in der Coronakrise".
https://www.gtai.de/de/trade/russland/specials/russlands-wirtschaft-zeigt-sich-robust-in-der-coronakrise-242418
[116]. Gabor Steingart, "Russland-Sanktionen: Die Luftnummer des Westens".
https://www.thepioneer.de/originals/thepioneer-briefing-economy-edition/briefings/russland-sanktionen-die-luftnummer-des-westen
[117]. Ibid.
[118]. Mathias Brüggmann, "Putin unterschreibt Gas-Dekret – Westliche Kunden müssen Kauf über russische Bank abwickeln", 31/3/2022.
https://www.handelsblatt.com/politik/international/russland-putin-unterschreibt-gas-dekret-westliche-kunden-muessen-kauf-ueber-russische-bank-abwickeln/28217422.html
[119]. "Zur Kritik am “Joint Statement” und zur NATO-Aggression gegen Russland".
https://kommunistische.org/diskussion-imperialismus/zur-kritik-am-joint-statement-und-zur-nato-aggression-gegen-russland/
[120]. "“Putins Terror betrifft alle”: Anarchisten schließen sich den Kriegsanstrengungen der Ukraine an".
https://mein-berlin.net/putins-terror-betrifft-alle-anarchisten-schliessen-sich-den-kriegsanstrengungen-der-ukraine-an/
[121]. https://de.statista.com/infografik/amp/27275/ruestungs-und-waffenhilfezusagen-von-regierungen-an-die-ukraine/
[122]. Paolo Valentino, op. cit.
[123]. D. Souslov, par exemple, désigne une victoire dans le Donbass comme le minimum absolu que la Russie devrait atteindre :
"Au début, il s’agissait d’un conflit concernant l’Ukraine. Mais maintenant, c’est une guerre concernant la Russie. L’enjeu est la survie de la Russie en tant que grande puissance et son statut dans les relations internationales.",
Dmitry V. Suslov, op. cit.
[124]. "Russland von solchen Einsätzen abhalten: USA zu ihren Zielen im Ukraine-Krieg", 26/4/2022.
https://www.stern.de/amp/politik/ausland/us-verteidigungsminister—wollen-russland-geschwaecht-sehen–31806894.html
[125]. [ROCML] "Coalition des volontaires" ou "coalition des États de bonne volonté", en anglais "coalition of the willing" (complété parfois avec "and able", c’est-à-dire "et en mesure de faire").
C’est une expression employée fréquemment pour désigner une coalition formée par des États dans le but de mettre en oeuvre une intervention internationale conjointe, notamment militaire. Exemples: Première guerre du Golfe, 1990-1991 à la suite de l’invasion et l’annexion du Koweït par l’Irak, Kosovo 1999.
En 2000, un rapport présenté dans le cadre de l’ONU prend à son compte le concept : "Le panel reconnaît que l’ONU ne fait pas la guerre. Lorsqu’une action coercitive est nécessaire, elle a toujours été confiée à des coalitions d’États volontaires, avec l’autorisation du Conseil de sécurité, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte.
(Report of the Panel on United Nations Peace Operations, A/55/305S/2000/809).
https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/594/70/PDF/N0059470.pdf
[126]. L’appréciation de S. Karaganov, ancien conseiller de Poutine, va dans ce sens :
"La Pologne reprendra volontiers certaines parties à l’ouest, peut-être les Roumains et les Hongrois de même, car la minorité hongroise en Ukraine a été éliminée, comme aussi d’autres minorités.
"Russia cannot afford to lose, so we need a kind of a victory", op. cit.
[127]. "Ist Bosnien-Herzegowina Putins nächstes Einfallstor?", 18/4/2022.
https://www.handelsblatt.com/politik/international/westbalkan-ist-bosnien-und-herzegowina-putins-naechstes-einfallstor/28249078.html
[128]. "Eufor stockt wegen Angriffs auf Ukraine in Bosnien-Herzegowina auf", 25/2/2022.
https://www.derstandard.de/consent/tcf/story/2000133650098/eufor-stockt-wegen-angriff-auf-ukraine-in-bosnien-herzegowina-auf
[129]. "Russlands Ostfront: Japan schwenkt vom Kumpel- auf Konfliktkurs", 17/4/2022.
https://www.handelsblatt.com/politik/international/kurilen-inseln-russlands-ostfront-japan-schwenkt-vom-kumpel-auf-konfliktkurs/28253730.html
[130]. "North Korea’s Non-Nuclear Option", 11/2/2022.
https://worldview.stratfor.com/article/north-korea-s-non-nuclear-option
[131]. "Kampf um Ostasien", Kommunismus, no 11, p. 36.
https://komaufbau.org/wp-content/uploads/2018/02/Kommunismus-11.pdf
[132]. "AUKUS-Pakt: Neue Konflikte um den Indopazifik"
https://perspektive-online.net/2021/09/35400/
[133]. "Anti-China-Allianz: “Quad”-Staaten treffen sich in Washington"
https://perspektive-online.net/2021/09/anti-china-allianz-quad-staaten-treffen-sich-in-washington/
[134]. M. Brüggmann, op. cit.
[135]. "Aufrüstung für den nächsten großen Krieg"
https://perspektive-online.net/2022/04/aufruestung-fuer-den-naechsten-grossen-krieg/
[136]. "Inflationsrate im April 2022 voraussichtlich +7,4 %"
https://www.destatis.de/DE/Presse/Pressemitteilungen/2022/04/PD22_182_611.html
[137]. Gregor Golland, "7 Schritte zu einer neuen Wehrhaftigkeit"
https://www.thepioneer.de/originals/thepioneer-expert/articles/7-schritte-zu-einer-neuen-wehrhaftigkeit
[138]. "Ist das Tragen von Hammer und Sichel bald eine Straftat?"
https://perspektive-online.net/2022/04/ist-das-tragen-von-hammer-und-sichel-bald-eine-straftat/
[139]. "Ich bin Ukrainerin – und kann kein Blau-Gelb mehr sehen"
https://www.freitag.de/autoren/der-freitag/die-deutschen-wollen-den-krieg-in-der-ukraine-gewinnen
[140]. Alternative pour l’Allemagne (Alternative für Deutschland, AfD). Ce parti a été fondé en 2013. D’abord conservateur-libéral, il s’est présenté après 2015 comme le principal opposant à la politique migratoire menée par la chancelière Angela Merkel. Il est entré au parlement (Bundestag) en 2017. Par la suite il a radicalisé son discours et son programme, et représente actuellement, aux côtés du Parti national-démocrate d’Allemagne (National-demokratische Partei Deutschlands, NPD), l’extrême droite en Allemagne. [ROCML]
[141]. "AfD und der Krieg in der Ukraine: Wie sich die Rechtspopulisten als Friedenspartei inszenieren", 1/5/2022.
https://www.spiegel.de/politik/deutschland/afd-und-der-krieg-in-der-ukraine-wie-sich-die-rechtspopulisten-als-friedenspartei-inszenieren-a-219f5655-0461-4e71-a1a2-fe842498aeeb
[142]. Annalena Baerbock, ministre fédérale des Affaires étrangères depuis décembre 2021. Présidente du parti Alliance 90/Les Verts (Bündnis 90/Die Grünen). Initialement le parti Les Verts a été fondé en 1980 en République fédérale allemande, puis s’est allié en décembre 1990 aux Verts d’Allemagne de l’Est qui venaient de former l’Alliance 90. [ROCML]
[143]. Robert Habeck, ministre fédéral de l’Économie et de la Protection du Climat depuis décembre 2021. Coprésident du parti Alliance 90/Les Verts (cf. note précédente). [ROCML]
[144]. "Saunaverbot und Einschränkungen für Singles möglich", 12/4/2022.
https://www.spiegel.de/wirtschaft/bundesnetzagentur-chef-sauna-verbot-und-einschraenkungen-fuer-singles-moeglich-a-19a95e8c-8e04-4efe-99d9-feb33bb0062d
[145]. "taz, die tageszeitung". Journal quotidien fondé en 1979.
[146]. Ici nous omettons un bref passage qui commente l’activité de Kommunistischer Aufbau en rapport avec les thèmes analysés dans la partie du texte concernant les tâches des communistes. [ROCML]
[147]. Cité d’après:
https://kommunistische.org/diskussion-imperialismus/die-lager-in-der-ko-beim-namen-nennen/
[148]. "Zur Klärung der Imperialismusfrage – Eine Selbstkritik"
https://kommunistische.org/stellungnahmen/zur-klaerung-der-imperialismusfrage-eine-selbstkritik/
[149]. Cf. Voir nos explications sur le rôle du réformisme dans l’accentuation de la crise du capitalisme dans:
Die Krise des Imperialismus und der "Europäische Frühling", Verlag Leo Jogiches, 2015; p. 47.
https://kombibl.files.wordpress.com/2019/01/kommunismus_europäischer_frühling.pdf