La situation au Moyen-Orient sous l’angle géopolitique
et ses répercussions sur la lutte du peuple palestinien

LA VOIX DES COMMUNISTES, no 29, 2e semestre 2021 – p. 28-45

Entre les débuts du projet de colonisation mis en oeuvre par le mouvement sioniste et les années 1960, certains facteurs existaient sur les plans régional et mondial qui agissaient dans le sens d’un soutien à la lutte du peuple palestinien pour la réalisation de son droit à l’autodétermination, ou du moins contribuaient à un contexte favorable. Depuis, un remodelage des situations politiques propres aux pays de la région et une modification des relations entre les puissances impérialistes qui interviennent sur place se sont produits. Le peuple palestinien est confronté à une situation où s’additionnent l’hostilité de ses ennemis de toujours, la complicité avec l’occupant sioniste de la part d’alliés hypothétiques d’autrefois, ainsi que la soumission à l’occupant sioniste de la part des institutions et organisations censées représenter les Palestiniens.

Il importe de souligner que ce dernier point, concernant les Palestiniens eux-mêmes, ne relève pas seulement du domaine des programmes politiques et qu’il ne s’agit pas d’une résignation découlant d’un constat d’impuissance, mais d’un engagement actif en faveur de l’existence et de la protection de l’État d’Israël. Les principaux membres de l’Autorité palestinienne, en concordance avec le Fatah – organisation prédominant dans l’OLP – ont choisi de mettre en pratique la « solution de deux États » de façon totalement viciée : Israël, l’un des deux États, est traité comme un fait établi dont l’existence signifie que la « solution » est déjà en place à moitié; l’autre moitié, l’État palestinien, reste à créer, mais le caractère purement fictif de cette perspective est totalement évacué du tableau.

Les accords d’Oslo signés en 1993 entre l’OLP et Israël établissent un organe exécutif de l’autonomie palestinienne, dénommé « Autorité palestinienne », ainsi qu’une coordination entre les deux parties ayant pour objectif d’empêcher toute attaque contre Israël. Le renforcement de l’influence du Hamas à partir de son succès lors des élections de 2006 a été l’un des facteurs qui ont contribué à ce que l’Autorité palestinienne fasse de cette coopération avec Israël en matière de sécurité une affaire « sacrée », selon le propre mot de Mahmoud Abbas, président de cette Autorité palestinienne. Pour illustrer cette position, pleinement assumée, nous donnons en annexe à ce sujet des explications plus détaillées.

Quelques rares éléments de la réalité ont échappé à cette évolution marquée par la capitulation devant l’ennemi ainsi que la raréfaction d’alliés extérieurs. Toutefois, actuellement, une analyse de la constellation des forces ne peut plus avoir comme axe majeur la détermination des forces alliées auprès desquelles le peuple palestinien pourrait trouver du renfort – il s’agit plutôt d’analyser les forces adverses afin de définir les méthodes et objectifs de lutte appropriés.

L’Iran et Israël ainsi que la Turquie, l’Arabie Saoudite, l’Égypte, constituent le groupe des puissances régionales qui par leurs jeux d’alliances internationales et locales sont devenues les acteurs majeurs de cette zone.

L’Égypte (101 millions d’habitants), la Turquie et l’Iran (autour de 83 millions chacun) sont les trois pays les plus peuplés. L’Iran, Israël, la Turquie sont des États-Nations, dotés d’un appareil législatif et bureaucratique relativement stable. Depuis plus d’un siècle, les contestations des frontières historiques des États issus du partage de l’Empire ottoman, conséquence directe ou indirecte des accords Sykes-Picot, ont été reprises à leur compte aussi bien par les tenants d’une réunification du monde arabe selon une revendication de défense de l’identité arabe, que par les partisans d’un panislamisme basé sur des principes religieux.

François Georges-Picot, consul de France à Beyrouth et Mark Sykes, député conservateur britannique négocient en mai 1916 l’accord portant leur nom auquel se rallieront Russes et Italiens. Or, cet accord ne résistait pas au changement de régime en Russie en 1917 et aux « quatorze points » du président Wilson prétendant rejeter la diplomatie secrète et de promouvoir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il est abandonné par la France et la Grande-Bretagne. Le traité de Lausanne de 1923 marque cette réorientation.

Les États de la région obtiennent successivement l’indépendance, les derniers en date Bahreïn, Oman, le Qatar et les Émirats arabes unis (EAU) en 1971. Quant à Israël, il faut noter que le mouvement sioniste a imposé sa propre façon de procéder à la création de l’État en divergence avec la politique officielle de la Grande-Bretagne.

Quelques éléments centraux à l’égard de la géopolitique régionale

L’intérêt stratégique du Moyen-Orient[1] réside notamment dans sa position d’espace de connexion, raccordant les Indes à la Méditerranée, la Mer rouge, l’océan Indien ou la Mer caspienne.

L’Arabie Saoudite a conclu en 1945 avec les USA le pacte dit du « Quincy », du nom du croiseur américain où il a été signé, pour une durée de 60 ans; il a été renouvelé en 2005. Ce pacte assure à l’Arabie Saoudite la protection militaire US contre toute menace extérieure, en contrepartie d’approvisionnements pétroliers garantis. Lorsqu’en 1979 l’URSS – qui n’était plus « soviétique » mais s’était transformée en puissance social-impérialiste –  envahit l’Afghanistan, les USA sollicitent un soutien financier aux rebelles afghans auprès de l’Arabie Saoudite. Celle-ci dans ce contexte étend son influence en propageant le wahhabisme, et se rapproche du Pakistan sur le plan militaire.

L’Iran occupe une position de puissance régionale clé de la zone. Il soutient notamment les communautés chiites des pays du Golfe et du Levant. L’invasion de l’Irak par les USA en 2003 aboutissant à la chute de Saddam Hussein a d’ailleurs entrainé l’installation au pouvoir d’un régime chiite, le chiisme étant la religion majoritaire en Irak.

La Turquie, la Syrie, l’Irak et aussi l’Iran se trouvent avoir un intérêt commun du fait de l’hostilité partagée à l’égard de l’aspiration du peuple kurde à un État national propre.

Pour évaluer la capacité militaire il faut prendre en compte des données quantitatives aussi bien que qualitatives. Des analystes spécialisés dans ce domaine élaborent des indices numériques censés refléter la force militaire relative des pays comparés les uns aux autres. En 2021, une telle analyse donne le classement suivant pour les principaux pays traités ici, par ordre décroissant de l’indice[2] : Turquie à la 11e place dans la liste, Égypte 13e, Iran 14e, Arabie Saoudite 17e, Israël 20e, EAU 36e, Kuwait 71e, Oman 72e, Qatar 82e, Bahreïn 103e.

Trois blocs se disputent le contrôle de de la région :

– un regroupement autour de l’Iran comprenant l’Irak ainsi que des milices chiites en Irak, le Hezbollah, et les Houthis au Yémen;

– l’ensemble des anciens régimes monarchiques du Golf – l’Arabie Saoudite, les EAU, Bahreïn – et aussi la Jordanie et l’Égypte;

– la Turquie est liée au Qatar ainsi qu’aux Frères musulmans et à des forces oppositionnelles actives dans les pays arabes.

Les pays arabes et Israël : la « normalisation »

En 1979 l’Égypte, membre fondateur de la Ligue arabe, a signé un traité de paix avec Israël. Les autres membres de la Ligue arabe réagissaient en votant la suspension de la qualité de membre de l’Égypte et le transfert du siège de l’organisation du Caire à Tunis. Cette décision a été annulée en 1989, le siège a été de nouveau installé au Caire l’année suivante. Le traité de paix stipulait la « normalisation des relations » y compris sur le plan diplomatique. Il reconnaissait la fin de l’état de guerre résultant du conflit déclenché par la déclaration d’indépendance de la part d’Israël; en particulier il prévoyait le retrait total des forces armées et colons israéliens de la péninsule de Sinaï qu’Israël avait occupée au cours de la guerre de 1967.

En 1994, la Jordanie également conclut un accord de paix et établit des relations diplomatiques avec Israël.

En 2002 la Ligue arabe a présenté une proposition en 10 points pour mettre fin au conflit arabo-israélien; elle appelait à une normalisation des relations entre le monde arabe et Israël en échange d’un retrait total d’Israël des territoires occupés et d’un « juste règlement » du problème des réfugiés palestiniens basé sur la résolution 194 de l’ONU (adoptée en 1948, cette résolution traite de la question des réfugiés et affirme leur droit au retour), ainsi que l’établissement d’un État palestinien avec Jérusalem Est comme capitale.

En aout 2020 les EAU concluent avec Israël un accord d’établissement de relations diplomatiques. Les domaines potentiels de coopération incluent la coopération militaire dans la région de la mer Rouge, et les questions de sécurité. Le mois suivant, l’accord est officialisé, Bahreïn s’étant entretemps joint à la démarche. La Ligue arabe ne s’est pas prononcée à ce sujet. En particulier, les négociations précédant à l’accord étaient étroitement liées à la volonté des EAU d’acquérir des avions de combat US, exprimée dès 2015, mais qui se heurtait à l’opposition d’Israël[3]. Les termes de l’accord de septembre 2020 ont permis de lever ce blocage en rassurant Israël soucieux de garder la suprématie militaire dans la région. En novembre l’administration US annonça la vente aux EAU de 50 avions de combat F-35 dans le cadre d’une transaction d’armements portant sur 23 milliards de dollars.

En lien avec cet accord est publié une déclaration commune par les USA, les EAU et Israël[4]. Elle contient entre autre une phrase concernant le domaine des religions : « Tous les musulmans qui viennent en paix peuvent visiter et prier à la mosquée Al‑Aqsa et les autres lieux saints de Jérusalem resteront ouverts aux fidèles pacifiques de toutes les confessions. » La portée d’une telle disposition peut sembler mineure, mais au fond elle s’inscrit dans la démarche de l’occupant sioniste qui combine actions de force, violence, et toutes sortes de mesures sournoises, en l’occurrence le fait de faire un pas de plus vers l’appropriation de l’esplanade de la mosquée par les sionistes.

L’ambassade des EAU en Israël a été ouverte officiellement en juillet 2021. Suite à l’accord de septembre 2020, les deux pays ont signé de nombreux accords bilatéraux dans des domaines divers, entre autres les investissements, les services bancaires, le tourisme, la sécurité[5]. Environ 100.000 Palestiniens vivent dans les EAU, la plupart sous un statut de résident.

Le Qatar, point de cristallisation de conflits multiples

Cette normalisation des relations entre les EAU et Israël avait été précédée par un conflit d’intérêts au sein des pays arabes de la région. En juin 2017, l’Arabie Saoudite, l’Égypte, les EAU, Bahreïn et le Yémen annoncent l’expulsion du personnel diplomatique du Qatar, l’arrêt de l’ensemble des liens de transport avec le Qatar. Ce blocus sera levé en janvier 2021.

EAU – USA – Israël

Les dirigeants des EAU entretiennent des contacts officieux étroits avec les USA et Israël, par l’intermédiaire de certaines personnes bien placées[6]. C’est le cas de Yousef al-Otaiba, ambassadeur des EAU aux USA. En 2013, peu après le renversement de Mohamed Morsi – président d’Égypte soutenu par les Frères musulmans – par les militaires, al-Otaiba démarchait deux personnalités qui avaient fait partie de l’administration de George W. Bush en leur expliquant : « Des pays comme la Jordanie et les Émirats arabes unis sont les “derniers hommes debout” dans le camp modéré. Le printemps arabe a accru l’extrémisme au détriment de la modération et de la tolérance. »

Al-Otaiba a aussi recours aux services d’un groupe de réflexion et de lobbying dénommé « Foundation for defense of democracies » (FDD), entre autre en la personne du Conseiller principal de ce groupe, John Hannah, qui avait été conseiller adjoint à la sécurité nationale du Vice-Président Dick Cheney. Al-Otaiba s’est employé à pousser les USA à rompre leur alliance de longue date avec le Qatar, et notamment de fermer la base militaire[7].

La décision de juin 2017 de rompre les relations avec le Qatar est officiellement motivée par l’accusation que le Qatar soutient l’Iran et le « terrorisme islamique extrémiste » représenté par les Frères musulmans, Al-Qaïda, les Houthis et les chiites au Bahreïn et en Arabie Saoudite[8]. Cette démarche a donné lieu à la transmission au Qatar d’une liste de demandes[9]. Parmi celles-ci, figure la fin immédiate de la présence militaire turque et de toute coopération militaire jointe sur le territoire du Qatar.

Il faut cependant relativiser la pertinence des allégations incriminant le Qatar[10].

La position du Qatar à l’égard de l’Iran n’est pas foncièrement différente de celle adoptée par les autres pays du Golfe en général. La cause immédiate de la rupture remonte à l’apparition en 2011 de mouvements d’oppositions dans plusieurs pays arabes. Le Qatar prenait une position favorable et les soutenait, en ce qui concerne plus particulièrement les Frères musulman en Égypte, Libye et ailleurs. Dans le cas de l’Égypte, il est vrai que le Qatar jugeait négativement le renversement de Mohamed Morsi et la venue au pouvoir d’Abdel Fattah al-Sissi, mais depuis, en 2014, le Qatar a déjà fait des concessions à l’Arabie saoudite à cet égard. À l’opposé, l’Arabie saoudite a apporté une aide financière massive au régime d’al-Sissi. Qatar était prompt à soutenir l’opposition contre le régime d’Assad en Syrie, ce qui constitue une divergence claire d’avec la position de l’Iran. Certes, cela pouvait inclure des groupes comme le Front al-Nosra (Jabhat al-Nosra) et même Daesh (État islamique). Mais des allégations similaires visent l’Arabie saoudite. Il est toutefois exact que le Qatar entretenait des relations des deux côtés dans le conflit et a pu assumer à diverses occasions le rôle d’intermédiaire dans des négociations[11]. Cela incluait des liens avec l’Iran.

En outre le Qatar se trouvait aussi du côté de l’Arabie saoudite en mettant à disposition des troupes pour protéger la frontière sud du pays, avec le Yémen, contre les Houthis soutenus par l’Iran. Plus précisément, concernant le Yémen, la position du Qatar est plus proche de celle de l’Arabie saoudite qui contraste avec celle des EAU. Ces derniers soutiennent les forces séparatistes du Sud au détriment de l’autorité représentée par le président Abdrabbuh Mansur Hadi, qui est soutenu en exil par l’Arabie saoudite et la coalition arabe.

En Libye, le Qatar soutenait le défunt Congrès général national installé à Tripoli. Celui-ci a depuis cédé la place au Gouvernement d’accord national, également à Tripoli, et reconnu par l’ONU. Les EAU soutenaient et continuent à soutenir la Chambre des représentants, installée à Tobrouk.

Concernant les relations du Qatar avec les Talibans et le Hamas, il faut noter que les accusations formulées à ce sujet étaient circonstancielles[12]. En effet la présence des deux organisations avait été tolérée par les USA, qui la considéraient utile dans le cadre des différentes négociations entreprises. Parallèlement, Israël avait rencontré des représentants du Qatar et approuvé tacitement les financements fournis par le Qatar au Hamas, dominant au Gaza. À ce propos, le Qatar fait valoir que ces fonds vont uniquement à l’aile politique du Hamas au titre d’aide en matière d’infrastructures et énergie.

Toutefois, la question de la Palestine est un enjeu central de ces conflits d’intérêts, à la fois autour du Hamas comme partie prenant de la lutte du peuple palestinien, et plus généralement en  lien avec les rivalités pour s’assurer la position de dirigeant de la région. C’est que le consentement de la part des USA est décisif à ce sujet, et cela dépend aussi fortement de l’attitude adoptée par Israël – bref, il faut sans cesse ajuster ses positions aux exigences de l’occupant sioniste.

Et effectivement, Avigdor Lieberman, à l’époque ministre israélien de la Défense, commentait[13] : « Il est clair pour tout le monde, même dans les pays arabes, que le véritable danger pour toute la région est le terrorisme », et il considérait que cela offrait une « opportunité de coopération » entre Israël et certains États du Golfe. De même le ministre adjoint de la diplomatie Michael Oren : « Non plus Israël contre les Arabes mais Israël et les Arabes contre le terrorisme financé par le Qatar. »

Qatar

Le Qatar dépend fortement du secteur des hydrocarbures (75% des exportations). Les EAU, deuxième économie du Golfe derrière l’Arabie Saoudite, ont une économie plus diversifiée : le secteur des hydrocarbures ne représente que 20 %de leur PIB. Sur les 2,5 millions d’habitants décomptés en 2018, la proportion des Qataris serait de l’ordre de 10 %[14]. Aux EAU aussi les résidents étrangers comptent pour environ 90 %[15].

Le U.S. Central Command (USCENTCOM), l’un des onze commandements unifiés du Département de la Défense US, a établi son quartier général avancé à la base d’al Udeid, au Qatar. L’aire de responsabilité du Centcom couvre 20 pays au Moyen-Orient, en Asie central et du Sud, ainsi que les voies d’eau stratégiques qui les entourent. Le Qatar avait construit cette base aérienne en 1996. Il ne disposait pas de forces armées aériennes à l’époque, mais souhaitait encourager l’armée de l’air US à s’y installer. Les USA commençaient à utiliser la base en 2001, en rapport avec les activités des Talibans et d’Al-Qaïda en Afghanistan, et en 2003 ils y ont établi le quartier général du Centcom. Jusque-là, les activités transférées étaient effectuées à partir de la base de Prince Sultan en Arabie saoudite. (Les USA disposent également d’une base militaire aérienne aux EAU, à al-Dhafra.) Depuis, le Qatar a participé au développement de la base à hauteur de huit milliards de dollars[16]. Actuellement la base accueille environ 10.000 personnes selon les périodes, mais la capacité sera largement supérieure dans l’avenir[17].

Le Qatar avait conclu un accord de coopération de défense avec les USA en 1992; il a été renouvelé à deux reprises pour une période de 10 ans, en 2002 puis en 2013 [18]. À partir de 2012, le Qatar et les USA ont conclu plusieurs accords de coopération en matière de défense[19] et un accord stratégique en 2018 [20]. En outre au niveau gouvernemental ont été conclus des contrats portant sur des livraisons au Qatar d’équipements militaires à hauteur de plus de 26 milliards de dollars[21]. Ainsi pour les USA, le Qatar vient en deuxième place des clients dans le domaine militaire. Ces livraisons d’armes incluent des systèmes de défense de missiles, des avions de combat. À cela s’ajoutent des contrats commerciaux directs de plus de 2,8 milliards depuis 2016. Par ailleurs la base a mise en conformité ses procédures opérationnelles avec celles des bases de l’OTAN en Europe, et il est prévu d’arriver à ce que les forces armées aériennes du Qatar lui-même puissent s’intégrer au même fonctionnement[22].

Le blocus infligé au Qatar lui a certes couté cher dans un premier temps[23] : pour faire face aux sorties de capitaux estimées à 40 milliards de dollars, il a injecté en retour une somme équivalente dans le circuit financier local, issue de son fonds souverain. L’émirat gazier a ensuite su accélérer sous la pression la diversification de son économie et réorienter rapidement ses partenariats, misant sur ses clients asiatiques (le Japon est son premier client en 2018) et restructurant ses routes commerciales, pour desserrer le blocus et renforcer ses relations avec l’Inde, le Pakistan ou la Turquie. En revanche, les entreprises et les banques saoudiennes et émiriennes ont souffert de cette dispute radicale, qui a altéré à la fois les courants d’échanges et la réputation de fiabilité de ces opérateurs.

Les USA intervenaient dans cette dispute en contact direct avec les gouvernants des pays impliqués et émettaient des déclarations pour souligner les deux aspects principaux de l’affaire : l’importance de la base US au Qatar, et la question du « terrorisme », c’est-à-dire au bout du compte l’Iran. Durant quelques jours une certaine discordance régnait manifestement au sein de l’administration. Nous donnons en annexe un résumé des déclarations et explications données par différents responsables de l’administration US. À première vue on observe un certain partage des rôles entre les responsables politiques et ceux militaires. Mais des divergences réelles existaient entre le président Trump et le secrétaire d’État Rex Tillerson. Selon Trump les évènements étaient le résultat de ses propres démarches incitant les pays impliqués à agir dans le sens qu’il préconisait, et il persistait à les pousser à l’intransigeance. Tillerson craignait des conséquences négatives pour la situation régionale et tentait de calmer le jeu. Durant l’été Tillerson prit connaissance d’un plan conçu par l’Arabie saoudite et soutenu par les EAU, d’une invasion au Qatar[24]. Tillerson intervint et le plan fut abandonné. Il a négocié un protocole d’accord avec le Qatar concernant la coopération en matière de contreterrorisme et les USA ont vendu au Qatar des avions de combat pour 12 milliards de dollars[25]. Puis Trump changeait d’orientation et appelait l’Arabie Saoudite et les EAU à régler leurs divergences avec le Qatar. En mars 2018 Trump démet Tillerson de son poste (ce dernier l’apprend par un message sur Twitter…) et nomme le directeur de la CIA Mike Pompeo  pour le remplacer.

Égypte

Le changement de régime en 2013 en Égypte a considérablement modifié la place de ce pays dans la constellation politique régionale.

En février 2011 au 18e jour d’une révolte contre son régime, le président Hosni Moubarak démissionne et remet ses pouvoirs au Conseil suprême des forces armées. Un processus électoral est mis en oeuvre, en janvier 2012 les partis islamistes remportent près des deux tiers des sièges de députés, dont près de la moitié pour les seuls Frères musulmans. En juin le candidat des Frères musulmans Mohamed Morsi est élu président, avec plus de 50 % des voix. En décembre la Constitution défendue par les islamistes au pouvoir est approuvée au terme d’un référendum. Mais en janvier 2013 se déroulent des manifestations marquées par des affrontements avec la police, en juin les mobilisations hostiles au président atteignent une grande ampleur, en juillet Morsi est renversé et un régime lié de nouveau à l’armée est instauré avec comme président le général Abdel Fattah al-Sissi.

Le régime dirigé par al-Sissi désigne les  Frères musulmans comme organisation terroriste. Par la suite, un tribunal applique au Hamas cette même qualification. Concernant la Palestine, al-Sissi promeut l’établissement d’un États palestinien selon les frontières du 4 juin 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale[26]. Récemment, en 2018, est intervenu un rapprochement inattendu entre le régime égyptien et le Hamas, guidé de la part de l’Égypte par l’intention de favoriser le rapprochement entre le Hamas et le Fatah[27].

Immédiatement après la prise du pouvoir par al-Sissi, l’administration US a annoncé quelques restrictions concernant l’assistance militaire et a suspendu des livraisons de matériel militaire; ces mesures ont cependant été annulées ultérieurement. Le maintien de l’aide a été conseillé en particulier du point de vue des intérêts d’Israël[28].

De son côté le gouvernement égyptien a eu recours à un groupe de conseil, Glover Park Group (GPG), pour être assisté dans ses relations avec les USA[29]. Le GPG a été chargé de « fournir des services de diplomatie publique, de conseil en communication stratégique et de relations gouvernementales » au gouvernement. Parmi les membres de l’équipe dirigeante de GPG : Joel Johnson, ex-conseiller du président Bill Clinton. L’un des fondateurs de GPG est Arik Ben-Zvi, qui avait servi dans l’armée israélienne et détient un diplôme en Histoire et Science politique de l’Université de Tel Aviv.

La question de l’aide est une des raisons pourquoi l’administration US s’est abstenue de qualifier la prise du pouvoir par al-Sissi comme coup d’État. En effet la loi US stipule qu’en cas de coup d’État dans un pays, l’assistance militaire doit être suspendue. Toutefois l’Égypte est contrainte de recevoir aussi le soutien financier de l’Arabie Saoudite et des EAU qui contribuent à la modernisation des équipements de l’armée égyptienne et en retour est l’alliée des saoudiens dans leur action au Yémen.

Iran, Syrie

En 1973 Rouhollah Khomeini cherchait des contacts auprès des pays musulmans[30]. Arafat le rencontra dans la résidence de Khomeini en exil en Irak. Il fut convenu d’entrainer les partisans de Khomeini dans les bases du Fatah au Liban. La décision fut mise en pratique entre 1976 et 1978, avec comme résultat la formation de plus de 700 combattants et la constitution du noyau du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique et de l’appareil de renseignement du régime iranien futur. Bon nombre de ces combattants participaient aux attaques du Fatah contre les factions chrétiennes libanaises. Un responsable du Fatah, Hani al-Hassan, dirigeait les activités de renseignement des partisans de Khomeini, puis, avec le retour de celui-ci en Iran, commandait ses gardes du corps. Après la fuite de Mohammad Reza Pahlavi en janvier 1979, Arafat nomma al-Hassan premier ambassadeur à la République islamique d’Iran.

En 1982 Israël envahit le Liban et détruit la base de l’OLP à Beyrouth; la guerre entreprise par l’Irak contre l’Iran perdure. À l’époque, l’Iran recevait des équipements militaires et des armes de divers pays, dont Israël[31].

L’OLP conseille que Khomeini accepte une proposition de l’Irak en vue d’un armistice et se joigne au combat contre Israël. Khomeini refuse en proclamant que « la route de Jérusalem passe par [la ville irakienne de] Karbala ».

En novembre 1979 se tient une conférence de solidarité organisée par l’OLP à Lisbonne. Un des combattants iraniens entrainés par le Fatah, Mohammad Montazeri, s’engage à recruter des volontaires iraniens afin de combattre Israël pour le compte des Palestiniens. Un mois après, les premiers 400 volontaires arrivèrent à Damas, sans être ni invités ni annoncés. Commentaire d’un représentant du FDLP[32] : « C’est juste de la propagande pour ce type en Iran. Nous n’avons besoin de personne dans le sud. Ce ne sont pas les hommes qui nous manquent là-bas. » Mais au lieu de rejoindre l’une des quelques factions palestiniens opérant au Liban, les volontaires déclarèrent leur intention de se rendre au Liban pour établir leur propre mouvement chiite. Ultérieurement, ces activités aboutirent à la formation du Hezbollah au Liban. En 1996 la direction du Hezbollah établit une « unité palestinienne » ayant en charge l’activité à l’intérieur d’Israël, la Cisjordanie et Gaza. Par la suite Imad Mughniyeh qui avait d’abord été garde du corps d’Arafat puis commandant militaire du Hezbollah, annonçait aux contacts palestiniens que l’unité n’était pas censée remplacer les Palestiniens dans les combats, mais devait « assurer tout le nécessaire pour soutenir les combattants de la résistance en Palestine […] pour chasser [les Israéliens] progressivement ». L’Iran établit une formation spécifique au Gaza, al-Sabireen.

Depuis les années 2000, les relations du Fatah avec l’Iran sur le plan militaire consistaient principalement en communications indirects et l’introduction clandestine d’armes, par l’intermédiaire du Hezbollah. Le soutien de l’Iran et du Hezbollah se dirigeait principal vers le Hamas, sous la forme d’entrainement militaire et fourniture d’armements, ultérieurement aussi de financement.

Entre 2010 et 2014, les relations entre le Hamas et l’Iran se distendaient sous l’effet de la lutte du régime syrien et de l’Iran contre les groupes d’opposition sunnites. En 2017 Saleh al-Arouri, peu avant sa désignation comme dirigeant politique adjoint du Hamas, visita l’Iran et déclara la neutralité du Hamas à l’égard des conflits entre sunnites et chiites, y compris la guerre civil syrienne. Selon Al-Arouri, « les factions palestiniennes qui se sont impliquées dans ces conflits dans le passé ont nui à la cause palestinienne ».

L’Iran et le Hezbollah développaient aussi des liens avec d’autres groupes palestiniens, ainsi dans les années 1980 avec le FPLP.

En 1976, les troupes de Hafez al-Assad entrent en conflit avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le Fatah de Yasser Arafat, au Liban, et établissent une alliance de circonstance avec les Phalanges libanaises de Pierre Gemayel[33]. Damas privilégie depuis les groupes qui lui sont directement affiliés : le Fatah-Intifada d’Abou Moussa, un dirigeant du Fatah opposé à Yasser Arafat, Saïqa et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP)‑CG (Commandement général)d’Ahmed Jibril.

Les années 1990 et 2000 permettent toutefois un rapprochement entre certaines factions palestiniennes et un régime syrien opposé aux accords d’Oslo israélo-palestiniens de 1993. Le Hamas entame des négociations avec l’Iran[34]. En 2001, il s’installe à Damas – bien qu’il se réclame de l’idéologie des Frères musulmans, honnis par le parti Baas. L’opposition de Bachar al-Assad à l’invasion américaine de l’Irak, en mars 2003, le soutien logistique et politique aux différents mouvements militaires palestiniens dans la bande de Gaza, la solidarité syrienne avec le Hezbollah libanais lors de la guerre de juillet et aout 2006 face à Israël permettent l’émergence d’un « axe de la résistance » transnational, conjuguant à l’époque des forces étatiques – Syrie, Iran – et politiques – Hamas, Mouvement du Jihad islamique en Palestine (MJIP), Hezbollah.

Face à l’insurrection syrienne de mars 2011 les organisations politiques palestiniennes adoptent des attitudes différentes. Le Hamas s’éloigne peu à peu du régime, tandis que le MJIP tente de préserver ses relations avec la mouvance chiite libanaise et avec Téhéran. Le Fatah et une large partie de la gauche palestinienne peuvent encore pratiquer une position de neutralité. Dès mars 2011, des Palestiniens participent en Syrie aux premiers mouvements de contestation civile contre le gouvernement de Bachar al-Assad. Dans un premier temps, les camps de réfugiés  restent à l’écart des protestations. Les principales mobilisations palestiniennes s’en tiennent à des revendications tournées contre Israël. Les factions palestiniennes les plus liées au régime proclament alors leur soutien indéfectible à Bachar al-Assad – c’est le cas du FPLP‑CG -, mais la majorité d’entre elles tentent d’éviter la confrontation entre celui-ci et l’opposition. Ainsi le Hamas se place dans une perspective de médiation entre les deux parties.

Les premiers signes de fractures interpalestiniennes apparaissent le 6 juin 2011. À l’occasion de la commémoration de la défaite arabe de 1967 face à Israël, est organisée une « marche du retour », tenue à la frontière de la partie du Golan occupée par Israël, clairement encouragée par des autorités syriennes souhaitant redorer leur blason nationaliste. Vingt-trois Palestiniens sont tués par l’armée israélienne. Lors de leurs funérailles au camp de Yarmouk, des manifestants assiègent le local du FPLP-CG. Les tirs des activistes du parti sur la foule font une dizaine de morts. Apparemment, les manifestants dénonçaient l’instrumentalisation faite par le FPLP-CG et par le gouvernement syrien des manifestations tenues à la frontière. Deux mois plus tard, l’armée syrienne mène l’assaut contre le camp de réfugiés d’al-Raml al-Janoubi, près de Lattaquié.

La direction du Hamas quitte Damas au cours du premier semestre 2012, de même que le MJIP. Et, en novembre, son dirigeant Khaled Mechaal participe en Turquie au congrès du Parti de la justice et du développement (AKP) aux côtés du Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan. L’Iran suspend son soutien aux deux mouvements. En janvier 2013, Abou Ahmed Fouad, membre dirigeant du FPLP, exprime l’avis que la fonction de l’organisation, en Syrie, doit se borner à prévenir l’intrusion dans les camps des différentes forces armées, du régime comme de l’opposition. L’Autorité palestinienne et la présidence de Mahmoud Abbas condamnaient les bombardements de l’armée syrienne sur les camps de réfugiés en 2012 et 2013. À l’époque parmi les Palestiniens de Gaza régnait une certaine irritation provoquée par le sentiment que le soutien de la Turquie était dirigé uniquement vers le Hamas, ce qui laissait à douter de sa sincérité[35]. Commentaire de Zulfikar Shiverjo, dirigeant du FPLP à Gaza, aout 2014 : « La Turquie n’a pas d’autre rôle que de persuader le Hamas d’accepter les demandes américaines et israéliennes. » À propos d’Erdoğan : « C’est un menteur. » « La Turquie essaie de se créer une sphère d’influence. Il utilise le Moyen-Orient comme une carte pour montrer à l’UE que la Turquie a une alternative. Si la Turquie devient un jour membre à part entière de l’UE, elle oubliera la question palestinienne. La Turquie a toujours eu des liens politiques, militaires et économiques étroits avec Israël. Son commerce avec Israël a quadruplé depuis l’épisode de Davos [lorsque Erdoğan a dénoncé le président israélien de l’époque Shimon Peres et a quitté la scène]. Le gouvernement Erdoğan utilise Gaza pour ses propres intérêts. Les politiques palestiniennes de l’Iran et de la Turquie sont similaires. Ils exploitent le Hamas pour renforcer leur position dans la région. Si l’Iran résout sa crise nucléaire avec l’Occident, il mettra la Palestine au second plan. » Selon Shiverjo, le soutien turc et qatari au Hamas a contribué à perpétuer la division politique de la Palestine : « Cette politique a fonctionné au cours des sept dernières années. Avec le Hamas à Gaza et le Fatah en Cisjordanie, l’unité politique palestinienne a été scindée. »

En 2020 des signes d’une reprise des relations entre l’Iran et le MJIP apparaissent[36]. Selon un dirigeant du Hamas, « l’Iran a décidé de fournir à la résistance palestinienne le plus grand soutien possible pour faire face au plan d’annexion de la Cisjordanie par Israël. Ce soutien sera plus grand que jamais, sans aucune restriction et comme le souhaite la résistance palestinienne. » Parallèlement, le Hamas discute avec le Fatah d’un plan d’action pour contrer le projet d’annexion d’Israël. Le Hamas avait espéré de trouver auprès du Qatar des financements pouvant supplanter l’Iran, mais il semble que l’organisation a fini par constater que le soutien du Qatar était conditionné à ne pas envenimer le conflit avec Israël. La politique de l’Iran ne se fixe pas de telles limites. Néanmoins, la politique de l’Iran à l’égard de la Palestine est guidée par des considérations utilitaires. Elle est focalisée sur des livraisons d’armes au Hamas pour qu’il ait la capacité d’être un point de fixation qui oblige Israël à consacrer des forces militaires considérables pour maitriser la menace. En effet, selon le Guide suprême Ali Khamenei, « l’Iran a réalisé que le seul problème des combattants palestiniens était le manque d’accès aux armes »[37]. Par ailleurs Khamenei, pour la forme, lance des propositions propagandistes hors des réalités[38]. « Les guerriers palestiniens peuvent mettre en avant l’idée d’organiser un référendum avec la participation des habitants primordiaux de Palestine. Le référendum déterminera le système politique du pays et de ses habitants primordiaux, y compris les Palestiniens déplacés, quelles que soient leur appartenance ethnique et leur religion. » Dans l’ensemble, le discours du régime iranien est surtout empreint de rhétorique grandiloquente. Khamenei[39] : « Je vous le dis avec confiance : le mouvement de descente du régime sioniste a commencé, et il ne s’arrêtera pas. » Ali Shirazi, représentant de Khamenei auprès de l’unité des Gardiens de la Révolution Islamique responsable de la sécurité de Téhéran[40] : « Nous pouvons détruire Israël en 24 heures. »

Turquie

Les relations entre la Turquie et les pays arabes sont marquées historiquement par le démantèlement de l’Empire ottoman. Les contours de la Turquie fondée en 1923 comme État républicain et laïque étaient le résultat de la résistance organisée par Mustafa Kemal, tandis que les dirigeants arabes avaient fait alliance avec les puissances occidentales. Symétriquement les pays arabes formés à l’époque adoptaient vis-à-vis de la Turquie des rapports caractérisés par une distanciation certaine.

Le contexte s’est modifié avec l’arrivée du gouvernement islamo-conservateur au pouvoir en 2002. Erdoğan promeut la vision « néo-ottomane » qui prétend placer la Turquie dans la position d’héritière de l’Empire ottoman. Ahmet Davutoğlu, ancien membre fondateur de l’AKP, qui fut ministre des Affaires étrangères, puis Premier ministre jusqu’en 2016, explique à ce sujet en 2009 [41] :

Comme au 16e siècle, qui a vu la montée des Balkans ottomans au centre de la politique mondiale, nous ferons des Balkans, du Caucase et du Moyen-Orient, avec la Turquie, le centre de la politique mondiale à l’avenir. C’est l’objectif de la politique étrangère turque, et nous y parviendrons. Nous réintègrerons la région des Balkans, le Moyen-Orient et le Caucase, sur la base du principe de la paix régionale et mondiale, pour l’avenir, non seulement pour nous tous mais pour toute l’humanité.

Et Erdoğan déclarera par exemple en 2019 [42] : « On nous demande souvent ce que nous faisons exactement en Libye. Nous y sommes pour défendre nos descendants, nos frères anatoliens. »

Ainsi, à partir de 2009, la Turquie réoriente sa diplomatie, auparavant tournée vers l’UE, à savoir : bon voisinage avec les pays limitrophes, amélioration des relations avec les États arabes, implication croissante au Moyen-Orient. Elle avait reconnu l’État d’Israël en 1949 et depuis elle maintient des relations diplomatiques – avec quelques accrocs récemment -, et des relations commerciales soutenues.

Les relations avec Israël se sont dégradées après l’intervention de ce dernier État dans la bande de Gaza en 2009 et l’interception armée du navire turc Mavi-Marmara (9 morts turcs), qui avait tenté de forcer le blocus de Gaza en 2010. En outre, la découverte au cours de la décennie 2010 de gisements de gaz en Méditerranée orientale a provoqué des tensions entre Israël et Chypre et entre la Turquie et la République turque de Chypre du Nord. Pour assurer ses approvisionnements en gaz, la Turquie a dû améliorer ses relations avec l’Iran (allié de la Syrie), l’Azerbaïdjan et Israël.

En octobre 2011 l’administration du président US, Barak Obama, accusait le gouvernement iranien d’avoir comploté pour assassiner l’ambassadeur d’Arabie saoudite aux USA. En rapport avec cette affaire apparurent des informations rapportées par Hakan Fidan, directeur de l’Organisation national de renseignement de Turquie, selon lesquelles « le roi Abdallah ben Abdulaziz al-Saoud et ses plus proches conseillers avaient évoqué la possibilité que la Turquie remplace les États-Unis en tant que garant de la sécurité du Royaume, notamment vis-à-vis de l’Iran[43]« .

Dans le contexte des mobilisations hostiles aux régimes dans différents pays arabes, en 2011, la Turquie s’est rapprochée de la Tunisie et de l’Égypte. Après le renversement du gouvernement de Mohammed Morsi, un grand nombre de membres des Frères musulmans obtenaient l’asile en Turquie et au Qatar.

En rapport avec le conflit de 2017 au sein du groupe des pays du Golfe, la Turquie se positionnait du côté du Qatar[44]. En novembre 2017 Erdoğan visite la base militaire turque au Qatar. Fidèle à sa vision grandiose du rôle historique assigné à la Turquie, il tient un discours grandiloquent[45] : « Nos attentes de nos héros au Qatar : vous devez conquérir le coeur du peuple du Qatar avec notre amour et notre respect tout en accomplissant votre devoir militaire avec votre arme et votre cœur. […]Être avec nos frères et amis dans les moments difficiles est l’un des plus grands héritages que nos ancêtres nous ont laissés. » Il a déclaré que la différence la plus importante qui distingue un soldat turc de tous les autres soldats est qu’ils « ne suspendent jamais leur moralité, leur conscience, la crainte de Dieu dans l’accomplissement du devoir ».

Divers facteurs poussaient le régime vers un ajustement de ses positionnements politiques. Il se trouvait contrarié dans son intervention en Irak et Syrie, entre autre par les liens des USA avec les YPG kurdes, et ses rapports avec les Frères musulmans plaçait de toute façon la Turquie en opposition à l’Arabie saoudite[46]. En 2015, la Turquie entame l’installation d’une base militaire au Qatar, Tariq bin Ziyad à Doha[47]. Au départ elle n’accueille qu’une centaine de personnes. Suite au conflit qui oppose au Qatar les autres pays du Golfe, la base prend plus d’envergure sous la forme d’un Commandement de Force unie turque-qatari. Le Qatar a acheté de grandes quantités d’armement (pour les trois premiers trimestres de 2019 : 138,753 millions de dollars[48]) et accordé des prêts à la Turquie pour venir en aide à l’industrie d’armement. En 2018 le Qatar a pris une participation dans le capital de BMC, auparavant société nationale, à hauteur de 100 millions de dollars, pour 49,9 % du capital. BMC est un fabricant de véhicules blindés, lié au gouvernement. Globalement, en 2019, les investissements de Qatar en Turquie s’élèvent à 22 milliards de dollars. En 2020, la Turquie a cédé au Qatar 10 % du capital de la bourse Borsa Istanbul.

Sur le plan politique, la Turquie se veut dès lors offensive en vue de revendiquer la tutelle du monde sunnite.

En décembre 2017, Trump annonce que son administration mettra en route le processus pour déplacer son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem. En réaction l’Organisation de Coopération Islamique (OCI), constituée en 1969 à Rabat au Maroc, se réunit en un sommet extraordinaire à Istanbul et publia une déclaration reconnaissant Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine[49]. Dans le domaine des échanges de bons procédés, on peut mentionner aussi le fait que le Qatar partage l’hostilité de la Turquie à l’égard des organisations « terroristes » kurdes. Par exemple la porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères, Lulwa al-Khater, a fait en janvier 2018 la déclaration suivante au sujet de l’invasion turque dans le nord de la Syrie : « Le lancement par l’armée turque de l’opération “Rameau d’olivier” a été motivé par des préoccupations légitimes liées à la sécurité nationale et à la sécurisation des frontières, ainsi qu’à la protection de l’intégrité territoriale de la Syrie contre le danger de la sécession[50].

En 2018, lorsque des dizaines de Palestiniens mobilisés à la frontière de Gaza ont été tués par les Israéliens, les relations de la Turquie avec Israël s’enveniment au point que les deux pays expulsent mutuellement les représentants diplomatiques du plus haut niveau[51]. En juin 2021 la Turquie ratifie un accord de coopération sécuritaire avec l’Autorité palestinienne, qui avait été signé en 2018 [52]. L’accord prévoit l’entrainement des forces de l’ordre palestiniennes ainsi que le conseil et l’assistance techniques en la matière, concernant notamment le crime, le blanchiment d’argent, le trafic de drogue et d’êtres humains. En aout 2020 la Turquie avait fourni des passeports à des membres du Hamas venant à Istanbul, ce qu’Israël a qualifié comme « un pas très inamicale ». Par cette évolution des orientations adoptées par la Turquie celle-ci se place en conflit ouvert avec l’Arabie saoudite. Ainsi, en septembre 2020 la Ligue arabe condamna ce qu’elle qualifiait d’ingérence dans les affaires des pays arabes de la part de la Turquie et de l’Iran[53].

Quand interviennent en mai 2021 les tirs de roquettes à partir de Gaza, c’est le président égyptien al-Sissi qui intervient comme médiateur, en contact avec le président US Biden, et obtient un cessez-le-feu[54]. Par un effet indirect, ces évènements ont aussi conduit à ce que Mahmoud Abbas soit sollicité par les USA et d’autres gouvernements, européens et arabes. De son côté Erdoğan tentait de mobiliser OCI, mais il s’est trouvé mise à l’écart par le succès d’al-Sissi. Une campagne de reconstruction à Gaza a été lancée en coordination avec les USA. Là aussi, la Turquie est laissée de côté, c’est l’Égypte qui figure comme principal participant et son « rôle clé » dans la reconstruction de Gaza est mis en avant par ’administration US.

En mai 2021 Erdoğan, après une conversation téléphonique avec le président russe Vladimir Poutine, lançait l’idée d’envoyer une « force de protection internationale »[55]. La Russie n’a pas montré d’intérêt à une telle initiative. Le communiqué publié par la partie russe signalait[56] : « [Poutine et Erdoğan] ont noté la position de principe russe et turque de soutien à une solution à deux États au conflit palestino-israélien basée sur les normes universellement reconnues du droit international. » Par ailleurs Erdoğan déclarait[57] : « Dans les circonstances d’aujourd’hui, ce serait la ligne de conduite la plus correcte et la plus cohérente pour Jérusalem que la ville soit administrée par une commission de représentants des trois religions. Sinon, il ne semble pas qu’il sera facilement possible d’obtenir une paix durable dans cette ancienne ville. »

Malgré le zèle que déploie Erdoğan pour offrir ses bons offices aux uns et autres, il a dû admettre l’échec quant à ses aspirations expansionnistes irréalistes, et ces dernières années il a tant bien que mal rajusté ses prétentions au niveau international tout en cherchant à stabiliser sa position au niveau national.

La Chine comme promoteur du « multilatéralisme »

Ci-dessus, nous avons limité les considérations principalement au niveau régional. Quant aux puissances impérialistes, la mention des interventions de la part des USA était évidemment incontournable. Il est intéressant aussi d’examiner, parmi les autres grandes puissances, la politique mise en oeuvre au Moyen-Orient par la Chine, parce que des interprétations divergentes au sujet de la nature de cet État circulent. Nous considérons que la Chine se caractérise par des rapports de production et un système social capitalistes. Or, certains, se disant communistes ou même marxistes-léninistes, partagent avec le régime chinois l’appréciation affirmée par celui-ci de poursuivre la construction d’une société socialiste.

[Remarque préalable : dans ce qui suit, nous faisons référence à des déclarations dont des citations plus détaillées sont rassemblées en annexe.]

Suite aux évènements récents en Palestine, la Chine a mis en avant une proposition en quatre points, présentée en mai 2021 par le conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères du pays, Wang Yi[58] : « Le Conseil de sécurité des Nations unies doit réitérer son ferme soutien à la solution à deux États” […]. […] la “solution à deux États” est une solution fondamentale. » Il s’agit de position qui sous des formulations légèrement variées avaient déjà été exposées dans le passé, d’abord en 2013 dans une rencontre avec Mahmoud Abbas, puis renouvelées en 2017.

Ceux qui pensent que la Chine construit une société socialiste ont aussi une appréciation positive de l’activité de la Chine au niveau international. La Chine met en avant une conception des relations internationales basée sur le multilatéralisme. Par exemple, Wang Yi en juillet 2021 [59] :

Maintenir et pratiquer un véritable multilatéralisme est la seul façon de résoudre les problèmes complexes du monde d’aujourd’hui pour parvenir à une paix durable et à une sécurité commune.

Le cas de la Palestine met en évidence le caractère manipulatoire de cette rhétorique. C’est un cas d’école de la façon dont la Chine met en pratique des relations multilatérales, en l’occurrence dans un lien triangulaire que la Chine entretient avec d’un côté les Palestiniens et de l’autre, l’État d’Israël (la Chine a établi des relations diplomatiques avec Israël en 1992), et cela en affirmant qu’il s’agit de relations amicales. Wang Yi en 2013 [60] : « La Chine et Israël possèdent tous deux une civilisation de longue date et se sont appréciés, ont appris l’un de l’autre et communiqué depuis longtemps, ce qui a jeté les bases de notre amitié. »

Benjamin Netanyahu se prête volontiers à une telle approche, bien qu’évidemment il ne souscrive pas à la propagande en faveur du multilatéralisme dans sa globalité. En 2017 Netanyahu est reçu en Chine par le président Xi Jinping (une première rencontre avait eu lieu en 2013). Dans les comptes-rendus publiés par la presse israélienne, on peut lire[61] : « Israël peut être un “partenaire parfait” pour la Chine, a déclaré mardi le Premier ministre Benjamin Netanyahu au président chinois Xi Jinping, saluant les liens technologiques et financiers croissants entre les deux pays comme un développement qui pourrait améliorer la vie de toute l’humanité. […] Dans ses remarques liminaires, Xi a déclaré qu’un “partenariat global dans le domaine de l’innovation” entre Israël et la Chine, annoncé plus tôt mardi par le vice-Premier ministre Liu Yandong, augmenterait fortement la coopération bilatérale, “réalisant des avantages complémentaires pour les deux parties et apportant plus de avantages sur le terrain pour Israël et la Chine”. »

Selon des données de la Banque mondiale pour 2018, dans le commerce extérieur d’Israël la Chine occupe la première place pour les importations, et la deuxième place pour les exportations. En particulier, Israël a historiquement été une source importante de technologie militaire (alors que les USA rechignent à partager leurs capacités dans ce domaine). De 2002 à 2020, les investissements effectués par la Chine en Israël totalisent – selon les données déclarées, incomplètes – 19,444 milliards de dollars US, dont 9,138 pour le secteur des technologies[62].

Ainsi, du point de vue de la Chine, la Palestine et Israël constituent des pièces à placer sur l’échiquier de la concurrence interimpérialiste mondiale, à laquelle la Chine, malgré des apparences artificiellement entretenues, participe pleinement. Or, certains commentateurs prennent ces apparences comme des réalités. Par exemple[63] : « […] la situation évolue avec le poids de la Chine qui appuie le mouvement des non-alignés, c’est le début d’une articulation entre le multilatéralisme au niveau des États et le mouvement des peuples pour la souveraineté et contre l’impérialisme […]. »

Le peuple palestinien ne se résigne pas

Les considérations qui précèdent abordent des aspects plus ou moins éloignés de ce qui est posé au départ comme sujet, à savoir la lutte du peuple palestinien pour la réalisation de son droit à disposer de soi-même. La réalité est ainsi. Lorsque le 29 novembre 1947 l’Assemblée générale de l’ONU adopta un plan de partition de la Palestine, la riposte fut immédiate de la part des Arabes. Dès le lendemain les Arabes palestiniens soutenus par des volontaires de pays arabes voisins passèrent à l’attaque. Le 14 mai 1948, la veille de la fin du mandat britannique sur la Palestine, les autorités juives déclarèrent l’indépendance de l’État d’Israël. Les armées régulières de cinq pays arabes (Liban, Syrie, Irak, Jordanie, Égypte) déclenchèrent alors une opération militaire contre l’occupant sioniste (l’Arabie Saoudite a envoyé une unité pour combattre sous commandement égyptien; le Yémen se considérait en guerre avec Israël mais n’a pas envoyé de troupes). Ce conflit militaire prit fin le 20 juillet 1949, après la signature d’une série d’accords d’armistice. Depuis, la région du Moyen-Orient a constamment subi – comme déjà auparavant – les répercussions des conflits d’intérêts opposant les puissances impérialistes entre elles. En ce qui concerne les Palestiniens, malgré des soubresauts périodiques, les rapports de forces se sont progressivement modifiés à leur détriment. Au bout du compte, du point de vue des impérialistes, la question de la Palestine est quasiment sortie de leurs préoccupations. Elle n’intervient plus que très indirectement, en rapport avec l’Iran et la façon dont ce régime pose ses pions dans certains pays de la région, dont le Gaza avec le Hamas et le Jihad Islamique.

Néanmoins, le combat du peuple palestinien contre l’occupant sioniste reste un facteur essentiel pour la lutte contre les forces impérialistes mondiales, à la fois en lui-même et aussi parce qu’il se conjugue avec les mobilisations dans un certain nombre de pays arabes contre les régimes réactionnaires respectifs.

Annexe

Forces de sécurité nationales palestiniennes

Selon une loi concernant les Forces de sécurité nationales palestiniennes adoptée en 2005, l’ensemble des divisions de sécurité sont fusionnées en trois branches générales : Sécurité nationale sous l’autorité directe du président et qui comprend la sécurité nationale, le renseignement militaire et la garde présidentielle; Sécurité Intérieure sous l’autorité directe du ministre de l’intérieur et qui comprend la Force Préventive, la Police et la Sécurité Publique; Renseignements généraux sous l’autorité du président de l’Autorité palestinienne[64]. En 2016, ces forces comprennent près de 30.000 membres armés, chargés de maintenir la loi et l’ordre dans les zones contrôlées par l’Autorité palestinienne en Cisjordanie. Après la deuxième période « d’Intifada » (2000-2005), les forces de sécurité étaient largement désarticulées, tandis que la victoire du Hamas lors des élections législatives était un facteur d’instabilité. Les USA considéraient alors nécessaire d’apporter un soutien financier et militaire considérable à l’Autorité palestinienne. Et les forces de sécurité palestiniennes assumaient pleinement leur rôle : empêcher les conflits lors des opérations effectuées par les forces israéliennes dans les zones contrôlées par l’Autorité palestinienne en Cisjordanie; arrêter des personnes suspectées de « terrorisme »; limiter les protestations avant qu’elles ne prennent de l’ampleur, ne dégénèrent et n’atteignent les zones de contact entre les surveillances israélienne et palestinienne (autoroutes, colonies, points de contrôle). Parallèlement, l’Autorité palestinienne ne mobilisait plus désormais son propre personnel pour participer à des manifestations.

En janvier 2018, le Département d’État US a suspendu l’aide destinée à l’Autorité palestinienne et à l’agence de l’ONU pour les réfugiés[65]. Cette décision préoccupait l’armée et les agences de sécurité israéliennes, parce que sans l’aide l’Autorité palestinienne « rencontrerait des difficultés à maintenir les capacités de ses forces de sécurité et [par conséquent] son désir de poursuivre la coordination avec Israël ».

Quelques paroles de Mahmoud Abbas peuvent illustrer l’obstination de sa part à se comporter comme Ange gardien d’Israël.

Abbas, en 2007, déclare [66] : « Je tiens à souligner que nous respecterons nos obligations au titre de la feuille de route, afin de lutter contre le chaos, la violence, le terrorisme et d’assurer la sécurité, l’ordre et l’état de droit. »

En 2012, des négociateurs israéliens et palestiniens ont cherché à mettre fin à une grève de la faim de plus de 1.600 prisonniers, grève qui dans certains cas a duré plus de deux mois[67]. Des milliers de Palestiniens se sont mobilisés pour protester contre la situation des prisonniers, s’affrontant parfois aux soldats israéliens, et les dirigeants du Jihad islamique et du Hamas ont prévenu qu’un soulèvement violent pourrait se produire si l’un des prisonniers venait à mourir. Dans ce contexte, Abbas était préoccupé au sujet d’une livraison d’armes par l’Égypte et la Russie destinée aux Palestiniens, qui restait bloquée par Israël à la frontière de la Jordanie. Il dit à propos des autorités israéliennes : « S’ils m’aident à me procurer des armes, je les aide parce que j’agis en faveur de la sécurité. […] Nous voulons la sécurité, de sorte à stopper le terrorisme. Nous avons besoin de ces armes, qui sont légales. […] Je ne peux pas contrôler la situation. […] Je crains, Dieu nous en préserve, que le système de sécurité ici s’effondre. »

En 2014, le Fatah et le Hamas négociaient la formation d’un « gouvernement d’union nationale ». Abbas affirme que sa collaboration avec les forces d’occupation israéliennes se poursuivrait même si l’Autorité palestinienne formait un gouvernement soutenu par le Hamas[68]. « La coordination en matière de sécurité est sacrée, est sacrée. [C’est Abbas qui répète le mot.] Et nous la poursuivrons, que nous soyons en désaccord ou en accord sur la politique. »

Voici un exemple de la perspective qui guide les forces de sécurité palestiniennes. En décembre 2018 à l’occasion du 31e anniversaire de la fondation du Hamas, des affrontements éclatent entre des manifestants et les forces de sécurité palestiniennes[69]. Cinq manifestants sont blessés, quinze arrêtés. Selon les forces de sécurité, leur intervention consistait à empêcher un mouvement de protestation à Hébron, initialement convoqué contre l’occupation israélienne, mais qui constituait en réalité une manifestation contre l’Autorité palestinienne et ses services de sécurité.

USA – Golfe

– 5 juin. Lieutenant Colonel Damien Pickart, un porte-parole du Commandement central des forces aériennes US[70] : « Les USA et la coalition (anti-État islamique) sont reconnaissants aux Qataris pour leur soutien de longue date à notre présence et leur engagement durable en faveur de la sécurité régionale. »

– 5 juin. Eric Pahon, porte-parole du ministère de la Défense (le « Pentagon »)[71] : « Nous encourageons tous nos partenaires de la région à réduire les tensions et à œuvrer pour des solutions communes qui permettent la sécurité régionale. »

– 6 juin. Le Secrétaire d’État Rex Tillerson[72] : « Nous espérons que les parties pourront résoudre ce problème par le dialogue, et nous les encourageons à s’assoir ensemble et à trouver un moyen de résoudre les divergences, quelles qu’elles soient, qui ont conduit à cette décision. »

– 6 juin. Trump sur Twitter[73] : « Lors de mon récent voyage au Moyen-Orient, j’ai déclaré qu’il ne pouvait plus y avoir de financement de l’idéologie radicale. Les dirigeants ont pointé du doigt le Qatar – regardez ! »

– 6 juin. Le commandement militaire du Pentagone se trouvait dans l’incapacité de concilier le soutien de Trump à l’isolement imposé au Qatar avec sa propre satisfaction au sujet de l’engagement du Qatar en matière de sécurité régional. À une question se référant directement à cette discordance au cours d’une conférence de presse, un porte-parole, le Capitaine de la Marine Jeff Davis dit[74] : « Je ne peux pas vous aider à propos de cela. »

– 7 juin : Trump sur Instagram[75] : « Tellement bon à voir que la visite de l’Arabie saoudite, avec le roi, et de 50 pays est déjà payante. Ils ont dit qu’ils adopteraient une ligne dure sur le financement de l’extrémisme, et toutes les références pointaient vers le Qatar. Ce sera peut-être le début de la fin de l’horreur du terrorisme ! »

Chine

Proposition en quatre points, présentée en mai 2021 par le conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères du pays, Wang Yi[76] :

[…] un cessez-le-feu et un arrêt des violences sont la priorité absolue. […] Le Conseil de sécurité des Nations unies doit prendre des mesures vigoureuses sur le conflit Palestine-Israël, réitérer son ferme soutien à la « solution à deux États » et faire avancer la situation vers un apaisement au plus tôt. […] la « solution à deux États » est une solution fondamentale. La Chine encourage les deux parties à reprendre leurs négociations de paix basées sur cette solution le plus tôt possible, à établir un État indépendant de la Palestine jouissant d’une souveraineté complète avec Jérusalem-Est comme capitale et basé sur les frontières de 1967, afin de réaliser fondamentalement la coexistence pacifique entre la Palestine et Israël, la coexistence harmonieuse entre les nations arabe et juive et la paix durable au Moyen-Orient.

En 2013, Wang Yi avait été accueilli par des groupes d’amitié israéliens à Jérusalem. Voici un extrait d’un compte-rendu[77] :

Wang Yi a dit, cette visite est pour l’amitié. La Chine et Israël entretiennent une longue histoire d’amitié. Pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque de nombreux pays ont fermé la porte aux Juifs, le peuple chinois a abrité un grand nombre de réfugiés juifs à bras ouverts, offrant une aide non seulement à titre de refuge mais aussi pour s’y établir. C’est dans le besoin que l’on reconnait ses vrais amis. L’amitié scellée dans l’adversité entre les deux peuples est extrêmement précieuse et doit toujours se poursuivre. La Chine et Israël possèdent tous deux une civilisation de longue date et se sont appréciés, ont appris l’un de l’autre et communiqué depuis longtemps, ce qui a jeté les bases de notre amitié. […] Nous pensons que les échanges amicaux entre nous continueront à s’approfondir et à se développer. Wang Yi a dit que cette visite a pour objet la coopération. […] Les deux pays combinant des avantages respectifs ouvriront de larges perspectives de développement bilatéral, et joueront également un rôle important dans l’économie mondiale.

 

 



[1]. Moyen-Orient : Dans le présent contexte, on se réfère aux pays du Proche-Orient (Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Irak, Iran, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Palestine, Qatar, Syrie, Sultanat d’Oman, Turquie et Yémen) et l’Égypte,

[2]https://www.globalfirepower.com/countries-listing.php

Par comparaison, les places des principales puissances mondiales sont : USA, Russie, Chine, Inde, Japon, de 1er à 5e; France 7e, GB 8e, Allemagne 15e.

[3]https://www.timesofisrael.com/uae-diplomat-talks-with-us-on-f-35s-began-after-normalization-deal-was-signed/

[4]https://www.middleeastmonitor.com/20201224-the-abraham-accords-pose-the-most-serious-threat-to-al-aqsa-mosque/

[5]https://www.middleeastmonitor.com/20210716-israel-company-inks-drone-deal-to-boost-uaes-security/

[6]https://lobelog.com/whats-happening-in-the-persian-gulf/

https://www.middleeasteye.net/news/leaked-emails-uae-pro-israel-think-tank-plans-qatar-al-jazeera

https://theintercept.com/2017/06/03/hacked-emails-show-top-uae-diplomat-coordinating-with-pro-israel-neocon-think-tank-against-iran/

[7]https://www.independent.co.uk/voices/saudi-arabia-qatar-donald-trump-sanctions-middle-east-jared-kushner-uae-rex-tillerson-a7824701.html

[8]. L’Arabie saoudite avait rompu les relations diplomatiques avec l’Iran en janvier 2016.

[9]https://gulfnews.com/world/gulf/qatar/what-are-the-13-demands-given-to-qatar-1.2048118

[10]https://www.middleeastmonitor.com/20170608-the-move-against-qatar-signals-a-free-for-all-on-the-palestinian-issue/

https://lobelog.com/whats-happening-in-the-persian-gulf/

[11]https://www.nytimes.com/2017/06/05/world/middleeast/qatar-saudi-arabia-egypt-bahrain-united-arab-emirates.html

[12]https://www.washingtonpost.com/world/national-security/emir-of-qatar-receives-warm-welcome-from-trump-administration-despite-presidents-earlier-criticism/2018/04/09/6ab42224-3c24-11e8-974f-aacd97698cef_story.html

[13]https://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/israel-backs-saudi-arabia-confrontation-qatar

[14]Le Monde diplomatique, octobre 2018.

https://www.monde-diplomatique.fr/2018/10/MOUNIER_KUHN/59150

[15]https://www.washingtonpost.com/world/the-uaes-ambitions-backfire-as-it-finds-itself-on-the-front-line-of-us-iran-tensions/2019/08/11/d3ee41a0-509d-11e9-bdb7-44f948cc0605_story.html

[16]https://www.state.gov/u-s-security-cooperation-with-qatar

(30/7/2021)

[17]https://www.washingtonpost.com/world/as-trump-tries-to-end-endless-wars-americas-biggest-mideast-base-is-getting-bigger/2019/08/20/47ac5854-bab4-11e9-8e83-4e6687e99814_story.html

[18]https://www.researchgate.net/publication/320384878_Qatar_and_Rising_China_An_Evolving_Partnership

[19]https://www.state.gov/u-s-security-cooperation-with-qatar

[20]https://www.washingtonpost.com/world/as-trump-tries-to-end-endless-wars-americas-biggest-mideast-base-is-getting-bigger/2019/08/20/47ac5854-bab4-11e9-8e83-4e6687e99814_story.html

[21]https://www.washingtonpost.com/world/as-trump-tries-to-end-endless-wars-americas-biggest-mideast-base-is-getting-bigger/2019/08/20/47ac5854-bab4-11e9-8e83-4e6687e99814_story.html

[22]https://www.washingtonpost.com/world/as-trump-tries-to-end-endless-wars-americas-biggest-mideast-base-is-getting-bigger/2019/08/20/47ac5854-bab4-11e9-8e83-4e6687e99814_story.html

[23]https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/schmid_benbernou_economie_course_puissance_2020.pdf

[24]https://theintercept.com/2018/08/01/rex-tillerson-qatar-saudi-uae/

[25]https://www.washingtonpost.com/world/national-security/emir-of-qatar-receives-warm-welcome-from-trump-administration-despite-presidents-earlier-criticism/2018/04/09/6ab42224-3c24-11e8-974f-aacd97698cef_story.html

[26]https://www.jpost.com/Arab-Israeli-Conflict/Egypts-Sisi-Jordans-king-say-2-state-solution-not-up-for-compromise-482203

[27]https://www.middleeastmonitor.com/20180115-egypt-is-not-an-honest-broker-for-palestinian-reconciliation/

[28]. Parmi les démarcheurs sionistes on peut citer Jeffrey Goldberg.

Généralement caractérisé comme un faucon libéral, Goldberg a tendance à épouser une vision belliciste du Moyen-Orient, argüant souvent que la menace de la force militaire américaine est essentielle à la politique étrangère américaine dans la région. Il a été l’un des premiers partisans de la guerre en Irak, a préconisé une politique américaine plus interventionniste en Syrie et a longtemps soutenu la menace d’une action militaire contre l’Iran au sujet de son programme d’enrichissement nucléaire, bien qu’il ait également exprimé à divers degrés son soutien à l’avancement des sanctions et la diplomatie au lieu de la force.

https://militarist-monitor.org/profile/jeffrey-goldberg/

Il écrit :

Les alliés américains dans la région – notamment Israël, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la Jordanie et Bahreïn – partagent tous les mêmes adversaires que les dirigeants égyptiens, à savoir : le radicalisme chiite (sous la forme du régime iranien et du Hezbollah ); les Frères musulmans, que l’armée égyptienne réprime brutalement […] et l’extrémisme sunnite (sous la forme d’al-Qaïda et de groupes aux vues similaires, y compris ceux qui terrorisent actuellement la péninsule du Sinaï). Un Hamas faible est dans l’intérêt des États-Unis, d’Israël et, plus important encore, de l’Autorité palestinienne rivale, avec laquelle Israël négocie actuellement sous la supervision des États-Unis. […] Cela n’a pas beaucoup de sens du point de vue d’Israël – ou du point de vue du président palestinien Mahmoud Abbas – de punir l’armée égyptienne alors qu’elle contribue à créer des conditions sur le terrain qui pourraient nuire au Hamas.

https://www.bloomberg.com/opinion/articles/2013-10-09/three-reasons-reducing-egypt-s-aid-is-a-mistake

[29]https://thehill.com/business-a-lobbying/328195-egypt-hires-top-washington-lobbyists-after-us-aid-suspension

https://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/egypt-coup-regime-hires-israel-linked-washington-lobby-firm

https://www.cornfarmerscoalition.org/corn/GMA%20Proposal.pdf

[30]https://www.unitedagainstnucleariran.com/sites/default/files/Iran_and_Palestinian_Movement_040119.pdf

[31]https://www.nytimes.com/1982/03/08/world/iran-said-to-get-large-scale-arms-from-israel-soviet-and-europeans.html

[32]https://www.washingtonpost.com/archive/politics/1979/12/15/plo-now-dubious-about-iranian-revolt-it-once-hailed/d357efb0-dd77-44c4-ac07-51a436f2340b/

[33]https://www.cairn.info/pas-de-printemps-pour-la-syrie–9782707177759-page-264.htm

[34]https://www.lorientlejour.com/article/1262848/lombre-de-liran-plane-sur-le-conflit-entre-le-hamas-et-israel.html

[35]https://www.al-monitor.com/originals/2014/08/turkey-tastekin-gaza-palestine-erdogan-hamas-israel-abbas.html

[36]https://www.al-monitor.com/originals/2020/07/palestinian-hamas-iran-financial-support-israel-annexation.html

https://iranintl.com/en/world/iran-pledges-strong-support-palestinians-zarif-visits-syria

[37]https://www.reuters.com/article/us-iran-israel-khamenei-idUSKBN22Y10L

[38]https://iranintl.com/en/world/khamenei-reiterates-referendum-palestine-avoids-mention-nuclear-talks-speech

[39]https://iranintl.com/en/world/khamenei-reiterates-referendum-palestine-avoids-mention-nuclear-talks-speech

[40]https://iranintl.com/en/world/khamenei-reiterates-referendum-palestine-avoids-mention-nuclear-talks-speech

[41]https://www.esiweb.org/rumeliobserver/2010/12/04/multikulti-and-the-future-of-turkish-balkan-policy/

[42]https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/18/de-la-syrie-a-la-libye-le-projet-neo-ottoman-d-erdogan_6043286_3210.html

[43]https://www.middleeastmonitor.com/20201013-saudi-arabia-saw-turkey-as-a-security-guarantor-in-2011-why-not-in-2020/

https://wikileaks.org/clinton-emails/emailid/10054

[44]https://www.middleeasteye.net/fr/news/gulf-crisis-can-turkey-save-qatar-1530992747

[45]https://www.aa.com.tr/en/energy/energy-security/president-erdogan-visits-turkey-military-base-in-qatar/14567

[46]https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/schmid_benbernou_economie_course_puissance_2020.pdf

[47]https://www.clingendael.org/pub/2021/drivers-of-turkish-qatari-relations/4-turkish-and-qatari-cooperation-on-security-and-defence/

https://www.atlanticcouncil.org/blogs/turkeysource/the-end-of-the-gulf-rift-may-not-signal-the-end-of-turkey-qatar-relations/

[48]https://www.sozcu.com.tr/2019/ekonomi/savunma-sanayi-ihracati-rekor-kirdi-5371940/

[49]https://www.middleeastmonitor.com/20171214-us-oic-declaration-may-lead-to-major-shifts-in-region/

[50]https://www.lorientlejour.com/article/1095784/soutien-du-qatar-a-loffensive-turque-contre-des-kurdes-en-syrie.html

[51]https://www.newdelhitimes.com/turkey-seeks-proximity-with-israel-palestine-is-screensaver/

[52]https://ahvalnews.com/turkey-palestine/turkey-palestinian-authority-security-cooperation-goes-effect

[53]https://www.middleeastmonitor.com/20201013-saudi-arabia-saw-turkey-as-a-security-guarantor-in-2011-why-not-in-2020/

[54]https://www.trmonitor.net/article/israel-palestine-collided-turkey-lost/

[55]https://www.washingtonexaminer.com/policy/defense-national-security/Erdogan-pushes-for-turkey-to-oversee-jerusalem-and-provide-air-support-to-palestinians

https://www.washingtonexaminer.com/policy/defense-national-security/Erdogan-wants-to-deploy-anti-israel-protection-force-gaza

[56]http://en.kremlin.ru/events/president/news/65560

[57]https://www.aa.com.tr/en/turkey/erdogan-turkey-to-continue-jerusalem-watch-with-84m-altogether/2244736

[58]http://french.xinhuanet.com/2021-05/17/c_139950774.htm

[59]https://news.cgtn.com/news/2021-07-03/Wang-Yi-stresses-opposition-to-hegemony-calls-for-multilateralism-11ALyaKVeko/index.html

[60]http://www.china-embassy.org/eng/zgyw/t1111657.htm

[61]https://www.timesofisrael.com/israel-can-be-perfect-partner-for-china-netanyahu-says/

[62]https://www.inss.org.il/publication/chinese-investments/

[63]https://histoireetsociete.com/2021/04/05/cuba-nest-pas-seul-par-comaguer/

[64]https://aohr.org.uk/wp-content/uploads/2020/09/Israel_service-web.pdf

[65]https://www.middleeastmonitor.com/20180128-israel-aid-cut-to-harm-security-coordination-with-pa/

[66]https://www.mfa.gov.il/mfa/mfa-archive/2007/pages/address%20by%20palestinian%20president%20mahmoud%20abbas%20to%20the%20annapolis%20conference%2027-nov-2007.aspx

[67]https://www.nytimes.com/2012/05/13/world/middleeast/palestinians-and-israelis-in-talks-to-end-hunger-strike.html

[68]https://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/mahmoud-abbas-collaboration-israeli-army-secret-police-sacred

[69]https://www.timesofisrael.com/pa-security-forces-use-batons-to-beat-hamas-protesters-in-west-bank/

[70]https://www.reuters.com/article/us-gulf-qatar-usa-military-idUSKBN18W277

[71]https://thehill.com/policy/defense/336454-qatar-split-raises-problems-for-us-with-iran-isis

[72]https://www.reuters.com/article/gulf-qatar-usa-pentagon/pentagon-says-mattis-speaks-to-qatars-defense-minister-idUKL1N1J31XF

https://www.al-monitor.com/originals/2017/06/qatar-crisis-trump-tweets-mediation.html

[73]https://www.reuters.com/article/us-gulf-qatar-trump-idUSKBN18X1I6

[74]https://www.reuters.com/article/us-gulf-qatar-usa-pentagon-idUSKBN18X2G2

[75]https://www.instagram.com/p/BVBQGWtg7OI/

https://www.reuters.com/article/gulf-qatar-trump-emirates-idAFW1N1ID04N

https://www.reuters.com/article/us-gulf-qatar-sanctions-idUSKBN18Z2ZU

[76]http://french.xinhuanet.com/2021-05/17/c_139950774.htm

[77]http://www.china-embassy.org/eng/zgyw/t1111657.htm